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« Histoire du karaïsme » : différence entre les versions

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Christophe cagé (discuter | contributions)
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Avec le temps, les centres religieux karaïtes se sont déplacés, en même temps que les centres de gravité démographiques des populations karaïtes se modifiaient.
Avec le temps, les centres religieux karaïtes se sont déplacés, en même temps que les centres de gravité démographiques des populations karaïtes se modifiaient.


''hakhamim'') aient par la suite réduit ce pluralisme, plusieurs écoles d'interprétation, d'ampleur et de durée inégales, se font concurrence et engendrent des courants comme l'[[ananisme]], le [[benjaminisme]] ou l'[[ashérisme]].
'''[[Perse]] et [[Babylonie]]''' ({{VIIIe siècle|VIIIe}} et {{IXe siècle}}s) : Pendant un peu plus d'un siècle, la communauté va être dirigée par des religieux babyloniens ou perses, ce qui était cohérent avec la zone d'apparition du karaïsme, et au centre de gravité du monde juif de l'époque (le judaïsme rabbinique est également dominé par des religieux babyloniens, les ''[[Gueonim]]'').


De façon générale, les karaïtes non européens conservent des principes voisins sinon identiques à ceux du [[judaïsme rabbinique]], avec des interprétations spécifiques dues au refus du [[Talmud]], tandis que certains courants européens, pour des raisons partiellement tributaires de circonstances historiques, sortent clairement du cadre du judaïsme traditionnel au bénéfice d'une redéfinition non-juive des karaïmes est-européens à compter du {{XIXe siècle}}.
Vers 830-860, [[Benjamin al-Nahawendi|Benjamin ben Moche]] de [[Nahavand|Nehavend]], en [[Histoire de l'Iran|Iran]], est le premier à vraiment mettre en forme la doctrine karaïte<ref name="barnavi-p88" />.


=== Aux origines du mouvement ===
Peu après, à la fin du {{IXe siècle}}, Daniel ben Moshe Al-Qumisi se révèle un des sages karaïtes les plus critiques d'[[Anan ben David]]. Vivant également en [[Iran]], il soutint au début l'enseignement de Anan, qu'il qualifia de ''rosh hamaskilim'' (chef des disciples). Son opposition aux [[ananisme|ananites]] devint cependant de plus en plus forte, et il finit par qualifier Anan de ''rosh ha-kesilim'' (chef des fous). Contrairement à Anan, il refusait toute interprétation allégorique de la Bible, mais le rejoignait dans sa condamnation de l'astronomie, assimilée à l'astrologie et donc à la divination, cette dernière étant interdite par la Bible<ref>Kaufmann Kohler et Samuel Poznanski, [http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=42&letter=D&search=Daniel%20al-Kumisi DANIEL BEN MOSES AL-KUMISI], [[Jewish Encyclopedia]], 1901-1906.</ref>. <br />
Lors de ses polémiques avec les karaïtes au {{IXe siècle}}, [[Saadia Gaon]] accuse ce mouvement d'être d'origine récente, et motivé par les seuls désirs de revanche d'[[Anan ben David]]. Son adversaire karaïte [[Salomon ben Yerouham]], considéré comme un historien sérieux, ne réfute pas le caractère récent des karaïtes<ref name="revel">[[Bernard Revel|Revel, Bernard]], [http://ia301142.us.archive.org/2/items/thekaraitehalaka01reveuoft/thekaraitehalaka01reveuoft.pdf ''The karaite halakah and its relation to sadducean, samaritan and philonian Halakah''], 1911.</ref>.
L'influence de Al-Qumisi sur la karaïsme ultérieure est forte, et montre qu'au contraire du judaïsme rabbinique, unifié par l'interprétation talmudique, le karaïsme de l'époque, tout comme le karaïsme actuel, est un mouvement plus diversifié, prolongeant la pluralité d'interprétations bibliques propres aux [[Courants du judaïsme|sectes]] de la période du [[Second Temple de Jérusalem]].


Cependant, moins d'un siècle après Saadia Gaon, le ''[[hakham]]'' [[Yaaqov al-Qiriqissani]] écrit dans son ''Kitab al-Anwar'' qu'Anan ne fonda que les ananites et que ceux-ci ne s'intégrèrent aux karaïtes qu'ultérieurement<ref>*[http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=241&letter=K&search=Abu%20Yusuf%20Ya'%E1%B8%B3ub%20al-%E1%B8%B2ir%E1%B8%B3isani"Ḳirḳisani, Abu Yusuf Ya'ḳub al-"], ''[[Jewish Encyclopedia]].'' Funk and Wagnalls, 1901-1906.</ref>.<br />
'''Palestine''' ({{Xe siècle|Xe}} et {{XIe siècle}}s) : c'est Al-Qumisi qui aurait développé le karaïsme en Palestine vers la fin du {{IXe siècle}}<ref name="barnavi-p88" />. Le nouveau centre palestinien devient rapidement dominant dans l'enseignement karaïte, et le restera jusqu'aux [[croisades]], deux siècles plus tard. La communauté de la ville aurait été plus importante à l'époque que la communauté rabbanite. Beaucoup des livres importants des Xe et {{XIe siècle}}s y sont rédigés, mais pas tous.
L'auteur karaïte égyptien contemporain Mourad el-Kodsi fait état d'un document égyptien estampillé par [[Amru ben al-As]], le premier gouverneur islamique, daté de l'année 20 après l'[[Hégire]] ([[641]]) où les karaïtes seraient mentionnés par ce nom. Ce document aurait cependant disparu aux alentours du début du vingtième siècle<ref>Mourad El-Kodsi, ''The Karaite Jews of Egypt 1882-1986'', Lyons, N.Y.: Wilprint, 1987, p.2, également cité par [http://www.orahsaddiqim.org/History/Events/The_Name_Karaite.shtml le site de la communauté Orah Saddiqim] et [http://judaism.about.com/library/uc/uc_sects_c.htm Yoseif Yaron].</ref>. L'origine du karaïsme ne peut donc pas être datée avec certitude, la plupart des karaïtes (ainsi que certains historiens, dont Moshe Gil) estimant qu'[[Anan ben David]], s'il fut le premier dirigeant d'envergure à s'opposer au rabbinisme, n'était pas le créateur du mouvement karaïte.


En règle générale, les karaïtes ont tendance à faire remonter leur mouvement à la plus haute antiquité. Ainsi, au {{XVIIIe siècle}}, le ''[[Hakham]]'' [[Mordecai ben Nissan]], reprenant les idées de [[Caleb Afendopolo]] et [[Eliyahou Bashiatzi]]<ref name="revel" /><sup>-</sup><ref>lesquels pourraient s'être inspirés de l'origine qu'attribue [[Juda Halevi]] aux karaïtes dans son [[Kuzari]] en se basant sur ''Kiddoushin'' 66b -- [http://www.turkiye.net/sota/karaiwho.htm ''Important individuals in Karaim history''].</ref>, fait remonter leur existence à [[Juda ben Tabbaï]], un contemporain de [[Shimon ben Shetah]] (Ier siècle avant l'ère chrétienne)<ref>Mordecai ben Nissan, ''Dod Mordekhaï'', réponse à la première question -- [http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=788&letter=M&search=Karaite Singer, Isidore and Isaac Broydé. "Mordecai ben Nissan ha-Zaken".], ''[[Jewish Encyclopedia]]'', Funk and Wagnalls, 1901-1906.</ref>.
Au {{Xe siècle}}, Jacob al-kirkessani rédige en arabe ''le livre des lumière'' et ''tours de garde'', code systématique de la loi karaïte<ref name="barnavi-p88" />.

Selon d'autres, les karaïtes descendraient de la secte des ''tzaddiqim'' (« justes »<ref>http://www.orahsaddiqim.org/History/Events/The_Name_Karaite.shtml</ref>), à ne pas confondre avec les ''tzedouqim'', les sadducéens.

