« Franc CFA » : différence entre les versions
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Version du 29 mai 2020 à 20:32
Le franc CFA, officiellement franc de la Communauté financière africaine, est le nom de deux monnaies communes héritées de la colonisation française et utilisées par 14 pays d'Afrique constituant en partie la zone franc :
- le franc de la communauté financière en Afrique (ISO 4217 : XOF et 952)[1], émis par la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest pour les huit États membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ; Remplacé par l'Eco le , prochaine monnaie commune de la CEDEAO[2],[3],[4].
- le franc de la coopération financière en Afrique centrale (ISO 4217 : XAF et 950)[1], émis par la Banque des États de l'Afrique centrale pour les six États membres de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), Une réforme est en débat autour du franc CFA de la CEMAC.
Création
La création du franc CFA résulte du décret no 45-0136 du , fixant la valeur de certaines monnaies des territoires d'outre-mer libellées en francs[5],[6]. Ce décret, signé par Charles de Gaulle, président du Gouvernement provisoire de la République française[5],[6], et contresigné par René Pleven, ministre des Finances[6] et Jacques Soustelle, ministre des Colonies[6], est publié au Journal officiel de la République française le lendemain, .
La parité initiale du franc CFA, en 1945, est de 1,7 franc métropolitain pour 1 franc CFA : cet écart en faveur des pays africains s'explique par le déséquilibre des finances publiques françaises au sortir de la guerre. En 1948, après réévaluation, cette parité est établie à 2 FRF[7].
Terme
L'abréviation CFA signifiait initialement, de 1945 à 1958, « Colonies françaises d'Afrique », puis en 1958-1960, à « Communauté française d'Afrique ». Actuellement, l'abréviation signifie "Communauté Financière Africaine". Cette dernière largement employée dans l'UEMOA, diffère dans l'UMAC. Dans cette partie, le sigle CFA signifie "Coopération financière en Afrique".
En Afrique, les zones franc constituent des espaces monétaires et économiques. Ces ensembles, formés d'États et de territoires, sont issus de l'évolution et des transformations de l'ancien empire colonial français et d'États qui n'étaient pas des colonies françaises, comme le Cameroun et le Togo (d'abord colonies allemandes, puis mandats français), la Guinée équatoriale (espagnole) et la Guinée-Bissau (portugaise). Après l'accession à l'indépendance, la plupart des nouveaux États sont restés dans un ensemble monétaire homogène, dont le cadre institutionnel a été rénové et qui a été structuré par un système de change commun. Leurs devises sont des contre-valeurs à parité fixe avec l'euro, dont la valeur est garantie par le Trésor public français, dans le cadre du traité de Maastricht.
Franc CFA actuel
La zone franc rassemble quatorze États africains en deux groupes :
- huit États d’Afrique de l’Ouest : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo[8], formant l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont l'institut d'émission est la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) ; pour ce groupe, franc CFA est désormais désigné par franc de la communauté financière d’Afrique ; son code ISO 4217 est XOF.
- six États d’Afrique centrale : le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad[8], formant la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), dont l'institut d'émission est la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC) ; pour ce groupe, franc CFA est désigné par franc de la coopération financière d'Afrique centrale ; son code ISO 4217 est XAF.
Outre ces deux banques précitées, depuis 1945, la Banque de France est le troisième acteur de ce système monétaire. Le franc CFA est arrimé à l’euro selon une parité fixe garantie par la France. En contrepartie, les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français sur un compte rémunéré. Tous les ans, la Banque de France reverse les intérêts obligataires de leurs réserves aux pays africains. C’est aussi en France que sont imprimés les billets de francs CFA[9].
Le système garantit aux pays africains concernés la possibilité de convertir le franc dans n’importe quelle autre devise ainsi que la stabilité de la monnaie. Comme le franc CFA est indexé sur l’euro, de brusques dévaluations ne sont pas possibles[3]. De plus, le système permet des transferts de capitaux à l’intérieur de la zone monétaire libres et gratuits[10].
Contrairement à ce qu'affirment certains critiques de la monnaie, l’État français ne fait pas usage des fonds africains déposés à la Banque de France[10] et les États de la zone franc ne paient pas d'impôt « colonial »[11],[12]. Par ailleurs, le Gouvernement français n'oblige pas les États membres de la zone franc à utiliser le franc CFA. Ceux-ci sont libres d'abandonner le franc CFA pour fonder leur propre monnaie : c'est le choix que fit la Guinée en 1960 en créant le franc guinéen, la Mauritanie en 1973 en créant l'ouguiya, le Mali, entre 1962 et 1984, en créant le franc malien[13] ou Madagascar à partir de 1972.
En 2018, le PIB total des 14 pays membres des deux zones francs CFA s'élève à 222 milliards de dollars (USD), une valeur équivalente à 8 % du PIB de la France[14].
Franc CFA historique
Le nombre de pays et territoires utilisant le franc CFA a changé dans le temps, comme certains pays ont introduit leur propre monnaie. Quelques pays d'Afrique de l'Ouest ont aussi choisi d'adopter le franc CFA sans avoir jamais été des colonies françaises.
Créé initialement en 1939, juste avant la Seconde Guerre mondiale, le franc CFA est officiellement né le , jour où la France ratifie les accords de Bretton Woods et procède à sa première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI). Il signifie alors « franc des colonies françaises d'Afrique ». Il est émis par la caisse centrale de la France d'outre-mer.
Il s'agit alors de restaurer l’autorité monétaire française dans ces territoires qui ont été isolés de la métropole durant la Seconde Guerre mondiale, ont souffert de la raréfaction des échanges et ont dû parfois créer des émissions locales appuyées sur d'autres devises que le franc français (par exemple le dollar US), voire accepter des émissions fantaisistes par les troupes armées, ou encore accepter la monnaie des occupants, comme ce fut le cas pour les protectorats et territoires français en Asie, alors que ces territoires, et les institutions financières locales publiques et privées, doivent gérer leurs dettes extérieures à la fin du conflit mondial.
La règle monétaire est simple : dans tous les pays membres circuleront désormais des billets de nom et de graphismes différents mais de valeur respective fixe — la parité. Un franc CFA ou comorien vaudra donc partout et toujours 2 centimes français — 1 franc français vaut donc 50 francs CFA ou comoriens. Les initiales CFA désignent alors la « Communauté financière africaine » pour les sept États de l'Ouest et la « Coopération financière de l'Afrique centrale » pour les six autres pays. Le franc CFA jouit de la « libre convertibilité » rendant l'échange constamment possible à ce cours entre toutes les monnaies.
