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==== Les définitions de Tarski et de Russell-Whitehead ====
==== Les définitions de Tarski et de Russell-Whitehead ====
[[Alfred Tarski]] a donné en 1924<ref>Alfred Tarski 1924, article cité en bibliographie.</ref> une définition des ensembles finis (reprise dans certains ouvrages plus récents<ref>Patrick Suppes ''Axiomatic set theory'' Van Nostrand 265 p.</ref>{{,}}<ref>Roland Fraïssé ''Logique mathématique'', t.1 Gauthier-Villars Paris 1971, {{p.}}12-13-14</ref>) qui ne réfère pas à une définition préalable des entiers et qui s'avère équivalente aux précédentes dans une théorie des ensembles sans [[axiome du choix]] et qui est :
[[Alfred Tarski]] a donné en 1924<ref>Alfred Tarski 1924, article cité en bibliographie.</ref> une définition des ensembles finis (reprise dans certains ouvrages plus récents<ref>Patrick Suppes ''Axiomatic set theory'' Van Nostrand 265 p.</ref>{{,}}<ref>Roland Fraïssé ''Logique mathématique'', t.1 Gauthier-Villars Paris 1971, {{p.}}12-13-14</ref>) qui ne réfère pas à une définition préalable des entiers et qui s'avère équivalente aux précédentes dans une théorie des ensembles sans [[axiome du choix]] et qui est :
:''un ensemble E est fini (au sens de Tarski) si et seulement si toute famille non vide de parties de E admet un élément minimal pour l'inclusion.''
:''un ensemble E est {{Lien|lang=de|trad=Tarski-Endlichkeit|Finitude de Tarski|texte=fini (au sens de Tarski)}} si et seulement si toute famille non vide de parties de E admet un élément minimal pour l'inclusion.''
Cette définition est étroitement associée à une caractérisation inductive des ensembles finis, donnée par [[Bertrand Russell|Russell]] et [[Whitehead]] dans le volume II (1912) des ''[[Principia Mathematica]]''<ref>Selon Tarski, article cité, p. 56, Corollaire 15, Russell et Whitehead ne prennent pas cette caractérisation comme définition mais la donnent comme théorème, dans le cadre de la théorie des types.</ref> :
Cette définition est étroitement associée à une caractérisation inductive des ensembles finis, donnée par [[Bertrand Russell|Russell]] et [[Whitehead]] dans le volume II (1912) des ''[[Principia Mathematica]]''<ref>Selon Tarski, article cité, p. 56, Corollaire 15, Russell et Whitehead ne prennent pas cette caractérisation comme définition mais la donnent comme théorème, dans le cadre de la théorie des types.</ref> :
:''Un ensemble E est fini (au sens de Russell et Whitehead) quand E appartient à toute famille S de parties de E qui vérifie les deux conditions'' :
:''Un ensemble E est fini (au sens de Russell et Whitehead) quand E appartient à toute famille S de parties de E qui vérifie les deux conditions'' :

Version du 8 avril 2014 à 21:40

En mathématiques, un ensemble E est dit fini si et seulement s'il existe un entier n et une bijection de E sur l'ensemble des entiers naturels strictement plus petits que n, en particulier, si n = 0, E est l'ensemble vide qui est donc bien fini. On montre l'unicité d'un tel entier n, et on appelle celui-ci nombre d'éléments de E, ou cardinal de E, en particulier l'ensemble vide a pour cardinal 0. La notation pour le cardinal varie suivant les ouvrages, on trouve n = card(E), n = #E, n = |E|, ou encore n = E (notation originelle de Georg Cantor).

Cette définition fait référence aux entiers, mais certains mathématiciens et logiciens ont souhaité fonder les mathématiques sur la notion d'ensemble qui leur semblait plus primitive. Des définitions d'ensemble fini ont été proposées, qui ne faisaient pas référence aux entiers. La plus célèbre est probablement celle de Dedekind[1], qui caractérise la finitude comme la négation d'un critère qu'il est le premier à choisir comme définition de l'infinitude : un ensemble est fini au sens de Dedekind si et seulement s'il ne peut pas être mis en bijection avec l'une de ses parties propres. Cette façon de procéder sera vivement contestée[2]. De plus, pour montrer qu'un ensemble fini au sens de Dedekind est fini au sens usuel, il faut l'axiome du choix.