Au {{XIXe siècle}}, [[Avraham Firkovich]] défendait l'idée que « les ancêtres des Karaïtes [de Crimée] étaient venus en [[Crimée]] au septième siècle avant l'ère chrétienne<ref name="Karaite_Movement" /> »

Certains karaïtes sont aussi défendu la thèse selon laquelle ils descendaient de la plus célèbre école juive [[scripturaliste]] (donc opposée à la loi orale) de l'[[antiquité]], les [[Sadducéens]]. Ce rattachement supposé, qui fut utilisée plus tard par les Karaïmes de l'Europe de l'Est afin de se disculper de l'accusation de [[peuple déicide]], avait été condamnée au {{XIIe siècle}} par le ''[[Hakham]]'' [[Juda Hadassi]], qui démontrait leurs nombreux désaccords théologiques, dont la croyance en la résurrection des morts (refusée par les Sadducéens). Elle avait cependant été soutenue par les rabbins médiévaux, dont [[Juda Halevi]], [[Abraham ibn Ezra]], [[Abraham ibn Dawd Halevi|Abraham ibn Dawd]] et [[Moïse Maïmonide]], mais cette opinion pourrait également n'être que le reflet d'une volonté de discréditer la secte en la présentant comme la rémanence de la secte du second Temple, haïe par les rabbanites<ref name="revel" />. Elle fut reprise par l'un des fondateurs du [[judaïsme réformé]], le [[rabbin]] [[Abraham Geiger]], mais contestée par le rabbin [[Bernard Revel]], qui remarque une singulière analogique entre la ''[[halakha]]'' karaïte et celle de [[Philon d'Alexandrie]]<ref name="revel" />

Il a été fait remarquer que le karaïsme aurait également des points communs avec les [[Esséniens]]. Des auteurs (Kowzalsky et al.) ont en effet constaté une «&nbsp;analogie singulière&nbsp;» entre les écrits des anachorètes de la mer Morte et les textes karaïtes. Les écrits du ''[[Hakham]]'' [[Benjamin al-Nahawendi]] porteraient l'influence des ''Magâriyah'' (Hommes des Grottes), qu'[[Abraham Harkavy]] identifie aux Esséniens<ref>Article « Benjamin ben Moses Nahawendi » sur la ''Jewish Encyclopedia'', 1901-1906.</ref>. L'auteur Karaïme moderne [[Simon Szyszman]] défend ainsi une origine essénienne de la doctrine religieuse karaïte<ref name="Szyszman-p23">''Le Karaïsme'', Simon Szyszman, [[éditions L'Âge d'Homme]], [[Lausanne]], 1980, pages 23 à 25</ref>.

Quelle que soit leur version des origines, les karaïtes ne se perçoivent pas comme des innovateurs, mais bien au contraire comme les légitimes continuateurs des courants originels du judaïsme, dont le judaïsme talmudique (ou [[Judaïsme rabbinique|rabbinique]]) se serait éloigné.

Il est toutefois à noter que le karaïsme, s'il s'oppose au judaïsme rabbinique, ne s'en démarque pas totalement, particulièrement dans le cas d'[[Anan ben David]], lequel n'hésita pas à utiliser des méthodes d'herméneutique pharisiennes (les [[treize principes de Rabbi Ishmaël]]) ou à reprendre à son compte des idées exprimées par des [[Pharisiens]] puis rejetés par eux, comme l'ascèse en souvenir de la destruction du Temple<ref>''Talmud'', Baba Batra 60b : « Quand le temple a été détruit pour la deuxième fois, beaucoup en Israël devinrent des ascètes, s'obligeant eux-même à ne pas manger de viande ni à boire de vin. Rabbi Yehoshua entra dans la conversation avec eux [...] n'imposons pas à la communauté des difficultés que la majorité ne peut pas supporter ».</ref>. Il aurait de plus, selon certaines versions, clamé être le dépositaire d'une révélation faite par le [[prophète]] [[Élie]], attribuant à celui-ci un rôle d'intercesseur plus proche de la tradition pharisienne<ref>Kahn, Élie, ''Le petit blond avec les chaussures noires et autres nouvelles talmudiques'', éditions Lichma, 2007.</ref> que de la lecture biblique.

=== Anan ben David ===
{{article détaillé|Anan ben David}}

Au {{VIIIe siècle}}, un talmudiste nommé [[Anan ben David]], d'ascendance davidique supposée, s'élève contre l'hégémonie de l'[[exilarque|exilarcat]] et des [[gueonim]]. Il se rend, ou est peut-être exilé à Jérusalem, où il se livre à une activité missionnaire intense, reprend des pratiques abandonnées, comme la détermination des mois en fonction de la lunaison, ainsi que certaines ordonnances d'[[Abou Issa]], un hérésiarque juif qui l'aurait précédé selon d'un siècle environ, selon [[Jacob Qirqissani|Yaakov Al-Qirqissani]] (un hakham et historiographe karaïte du {{Xe siècle}}, et en abroge d'autres, comme le port des [[tefilin]].

Cependant, s'il fonda à n'en pas douter le courant dit ananite, et est considéré comme un personnage important pour le karaïsme, il n'est pas certain qu'il en soit le créateur : Ya'acov Al-Qirqisani, un hakham karaïte du {{Xe siècle}}, estime que ses disciples le suivaient en tout comme les rabbanites, voire que son exégèse était fortement entachée de rabbinisme. Certains historiens ont formulé, en s'appuyant sur les texte de Qirqissani et de Messaoudi, un lettré musulman ayant écrit à la même période, l'hypothèse que la séparation entre l'ananisme et le judaïsme rabbanite n'eut pas lieu du temps d'Anan ben David (ils fréquentaient en effet les mêmes académies religieuses) mais de son arrière-petit fils, Anan II. A l'inverse, il est possible que le karaïsme ai une origine plus ancienne que Anan, basée sur les sectes [[scripturaliste]]s antérieures.

Il semble en tout cas qu'Anan ben David ait donné aux opposants à la Loi orale deux bases qui leur avaient manqué jusque là : la légitimité d'une ascendance davidique supposée, et les outils pour la critique d'un système talmudique autrement impénétrable.

Le code d'Anan, qualifié par certains de tentative de créer « un nouveau Talmud », comporte certes des ressemblances avec l'[[hanafisme]] mais emprunte aussi au [[Talmud]] (plus précisément aux opinions exposées dans le Talmud, mais n'ayant pas convaincu les Sages du Talmud) et aux sectes juives. Ce foisonnement, qui attire initialement tous ceux que le Talmud laisse « mécontents », finit par ne trouver grâce ni aux yeux des rabbanites, ni même de beaucoup de karaïtes. De plus, la pratique très ascétique de l'ananisme est difficilement compatible avec une vie ordinaire.

===Influence de l'Islam===

La coïncidence de la montée de l'islam et celle du karaïsme a été relevée par certains auteurs<ref name="barnavi-p88" />, et, de façon plus ancienne et plus polémique, dans les milieux du [[judaïsme rabbanite]], où l'on accusait les karaïtes d'être des imitateurs de l'islam<ref name="szyszman-p17">''Le Karaïsme'', Simon Szyszman, [[éditions L'Âge d'Homme]], [[Lausanne]], 1980, pages 17-18.</ref>.

Il existe en effet certaines ressemblances de pratiques (prosternation lors de la prière, qui se fait pieds déchaussés, abstention de vin, etc...) et d'approches (rapport directe entre le fidèle et dieu, entre le fidèle et le texte sacré).

Mais au-delà de ces pratiques, le poids exact de l'islam dans la naissance du karaïsme reste inconnu.

Le rabbin Bernard Revel nie même que le karaïsme puisse n'être qu'une conséquence juive de la montée de l'[[islam]], et du [[chiisme]] en particulier.

=== Évolutions au IXe siècle - Perse et Babylonie===
Du ({{VIIIe siècle|VIIIe}} au {{IXe siècle}}s), soit pendant un peu plus d'un siècle, ce sont des religieux babyloniens ou perses qui se montrent les plus influents, ce qui était cohérent avec la zone d'apparition du karaïsme, et le centre de gravité du monde juif de l'époque (le judaïsme rabbinique est également dominé par des religieux babyloniens, les ''[[Gueonim]]'').

Tant les interprétations que la méthodologie d'Anan commencent à être critiquées au {{IXe siècle}} par ces religieux perses et babyloniens eux-même.