Cette « libre convertibilité » est à double tranchant, car imprimer du franc CFA équivaut à créer du franc français. La Banque de France aura donc pour tâche de surveiller au plus près les politiques monétaires des trois banques centrales africaines et comorienne. Cette prééminence passe par l'engagement de la Banque de France de fournir en cas de besoin des devises aux trois banques centrales si celles-ci épuisent leurs réserves — en fait elle s'engage à combler les trous. Pour mieux exercer son contrôle, la Banque de France fait centraliser les réserves de change auprès du Trésor français, qui détient donc un « compte d'opération » au nom de chacune des banques centrales. Ces comptes pouvant être débiteurs ou créditeurs, ils génèrent des mouvements d'intérêts.
Pendant longtemps, les soldes ont toujours été à peu près équilibrés, le système ne coûtait pas beaucoup de devises à la France, d'autant plus qu'elle n'intervenait qu'en dernier recours. Les banques centrales devaient d'abord inciter les pays endettés de la zone à négocier en priorité des délais de paiements supplémentaires à leurs créanciers étrangers avant de demander de bénéficier de la couverture du parapluie monétaire français.
En 1958, le franc CFA devient « franc de la communauté française d'Afrique ».
Avec les indépendances, une première critique de nature « idéologique » traverse la zone franc. Selon ses détracteurs, le mécanisme du franc CFA pérennise des relations dépassées entre les pays nouvellement indépendants et l'ancienne métropole coloniale. Les États africains sont privés d'un réel pouvoir monétaire, rouage d'une réelle indépendance. C'est cette conviction qui explique le départ du Mali en 1962 et celui de Madagascar en 1973. Cependant, ces deux pays se retrouvent rapidement avec de sérieuses difficultés économiques et le Mali finit par réintégrer le système en 1984. Cette expérience a finalement servi à renforcer la cohésion des pays membres, ceux-ci ayant vu que la liberté monétaire pouvait surtout être la « liberté de faire faillite ».
Un autre débat tournait autour des conséquences des fluctuations du franc français, car la valeur du franc CFA dépendit longtemps de la politique monétaire française plutôt que de la réalité et des besoins des pays membres de la zone franc. Quand le franc français était dévalué, toutes les autres grandes monnaies devenaient plus chères, leurs produits plus onéreux et leurs dettes en dollars plus lourdes. En revanche, les exportations des pays de la zone franc devenaient plus compétitives, mais comme ces exportations ne concernaient en général que des produits agricoles de base (banane, café, coton, bois...) dont la demande n'est pas élastique, l'avantage s'avérait relativement faible, excepté pour la France qui voyait ses produits industriels acquérir un avantage concurrentiel dans la zone franc, d'où la notion de chasse gardée.
- 1960 : la Guinée commence l'émission du franc guinéen[15] ;
- 1962 : le Mali commence à émettre du franc malien[16] ;
- 1963 : Madagascar émet le franc malgache, devenu un sous-multiple de l'ariary[17](1 ariary = 5 francs malgaches), toutefois arrimé au franc CFA ;
- 1973 : la Mauritanie remplace le franc par l'ouguiya (1 ouguiya = 5 francs CFA) ;
- 1973 : Madagascar et les Comores quittent le système CFA ;
- 1973 : Saint-Pierre-et-Miquelon quitte le franc CFA pour le franc français (puis l'euro);
- 1975 : La Réunion adopte le franc français (puis l'euro);
- 1976 : Mayotte adopte le franc français (puis l'euro);
- 1984 : le Mali revient dans le système CFA (1 franc CFA = 2 francs maliens) ;
- 1985 : la Guinée équatoriale rejoint le système CFA (1 franc = 4 ekwele) ;
- septembre 1993, la « libre convertibilité » est abolie[pas clair].
- 1997 : la Guinée-Bissau rejoint le système CFA (1 franc = 65 pesos)[18].
- 2020 : en Afrique de l'Ouest, le franc CFA (UEMOA), devrait être remplacé par l'eco, le .
Contestations politiques depuis 2015 et histoire récente
Aujourd'hui, l'appellation franc CFA signifie franc de la communauté financière d'Afrique pour les pays membres de l'UEMOA, et franc de la coopération financière en Afrique centrale pour les pays membres de la CEMAC. Mais le franc CFA est aussi brandi comme le symbole de la relation incestueuse entre la France et ses anciennes colonies[19].
En 2014, un journal économique allemand, le Deutsche Wirtschafts Nachrichten, accuse la France de piller chaque année 440 milliards d’euros aux africains à travers le Franc CFA[réf. à confirmer].
En 2015, Kako Nubukpo, ministre togolais chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques, sème la discorde en critiquant ouvertement la BCEAO. Dans un mémo interne de la banque centrale, un chef de service a exprimé le souhait que Kako Nubukpo soit rappelé à l'ordre par les autorités politiques de son pays « pour éviter à l’avenir qu’il continue de formuler des critiques qui n’ont aucun lien avec les objectifs poursuivis lors des colloques au cours desquels il intervient »[20]. En , lors de la formation d'un nouveau gouvernement togolais par le président Faure Gnassingbé, Kako Nubukpo n'est pas reconduit à son poste de ministre[21].
En , c'est au tour du président tchadien Idriss Déby d'appeler les pays africains à sortir de la zone franc CFA : « Il y a aujourd’hui le FCFA qui est garanti par le Trésor français. Mais cette monnaie, elle est africaine. C’est notre monnaie à nous. Il faut maintenant que réellement dans les faits cette monnaie soit la nôtre pour que nous puissions, le moment venu, faire de cette monnaie une monnaie convertible et une monnaie qui permet à tous ces pays qui utilisent encore le FCFA de se développer. [...] L’Afrique, la sous-région, les pays africains francophones aussi, ce que j’appelle la coopération monétaire avec la France, il y a des clauses qui sont dépassées. Ces clauses-là, il faudra les revoir dans l’intérêt de l’Afrique et dans l’intérêt aussi de la France. Ces clauses tirent l’économie de l’Afrique vers le bas, ces clauses ne permettront pas de se développer avec cette monnaie-là. »[22]. De son côté, la France déplorait que le franc CFA soit devenu « une machine à fantasmes », selon lesquels elle l'utiliserait pour imposer ses entreprises et rembourser sa dette publique[19].
Les 16 et se sont tenus des « États généraux du franc CFA » à Bamako. Ils ont été organisés par l'économiste et ancien ministre des finances togolais Kako Nubukpo dans le but de trouver une nouvelle monnaie capable de remplacer l'ancienne devise coloniale[23].
Le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron s'est déclaré, totalement ouvert sur la question de l'avenir du franc CFA, son périmètre, son nom et son existence même.