Les développements de la théorie des ensembles, après sa première axiomatisation par Ernst Zermelo, ont permis ensuite de montrer qu'il était possible de définir les entiers dans celle-ci, et donc la définition donnée en termes d'entier peut se voir finalement comme une définition purement ensembliste. Par ailleurs d'autres caractérisations d'ensemble fini ont été données, comme celle d'Alfred Tarski, dont l'équivalence avec la définition usuelle n'utilise pas l'axiome du choix.

Cardinal d'un ensemble fini

Définitions

On précise un peu la définition. Soit n un entier naturel, alors E est un ensemble fini de cardinal n, quand E est en bijection avec les n premiers entiers naturels, soit {xN | x < n} = {0, … , n -1} (N désigne l'ensemble des entiers naturels), ou encore quand E est en bijection avec les n premiers entiers naturels non nuls {1, … , n}. On dit que E est équipotent à chacun de ces deux ensembles.

Cette notion est évidemment stable par équipotence : un ensemble en bijection avec un ensemble fini de cardinal n est lui même fini de cardinal n, la composée de deux bijections étant une bijection.

On dit alors que E est un ensemble fini quand il existe un entier naturel n tel que E soit fini de cardinal n. Un ensemble qui n'est pas fini, est dit infini. On va voir que la classe des ensembles finis est stable par les opérations usuelles de la théorie des ensembles : on ne peut introduire d'ensemble infini par ces opérations, sauf à utiliser un ensemble dont on sait déjà qu'il est infini.

Mais tout d'abord il est nécessaire de montrer les propriétés les plus évidentes des ensembles finis et de leurs cardinaux, à commencer par l'unicité du cardinal c'est-à-dire, pour un ensemble E fini, l'unicité de l'entier n tel que E est en bijection avec {xN | x < n}, qui permet de parler du cardinal d'un ensemble fini E.

L'objet du paragraphe suivant est donc de montrer certaines de ces propriétés, à commencer par l'unicité du cardinal. La définition d'ensemble fini choisie présuppose l'existence (ou la définition ensembliste) des entiers, et on utilisera dans la suite, en plus des propriétés fondamentales comme la récurrence, quelques propriétés arithmétiques élémentaires, à commencer par celles de la relation d'ordre usuelle.

Comparaison des cardinaux et unicité

Le premier objectif est de montrer l'unicité du cardinal. Pour cela on énonce le lemme suivant dont l'énoncé peut sembler un peu contourné car il ne présuppose pas l'unicité du cardinal de l'ensemble E. On va noter dans ce paragraphe et les suivants Nn = {0, …, n-1}.

Lemme. — S'il existe une injection d'un ensemble E dans Nn = {0, … , n-1}, alors E est fini, de plus si cet ensemble E est de cardinal p, alors pn.

On procède par récurrence sur n. Si n = 0, Nn est vide et E forcément vide aussi (le graphe de l'injection est vide).

On suppose le résultat pour Nn. Soit E un ensemble et i une injection de E dans Nn + 1. Le résultat est évident par hypothèse de récurrence si n, le plus grand élément de Nn + 1, n'est pas atteint par l'injection. On suppose donc dans ce qui suit qu'il l'est, et on nomme a l'antécédent de n par i. La restriction de i à E - {a} est une injection de cet ensemble dans Nn, donc, par hypothèse de récurrence, E - {a} est fini, c'est-à-dire en bijection avec un certain Nq, et donc en complétant la bijection en associant q à a, E est fini. Supposons maintenant que E soit de cardinal p, c'est-à-dire qu'il y a une bijection j de Np dans E. On doit montrer que pn + 1. Si l'image par j du plus grand élément p -1 de Np est a, le résultat suit par hypothèse de récurrence : j définit par restriction à Np -1 une injection de cet ensemble dans E - {a} qui, par choix de a, s'injecte dans Nn, donc par hypothèse de récurrence p - 1 ≤ n. Sinon on se ramène à ce cas en composant j avec la transposition qui échange a et l'image de p - 1, et laisse tous les autres points de E fixes.