Vers 830-860 EC, [[Benjamin al-Nahawendi]], originaire, ainsi que son nom l'indique de [[Nahavand|Nehavend]], en [[Histoire de l'Iran|Iran]], s'éloigne de certaines méthodes d'interprétation d'Anan (peut-être marquée par l'[[hanafisme]]). Il se fie aux allégories de l'ancienne école judéo-alexandrine, et semble fortement influencé par les écrits esséniens.<br />
Il est le premier, selon Yaaqov al-Qirqissani, à vraiment mettre en forme la doctrine karaïte<ref name="barnavi-p88" /> : faisant fi de l'anti-talmudisme, il adopte de nombreuses ordonnances rabbiniques, tout en énonçant les principes de libre exégèse et de rejet de l'argument d'autorité.<br />
Toutefois, bien que ses analyses diffèrent totalement d'Anan, Benjamin al-Nahawendi n'émet aucune critique explicite à son encontre, du moins qui soit parvenue jusqu'à nous.

Tel n'est pas le cas de son contemporain, Ishmaël d'Akbara, et de ses disciples. Ishmaël, fondateur des Akbarites, n'hésite pas quant à lui à traiter Anan d'« âne » et à abroger ses mesures. D'autres sous-courants du karaïsme, fondés par ses disciples, comme les Mashwites, les Tiflissites et les Ramlites font de même.

Daniel Al-Kumisi, dernière grande figure karaïte du {{IXe siècle}}, également originaire de [[Perse]], passe de l'admiration pour Anan (l'appelant ''rosh hamaskilim'', le chef des éclairés) à la dérision (''rosh hakessilim'', chef des fous). Contrairement à Anan, il fait montre d'un grand respect pour la science et la médecine. <br/>
Il considère que le principe des prescriptions bibliques ne doit pas être interprété allégoriquement, ni expliqué en désaccord avec le sens simple des versets. Il semble avoir été quelque peu influencé par les idées sadducéennes, notamment dans sa conception des anges, et par l'islam.

Les ananites sont donc rapidement mis en minorité et disparaissent totalement au {{Xe siècle}}.

=== Le karaïsme aux Xe et XIe siècle - le centre palestinien===

C'est Al-Qumisi qui aurait développé le karaïsme en Palestine vers 875<ref name="barnavi-p88" />. Le nouveau centre palestinien devient au {{Xe siècle}} dominant dans l'enseignement karaïte, et le restera jusqu'aux [[croisades]], deux siècles plus tard. La communauté de la ville aurait été plus importante à l'époque que la communauté rabbanite. Beaucoup des livres importants des {{Xe siècle}} et {{XIe siècle}}s y sont rédigés, mais pas tous.


Dans la seconde moitié du {{Xe siècle}}, Levi ben Japhet rédige à [[Jérusalem]] un code de lois religieuses, ''le livre des préceptes''<ref name="barnavi-p88" />.
Dans la seconde moitié du {{Xe siècle}}, Levi ben Japhet rédige à [[Jérusalem]] un code de lois religieuses, ''le livre des préceptes''<ref name="barnavi-p88" />.


Mais la plus importante autorité du {{Xe siècle}} est [[Yaaqov al-Kirkissani]]. Outre son importante œuvre sur les sectes juives, il est exégète, législateur, et surtout philosophe. Lui aussi commence par admirer de la personne d'Anan ben David sans parvenir à accepter ses interprétations.<br />
Au début du XIe siècle Joseph ben Abraham Haohen ''ha-ro'é'' (« le voyant ») « polémique contre le [[Saadia Ben Joseph Gaon|gaon Saadia]], et contribue à la diffusion du karaïsme<ref name="barnavi-p88" /> ».
C'est [[Yaaqov al-Kirkissani]] qui rédige en arabe ''le livre des lumière'' et ''tours de garde'', code systématique de la loi karaïte<ref name="barnavi-p88" />.<br />
Outre son développement du ''rikkoub'' (considérant mari et femme comme consanguin, il multiplie les unions interdites), il joue un rôle capital pour l'avenir du karaïsme en adoptant la démarche musulmane du ''[[Kalâm]]'' sans modification, et en prônant l'usage du sens commun et de la connaissance lors de l'exégèse. <br />

Il en résulte une séparation au {{XIe siècle}} au sein du karaïsme entre karaïtes « philosophes », dont [[Joseph ben Abraham]] et son élève [[Yeshoua ben Yehouda]] et « non-philosophes », dont Salmon ben Yerouham, Sahl ben Matzlia'h ou Yefet ben Ali. Ces derniers développent une activité nouvelle, la polémologie, pour contrer les attaques de [[Saadia Gaon]], les premières à réellement ébranler le karaïsme après deux siècles.

Le XIe siècle compte aussi des grammairiens notables, comme [[Aaron de Jérusalem]]<ref>Kaufmann Kohler, article [http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=53&letter=A AARON OF JERUSALEM], sur la ''Jewish Encyclopedia'', 1901-1906.</ref>.

Au début du XIe siècle Joseph ben Abraham Hacohen ''ha-ro'é'' (« le voyant ») « polémique contre le [[Saadia Ben Joseph Gaon|gaon Saadia]], et contribue à la diffusion du karaïsme<ref name="barnavi-p88" /> ».

=== Du XIIe au XVIe siècle - le centre Byzantin===
La destruction de la puissante communauté de Jérusalem lors de la [[première croisade]] ([[1099]]), et la lutte entreprise contre la communauté karaïte d'Égypte par [[Moïse Maïmonide]] et ses descendants, affaiblissent durablement le karaïsme d'orient, dont le centre de gravité se déplace partiellement (mais pas totalement) vers l'[[empire Byzantin]] (Grèce ou Turquie actuelles, essentiellement). Des missionnaires venus de [[Jérusalem]] y avaient en effet implantés des centres karaïtes dès la seconde moitié du {{XIe siècle}}<ref name="barnavi-p88" />.

Les karaïtes ne produiront plus<ref>selon la ''Jewish Encyclopedia''</ref> de penseurs religieux originaux après le {{XIe siècle}}. La doctrine apparaît désormais comme fixée, et plus sur la défensive face à un rabbanisme qui reprend progressivement l'avantage. Mais la fin de l'innovation ne signifie pas que la production littéraire karaïte cesse.

[[Yehouda ben Eliya Hadassi]] écrit ainsi à [[Constantinople]] en 1148 son ''Eshkol ha-kofer'', « somme de théologie karaïte, et sans doute l'œuvre karaïte la plus importante jamais rédigée en [[hébreu]]<ref name="barnavi-p88" /> ». On y trouve en particulier les [[dix principes de foi karaïtes]].

« Aharon ben Élie , le “maimonide karaïte”, écrit également son “paradis”, compilation systématique des lois et croyances karaïtes<ref name="barnavi-p88" /> ».

D'autres auteurs d'une certaine iportance marquent aussi la période, comme [[Eliyah ben Aaron de Constantinople]] et Eliyah ben Aaron de [[Nicomède]].

Vers la fin de la période, lorsque l'[[empire ottoman]] s'impose comme successeur et remplaçant de l'[[empire byzantin]], [[Andrinople]] abrite une illustre lignée de ''Hakhamim'', les Bashiyatzi, qui donneront, entre autres, Eliyah Bashyatzi (XVe siècle), l'auteur de l'''Adderet Eliyahou'' (code [[halakha|halakhique]] majeur du karaïsme, rédigé avec son beau-frère Caleb Afendopolo) et son petit-fils Moïse (première moitié du {{XVIe siècle}}) qui, malgré son décès prématuré à 28 ans, rédigera de nombreux traités.

La période marque cependant le déclin de l'influence du karaïsme dans les pays méditerranéens, maintenant totalement sur la défensive face au rabbanisme, et en régression démographique.

=== Le karaïsme en Europe occidentale===


Les disciples de Yeshoua ben Yehouda transportent ses enseignements à travers l'Europe.
'''Empire Byzantin''' ({{XIIe siècle}} au {{XIVe siècle}}) : après les destructions des croisades à la fin du {{XIe siècle}}, le centre de gravité du karaïsme se déplace de Jérusalem vers l'[[empire byzantin]], et ce du {{XIIe siècle}} au {{XIVe siècle}}. Des missionnaires venus de [[Jérusalem]] y avaient en effet implantés des centres karaïtes dès la seconde moitié du {{XIe siècle}}<ref name="barnavi-p88" />.