"N'ayez pas sur ce sujet une approche bêtement post-coloniale ou anti-impérialiste. Ça n’a aucun sens, ça n’est pas de l’anti-impérialisme, ce n’est pas vrai", a répondu le président français à un étudiant qui l'interpellait sur ce sujet, lors d'un échange à l'université de Ouagadougou, au Burkina Faso. "C'est une bonne chose pour un aspect, ça donne de la stabilité à ceux qui l'ont", a-t-il ajouté.
Quant à l'avenir, "la France accompagnera la solution qui sera portée par vos dirigeants", a-t-il déclaré. "J'accompagnerai la solution qui sera portée par l'ensemble des présidents de la zone franc."
"S'ils veulent en changer le périmètre, j'y suis plutôt favorable. S'ils veulent en changer le nom, j'y suis totalement favorable. Et s'ils veulent, s'ils considèrent qu'il faut même supprimer totalement cette stabilité régionale et que c'est mieux pour eux, je considère que c'est eux qui décident et donc je suis favorable".
Emmanuel Macron a déclaré aussi, que "la France n'en était pas le maître, mais le garant". "Personne n'oblige un État à en être membre", a assuré Emmanuel Macron. "Moi, je n'utilise pas l'or du Burkina Faso", a-t-il également ajouté[24].
En 2018, dans un document de 29 pages publié le 13 avril 2018, l'économiste Dominique Strauss-Kahn connu sous l’appellation DSK a dressé, non seulement, un tableau presque élogieux de la monnaie (notamment la bonne performance de la Zone franc au niveau macroéconomique grâce à la garantie dont elle bénéficie), mais relevé les inconvénients qui, selon lui, fragilisent les économies de la région. « Le problème politique devient de plus en plus sensible comme l’ont montré les protestations de l’été 2017 », écrit-il.
«Les choix monétaires ont une dimension technique incontournable. Mais ils procèdent toujours, par ailleurs, d’un choix politique», souligne l’ancien directeur du FMI. « Le caractère inexprimé du lien politique ne peut que favoriser un doute identitaire au sein d’une Afrique dont le rapport au passé colonial est particulièrement complexe et difficile à expliquer », ajoute-t-il.
Par ailleurs, Dominique Strauss-Kahn indique que «certains aspects pratiques nourrissent en Afrique, le soupçon de néo-colonialisme», faisant, entre autres, allusion à dénomination «franc», et au dépôt des réserves auprès du Trésor français.
Sur ce point, l’ancien ministre français de l’économie affirme que «la détention de réserves africains » par son pays «ne représente pas l’avantage que certains imaginent». Paris, en effet, « assume, seule, un risque financier non rémunéré, pour lequel l’opinion africaine ne lui accorde guère de crédit et dont le bénéfice commercial est partagé avec toute la zone euro ». Et d’ajouter que « l’avantage tiré de la parité fixe CFA-euro s’étend aux autres pays de la zone euro ».
Dans son document, Dominique Strauss-Kahn n’a pas manqué de souligner l’impossibilité de modifier la parité et l’absence de dissociation entre les régions d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, de même que la faiblesse de l’intégration régionale : « le marché commun est encore inachevé en Afrique de l’Ouest (région dotée de traditions d’échanges) et il est demeuré en grande partie nominal en Afrique Centrale (régions de forêts aux échanges traditionnellement limité et, aujourd’hui, sous l’empire de la rentre pétrolière) ».
Dans le document, DSK recommande une réforme plus en profondeur de la Zone franc, avant de proposer la réattribution des sièges de la France au sein des instances des banques centrales africaines à des administrateurs internationaux indépendants, l’ancrage à un panier de monnaie plutôt qu’à l’euro seul, une meilleure coordination économique des économies de la région et un processus d’élargissement de l’Uemoa, notamment au Ghana, un pays exclusivement entouré de pays membres de la zone Franc.
« Les symboles du lien avec la France sont autant de sujets permettant de changer à peu de frais l’image du franc CFA », avance DSK qui juge que ces modifications laisseraient en l’état les faiblesses de la Zone, et rendraient les modifications de la parité encore plus problématique, affaiblissant les petits pays.
Et de proposer une série de 3 conditions pour mener les réformes: il s’agit d’une amélioration du dialogue avec les autorités africaines, d’une communication mettant l’accent sur le renforcement de la monnaie et une meilleure association des partenaires européens ainsi qu’une promotion de la coopération entre la BCE (Banque centrale européenne) et les banques centrales africaines[25].
En , Kemi Seba est reçu à Rome par des cadres du Mouvement 5 étoiles[26] afin de leur remettre un dossier sur le Franc CFA et la Françafrique. Quelques mois plus tard, Luigi Di Maio et Alessandro Di Battista fustigent la France pour sa politique de maintien du Franc CFA et son supposé néocolonialisme en Afrique. Ces attaques sont à l'origine d'un incident diplomatique entre la France et l'Italie[26].
En , Les deux vice-présidents du Conseil italien, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, ont multiplié les critiques contre la France et Emmanuel Macron, accusant notamment Paris d’« appauvrir » l’Afrique et de se servir du franc CFA pour poursuivre leur œuvre colonisatrice en Afrique.
L’affaire est née le 20 janvier 2019 quand Luigi Di Maio a déclaré à propos des migrants, « A partir d’aujourd’hui, ceux qui veulent débarquer en Italie, on va les emmener à Marseille. Je vais demander des sanctions contre les pays qui colonisent l’Afrique. La France imprime le franc dans les colonies pour financer une partie de sa dette : pour laisser les Africains en Afrique, il suffirait que les Français restent chez eux », avait-il lâché sur RTL. Le 21 janvier 2019, il a surenchéri. « Tout ce que j’ai dit est vrai, a-t-il insisté. La France imprime une monnaie pour 14 Etats africains et, par conséquent, elle en empêche le développement. Au contraire, elle contribue aux départs des migrants, qui vont ensuite mourir dans la Méditerranée ou débarquer sur nos côtes. Il est temps que l’Europe ait le courage d’aborder le thème de la décolonisation de l’Afrique ».
Ces déclarations ont été jugées « inacceptables » par le Quai d’Orsay qui a convoqué l’ambassadrice d’Italie à Paris, Teresa Castaldo.
Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a tenté de calmer le jeu en assurant que cela ne remettait « pas en question » l’amitié « historique avec la France, pas plus qu’avec le peuple français », évoquant une relation « forte et constante »[27].
En , Bruno Le Maire, ministre des Finances français, dit du franc CFA que : « La Zone Franc, c'est de la stabilité pour les pays africains membres, un moyen de lutter contre l'inflation et une zone qui permet un développement économique dans de bonnes conditions. La France est ouverte à une réforme de cette zone mais c'est aux États membres de décider. »[28].