On en déduit immédiatement l'unicité du cardinal. en effet si un ensemble E est de cardinal n et p, alors il existe par composition une bijection entre Nn et Np, et donc d'après le lemme pn et np.

Proposition. — Si E est un ensemble fini, alors il existe un unique entier naturel n tel que E soit de cardinal n.

Cet entier est appelé le cardinal de E, (ou son nombre d'éléments), et on le note dans la suite de cet article card E (d'autres notations existent voir le résumé introductif).

On peut maintenant ré-énoncer le lemme de façon plus directe.

Proposition. — S'il existe une injection d'un ensemble E dans un ensemble fini de cardinal n, alors E est fini de cardinal pn. En particulier un sous-ensemble fini d’un ensemble fini est fini de cardinal inférieur ou égal à celui de l'ensemble qui le contient.

Il peut être vu aussi comme une formulation du principe des tiroirs de Dirichlet, dont l'énoncé usuel est plutôt l'énoncé contraposé :

Il n'existe pas d'injection d'un ensemble fini de cardinal p éléments dans un ensemble fini de cardinal n si p > n,

dit autrement,

toute application d'un ensemble de cardinal p dans un ensemble de cardinal n est telle qu'un élément de l'ensemble d'arrivée a au moins deux antécédents si p > n.

Cardinal de l'image d'un ensemble fini

Une conséquence de la propriété précédente est que :

Proposition. — L'image d'un ensemble fini par une application est un ensemble fini de cardinal inférieur ou égal à celui de l'ensemble de départ.

En effet, on peut se restreindre sans perte de généralité au cas où l'ensemble image est l'ensemble d'arrivée, soit F, qui est donc l'image d'un ensemble fini par une application surjective ; F est alors l'image d'un certain Nn par une application f surjective par composition. On construit une réciproque à droite de f, en associant à tout élément de F son plus petit antécédent (ce sont des entiers). On a ainsi une injection de F dans Nn, d'où le résultat, d'après la proposition précédente.

On peut reformuler ce résultat ainsi :

Si E est un ensemble fini, et f une fonction définie sur E, alors f(E) est fini et Card f(E) ≤ Card E.

Clôture sous les opérations usuelles

Une première remarque est que, comme tout sous-ensemble d'un ensemble fini est fini, on obtient directement la clôture par toute opération qui conduit à construire un sous-ensemble d'un des ensembles d'origine, comme l'intersection, ou la différence ensembliste.

Union

On va montrer que, comme attendu, la réunion de deux ensembles finis est finie, mais pour cela on envisage d'abord l’union disjointe (la réunion de deux ensembles disjoints, c'est-à-dire d'intersection vide), pour laquelle le cardinal correspond à l'addition :

Union disjointe

Si E et F sont deux ensembles finis disjoints, E de cardinal n et F de cardinal p alors EF, la réunion de ces deux ensembles, est finie. et de cardinal n + p.

Si EF = ∅, alors card(EF) = card E + card F.

Si f est une bijection de E dans Nn et g une bijection de F dans Np et si E et F sont disjoints alors l'application de EF dans Nn + p qui à x associe f(x) si x appartient à E et n + g(x) si x appartient à F est une bijection.

Différence et intersection

Si E est un ensemble fini, et F un ensemble quelconque, EF, l'intersection de E et de F, ainsi que EF leur différence, sont des sous-ensembles de E donc finis. Comme E est la réunion disjointe de ces deux ensembles, on en déduit que :

card E = card (EF) + card (EF)

Union binaire

L'union de deux ensembles finis E et F peut se ramener à une réunion disjointe d'ensembles dont nous avons vu qu'ils étaient finis. En effet

EF = (EF) ∪ (EF) ∪ (FE).

On en déduit donc que si E et F sont deux ensembles finis, leur réunion est finie. De plus :

card(EF) = card E + card F - card(EF).

Union finie

On en déduit par récurrence qu'une réunion finie d'ensembles finis est finie. La formule obtenue pour le cardinal de la réunion se généralise.

Produit cartésien

Si E et F sont finis, de cardinaux respectifs n et p, E × F est fini de cardinal np.

Il suffit de montrer le résultat pour les ensembles d'entiers Nn et Np. On vérifie que l'application qui au couple (x, y) associe x+ny établit une bijection de Nn × Np dans Nnp.