Sous l'impulsion d'ibn al-Tarras, le karaïsme s'implante en Espagne au {{XIIe siècle}}, mais le missionnaire est sans doute trop agressif, car il entraîne une réaction rabbanite, qui finit par circonscrire les karaïtes dans une citadelle. Leur passage en Espagne suscite la création d'œuvres rabbiniques de premier plan, comme le ''Sefer HaKabbala'' d'[[Abraham ibn Dawd]] ou le [[Kuzari]] de [[Juda Halevi]], tous deux rédigés en vue de défendre le [[judaïsme rabbinique]], ce qui indique le succès rencontré par les thèses karaïtes.
[[Yehouda ben Eliya Hadassi]] écrit à Constantinople son ''Eshkol ha-kofer'', « somme de théologie karaïte, et sans doute l'œuvre karaïte la plus importante jamais rédigée en [[hébreu]]<ref name="barnavi-p88" /> ». On y trouve en particulier les dix principes de foi karaïtes (cf. supra).


=== Le karaïsme en Europe orientale===
« Aharon ben Élie , le “maimonide karaïte”, écrit son “paradis”, compilation systématique des lois et croyances karaïtes<ref name="barnavi-p88" /> ».


'''L'Europe de l'est''' (du {{XVe siècle}} au {{XVIIIe siècle}}) : A compter du {{XVe siècle}}, les communautés du monde arabo-musulman semblent moins actives, et les communautés de la Crimée, qui se répandent à travers la [[Volhynie]] et la [[Lituanie]], voient des auteurs importants apparaître.
'''L'Europe de l'est''' (du {{XVe siècle}} au {{XVIIIe siècle}}) : A compter du {{XVe siècle}}, les communautés du monde arabo-musulman semblent moins actives, et les communautés de la Crimée, qui se répandent à travers la [[Volhynie]] et la [[Lituanie]], voient des auteurs importants apparaître.

Version du 9 septembre 2007 à 18:44

Modèle:Juif Le karaïsme (קראות qaraout ; peut aussi s'écrire caraïsme, qaraïsme ou charaïsme) est un courant du judaïsme scripturaliste, car fondé sur seule Miqra, c'est-à-dire la Bible hébraïque et le refus de la Loi orale. Il est donc en opposition au judaïsme pharisien, plus exactement au judaïsme rabbinique. Ses adhérents sont appelés les karaïtes ou les karaïmes (קראים qaraïm), et parfois surnommés bnei ou ba'alei haMiqra (« fils » ou « maîtres de la Miqra »).

A l'origine, les mots « karaïte » et « karaïme » (les deux versions les plus souvent rencontrées en français pour désigner les adeptes) sont interchangeables. A compter du XIXe siècle, cependant, les karaïtes résidant dans l'empire tzariste (et uniquement eux) se redéfinirent majoritairement comme un peuple distinct du peuple juif, d'ethnie turque tatare, pratiquant une religion spécifique issue du mosaïsme et possédant sa langue propre. L'habitude s'est alors assez largement répandu de désigner les tenants de cette nouvelle approche par le terme « Karaïme » ou « Qaraylar[1] ». Le mot « karaïte » s'utilise dorénavant plutôt pour désigner les karaïtes extra-européens (qui continuent tous à se définir comme Juifs), mais aussi comme terme générique pour désigner l'ensemble des groupes. Il est cependant à noter que ces utilisations ne sont pas pleinement normalisées, et que des utilisations inverses peuvent encore être trouvées.

Le premier groupe karaïte connu, celui des Ananites, fut fondé au VIIIe siècle, mais il est possible que des mouvements karaïtes moins importants l'aient précédé. Les karaïtes eux-même ont tendance à faire remonter leur mouvance à l'époque du Second Temple de Jérusalem[2], voire au Premier Temple. Le Hakham Yaaqov Al-Qirqissani écrivait ainsi au IXe siècle qu'ananites et karaïtes étaient deux groupes séparés. Certains historiens admettent également une origine pré-ananite du karaïsme, sans forcément remonter aussi loin.

Le karaïsme connut un âge d'or du IXe siècle au XIe siècle, étant adopté selon certaines sources par 40% de la population juive mondiale, aussi bien en Europe que dans le monde arabe[3]. Son influence déclina ensuite progressivement, et il n'y aurait actuellement plus que 30 000 karaïtes dans le monde, dont 20 à 25 000 en Israël[4], principalement à Ramle, Ashdod et Beersheba.

Avant le karaïsme

Pour les Juifs orthodoxes actuels, ou Juifs rabbanite, la torah orale, plus tard compilée dans le talmud, a été donnée à Moïse sur le mont Sinaï.

Dans l'antiquité, cette vision était celle du mouvement pharisien, mais était contesté par d'autres groupes, dont les plus connus étaient les prêtres du temple de Jérusalem, chefs du mouvement sadducéen. Outre ces derniers, il existait d'autres courants scripturalistes non-sadducéens[5] pour lesquels la Torah orale compilait des traditions populaires sans valeur religieuses.

On ne connaît pas la filiation entre ces mouvements religieux juifs de l'antiquité et le karaïsme ultérieur, mais ce dernier a probablement utilisé des idées religieuses qui pré-existaient.

Après la destruction du temple de Jérusalem en 70 de notre ère, et la disparition des Sadducéens qui lui étaient liés, le Judaïsme pharisien devint le judaïsme dominant, qu'on appellera plus tard judaïsme orthodoxe. Les deux talmuds compilent la loi orale entre le IIe siècle et le Ve siècle, et imposent leur interprétation de la Bible.

Le Talmud donne une interprétation de certains passages de la Bible hébraïque, mais rajoute aussi certains commandements (Mitzvot) qui sont peu clairs voir absents de celle-ci.

Principes du karaïsme

Divergences d'avec le judaïsme rabbanite

Le karaïsme n'accorde aucun crédit à toute source autre que la bible hébraïque pour déterminer la loi religieuse. Les interprétations talmudiques ne sont considérées que comme des interprétations humaines, acceptables ou non selon les cas. Les commandements qui n'apparaissent pas clairement dans la Bible (comme la transmission du judaïsme par les femmes) sont rejetés.

Corollaire du refus de la loi orale, les karaïtes rejettent le principe rabbinique de la Emounat Khakhamim « la foi dans les sages[6] ». Selon ce principe, chaque Juif pieux doit se donner un rabbin, versé dans la Torah orale et ses interprétations, qui guidera sa vie, au moins religieuse. Les termes de « sages », « grands de la Torah », « luminaires » ou « décisionnaires » désignent les rabbins les plus importants, qui « ont accès à la “connaissance suprême” [et] voient ce qui va se passer dans le long terme, à un niveau supérieur »[7]. L'autorité des rabbins, et plus spécifiquement des grands « sages », en matière d'interprétation de la Torah, ne peut être remise en question que par l'un de ses pairs.

Pour les karaïtes, la seule autorité légitime est celle des prêtres du temple de Jérusalem, disparue depuis la destruction de celui-ci en 70 EC, prêtres et que seule la reconstruction du Temple pourrait restaurer. Les rabbins ne peuvent donc avoir le monopole de l'interprétation des textes. Chacun peut en théorie participer à l'organisation du culte, bien qu'en pratique, les Hazzanim (chantres) et Hakhamim (sages) tiennent un rôle religieux plus important. Il est à noter que dans la communauté karaïte cairote à la veille de son émigration en Israël, les officiants, bien que refusant toute référence au rabbinat du Caire, portaient soit le titre de rabbi, soit celui de hakam[8].

Les karaïtes, s'ils ne rejettent ni la nécessité de l'exégèse biblique, ni même le besoin d'une tradition orale[9], réfutent cette « sacralisation » des prédécesseurs et des experts, et n'hésitent pas à s'éloigner de leurs enseignements s'ils estiment rester plus fidèles au sens obvie (le plus évident) des versets dans leur exégèse biblique, tant homilétique que légalistique.

De ce principe découle la compréhension que la détermination de la pratique religieuse à adopter est également à la discrétion de chacun. Cependant, loin d'être une exhortation au choix personnel, il s'agit d'un appel à la responsabilité personnelle, ainsi que l'énonce le Hakham Sahl ben Matzliah HaCohen, « sachez, enfants d'Israël que chacun est responsable de son âme, et que notre Dieu n'entendra pas les paroles de celui qui se justifie en disant : "ainsi m'ont appris mes maîtres" ».
Le Hakham Daniel ben Moshe Al-Qumisi déclare de façon plus tranchée encore : « Celui qui se repose sur les enseignements de l'exil, sans bien chercher par sa propre sagesse, est comme un idolâtre »[10].