Le , le président français Emmanuel Macron a déclaré que le sujet délicat de l'avenir du franc CFA pouvait être discuté « de manière apaisée et sans tabou », alors que les pays d'Afrique de l'Ouest ont confirmé leur intention de se doter d'une monnaie commune : « C'est un sujet qu'on doit pouvoir ouvrir et qu'on a décidé d'ouvrir ensemble avec nos partenaires africains, de manière apaisée, sans culte du symbole, sans tabou ni totem » a déclaré Emmanuel Macron à l'issue d'un débat à l'Élysée avec 400 représentants des diasporas africaines de France, auquel participait le président ghanéen Nana Akufo-Addo. Le franc CFA « a une utilité », a insisté le président français, précisant que l'« on doit garder la part de stabilité que ça apporte mais on doit permettre à toute la région de s'intégrer pleinement dans un espace monétaire intégré »[29].
Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a assuré le 11 octobre 2019 que la France était ouverte à « une réforme ambitieuse » du franc CFA, tout en soulignant qu'il revenait aux États membres d'en décider. L’arrimage monétaire du franc CFA à l’euro a permis aux pays d’Afrique centrale d'un côté et de l’Ouest de l'autre d’avoir une monnaie distincte et une inflation d’une rare stabilité sur le continent[30].
Le , le président du bénin Patrice Talon a annoncé, le « retrait des réserves de change du franc CFA » qui se trouvent en France : « La Banque centrale des pays d’Afrique de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) va gérer la totalité de ces réserves de devises et va les répartir auprès des diverses banques centrales partenaires dans le monde », a assuré le chef de l’État béninois, déclarant que cela se ferait « très rapidement »[31].
le , sur Radio France internationale, le président ivoirien Alassane Ouattara a défendu le franc CFA dans son fonctionnement actuel, c’est-à-dire une monnaie attachée à l’euro : « Le fait que nous sommes arrimés à l’euro, si nous empruntons des euros, le moment de les rembourser dans cinq ou dix ans, le taux est fixe. Il n’y a pas de problème. Donc, c’est le même taux auquel nous remboursons. Et si nous avions une monnaie, les gens parlent de monnaie flexible, c’est très bien pour certains pays. Mais nous, nous avons une parité fixe. Je suis désolé de le dire, je suis ancien gouverneur de la Banque centrale et peut-être que je ne suis pas objectif. Si les pays de l’UEMOA n’ont pas tellement de problèmes de dettes, c’est grâce à cette parité fixe »[32].
Le 6 janvier 2020 à Dakar, une cinquantaine d'intellectuels publient une déclaration demandant l'ouverture d'un débat « populaire et inclusif » sur la réforme en cours et rappelant que «la question de la monnaie est fondamentalement politique et que la réponse ne peut être principalement technique»[33].
En Janvier 2020, Dans l’interview accordée au magazine français Paris Match parue sur le site du journal le 11 janvier 2020, l’ancien ministre français des Finances et ex-Directeur général du Fmi, Dominique Strauss-Kahn, estime que le système CFA ne pouvait plus durer, en raison des symboles dont il était lesté.
« Les références au passé colonial [NDLR: avant 1958, l’acronyme CFA signifiait Colonies françaises d’Afrique], les obligations de placer les réserves à la Banque de France, la présence de Français dans les instances monétaires africaines, sont entre autres des raisons qui ne plaidaient pas en faveur de la monnaie CFA », a-t-il estimé.
Pour lui, grand droit et devoir sont ainsi conférés aux africains eux-mêmes qui devront s’assumer sur tous les plans. Les défis économique ainsi que de planification doivent être les priorités pour l’heure qu’il se fait[34].
Le 19 janvier 2020, l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla déclare pour la réforme du franc CFA en Afrique de l’Ouest, annoncée le 21 décembre 2019 par le président français Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara, est loin d’être la panacée. Au-delà du symbole qui consiste à renommer « éco » la monnaie unique ouest-africaine, c’est tout un système qui doit être remis à plat, estime-t-il. Selon le coauteur, avec Fanny Pigeaud, de L’Arme invisible de la Françafrique. Une histoire du franc CFA (éd. La Découverte, 2018), les Etats africains devraient plutôt mettre en place des monnaies nationales souveraines[35].
En 2020, D'après l'hebdomadaire Jeune Afrique, Kako Nubukpo se rendra devant le Sénat français. Selon les précisions de ce média, ce déplacement de l’ancien ministre togolais s’inscrit dans le cadre d’une mission dirigée par Nathalie Goulet.
L’ECO au menu des échanges Au menu des discussions qui seront menées avec les membres de la Commission des Finances du Sénat français, figure en bonne place le passage du franc CFA à l’Eco. Plusieurs aspects de la nouvelle monnaie qui sera utilisée au cours des prochaines années seront abordés. Entre autres, on peut évoquer la rémunération des réserves de change, la nature de la garantie française[36].
En Mai 2020, sur la fin du franc CFA l’Élysée l’assure, il n’y aura « pas d’inflexion notable » sur la politique menée : « L’agenda de Ouagadougou reste la ligne directrice. » Sur tous les « fondamentaux », aucune date butoir n’est encore retenue en France afin de soumettre le projet de loi engageant la fin du franc CFA au Conseil d’État puis au Parlement.
Mais l’Élysée assure que les choses seront effectives «dans les semaines qui viennent».
Une réforme en débat autour du Franc CFA de la CEMAC
Le , à Yaoundé s'est ouvert un sommet extraordinaire de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cémac) présidée par Paul Biya, qui regroupe six pays, pour débattre notamment de l'avenir du franc CFA. Après les pays d'Afrique de l'Ouest pour la monnaie unique, c'est au tour de l'Afrique centrale de questionner la pertinence d'une monnaie aux réserves de change déposées en France et convertible en euro, présentée par certains comme « héritée de la colonisation ». « Les présentes assises nous donnent à nouveau l'occasion d'échanger et d'arrêter des mesures complémentaires pouvant consolider le redressement économique de notre sous-région », a déclaré Paul Biya, Selon le président de la commission de la Cemac, «les lignes du débat sur l’avenir du franc CFA ont bougé». «Les premiers décideurs, sans la moindre ambiguïté, ont indiqué non seulement la voie, mais également l’urgence à la Commission de la Cemac et à la Banque centrale d’approfondir la réflexion afin de leur permettre de décider des modalités de ladite réforme», a déclaré Daniel Ona Ondo.
En outre, les chefs d’État de la Cemac se sont prononcés sur cette question et souhaitent faire évoluer leur monnaie d’autant plus que, a déclaré Daniel Ona Ondo, «notre partenaire la France est disposée à une réforme ambitieuse du franc CFA»[37].
Le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s’est exprimé le 22 décembre 2019, sur RFI au sujet de la question d’une possible évolution du franc CFA en Afrique centrale.