Ensemble des parties

L'ensemble des parties P(E) d'un ensemble fini E de cardinal n est un ensemble fini de cardinal 2n.

De façon analogue aux cas précédents on peut se ramener à E = Nn, puisque si f est une bijection d'un ensemble A dans un ensemble B, elle induit une bijection de P(A) dans P(B), en associant à un sous-ensemble X de A le sous-ensemble de B des images par f des éléments de X.

On donne deux démonstrations de ce résultat, la première présuppose un peu plus de connaissances arithmétiques. À un ensemble X de Nn on associe par f l'entier dont la représentation binaire aura 1 comme i-ème chiffre quand i appartient à X, 0 sinon :

.

La valeur maximale atteinte par f l'est pour E (tous les chiffres de la représentation à 1) et f(E)=2n - 1. Un entier strictement inférieur à 2n à une représentation binaire de longueur inférieure à n. L'écriture binaire d'un entier est unique. On en déduit que La fonction f établit donc une bijection de P(E) dans N2n.

On peut aussi se servir uniquement de la définition par récurrence de la fonction exponentielle :sur les entiers naturels. La fonction qui à un entier naturel n associe l'entier naturel 2n est l'unique fonction de N dans N qui satisfait les équations :

20=1 ;  2n+1=2•2n

Il suffit donc de montrer que la fonction qui à un ensemble E de cardinal n associe le cardinal de son ensemble des parties P(E) satisfait ces équations.

C'est vrai pour l'ensemble vide, seul ensemble de cardinal 0, dont l'ensemble des parties est le singleton {∅} ayant pour seul élément cet ensemble.

Soit E un ensemble de cardinal n +1, et qui a donc au moins un élément soit e. Un sous-ensemble de E a ou n'a pas e pour élément. Ceci permet de partager en deux l'ensemble des parties de E :

.

Ces deux ensembles sont disjoints et de même cardinal, par la bijection qui consiste à ajouter e, d'où le résultat. On a bien montré que, si e n'appartient pas à A de cardinal fini :

et donc si E est un ensemble fini :

.

Ensemble des applications d'un ensemble fini dans un ensemble fini

L'ensemble des applications d'un ensemble fini de cardinal n dans un ensemble fini de cardinal p, est un ensemble fini de cardinal pn.

Il y a une bijection évidente de l'ensemble des parties d'un ensemble E dans l'ensemble des applications de E dans {0,1} en associant à un sous-ensemble de E sa fonction caractéristique. C'est le cas particulier p = 2. Le cas général se traite de façon analogue à ce qui a été fait pour l'ensemble des parties.

Axiomatisation

Diverses caractérisations des ensembles finis

Les entiers et les bons ordres

Si on reprend la définition d'ensemble fini en théorie des ensembles d'un point de vue plus axiomatique, elle repose sur la définition qu'on y donne des entiers. Dans la théorie de Zermelo ou de Zermelo-Fraenkel, l'ensemble des entiers naturels, noté ω, est le plus petit ensemble auquel appartient 0 et clos par successeur, où 0 est l'ensemble vide et le successeur d'un ensemble x est l'ensemble obtenu en lui ajoutant x comme élément : le successeur de x est x ∪ {x}. On montre que l'ensemble des entiers naturels est bien ordonné par l'appartenance (comme ordre strict), et donc ses éléments, qui sont aussi des sous-ensembles, le sont aussi. L'ordre large correspondant est l'inclusion ensembliste.

Une caractérisation plus directe, et qui ne nécessite pas l'axiome de l'infini, est de définir les entiers comme les ordinaux finis, c'est-à-dire 0 et tous les ordinaux qui ont un prédécesseur ainsi que tous les ordinaux qui lui sont inférieurs. Dit autrement :

Un ordinal est fini quand tout ordinal non nul qui lui est inférieur ou égal a un prédécesseur.[3]

On appellera dans la suite entier de von Neumann les ordinaux finis, c'est-à-dire, en présence de l'axiome de l'infini, les éléments de ω.