Malgré cette absence de norme interprétative absolue, les mouvements karaïtes surent éviter l'anarchie. Les hakhamim, s'ils n'avaient pas un rôle communautaire aussi prépondérant que celui des rabbins, étaient malgré tout considérés comme autorité importante à défaut d'être définitive, et ce en matière d'exégèse, de halakha et de tradition, et les exégèses individuelles avaient tendance à se conformer aux leurs.

Les karaïtes refusent cependant toute exégèse antérieure comme définitive, y compris celle des hakhamim, bien qu'ils en tiennent fortement compte. Le dernier Hakham al-Akbar (1934-1956) de la communauté du Caire, Touvia Levi Babovich, égyptien d'origine russe, répondait à l'objection selon laquelle le karaïsme élabore un code tout comme le rabbanisme, en appuyant sur le caractère non-définitif des décrets des hakhamim: « De nombreux chercheurs ont établi la différence entre les fondements de foi des karaïtes et ceux des rabbanites, en ce que le karaïsme s'appuie à chaque génération sur la Torah écrite, et dans la possibilité des hakhamim de la génération de modifier les coutumes et lois en fonction de l'époque sans dévier à droite ni à gauche de la Lettre, alors que le judaïsme rabbinique s'appuie sur les paroles des sages, qui ont préséance sur les paroles de la Torah ».

Du fait de ces divergences d'interprétation, les karaïtes sont aussi des différences de rituels. Les karaïtes prient ainsi trois fois par jour en référence au Livre de Daniel[11]. Suivant la même source biblique, les karaïtes prient en se prosternant[11]. Les karaïtes n'utilisent généralement pas le terme de beth knesset (synagogue), mais celui, assez proche, de kenessa (ces deux termes sont dérivés de l'hébreu כנסת knesset, assemblée). enfin,les karaïtes, même pratiquants, se déplacent tête découverte (sans kipa), sauf à la kenessa et lorsqu'ils lisent les textes saints.

Le calendrier utilisé par les karaïtes n'est, contrairement à celui des rabbanites, ni fixé d'avance ni basé sur le calcul, mais sur l'observation de la lune. Ainsi, « les karaïtes rejettent [...] la réforme du calendrier présentées par les rabbins au neuvième siècle, et leurs fêtes peuvent tomber à des moments légèrement différents des fêtes rabbanites[12] ».

Ressemblance avec le judaïsme rabbanite

Alors que karaïtes et rabbanites débattaient âprement de points de loi (Mitzvot) et de pratiques, ils étaient assez largement en concordance sur la théologie.

Précédant d'un siècle la formulation de Moïse Maïmonide, le Hakham Yehouda ben Eliya Hadassi expose à Constantinople les principes de foi dans son Eshkol ha-Kofer (1148) :

  1. Dieu est le Créateur de tous les êtres créés.
  2. Dieu est transcendant et n'a ni égal ni associé.
  3. L'univers tout entier a été créé.
  4. Dieu appela Moïse et les autres Prophètes du canon biblique.
  5. Le Loi de Moïse seule est vraie.
  6. Connaître le langage de la Bible (l'hébreu) est un devoir religieux.
  7. Le Temple de Jérusalem est le palais du Maître du monde.
  8. Croyance en la résurrection, contemporaine de la venue du Messie fils de David.
  9. Jugement final.
  10. Rétribution.

Ces principes sont donc assez similaires aux treize principes de Maïmonide, à l'exception des articles 5 et 6, qui mettent l'exergue sur le rejet de la Loi orale et l'obligation de connaître l'hébreu.

Les karaïtes adhèrent à la croyance eschatologique en la venue du Messie et en la résurrection des morts, et se basent pour cela sur diverses sources bibliques[13]. Dans ce domaine, les karaïtes ont donc une croyance tout à fait similaire à celle des Juifs rabbanites, mais divergent fondamentalement d'avec les Sadducéens (qui n'y croyaient pas), autre courant scripturaliste (basé sur l'écriture), dont certains karaïtes[14] considèrent pourtant qu'ils sont les héritiers[15]. Les adhérents à cette thèse tentent de résoudre le paradoxe en postulant l'existence de plusieurs courants sadducéens d'une part, et d'une possible croyance antérieure de ce courant dans la résurrection des morts d'autre part[16].

Annan Ben David

On sait peut de chose sur Annan Ben David. Ses livres ont disparut et ne sont connus que pas des citations dans des livres postérieurs, ou à travers les attaques qu'il a suscité.

Il est souvent présenté comme le créateur du karaïsme, encore qu'il est probable que des mouvements opposés au talmud lui aient pré-existé. Il est même possible que le karaïsme lui même soit plus anciens.

Les karaïtes ultérieurs ont d'ailleurs été parfois critique vis-à-vis de Anan. Ya'acov Al-Qirqisani, un hakham karaïte du Xe siècle, estime que ses disciples le suivaient en tout comme les rabbanites, voire que son exégèse était fortement entachée de rabbinisme.

Certains historiens ont formulé, en s'appuyant sur les texte de Qirqissani et de Messaoudi, un lettré musulman ayant écrit à la même période, l'hypothèse que la séparation entre l'ananisme et le judaïsme rabbanite n'eut pas lieu du temps d'Anan ben David (ils fréquentaient en effet les mêmes académies religieuses) mais de son arrière-petit fils, Anan II. A l'inverse, il est possible que le karaïsme ait une origine plus ancienne que Anan, basée sur les sectes scripturalistes antérieures.

Il semble en tout cas qu'Anan ben David ait donné aux opposants à la Loi orale la visibilité qui leur manquait et les outils pour la critique d'un système talmudique autrement impénétrable.

Influence de l'Islam

La coïncidence de la montée de l'islam et celle du karaïsme a été relevée par certains auteurs[17], et, de façon plus ancienne et plus polémique, dans les milieux du judaïsme rabbanite, où l'on accusait les karaïtes d'être des imitateurs de l'islam[18].

Il existe en effet certaines ressemblances de pratiques (prosternation lors de la prière, qui se fait pieds déchaussés, abstention de vin, etc...) et d'approches (rapport directe entre le fidèle et dieu, entre le fidèle et le texte sacré).

Mais au-delà de ces pratiques, le poids exact de l'islam dans la naissance du karaïsme reste inconnu.

Le rabbin Bernard Revel nie même que le karaïsme puisse n'être qu'une conséquence juive de la montée de l'islam, et du chiisme en particulier.

Le développement du karaïsme

La doctrine karaïte a progressivement été mise en forme par une série d'auteurs, certains exprimant des divergences les uns par rapport aux autres.

Avec le temps, les centres religieux karaïtes se sont déplacés, en même temps que les centres de gravité démographiques des populations karaïtes se modifiaient.

hakhamim) aient par la suite réduit ce pluralisme, plusieurs écoles d'interprétation, d'ampleur et de durée inégales, se font concurrence et engendrent des courants comme l'ananisme, le benjaminisme ou l'ashérisme.

De façon générale, les karaïtes non européens conservent des principes voisins sinon identiques à ceux du judaïsme rabbinique, avec des interprétations spécifiques dues au refus du Talmud, tandis que certains courants européens, pour des raisons partiellement tributaires de circonstances historiques, sortent clairement du cadre du judaïsme traditionnel au bénéfice d'une redéfinition non-juive des karaïmes est-européens à compter du XIXe siècle.

Aux origines du mouvement

Lors de ses polémiques avec les karaïtes au IXe siècle, Saadia Gaon accuse ce mouvement d'être d'origine récente, et motivé par les seuls désirs de revanche d'Anan ben David. Son adversaire karaïte Salomon ben Yerouham, considéré comme un historien sérieux, ne réfute pas le caractère récent des karaïtes[19].

Cependant, moins d'un siècle après Saadia Gaon, le hakham Yaaqov al-Qiriqissani écrit dans son Kitab al-Anwar qu'Anan ne fonda que les ananites et que ceux-ci ne s'intégrèrent aux karaïtes qu'ultérieurement[20].
L'auteur karaïte égyptien contemporain Mourad el-Kodsi fait état d'un document égyptien estampillé par Amru ben al-As, le premier gouverneur islamique, daté de l'année 20 après l'Hégire (641) où les karaïtes seraient mentionnés par ce nom. Ce document aurait cependant disparu aux alentours du début du vingtième siècle[21]. L'origine du karaïsme ne peut donc pas être datée avec certitude, la plupart des karaïtes (ainsi que certains historiens, dont Moshe Gil) estimant qu'Anan ben David, s'il fut le premier dirigeant d'envergure à s'opposer au rabbinisme, n'était pas le créateur du mouvement karaïte.