« C’est aux États d’Afrique centrale de le décider », répond le ministre français de l’Économie qui ajoute que «la France est ouverte à des modifications radicales». Déclarant que son pays «veut rentrer de plain-pied dans le XXIème siècle avec des États africains dont l’indépendance monétaire n’est pas contestée», il répète aussitôt que «c’est à chacun de décider de la manière dont il veut avancer, à quel rythme, suivant quelles modalités».
«C’est une zone très différente des Etats d’Afrique de l’Ouest. Mais nous sommes ouverts à la discussion et nous sommes ouverts à des changements similaires», conclut Bruno Le Maire[38].
Le 28 décembre 2019, Le président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, s'est rendu à Abidjan en Côte d'Ivoire.
Lors du point presse à l'issue de cette rencontre entre les deux chefs de d'états, Alassane Ouattara et Teodoro Obiang Nguema, les deux chefs d'états ont également échangé sur la réforme du franc CFA dans la zone Uemoa.
Le président équato-guinéen souhaiterait voir la même réforme en zone Cemac et juge le franc CFA «d'obsolète»[39].
En Janvier 2020, d'après la BBC, plusieurs personnalités de la sous-région Afrique centrale sont à pied d’œuvre pour rendre possible une sortie du FCFA comme cela a récemment été le cas dans la zone UEMOA, L’AFRIX (AFX) est le nom qui est évoqué pour le moment. Son éventuelle création suscite des réactions chez les experts indique la BBC.
De ce qui ressort, cette monnaie viendra calmer les ardeurs des africains progressistes qui appellent de tous leurs vœux une réorganisation monétaire entre la France et ses ex colonies. Les Progressistes par ailleurs, espèrent que le changement ne se limite pas à la simple dénomination. Il doit s’accompagner d’une liberté de contrôle et d’une parité avec les autres devises.
Un raisonnement plus poussé, fait état de ce que les pays concernés par ladite monnaie devront s’atteler à diversifier leur économie pour être à la hauteur des nouveaux challenges qui, en même temps que l’AFRIX verront le jour, précise la même source[40].
En Janvier 2020, Une cinquantaine d'intellectuels publient une déclaration demandant l'ouverture d'un débat «populaire et inclusif» sur la réforme en cours et rappelant que «la question de la monnaie est fondamentalement politique et que la réponse ne peut être principalement technique»[33].
En février 2020, au cours de leur entrevue, Ali Bongo et Daniel Ona Ondo ont également parlé des décisions prises lors de la dernière conférence des chefs d’État, marquée par «la volonté des chefs d’État à plus d’intégration». «J’ai montré au chef de l’État les décisions que nous avons prises concernant les projets intégrateurs. Nous avons des projets pour la zone Franc CFA. J’ai donc eu la chance et l’honneur d’avoir les directives du chef de l’État concernant ces différents dossiers», a-t-il indiqué. À en croire son propos, les réformes engagées sont en bonne voie et les leaders de la zone Cemac étudient un schéma approprié quant à l’avenir du franc CFA.
«Aujourd’hui, nos amis de l’Umoa ont pris la décision de créer l’Eco. Mais naturellement l’Eco fait échos en Afrique centrale. Les chefs d’État en Afrique centrale, lors de la dernière conférence ont demandé à la Commission de la Cemac et la Banque des États de l’Afrique centrale de faire une réflexion rapide pour leur proposer les modalités de réformes du franc CFA. Nous sommes en train de négocier. Donc ce dossier est en cours. Vous savez que la monnaie c’est un problème de souveraineté nationale», a-t-il soutenu[41].
Vers la fin du Franc CFA de l'UEMOA, remplacement par l'Eco
Le 23 août 2019, la 42e session du Conseil de convergence de la Zone monétaire de l'Afrique de l'Ouest (ZMAO), s'est tenue à Conakry, en Guinée. La ZMAO regroupe les pays membres de la Cedeao qui n’utilisent pas le francs CFA. La rencontre a notamment porté sur le lancement d'une future monnaie de l'Afrique de l'Ouest, l'« eco »[42].
En octobre 2019, selon le Fonds monétaire international, le succès du projet de remplacement du franc CFA, en Afrique de l’Ouest, par une monnaie commune - l’eco - dépendra de la prise en compte de certains facteurs à la fois politiques et économiques. Elle s’inquiète par ailleurs du ralentissement de la croissance au sud du Sahara[43]. En outre, la France perd des parts de marché en Afrique, au profit de la Chine, qui est d'ailleurs préférée par les Africains à la France selon les sondages réalisés en Afrique[19].
Le , le président du bénin Patrice Talon a annoncé, le « retrait des réserves de change du franc CFA » qui se trouvent en France : « La Banque centrale des pays d’Afrique de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) va gérer la totalité de ces réserves de devises et va les répartir auprès des diverses banques centrales partenaires dans le monde », a assuré le chef de l’État béninois, déclarant que cela se ferait « très rapidement »[31].
Le 21 décembre 2019, le président ivoirien Alassane Ouattara annonce l'hypothèse du remplacement du franc CFA (UEMOA) par l'eco au cours d'une conférence de presse commune avec le président français Emmanuel Macron en visite officielle en Côte d'Ivoire[2],[3],[4].
Pour Emmanuel Macron, « C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme. Le franc CFA cristallise de nombreuses critiques et de nombreux débats sur la France en Afrique. J’ai entendu les critiques, je vois votre jeunesse qui nous reproche de continuer une relation qu’elle juge postcoloniale. Donc rompons les amarres[3] ».
Cette décision s'accompagne de deux changements : la suppression du compte d’opération à la Banque de France et des sièges occupés par les représentants français au sein des instances de la BCEAO, qui était vécue comme une tutelle par certains États de l'UEMOA[3],[19]. Cependant, la Banque de France assurera la parité entre l'eco et l'euro[3].
Le 21 décembre 2019, la Cedeao « exhorte les États membres à poursuivre les efforts visant le respect des critères de convergence » requis pour la mise en œuvre de la monnaie commune, a déclaré Jean-Claude Kouassi Brou, président de la Commission de la Cedeao à la clôture d’un sommet extraordinaire des chefs d’États ouest-africains à Abuja, au Nigeria, Seul le Togo semble respecter les critères de convergence.
Les critères clés de convergence sont de rester en dessous de 3 % du Produit intérieur brut de déficit, de 10 % d’inflation, avec une dette inférieure à 70 % du PIB.
Tout en se félicitant des « progrès enregistrés », la conférence a demandé au comité ministériel chargé du dossier d’« accélérer » ses efforts en vue de « la création de l’union monétaire de la Cedeao en 2020 ».