En effet un ordinal fini est bien élément de ω, car deux ordinaux sont toujours comparables, or un ordinal supérieur ou égal à ω ne peut être un ordinal fini, puisque ω n'a pas de prédécesseur. Il reste à montrer que les éléments de ω ont un prédécesseur, ce qui donne le résultat pour les éléments des éléments de ω, car ω est un ensemble transitif. Si n est un élément de ω non nul, il a pour élément 0. Si tous les éléments de n avaient un successeur, n serait un sur-ensemble de ω par définition de ce dernier, or l'appartenance définit un ordre strict sur ω (voir axiome de l'infini). Soit donc p un élément de n qui n'a pas de successeur dans n. Les éléments de p ∪ {p}, le successeur de p, sont tous des éléments de n, n ne peut donc être strictement inférieur au successeur de p. L'ordre sur les ordinaux étant total, n est donc le successeur de p.

Le prédécesseur d'un ordinal, quand il existe, est également le plus grand élément de cet ordinal en tant qu'ensemble ordonné. Tout ensemble en bijection avec un entier de von Neumann est bien ordonné, en transférant l'ordre par la bijection. L'entier de von Neumann est l'ordinal du bon ordre obtenu, c'est-à-dire le seul ordinal isomorphe à ce bon ordre. On peut également définir directement la notion de bon ordre fini :

Un ensemble bien ordonné est fini quand toutes ses parties non vides (y compris l'ensemble lui-même) ont un plus grand élément.

On passe en effet d'un bon ordre quelconque à son ordinal α par définition par récurrence. Si tout ordinal inférieur ou égal à α, qui est également un sous-ensemble de α, a un prédécesseur, celui-ci est par définition le plus grand parmi les éléments cet ordinal. Un sous-ensemble quelconque A de α a même élément maximal que l'ensemble β des ordinaux inférieurs ou égaux à au moins un élément de A, et on montre que β est un ordinal inférieur ou égal à α.

Il est donc équivalent (déjà dans la théorie de Zermelo) de définir un entier comme un élément de ω ou comme un ordinal fini tel que ci-dessus. On en déduit que l'on peut définir de façon équivalente un ensemble fini comme un ensemble qui peut être bien ordonné par un bon ordre fini, c'est-à-dire tel que tout sous-ensemble non vide a un plus grand élément, ce qui, comme un bon ordre est un ordre total, se dit également :

Un ensemble est fini si et seulement s'il existe un bon ordre sur celui-ci dont l'ordre inverse est aussi un bon ordre.[4]

Les définitions de Tarski et de Russell-Whitehead

Alfred Tarski a donné en 1924[5] une définition des ensembles finis (reprise dans certains ouvrages plus récents[6],[7]) qui ne réfère pas à une définition préalable des entiers et qui s'avère équivalente aux précédentes dans une théorie des ensembles sans axiome du choix et qui est  :

un ensemble E est fini (au sens de Tarski) (de) si et seulement si toute famille non vide de parties de E admet un élément minimal pour l'inclusion.

Cette définition est étroitement associée à une caractérisation inductive des ensembles finis, donnée par Russell et Whitehead dans le volume II (1912) des Principia Mathematica[8] :

Un ensemble E est fini (au sens de Russell et Whitehead) quand E appartient à toute famille S de parties de E qui vérifie les deux conditions :
  • ∅ ∈ S (l'ensemble vide appartient à S) ;
  • Si AS et xE, alors A ∪ {x} ∈ S (si A appartient à S, toute partie obtenue en ajoutant un élément de E à A appartient également à S).

Cette définition est également équivalente aux précédentes, toujours dans une théorie des ensembles sans axiome du choix[9].

On montre ces équivalences dans la suite, à savoir qu'un ensemble est fini selon la définition initiale (équipotent à un entier de von Neumann) si et seulement s'il est fini au sens de Tarski, ou encore si et seulement s'il est fini au sens de Russell-Whitehead.

Remarquons tout d'abord que l'image par une bijection d'un ensemble fini au sens de Tarski est un ensemble fini au sens de Tarski.