En règle générale, les karaïtes ont tendance à faire remonter leur mouvement à la plus haute antiquité. Ainsi, au XVIIIe siècle, le Hakham Mordecai ben Nissan, reprenant les idées de Caleb Afendopolo et Eliyahou Bashiatzi[19]-[22], fait remonter leur existence à Juda ben Tabbaï, un contemporain de Shimon ben Shetah (Ier siècle avant l'ère chrétienne)[23].

Selon d'autres, les karaïtes descendraient de la secte des tzaddiqim (« justes »[24]), à ne pas confondre avec les tzedouqim, les sadducéens.

Au XIXe siècle, Avraham Firkovich défendait l'idée que « les ancêtres des Karaïtes [de Crimée] étaient venus en Crimée au septième siècle avant l'ère chrétienne[25] »

Certains karaïtes sont aussi défendu la thèse selon laquelle ils descendaient de la plus célèbre école juive scripturaliste (donc opposée à la loi orale) de l'antiquité, les Sadducéens. Ce rattachement supposé, qui fut utilisée plus tard par les Karaïmes de l'Europe de l'Est afin de se disculper de l'accusation de peuple déicide, avait été condamnée au XIIe siècle par le Hakham Juda Hadassi, qui démontrait leurs nombreux désaccords théologiques, dont la croyance en la résurrection des morts (refusée par les Sadducéens). Elle avait cependant été soutenue par les rabbins médiévaux, dont Juda Halevi, Abraham ibn Ezra, Abraham ibn Dawd et Moïse Maïmonide, mais cette opinion pourrait également n'être que le reflet d'une volonté de discréditer la secte en la présentant comme la rémanence de la secte du second Temple, haïe par les rabbanites[19]. Elle fut reprise par l'un des fondateurs du judaïsme réformé, le rabbin Abraham Geiger, mais contestée par le rabbin Bernard Revel, qui remarque une singulière analogique entre la halakha karaïte et celle de Philon d'Alexandrie[19]

Il a été fait remarquer que le karaïsme aurait également des points communs avec les Esséniens. Des auteurs (Kowzalsky et al.) ont en effet constaté une « analogie singulière » entre les écrits des anachorètes de la mer Morte et les textes karaïtes. Les écrits du Hakham Benjamin al-Nahawendi porteraient l'influence des Magâriyah (Hommes des Grottes), qu'Abraham Harkavy identifie aux Esséniens[26]. L'auteur Karaïme moderne Simon Szyszman défend ainsi une origine essénienne de la doctrine religieuse karaïte[27].

Quelle que soit leur version des origines, les karaïtes ne se perçoivent pas comme des innovateurs, mais bien au contraire comme les légitimes continuateurs des courants originels du judaïsme, dont le judaïsme talmudique (ou rabbinique) se serait éloigné.

Il est toutefois à noter que le karaïsme, s'il s'oppose au judaïsme rabbinique, ne s'en démarque pas totalement, particulièrement dans le cas d'Anan ben David, lequel n'hésita pas à utiliser des méthodes d'herméneutique pharisiennes (les treize principes de Rabbi Ishmaël) ou à reprendre à son compte des idées exprimées par des Pharisiens puis rejetés par eux, comme l'ascèse en souvenir de la destruction du Temple[28]. Il aurait de plus, selon certaines versions, clamé être le dépositaire d'une révélation faite par le prophète Élie, attribuant à celui-ci un rôle d'intercesseur plus proche de la tradition pharisienne[29] que de la lecture biblique.

Anan ben David

Au VIIIe siècle, un talmudiste nommé Anan ben David, d'ascendance davidique supposée, s'élève contre l'hégémonie de l'exilarcat et des gueonim. Il se rend, ou est peut-être exilé à Jérusalem, où il se livre à une activité missionnaire intense, reprend des pratiques abandonnées, comme la détermination des mois en fonction de la lunaison, ainsi que certaines ordonnances d'Abou Issa, un hérésiarque juif qui l'aurait précédé selon d'un siècle environ, selon Yaakov Al-Qirqissani (un hakham et historiographe karaïte du Xe siècle, et en abroge d'autres, comme le port des tefilin.

Cependant, s'il fonda à n'en pas douter le courant dit ananite, et est considéré comme un personnage important pour le karaïsme, il n'est pas certain qu'il en soit le créateur : Ya'acov Al-Qirqisani, un hakham karaïte du Xe siècle, estime que ses disciples le suivaient en tout comme les rabbanites, voire que son exégèse était fortement entachée de rabbinisme. Certains historiens ont formulé, en s'appuyant sur les texte de Qirqissani et de Messaoudi, un lettré musulman ayant écrit à la même période, l'hypothèse que la séparation entre l'ananisme et le judaïsme rabbanite n'eut pas lieu du temps d'Anan ben David (ils fréquentaient en effet les mêmes académies religieuses) mais de son arrière-petit fils, Anan II. A l'inverse, il est possible que le karaïsme ai une origine plus ancienne que Anan, basée sur les sectes scripturalistes antérieures.

Il semble en tout cas qu'Anan ben David ait donné aux opposants à la Loi orale deux bases qui leur avaient manqué jusque là : la légitimité d'une ascendance davidique supposée, et les outils pour la critique d'un système talmudique autrement impénétrable.

Le code d'Anan, qualifié par certains de tentative de créer « un nouveau Talmud », comporte certes des ressemblances avec l'hanafisme mais emprunte aussi au Talmud (plus précisément aux opinions exposées dans le Talmud, mais n'ayant pas convaincu les Sages du Talmud) et aux sectes juives. Ce foisonnement, qui attire initialement tous ceux que le Talmud laisse « mécontents », finit par ne trouver grâce ni aux yeux des rabbanites, ni même de beaucoup de karaïtes. De plus, la pratique très ascétique de l'ananisme est difficilement compatible avec une vie ordinaire.

Influence de l'Islam

La coïncidence de la montée de l'islam et celle du karaïsme a été relevée par certains auteurs[17], et, de façon plus ancienne et plus polémique, dans les milieux du judaïsme rabbanite, où l'on accusait les karaïtes d'être des imitateurs de l'islam[18].

Il existe en effet certaines ressemblances de pratiques (prosternation lors de la prière, qui se fait pieds déchaussés, abstention de vin, etc...) et d'approches (rapport directe entre le fidèle et dieu, entre le fidèle et le texte sacré).

Mais au-delà de ces pratiques, le poids exact de l'islam dans la naissance du karaïsme reste inconnu.

Le rabbin Bernard Revel nie même que le karaïsme puisse n'être qu'une conséquence juive de la montée de l'islam, et du chiisme en particulier.

Évolutions au IXe siècle - Perse et Babylonie

Du (VIIIe siècle au IXe siècles), soit pendant un peu plus d'un siècle, ce sont des religieux babyloniens ou perses qui se montrent les plus influents, ce qui était cohérent avec la zone d'apparition du karaïsme, et le centre de gravité du monde juif de l'époque (le judaïsme rabbinique est également dominé par des religieux babyloniens, les Gueonim).

Tant les interprétations que la méthodologie d'Anan commencent à être critiquées au IXe siècle par ces religieux perses et babyloniens eux-même.

Vers 830-860 EC, Benjamin al-Nahawendi, originaire, ainsi que son nom l'indique de Nehavend, en Iran, s'éloigne de certaines méthodes d'interprétation d'Anan (peut-être marquée par l'hanafisme). Il se fie aux allégories de l'ancienne école judéo-alexandrine, et semble fortement influencé par les écrits esséniens.
Il est le premier, selon Yaaqov al-Qirqissani, à vraiment mettre en forme la doctrine karaïte[17] : faisant fi de l'anti-talmudisme, il adopte de nombreuses ordonnances rabbiniques, tout en énonçant les principes de libre exégèse et de rejet de l'argument d'autorité.
Toutefois, bien que ses analyses diffèrent totalement d'Anan, Benjamin al-Nahawendi n'émet aucune critique explicite à son encontre, du moins qui soit parvenue jusqu'à nous.

