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« Histoire des Juifs en France » : différence entre les versions

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La politique de [[Louis IX|Saint Louis]] ([[1226]]-[[1270]]) envers les Juifs conjugue deux grands thèmes : son hostilité au prêt à intérêt et son hostilité au judaïsme. [[Louis IX]], très pieux et soumis à l'Église, condamne sans réserve les prêts à [[intérêt]] et est moins sensible que [[Philippe Auguste]], son grand-père, aux considérations fiscales. Par des ordonnances publiées à [[Melun]] en décembre [[1230]], il demande à plusieurs seigneurs de ne pas autoriser les Juifs à faire de prêt. Mais à la même époque, l'ordonnance de [[1223]] interdisant le prêt à intérêt par les Juifs est publiée à nouveau, ce qui montre seulement qu'elle n'avait pas été appliquée. En [[1234]], le roi va plus loin : il libère ses sujets du tiers de leurs dettes envers les Juifs. De plus, il est ordonné que ce tiers devait être restitué à ceux qui l'auraient déjà remboursé. Enfin, il est interdit d'emprisonner des chrétiens ou de vendre leurs biens immobiliers afin de récupérer des dettes dues aux juifs<ref name="Jewen12"/>.
La politique de [[Louis IX|Saint Louis]] ([[1226]]-[[1270]]) envers les Juifs conjugue deux grands thèmes : son hostilité au prêt à intérêt et son hostilité au judaïsme. [[Louis IX]], très pieux et soumis à l'Église, condamne sans réserve les prêts à [[intérêt]] et est moins sensible que [[Philippe Auguste]], son grand-père, aux considérations fiscales. Par des ordonnances publiées à [[Melun]] en décembre [[1230]], il demande à plusieurs seigneurs de ne pas autoriser les Juifs à faire de prêt. Mais à la même époque, l'ordonnance de [[1223]] interdisant le prêt à intérêt par les Juifs est publiée à nouveau, ce qui montre seulement qu'elle n'avait pas été appliquée. En [[1234]], le roi va plus loin : il libère ses sujets du tiers de leurs dettes envers les Juifs. De plus, il est ordonné que ce tiers devait être restitué à ceux qui l'auraient déjà remboursé. Enfin, il est interdit d'emprisonner des chrétiens ou de vendre leurs biens immobiliers afin de récupérer des dettes dues aux juifs<ref name="Jewen12"/>.
==== Procès du [[Talmud]]====
==== Procès du [[Talmud]]====
Saint-Louis est aussi très sensible aux idées de l'Église quant aux Juifs. Or, des Juifs convertis au christianisme contribuent à répandre l'idée que les livres saints juifs outragent celui-ci. L'un d'eux est Nicolas Donin, de [[La Rochelle]], qui obtient du pape [[Grégoire IX]] une bulle condamnant le Talmud. Le 3 mars 1240, le pouvoir royal fait alors saisir tous les exemplaires de l'ouvrage qui sont transportés à [[Paris]] où est organisée le 12 juin 1240 en présence de [[Blanche de Castille]] une controverse entre quatre rabbins dont [[Yehiel de Paris]] et des ecclésiastiques dont l'évêque de Paris [[Guillaume d'Auvergne]] et l'inquisiteur Henri de Cologne, Eudes de Chateauroux, Chancelier de l'Université de Paris et Nicolas Donin. La sentence en est que le Talmud est un livre infâme qui doit donc être brûlé. En 1242, le Talmud était solennellement brûlé en présence du Prévôt et du clergé<ref name="Béa"/> <ref name="Jewen13">{{en}}{{lien web | url = http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=288&letter=F&search=France#816|titre = Burning of the Talmud}}</ref>.
Saint-Louis est aussi très sensible aux idées de l'Église quant aux Juifs. Or, des Juifs convertis au christianisme contribuent à répandre l'idée que les livres saints juifs outragent celui-ci. L'un d'eux est Nicolas Donin, de [[La Rochelle]], qui obtient du pape [[Grégoire IX]] une bulle condamnant le Talmud. Le 3 mars 1240, le pouvoir royal fait alors saisir tous les exemplaires de l'ouvrage qui sont transportés à [[Paris]] où est organisée le 12 juin 1240 en présence de [[Blanche de Castille]] une controverse entre quatre rabbins dont [[Yehiel de Paris]] et des ecclésiastiques dont l'évêque de Paris [[Guillaume d'Auvergne]] et l'inquisiteur Henri de Cologne, Eudes de Chateauroux, Chancelier de l'Université de Paris et Nicolas Donin. La sentence en est que le Talmud est un livre infâme qui doit donc être brûlé. En 1242, le Talmud était solennellement brûlé en présence du Prévôt et du clergé<ref name="Béa"/> <ref name="Jewen13">{{en}}{{lien web | url = http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=288&letter=F&search=France#816|titre = Burning of the Talmud}}</ref>. De nombreuses autres controverses auront lieu durant le règne de Saint Louis, chaque fois avec des risques pour les Juifs<ref name="Jewen16">{{en}}{{lien web | url = http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=288&letter=F&search=France#815|titre = Disputations Between Jews and Christians.}}</ref>.
====[[Croisade des Pastoureaux]]====
====[[Croisade des Pastoureaux]]====
En 1250, Saint Louis parti en [[septième croisade|croisade]] est fait prisonnier à [[Mansourah (Égypte)|Mansourah]]. Sous l'influence d'un moine et avec l'aval de la mère du roi, [[Blanche de Castille]], des milliers de bergers ou pastoureaux décident de se croiser pour aller le libérer. Cette nouvelle croisade échouera après s'être heurtée au clergé mais non sans avoir massacré les Juifs de [[Bourges]].
En 1250, Saint Louis parti en [[septième croisade|croisade]] est fait prisonnier à [[Mansourah (Égypte)|Mansourah]]. Sous l'influence d'un moine et avec l'aval de la mère du roi, [[Blanche de Castille]], des milliers de bergers ou pastoureaux décident de se croiser pour aller le libérer. Cette nouvelle croisade échouera après s'être heurtée au clergé mais non sans avoir massacré les Juifs de [[Bourges]].