L'ensemble vide est évidemment fini au sens de Tarski. Par ailleurs si E est un ensemble fini au sens de Tarski, alors un ensemble obtenu en ajoutant à E un élément, soit E ∪ {x}, est encore fini au sens de Tarski. En effet si une famille S non vide de parties de E ∪ {x} contient au moins une partie de S, alors la famille S’ des parties de E qui appartiennent à S admet un élément minimal, pour l'inclusion, qui est aussi minimal dans S. Sinon la famille S’ des parties de E qui, complétées par {x}, appartiennent à S admet un élément minimal. En ajoutant x à celui-ci on obtient forcément un élément de S, minimal dans S.

On en déduit donc que tous les entiers de von Neumann, et donc tous les ensembles finis par passage à la bijection, sont finis au sens de Tarski.

Montrons maintenant que si E est fini au sens de Tarski, alors E est fini au sens de Russell-Whitehead. En effet Soit S une partie de E vérifiant les deux conditions de Russell-Whitehead. Soit T l'ensemble des parties de E dont le complémentaire est dans S :

T = {EX | XS}.

Comme ∅ ∈ S, T est non vide, elle a donc un élément minimal, soit I. Comme le complémentaire inverse l'ordre de l'inclusion, le complémentaire de I, EI, est alors maximal pour l'inclusion dans S. On en déduit que, d'après la seconde condition de Russell-Whitehead, EI = E, c'est-à-dire que E appartient à S.

On termine en montrant que si E est fini au sens de Russell-Whitehead, alors E est fini (équipotent à un entier de von Neumann). En effet, on vérifie facilement que S l'ensemble des parties finies (en bijection avec un entier de von Neumann) de E, satisfait les deux conditions de Russell-Whitehead, et donc que E est en bijection avec un entier de von Neumann.

On a donc démontré l'équivalence entre les trois définitions données d'ensemble fini : en bijection avec un entier de von Neumann, fini au sens de Tarski, fini au sens de Russell-Whitehead, et ceci dans une théorie des ensembles faible (la théorie de Zermelo sans l'axiome de l'infini), en particulier on n'a pas utilisé l'axiome du choix.

La définition de Dedekind

Un ensemble E est fini au sens de Dedekind si et seulement s'il ne peut pas être mis en bijection avec l'une de ses parties strictes (ou encore : toute injection de E dans lui-même est surjective). On a montré en début d'article que si E est fini (au sens utilisé précédemment), alors E est fini au sens de Dedekind, mais la réciproque se démontre avec l'axiome du choix. Plus précisément, l'axiome du choix dénombrable est une condition suffisante (mais non nécessaire) pour que tout ensemble fini au sens de Dedekind soit fini[10]. Par contre, dans une théorie sans axiome du choix, on montre que l'on ne peut exclure l'existence d'ensembles finis au sens de Dedekind qui ne sont pas finis au sens usuel[10].

Les propriétés de clôture du point de vue des axiomes de la théorie des ensembles

On peut réinterpréter et étendre les propriétés de clôture de la classe des ensembles finis au regard des axiomes de la théorie des ensembles. Pour obtenir des propriétés vraiment satisfaisantes, il faut considérer la classe des ensembles héréditairement finis, c'est-à-dire les ensembles qui sont non seulement finis, mais dont les éléments sont aussi des ensembles finis et ainsi de suite.

Les premiers axiomes

En dehors de l'axiome d'extensionnalité et de l'axiome de fondation, les axiomes de la théorie des ensembles ZFC peuvent s'interpréter comme des propriétés d'existence d'ensembles, ou de clôture sous certaines constructions.

Les ensembles finis satisfont le schéma d'axiomes de compréhension, puisque tout sous-ensemble d'un ensemble fini est fini (en particulier l'ensemble vide), l'axiome de la paire, puisqu'une paire de deux ensembles quelconques est finie, l'axiome de l'ensemble des parties, comme vu ci-dessus, mais pas l'axiome de la réunion, puisqu'il n'y a pas de raison que les éléments d'un ensemble fini soient des ensembles finis. Si cette condition est satisfaite on a vu que l'axiome est réalisé.

Le schéma de remplacement

L'image d'un ensemble fini par une classe fonctionnelle est un ensemble fini : c'est la version pour les ensembles finis du schéma d'axiomes de remplacement. Celui-ci a pour conséquence que la classe fonctionnelle en question est une fonction, et nous avons vu que l'image d'un ensemble fini par un ensemble fini est fini. cependant, dans le cas des ensembles finis, le schéma de remplacement n'ajoute rien. On peut démontrer directement, en utilisant l'axiome de la paire et de la réunion, que la classe fonctionnelle est finie, et donc le schéma de remplacement est superflu (il faut également le schéma de compréhension).