Tel n'est pas le cas de son contemporain, Ishmaël d'Akbara, et de ses disciples. Ishmaël, fondateur des Akbarites, n'hésite pas quant à lui à traiter Anan d'« âne » et à abroger ses mesures. D'autres sous-courants du karaïsme, fondés par ses disciples, comme les Mashwites, les Tiflissites et les Ramlites font de même.

Daniel Al-Kumisi, dernière grande figure karaïte du IXe siècle, également originaire de Perse, passe de l'admiration pour Anan (l'appelant rosh hamaskilim, le chef des éclairés) à la dérision (rosh hakessilim, chef des fous). Contrairement à Anan, il fait montre d'un grand respect pour la science et la médecine.
Il considère que le principe des prescriptions bibliques ne doit pas être interprété allégoriquement, ni expliqué en désaccord avec le sens simple des versets. Il semble avoir été quelque peu influencé par les idées sadducéennes, notamment dans sa conception des anges, et par l'islam.

Les ananites sont donc rapidement mis en minorité et disparaissent totalement au Xe siècle.

Le karaïsme aux Xe et XIe siècle - le centre palestinien

C'est Al-Qumisi qui aurait développé le karaïsme en Palestine vers 875[17]. Le nouveau centre palestinien devient au Xe siècle dominant dans l'enseignement karaïte, et le restera jusqu'aux croisades, deux siècles plus tard. La communauté de la ville aurait été plus importante à l'époque que la communauté rabbanite. Beaucoup des livres importants des Xe siècle et XIe siècles y sont rédigés, mais pas tous.

Dans la seconde moitié du Xe siècle, Levi ben Japhet rédige à Jérusalem un code de lois religieuses, le livre des préceptes[17].

Mais la plus importante autorité du Xe siècle est Yaaqov al-Kirkissani. Outre son importante œuvre sur les sectes juives, il est exégète, législateur, et surtout philosophe. Lui aussi commence par admirer de la personne d'Anan ben David sans parvenir à accepter ses interprétations.
C'est Yaaqov al-Kirkissani qui rédige en arabe le livre des lumière et tours de garde, code systématique de la loi karaïte[17].
Outre son développement du rikkoub (considérant mari et femme comme consanguin, il multiplie les unions interdites), il joue un rôle capital pour l'avenir du karaïsme en adoptant la démarche musulmane du Kalâm sans modification, et en prônant l'usage du sens commun et de la connaissance lors de l'exégèse.

Il en résulte une séparation au XIe siècle au sein du karaïsme entre karaïtes « philosophes », dont Joseph ben Abraham et son élève Yeshoua ben Yehouda et « non-philosophes », dont Salmon ben Yerouham, Sahl ben Matzlia'h ou Yefet ben Ali. Ces derniers développent une activité nouvelle, la polémologie, pour contrer les attaques de Saadia Gaon, les premières à réellement ébranler le karaïsme après deux siècles.

Le XIe siècle compte aussi des grammairiens notables, comme Aaron de Jérusalem[30].

Au début du XIe siècle Joseph ben Abraham Hacohen ha-ro'é (« le voyant ») « polémique contre le gaon Saadia, et contribue à la diffusion du karaïsme[17] ».

Du XIIe au XVIe siècle - le centre Byzantin

La destruction de la puissante communauté de Jérusalem lors de la première croisade (1099), et la lutte entreprise contre la communauté karaïte d'Égypte par Moïse Maïmonide et ses descendants, affaiblissent durablement le karaïsme d'orient, dont le centre de gravité se déplace partiellement (mais pas totalement) vers l'empire Byzantin (Grèce ou Turquie actuelles, essentiellement). Des missionnaires venus de Jérusalem y avaient en effet implantés des centres karaïtes dès la seconde moitié du XIe siècle[17].

Les karaïtes ne produiront plus[31] de penseurs religieux originaux après le XIe siècle. La doctrine apparaît désormais comme fixée, et plus sur la défensive face à un rabbanisme qui reprend progressivement l'avantage. Mais la fin de l'innovation ne signifie pas que la production littéraire karaïte cesse.

Yehouda ben Eliya Hadassi écrit ainsi à Constantinople en 1148 son Eshkol ha-kofer, « somme de théologie karaïte, et sans doute l'œuvre karaïte la plus importante jamais rédigée en hébreu[17] ». On y trouve en particulier les dix principes de foi karaïtes.

« Aharon ben Élie , le “maimonide karaïte”, écrit également son “paradis”, compilation systématique des lois et croyances karaïtes[17] ».

D'autres auteurs d'une certaine iportance marquent aussi la période, comme Eliyah ben Aaron de Constantinople et Eliyah ben Aaron de Nicomède.

Vers la fin de la période, lorsque l'empire ottoman s'impose comme successeur et remplaçant de l'empire byzantin, Andrinople abrite une illustre lignée de Hakhamim, les Bashiyatzi, qui donneront, entre autres, Eliyah Bashyatzi (XVe siècle), l'auteur de l'Adderet Eliyahou (code halakhique majeur du karaïsme, rédigé avec son beau-frère Caleb Afendopolo) et son petit-fils Moïse (première moitié du XVIe siècle) qui, malgré son décès prématuré à 28 ans, rédigera de nombreux traités.

La période marque cependant le déclin de l'influence du karaïsme dans les pays méditerranéens, maintenant totalement sur la défensive face au rabbanisme, et en régression démographique.

Le karaïsme en Europe occidentale

Les disciples de Yeshoua ben Yehouda transportent ses enseignements à travers l'Europe.

Sous l'impulsion d'ibn al-Tarras, le karaïsme s'implante en Espagne au XIIe siècle, mais le missionnaire est sans doute trop agressif, car il entraîne une réaction rabbanite, qui finit par circonscrire les karaïtes dans une citadelle. Leur passage en Espagne suscite la création d'œuvres rabbiniques de premier plan, comme le Sefer HaKabbala d'Abraham ibn Dawd ou le Kuzari de Juda Halevi, tous deux rédigés en vue de défendre le judaïsme rabbinique, ce qui indique le succès rencontré par les thèses karaïtes.

Le karaïsme en Europe orientale

L'Europe de l'est (du XVe siècle au XVIIIe siècle) : A compter du XVe siècle, les communautés du monde arabo-musulman semblent moins actives, et les communautés de la Crimée, qui se répandent à travers la Volhynie et la Lituanie, voient des auteurs importants apparaître.

A la fin du XVIe siècle, Isaac de Troki écrit en Lituanie son « affermissement de la foi[32] », vigoureuse défense du judaïsme contre le christianisme, ou l'auteur rejette fermement la messianité de Jésus, ou le caractère prophétique de l'enseignement de Mahomet.

En 1698, Mordecaï ben Nissan écrit son Dod Mordekai, dans lequel il répond à trois des quatre questions posées à David ben Shalom par Jacob Trugland, un professeur de théologie de l'université de Leyden. Deux de ces questions (origine des karaïtes et livres saints) lui permettent de définir le judaïsme karaïte vis-à-vis du judaïsme rabbinique ou du christianisme. Il y indique en particulier :

  1. que les karaïtes ne descendent pas des sadducéens, mais existaient déjà à l'époque du second temple (donc à l'époque de Jésus).
  2. que les karaïtes utilisent la même Bible hébraïque que celle des rabbanites[33].

A compter de la fin du XVIIIe siècle, les karaïtes est-européens commencent à cesser tout travail religieux. Le XIXe siècle va surtout être consacré à la recherche d'une meilleure intégration à la société russe, et au-delà à la « modernité » occidentale. Les derniers centres de réflexions religieux disparaissent au bénéfice des études laïque, et l'assimilation commence à menacer la petite société des karaïmes est-européens[34].

Certaines innovations semblent cependant apparaître à l'époque, peut-être en relation avec cette volonté d'intégration. Ainsi, un courant européen actuel se réclamant de Anan ben David lui-même n'hésite pas à indiquer « L'enseignement d'Anan étaient une nouvelle approche [...] de la croyance et de la religion basées sur la tolérance complète et la conviction personnelle de chaque croyant, à condition quil croit au Dieu unique, à la vie après la mort et identifie Moïse, Jésus le Christ et Mahomet comme prophètes[35] ». « La religion des Karaites reconnaît l'Ancien Testament avec les Dix commandements [...] et voit Jésus-Christ et Mahomet comme de grands prophètes[36] ».