Les chefs d’État des 15 pays de la région ont par ailleurs adopté le symbole de l’eco – « EC » – ainsi que le nom de la future Banque centrale de la Cedeao, la « Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest ». Aucun calendrier précis n’a toutefois été annoncé officiellement[44].
Depuis, les réactions sont contrastées : pour Kristalina Georgieva, directrice du FMI, ces changements « constituent une étape essentielle dans la modernisation d'accords de longue date entre l'Union économique et monétaire ouest-africaine et la France »[45]. À l'inverse des économistes africains contestent leur portée, tel Demba Moussa Dembelé qui y voit une façon de « torpiller le projet de la Cédéao ou de le retarder le plus possible. Ils coupent l’herbe sous le pied des critiques en éliminant les symboles qui fâchent sans toucher au fond du problème. Ce que demandent les peuples africains, c’est la fin du franc CFA et non sa réforme. »[46],[47]
Le 30 décembre 2019, le Ghana rappelle qu'il pourrait être le premier pays hors zone CFA à adopter l’eco, ce qui en ferait la première économie de cet espace monétaire devant la Côte d'Ivoire, en attendant que le Nigéria renonce à sa monnaie, le naira. Mais le Ghana conditionne cette adoption à la levée des barrières commerciales et monétaires et à la fin de la parité fixe avec l’euro. Le Ghana invite les autres États de la Cédéao à installer une Banque centrale fédérale[48].
En janvier 2020, d'après plusieurs articles citant des médias locaux, le Nigeria exigerait cinq « conditions non négociables » avant son adhésion à la monnaie unique. Certains évoquent particulièrement les dépôts au Trésor français d'une partie des réserves de change de la future monnaie commune. Concernant ce point, il est déjà question de la fin de cette garantie dans la réforme proposée le 21 décembre dernier. Toujours selon la presse nigériane, Abuja exigerait aussi la gestion de l'éco par la Cédéao elle-même, sans oublier son impression en Afrique et non en France[49].
La Sierra Leone a annoncé le jeudi 9 janvier 2020 de faire connaître très bientôt sa décision sur la future monnaie unique de la Cedeao, l’Eco. La Banque de Sierra Leone (BSL) a annoncé le jeudi 9 janvier 2020 que le pays continuera avec le Leone comme cours légal jusqu’à la réunion du Comité du conseil des gouverneurs de la Cedeao prévue le 16 janvier 2020[50].
Leur communiqué du 16 janvier a aussi fait éclater au grand jour la bataille de leadership qui oppose la Côte d’Ivoire au Nigeria. En critiquant publiquement la décision de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) de rebaptiser le franc CFA « eco » d’ici à 2020, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales de Gambie, du Ghana, de Guinée, du Liberia, du Nigeria et de Sierra Leone ont révélé les divisions de la Cedeao[51].
Le 31 janvier 2020, le président ivoirien Alassane Ouattara a apporté des précisions par rapport au supposé rejet de l’Eco par les 7 pays de la Zone monétaire ouest africaine (ZMAO, (WAMZ en anglais). «C’est une intoxication pure et simple. Il n’y a que cinq pays qui se sont retrouvés à Abuja sur les quinze de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cédéao]», fulmine-t-il, coupant l’herbe sous le pied des anti-Franc CFA, nombreux à crier au «bonnet blanc et blanc bonnet».
«La majorité des pays n’a pas été à cette réunion. Ce n’était pas une réunion des chefs d’Etat, mais de ministres et gouverneurs », a précisé M. Ouattara. « Ce que nous avons décidé au niveau des chefs d’Etat, notre volonté c’est de mettre l’eco en 2020 », sur la base, insiste-t-il, de « conditions »
La première condition, c’est de réunir les 5 critères de performance : déficit de moins 3 %, dette de moins de 70 %, faible inflation, etc. Pour le moment, il n’y a que quatre ou cinq pays, dont la Côte d’Ivoire, qui remplissent ces critères », a-t-il poursuivi, soulignant que le processus devait être « graduel ». « Cinq, huit, dix pays [respectant les critères] peuvent se mettre ensemble », a-t-il dit, ajoutant que d’autres pouvaient ensuite les rejoindre à l’image de la zone euro commencée à onze et qui comprend dix-neuf pays aujourd’hui.
«Nous voulons faire les choses par étapes. Nous ne voulons pas de précipitation, mais nous ne voulons pas non plus que les pays qui ne respectent pas les critères de convergence bousculent le processus», a-t-il conclu[52].
Le 9 février 2020, un sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a eu lieu. De nombreux points ont été abordés. Notamment la mise en place de la monnaie unique (Eco),
Sur la monnaie unique, le communiqué final qui a sanctionné cette rencontre mentionne que la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation sous-régionale est satisfait des importantes évolutions engagées par l’Union économique et monétaire ouest- africaine (Uemoa) dans la création de la monnaie unique. La Conférence a été informée par Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire, président de la Conférence des chefs d’État de l’Uemoa sur la réforme du franc CFA. Cette réforme est une étape pour parvenir à la mise en place de l'eco telle que prévue par la feuille de route adoptée par la Conférence des chefs d’État de la Cedeao. La Conférence a exprimé sa satisfaction sur ces importantes évolutions engagées ainsi que les éclairages apportés par le président de la Conférence des Chefs d’État de l’Uemoa sur cette question’’, lit-on dans le communiqué[53].
Le 10 février 2020, Le Nigeria a demandé un report du lancement de l’eco, monnaie unique ouest-africaine, prévu théoriquement cette année. « La position du Nigeria sur l’eco est que les critères de convergence [entre Etats] n’ont pas été atteints par la majorité des pays » devant adopter cette monnaie commune, a indiqué la présidence nigériane sur son compte Twitter. « Il doit par conséquent y avoir un report du lancement de la monnaie unique », ajoute-t-elle[54].
Le 14 février 2020, Les ministres des Finances des pays anglophones de la Cédéao et de la Guinée, réunis au sein de la Zone monétaire ouest-africaine (ZMAO) vont se réunir à Freetown (Sierra Leone). Objectif, définir de la conduite à tenir dans le processus d’adoption de l'eco. Cette réunion fait suite à celle tenue le 16 janvier 2020 à Abuja sur le sujet avec les gouverneurs des banques centrales des six Etats, après les annonces de réformes[55].
Fin février 2020, l'agence de notation américaine S&P réalise une étude sur la concrétisation du projet de sortie du franc CFA, et se dit rassurée par le fait que l'eco reste arrimé à l'Euro et que la France continue à garantir sa convertibilité. Le lancement de la nouvelle monnaie n'auraient donc pas d'effets immédiats, et une dévaluation n'est à ce jour par prévue. L'étude rappelle de même que « les États membres de l'UEMOA ne seront plus tenus de conserver la moitié de leurs réserves de change sur un compte d'opération au Trésor français. Autrement dit, la banque centrale régionale, la BCEAO, pourra gérer ses réserves de changes comme elle le jugera approprié »[56].