L'axiome du choix

Étant donné un ensemble fini E = {A1, … , An} d'ensembles non vides, une fonction de choix f sur E associe à Ai un élément ai est une fonction de graphe fini. L'existence d'une fonction de choix pour un ensemble fini se démontre sans utiliser l'axiome du choix. La fonction se définit par récurrence, en utilisant à chaque étape que l'élément de E en jeu est un ensemble non vide. Il est juste besoin de supposer que l'ensemble sur lequel est défini la fonction de choix est fini.

Par contre on ne peut se passer de l'axiome du choix pour obtenir une fonction de choix sur un ensemble infini même s'il est constitué seulement d'ensembles finis[11]

Les ensembles héréditairement finis

Les ensembles héréditairement finis sont des ensembles non seulement finis, mais dont les éléments sont eux-mêmes finis, et ainsi de suite. Plus formellement, dans la théorie des ensembles de Zermelo-Fraenkel, la classe des ensembles hériditairement finis est la plus petite classe contenant l'ensemble vide et close par passage à l'ensemble des parties. On montre que c'est un ensemble en utilisant l'axiome de l'infini et le schéma de remplacement. On la note Vω[12], c'est le niveau ω de la hiérarchie de von Neumann, plus précisément :

  • V0 = Ø
  • Vn+1 = P(Vn)
  • Vω = nN Vn .

L'entier de von Neumann n appartient à Vn+1, les entiers de von Neumann sont donc héréditairement finis. L'ensemble Vω des héréditairement finis est lui même dénombrable, au sens de la théorie, c'est-à-dire que l'on montre l'existence d'une bijection entre Vω et ω.

On montre que, dans un modèle de ZF, Vω muni de l'appartenance du modèle restreinte à Vω est un modèle de tous les axiomes de ZF excepté l'axiome de l'infini. Celui-ci n'est donc pas démontrable à partir des autres axiomes de ZF.

Notes et références

  1. exposée dans Was sind und was sollen die Zahlen (1888)
  2. Par exemple par Henri Poincaré, dans Science et Méthode, Flammarion (1908), qui écrit : « Bien des géomètres croient qu'on peut réduire les mathématiques aux règles de la logique formelle. Des efforts inouïs ont été tentés dans ce sens ; pour y parvenir, on n'a pas craint, par exemple, de renverser l'ordre historique de la genèse de nos conceptions et on a cherché à expliquer le fini par l'infini. Je crois être parvenu, pour tous ceux qui aborderont le problème sans parti pris, à montrer qu'il s'agit d'une illusion décevante. »
  3. Jean-Louis Krivine, Théorie des ensembles [détail des éditions]
  4. Définition donnée par Paul Stäckel en 1907, selon Tarski 1924, article cité en bibliographie, p 81.
  5. Alfred Tarski 1924, article cité en bibliographie.
  6. Patrick Suppes Axiomatic set theory Van Nostrand 265 p.
  7. Roland Fraïssé Logique mathématique, t.1 Gauthier-Villars Paris 1971, p. 12-13-14
  8. Selon Tarski, article cité, p. 56, Corollaire 15, Russell et Whitehead ne prennent pas cette caractérisation comme définition mais la donnent comme théorème, dans le cadre de la théorie des types.
  9. Il en existe des variantes dues à Wacław Sierpiński en 1919 et Kazimierz Kuratowski en 1921, d'après Alfred Tarski 1924, article cité p 56, et p 47 pour les références bibliographiques précises.
  10. a et b Voir par exemple Horst Herrlich, Axiom of Choice, Springer 2006, (ISBN 978-3540309895), chap 4, p. 48.
  11. cette restriction donne cependant un axiome du choix faible, voir par exemple Horst Herrlich, Axiome of Choice, Springer 2006, chap ch 2 p. 14, 15 et 16.
  12. Jean-Louis Krivine, Théorie des ensembles [détail des éditions] 2007 p. 45-46

Bibliographie