Cette nouvelle approche semble dater du début du XXe siècle, à un moment ou la rupture avec les juifs est bien affirmée, et vise sans doute à la renforcer. Un des principaux propagateurs de cette idée, et peut-être son inventeur[37]est Sheraya Szapszal, élu en 1911 responsable des karaïtes de l'empire russe, puis devenu responsable des karaïtes de Pologne entre les deux guerres. En 1936, il déclare « le Christ est pour nous un grand prophète mais pas le Messie[38] ». La communauté de Pologne qu'il dirige résume en 1938 sa vision : « Les Karaïtes voient le Christ et Mohamed comme prophètes[39] ».

Cette approche ne se retrouve pas chez les fondateurs du karaïsme, comme Anan ben David, pas plus que dans des textes plus récents, puisque le Karaïme Isaac de Troki écrit en 1593 dans son livre l'affermissement de la foi : « nous voyons beaucoup de preuves incontestables à l'appui de notre conviction selon laquelle Jésus n'était nullement le Messie [...]. Nous devons considérer les promesses contenues dans les paroles des prophètes, qui n'ont pas été accomplies à l'époque de Jésus, mais devrons être réalisés à l'avenir, à l'heure du vrai Messie[40] ». Concernant Mahomet, l'auteur Karaïme déclare « même vous, chrétiens, convenez que l'islam n'est rien d'autre qu'un faux système introduit par leur prétendu prophète Mahomet[41] ».

Mary Holderness rapporte aussi en 1816 « les Juifs karaïtes [...] ne reçoivent pas Jésus comme le Messie promis [et considèrent] qu'ils ne sont en aucun cas concernés [...] par sa mort[42] ».

L'acceptation de Jésus et de Mahomet chez les Karaïmes européens est donc relativement récente, et est sans doute connectée à la volonté de se séparer des Juifs apparue au XIXe siècle. Elle est formellement rejetée par les autres karaïtes[43].

  1. Karaïme ou Qaraylar s'écrivent avec une majuscule, comme toujours pour les noms de peuple. Le terme « karaïtes », pris dans son acceptation religieuse originelle n'a pas de majuscule, comme toujours en français pour les noms de religions.
  2. Selon le Hakham Mordekhaï ben Nissan (XVIIe siècle - XVIIIe siècle) une congrégation karaïte séparée, ne se distinguant pas extérieurement des autres congrégations, existait déjà à l'époque du Second Temple de Jérusalem, au temps de Shimon ben Sheta'h -- Dod Mordekhaï, chapitre « réponse à la 1ère question », Vienne 1830, voir Mordecai ben Nissan ha-Zaken, Jewish Encyclopedia, 1901-1906.
  3. Salo Baron wittmayer, ...
  4. JOSHUA FREEMAN, Laying down the (Oral) law, The Jerusalem Post.
  5. L'existence de l'un de ces courants à l'époque de Hillel Hazaken est évoquée dans le Talmud (T.B Shabbat 31a) et a été mise en évidence par Martin S. Jaffee -- http://www.maqom.com/journal/paper19.pdf
  6. Ilan Greilsammer, Israël, les hommes en noir, P.187.
  7. Israël, les hommes en noir, P.189.
  8. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Égypte
  9. Mordekhaï ben Nissan considère le texte massorétique de la Bible comme transmise à Moïse sur le Sinaï, ce qui est en concordance avec le commentaire du rabbin Ovadia de Bertinoro sur la Pirke Avot 3:17
  10. Daniel ben Moshe Al-Qumisi, Iggeret Latefoutzot
  11. a et b « Lorsque Daniel sut que le décret était écrit, il se retira dans sa maison, où les fenêtres de la chambre supérieure étaient ouvertes dans la direction de Jérusalem ; et trois fois le jour il se mettait à genoux, il priait, et il louait son Dieu, comme il le faisait auparavant » - Daniel 6:10, version de Louis Segond (1910).
  12. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Beinin-synagogue
  13. Daniel 12:2 ; Ezéchiel 37 ; Isaïe 66:14.
  14. Mais pas tous. L'auteur Karaïme moderne Simon Szyszman défend ainsi une origine Essénienne de la doctrine religieuse karaïte dans Le karaïsme, pages 23-29.
  15. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées miller-p5
  16. Do Karaites Believe in Resurrection ? sur le site du la Beth EdatYah Karaïte Congregation. Consulté le 31 juillet 2007.
  17. a b c d e f g h i et j Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées barnavi-p88
  18. a et b Le Karaïsme, Simon Szyszman, éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 1980, pages 17-18.
  19. a b c et d Revel, Bernard, The karaite halakah and its relation to sadducean, samaritan and philonian Halakah, 1911.
  20. *"Ḳirḳisani, Abu Yusuf Ya'ḳub al-", Jewish Encyclopedia. Funk and Wagnalls, 1901-1906.
  21. Mourad El-Kodsi, The Karaite Jews of Egypt 1882-1986, Lyons, N.Y.: Wilprint, 1987, p.2, également cité par le site de la communauté Orah Saddiqim et Yoseif Yaron.
  22. lesquels pourraient s'être inspirés de l'origine qu'attribue Juda Halevi aux karaïtes dans son Kuzari en se basant sur Kiddoushin 66b -- Important individuals in Karaim history.
  23. Mordecai ben Nissan, Dod Mordekhaï, réponse à la première question -- Singer, Isidore and Isaac Broydé. "Mordecai ben Nissan ha-Zaken"., Jewish Encyclopedia, Funk and Wagnalls, 1901-1906.
  24. http://www.orahsaddiqim.org/History/Events/The_Name_Karaite.shtml
  25. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Karaite_Movement
  26. Article « Benjamin ben Moses Nahawendi » sur la Jewish Encyclopedia, 1901-1906.
  27. Le Karaïsme, Simon Szyszman, éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 1980, pages 23 à 25
  28. Talmud, Baba Batra 60b : « Quand le temple a été détruit pour la deuxième fois, beaucoup en Israël devinrent des ascètes, s'obligeant eux-même à ne pas manger de viande ni à boire de vin. Rabbi Yehoshua entra dans la conversation avec eux [...] n'imposons pas à la communauté des difficultés que la majorité ne peut pas supporter ».
  29. Kahn, Élie, Le petit blond avec les chaussures noires et autres nouvelles talmudiques, éditions Lichma, 2007.
  30. Kaufmann Kohler, article AARON OF JERUSALEM, sur la Jewish Encyclopedia, 1901-1906.
  31. selon la Jewish Encyclopedia
  32. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées troki
  33. Voir l'article de Isidore Singer et Isaac Broydé, Mordecai ben Nissan ha-Zaken, Jewish Encyclopedia, 1901-1906.
  34. Le Karaïsme, Simon Szyszman, éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 1980, pages 110 et suivantes.
  35. M. Saradj, « Anan Ben Davids Teaching in the 8th. Century widely applied in the 20th. Century, sur le site Karaïme-turc KARAIM HOME PAGE
  36. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées polkanov
  37. D'après la présentation qu'en fait le site karaïte juif Orah Saddiqim Szapszalism, consulté le 16 août 2007.
  38. A. Moreau, « En Pologne a Troki, Chez le Hachan des Karaimes », Revue Bleue, 6 Juin 1936, p.392, cité par Warren Paul Green, « The Karaite Passage in A. Anatoli's Babi Yar », East European Quarterly 12,3 (1978) pp.283–287. Voir aussi « Karaites in the Holocaust ? A Case of Mistaken Identity », Nehemia Gordon, sur le site karaïte karaite-korner.org, consulté le 17/08/2007.
  39. Repris par S. Firkowicz dans Die Karaimen in Polen, Berlin, 1941, p.2, cité par Warren Paul Green, « The Karaite Passage in A. Anatoli's Babi Yar », East European Quarterly 12,3 (1978) pp.283–287. Voir aussi « Karaites in the Holocaust ? A Case of Mistaken Identity », Nehemia Gordon, sur le site karaïte karaite-korner.org, consulté le 17/08/2007.
  40. Isaac de Troki, l'affermissement de la foi, Chapitre 1 Why Jews do not believe that Jesus was Messiah, 1593.
  41. Isaac de Troki, l'affermissement de la foi, Chapitre 5 Gentiles rule over Jews because of the Jews’ sins, 1593.
  42. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées miller-p6
  43. « Karaites in the Holocaust ? A Case of Mistaken Identity », Nehemia Gordon, sur le site karaïte karaite-korner.org, consulté le 17/08/2007.