En mars 2020, Le président en exercice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), le nigérien Mahamadou Issoufou, a appelé les députés de la 5e législature du Parlement sous-régional à encourager leurs différents pays à adopter des politiques macroéconomiques qui permettront d'atteindre les critères de convergence pour l'adoption de l'éco-monnaie pour la région.
Dans l’espoir que le projet eco se concrétise, il a déclaré que « les parlements, qui contrôlent l’action des gouvernements, doivent encourager les États à mener des politiques macroéconomiques permettant de réaliser les critères de convergence nécessaires à la réalisation de cette ambition »[57].
Du 28 avril 2020 au 30 avril 2020 à l’Université de Lomé, se déroule des États généraux intitulé «quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’ouest ? ECO 2020». Organiser par Kako Nubukpo[58].
Le 20 mai 2020, La fin du Franc CFA est validée par l'adoption d'un projet de loi qui sera soumis à l’Assemblée nationale et au Sénat français qui entérine cette monnaie commune par le Conseil des Ministres français, le 20 mai 2020[59]. La Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) ne sera plus obligée de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor Public français[60]. La nouvelle monnaie unique ouest-africaine (Eco) devrait voir le jour en juillet 2020.
Arguments « pour » ou « contre » le système du franc CFA
Le franc CFA bénéficie d'une parité fixe avec l'euro, d'une convertibilité totale avec celui-ci et d'une garantie par la Banque de France[19].
Convertibilité
Le franc CFA confère aux pays qui l'ont adopté, grâce à son lien fort avec l'euro, une crédibilité internationale que n'ont pas de nombreux autres pays. En revanche, l'euro s'avérant une devise forte, les pays de la zone franc CFA souffrent de leur monnaie trop surévaluée, tout le contraire de ce qui se passait avant lorsque le franc français connaissait de nombreuses dévaluations — ce qui d'ailleurs avait aussi des côtés négatifs (voir plus haut dans la partie historique)[61].
En ce qui concerne la zone UEMOA, celle-ci doit contracter des crédits auprès de la BCEAO (entre 2,5% et 3,5 %) pour les prêter à ses états membres à un taux d'intérêt proche des 7 %[62].
Mise en commun des réserves
Le franc CFA fonctionnant comme un pot commun de devises, la zone permet un équilibre global des réserves monétaires[63]. Cependant, si ce sont toujours les mêmes pays qui sont créditeurs, la tentation peut s'avérer forte, pour ces pays, de quitter le système. Devenus crédibles par leur appartenance à la zone franc, certains pays comme le Gabon et le Cameroun ont su amorcer une diversification de leurs échanges et fortifier leur économie, ce qui a incité la France à s'interroger sur l'opportunité de continuer à délivrer sa garantie monétaire.
Les pays de la zone franc doivent obligatoirement déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor public français afin de garantir leur liquidité. Ces réserves de change sont déposées sur un compte rémunéré dont les intérêts obligataires sont reversés tous les ans aux pays africains[64].
En 2014, la BEAC et la BCEAO disposaient d'un dépôt, respectivement, de 3 706 et de 5 605 milliards de francs CFA (environ 14,3 milliards d’euros) auprès du Trésor public[65].
Dépenses publiques
La maîtrise de la création monétaire a comme corollaire l'obligation de maîtriser la dépense publique. Le Trésor français consent des avances mais, en aucun cas, elles ne peuvent dépasser 20 % des recettes budgétaires, pays par pays. Tout dérapage se traduit immédiatement par des fins de mois difficiles pour la trésorerie du pays en cause — les retards dans le paiement des factures de l'État et dans le versement des salaires des fonctionnaires constituent ainsi un indicateur de solvabilité des pays de la zone franc.
Cependant, lorsqu'ils sont privés de trésorerie, ces pays ont dans une certaine mesure la possibilité de s'endetter à l'extérieur de la zone franc, auprès de bailleurs de fonds (comme l'Agence française de développement) qui jamais n'auraient consenti de crédits s'ils n'avaient pas eu la garantie que la gestion de leurs finances publiques n'était pas aussi rigoureuse.
Dans la zone franc, le ratio crédit à l'économie sur PIB est de 23 %, alors qu'il est de 100 % dans la zone euro, ce qui provoque une concurrence déloyale entre les pays membres des deux zones[65].
Évaluation par l'Union européenne
En 2008, l'Union européenne a réalisé une évaluation du lien du CFA à l'euro, et a noté que « les avantages de l'intégration économique au sein de chacune des deux unions monétaires de la zone franc CFA, et plus encore entre eux, sont restés remarquablement bas », mais que « le rattachement au franc français et, depuis 1999, à l'euro comme ancrage du taux de change est généralement reconnu d'avoir eu des effets favorables dans la région en termes de stabilité macroéconomique[66]. »
Fonctionnement des unions monétaires
Bien que les devises XOF et les XAF soient désignées communément par le même nom de franc CFA et aient (actuellement) la même valeur, elles ne sont pas interchangeables. Il ne s'agit donc pas d'une zone monétaire commune mais de deux zones juxtaposées.
Initialement les francs CFA émis par les différents instituts étaient librement convertibles ; ce n'est plus le cas depuis septembre 1993.
Entretenant des relations de coopération étroites avec les banques centrales de la zone franc, la Banque de France participe, avec ses consœurs africaines, au fonctionnement des institutions communes de la zone.
Cette coopération permet à ces pays aux économies fragiles et aux systèmes politiques assez souvent instables de bénéficier d'une monnaie stable. Cependant, le lien entre les cours du franc CFA et l'euro ne permet pas aux pays africains de faire varier le cours de leur monnaie en fonction des aspects économiques censés l'influer. Ils subissent donc les aléas économiques de l'Europe et de sa monnaie sans pouvoir intervenir. Ces aléas sont toutefois amortis par le mécanisme du compte d'opérations qui permet de faire varier la quantité de monnaie en circulation dans la zone en fonction de l'appréciation (ou la dépréciation) de l'ancre monétaire.
Avec un euro fort, ils sont handicapés pour exporter leurs produits vers d'autres destinations que l'Europe mais peuvent importer à moindre coût les biens d'équipement hors zone :
- Lorsque l'euro s'apprécie, la quantité de monnaie par rapport au DTS augmente et les Banques centrales créditent le compte d'opérations auprès du Trésor français, diminuant ainsi leurs réserves et pénalisant le mécanisme de crédit. Ce mécanisme permet de contrer l'effet inflationniste de l'euro fort[réf. nécessaire].
- Dans le cas de l'euro faible, c'est le Trésor français qui débite ce compte pour créditer les banques centrales, ouvrant plus fort le robinet du crédit (augmentation de la quantité de monnaie).
Fin 2004, des billets plus sécurisés mais aussi plus fragiles ont été mis en circulation dans les zones BEAC et BCEAO, remplaçant ainsi les anciens billets.
Évolution de la parité du Franc CFA
Date | Événement | Taux de conversion |
---|---|---|
Création du franc CFA | 1 F CFA = 1,70 FF | |
Dévaluation du franc français (FF) | 1 F CFA = 2,00 FF | |
Instauration[67] du nouveau franc français (FRF) | 1 F CFA = 0,02 FRF | |
Dévaluation de 50% du franc CFA | 1 F CFA = 0,01 FRF | |
Arrimage du franc CFA à l'euro | 1 F CFA = 0,00152 € (1 € = 655,957 F CFA)[68] |
Convertibilité
- Garantie en euro par le Trésor français ;
- Possible en devises à travers le marché des changes de Paris, avec l'euro comme étalon ;
- Liberté des transferts au sein de chaque union monétaire ;
- Mesure de suspension de rachat des billets de banque CFA entrée en vigueur le . Auparavant, et ce jusqu'au , la convertibilité des billets était libre et illimitée aux guichets de la banque de France ;
- Mesure de suspension de rachat des billets CFA entre la zone UMOA et la zone UMAC à compter de septembre 1993.
Numismatique
Afrique centrale (BEAC)
La série de pièces actuelles a été mise en circulation en 2006. La gamme de billets date de 2002.
La thématique commune symbolise, au revers des pièces, un panier de fruits tropicaux.
Afrique de l'ouest (BCEAO)
La série de billets actuelle a été mise en circulation en 2003.
Sur chaque pièce et au recto des billets est représenté le logo de la BCEAO, un poisson-scie stylisé. Celui-ci représente une figurine en bronze employée anciennement par les Akan pour peser l'or. Dans leur mythologie, cette espèce incarne la puissance de la mer, la fécondité et la prospérité.
Dans le langage courant
Sénégal (wolof), Niger (haoussa), Mali (bambara), Côte d'Ivoire (baoulé) & Bénin (fongbé)
Sur les marchés, les échanges se font en français en franc CFA ou en dërëm (de l'arabe dirham, lui-même issu de la drachme grecque), en wolof, langue nationale du Sénégal. Un dërëm vaut cinq francs (au Sénégal). C'est-à-dire qu'on compte le nombre de pièces de 5 francs nécessaires à l'échange, plutôt que le nombre de francs en soi, sorte d'unité de compte.
Franc CFA (en français) |
Dërëm (en wolof ou autre) |
Dala
(en haoussa ) |
Wari (en bambara ou autre) |
Sika (en baoulé ou autre) |
Ɖolà (en fongbé ou autre) | |
---|---|---|---|---|---|---|
5 francs CFA | 5 francs | Dërëm (1 dërëm) | Dala (dala 1) | Dɔrɔmɛ kelen (1 dɔrɔmɛ) | Ba-blu kun (1 ba-blu) | Ɖolà ɖokpó (1 ɖolà) |
10 francs CFA | 10 francs | Ñaari dërëm (2 dërëm) | ƴar baka (dala 2) | Dɔrɔmɛ fila (2 dɔrɔmɛ) | Ba-blu nyon (2 ba-blu) | Ɖolà wè (2 ɖolà) |
25 francs CFA | 25 francs | Juroom dërëm (5 dërëm) | ƙadago (dala 5) | Dɔrɔmɛ duuru (5 dɔrɔmɛ) | Ponu kun (1 ponu) | Kpɔ́wùn ɖokpó (1 kpɔ́wùn) |
50 francs CFA | 50 francs | Fukki dërëm (10 dërëm) | ƴar goma (dala 10) | Dɔrɔmɛ tan (10 dɔrɔmɛ) | Ponu nyon (2 ponu) | Kpɔ́wùn wè (2 kpɔ́wùn) |
100 francs CFA | 100 francs | Ñaar fukk dërëm (20 dërëm) | Ishirin (dala 20) | Dɔrɔmɛ mugan (20 dɔrɔmɛ) | Ponu nnan (4 ponu) | Kpɔ́wùn ɛ̀nɛ̀ (4 kpɔ́wùn) |
250 francs CFA | 250 francs | Juroom fukk dërëm (50 dërëm) | Hamsin (dala 50) | Dɔrɔmɛ biduuru (50 dɔrɔmɛ) | Ponu blu (10 ponu) | Kpɔ́wùn wǒ (10 kpɔ́wùn) |
500 francs CFA | 500 francs | Téeméer dërëm (100 dërëm) | Dari (dala 100) | Dɔrɔmɛ kɛmɛ (100 dorèmè) | Ponu ablaon (20 ponu) | Kpɔ́wùn ko (20 kpɔ́wùn) |
1 000 francs CFA | 1 000 francs | Ñaar téeméer dërëm (200 dërëm) | Jikka (dala 100 biyu) | Dɔrɔmɛ kɛmɛ fila (200 dɔrɔmɛ) | Kotoko kun (1 kotoko) | Cakì ɖokpó (1 cakì) |
2 500 francs CFA |
2 500 francs | Juroomu téeméer dërëm (500 dërëm) | Jikka biyu da rabi (dala 100 biyar) | Dɔrɔmɛ kɛmɛ duuru (500 dɔrɔmɛ) | Kotoko nyon ponu ablaon (2 kotoko et 20 ponu) | Cakì wè adaɖé (2,5 cakì) |
5 000 francs CFA | 5 000 francs | Junni dërëm (1 000 dërëm) | Jikka biyar (Dubu) | Dɔrɔmɛ wa kelen (1 000 dɔrɔmɛ) | Kotoko nnun (5 kotoko) | Cakì atɔɔn (5 cakì) |
10 000 francs CFA | 10 000 francs | Ñaar junni dërëm (2 000 dërëm) | Jikka goma | Dɔrɔmɛ wa fila (2 000 dɔrɔmɛ) | Kotoko blu (10 kotoko) | Cakì wǒ (10 cakì) |
Notes et références
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Voir aussi
Bibliographie
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- Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla, L'arme invisible de la Françafrique : une histoire du franc CFA, La découverte,
- L'Afrique libre, ou la mort, récit politique, édition Groupe CCEE, 2018, préfaces de Biram Dah Abeid, Alexandre Douguine, Élie Domota, Pedro Biscay, Djimon Hounsou, Ganiou Soglo et Nicolas Anelka (ISBN 979-1091157292)
- Kako Nubukpo, L’Urgence africaine. Changeons de modèle de croissance, Éditions Odile Jacob, 2019, 236 pages.