Version du 15 octobre 2007 à 22:58

Modèle:JuifLa communauté juive de France, aujourd'hui constituée de 600 000 personnes selon le congrès juif mondial, est la plus importante communauté juive d'Europe. Les Juifs français se répartissent principalement dans les villes de Paris, Marseille, Lyon et Strasbourg.

Cette communauté, en majorité séfarade depuis quelques décennies, se caractérise par sa très grande diversité depuis les Haredim ultra-orthodoxes jusqu'aux Juifs assimilés.

L'histoire des Juifs en France s'étend sur près de 2.000 ans. Au début du Moyen Âge, la France est un centre de la culture juive, mais les persécutions se font plus nombreuses à mesure que le temps s'écoule. La France est le premier pays d'Europe à émanciper et intégrer les Juifs dans la nation à compter de la Révolution française, mais en dépit de l'égalité légale, un courant antisémite demeure, comme le révèle l'affaire Dreyfus à la fin du XIXe siècle.

La communauté est profondément marquée par la disparition d'un quart des Juifs français ou étrangers présents sur le territoire en 1940 dans la Shoah. Il faut remarquer que cette mortalité a été très nettement inférieure à celle de tous les autres pays d'Europe opprimés par le régime nazi, par exemple les Pays-Bas ou surtout les pays d'Europe centrale. La mémoire juive ne se reconstruit progressivement qu'à partir des années 1970.

Dans les années 1950 et 1960, un fort afflux de juifs séfarades contraints de quitter l'Afrique du nord (Maroc, Tunisie, Egypte d'abord dans les années 1950 puis surtout Algérie en 1962) et de se réfugier en France accroît et transforme la communauté juive française qui devient majoritairement séfarade.

Époques gallo-romaine et mérovingienne

La Jewish Encyclopedia[1] a été publiée en 1906, est maintenant sur Internet et est une des principales sources de ce paragraphe et de beaucoup d'informations de cet article. Pour cette période qui va jusqu'à la fin du VIe siècle, elle se fonde elle-même sur les écrits de Grégoire de Tours. La Jewish Encyclopedia indique donc : « Le premier établissement des Juifs en Europe est obscur. En 163 av.J-C il y a des traces d'établissements de Juifs à Rome [...]. En l'an 6 de l'ère chrétienne, il y avait des Juifs à Vienne et en Gallia Celtica ; en l'an 39 à Lugdunum (Lyon aujourd'hui). ». On ne possède pour le moment pas d'autres documents indiquant la présence des Juifs en France avant le IVe siècle. Hilaire de Poitiers est félicité pour s'être sauvé de la société juive. Un décret des empereurs Théodose II et Valentinien III, adressé à Amatius, préfet de la Gaule (9 juillet 425) interdit aux Juifs et aux païens de pratiquer la loi et de diriger les bureaux publics (« militandi »), pour que les chrétiens ne leur soient pas subordonnés, et que les Juifs soient incités à changer de foi. Aux funérailles de Hilaire, évêque d'Arles, en 449, les Juifs et les chrétiens se mêlèrent dans les foules et les pleurs, tandis que les anciens chantaient des psaumes en hébreu. En l'an 465, l'Église a reconnu officiellement les Juifs. On trouvait des Juifs à Marseille au VIe siècle, à Arles, à Uzès, à Narbonne, à Clermont-Ferrand, à Orléans, à Paris et à Bordeaux. Ces endroits étaient généralement des centres de l'administration romaine, localisés sur de grandes routes commerciales, et jes Juifs possédaient des synagogues. En harmonie avec le Code de Théodose, et d'après un édit adressé aux décurions de Cologne par l'empereur Constantin, l'organisation interne des Juifs semble avoir été la même que dans l'empire romain. Il semble qu'ils avaient des prêtres (rabbins ou hazzanim ?), archisynagogues, patersynagogues et d'autres chefs religieux. Les Juifs étaient principalement marchands ; ils étaient également percepteurs d'impôts, marins et physiciens. Ils sont probablement restés en vertu de la loi romaine jusqu'au triomphe du christianisme, suite au statut établi par Caracalla - qui les met sur un pied d'égalité avec leurs concitoyens. L'empereur Constantin (321) les a contraints à participer dans leur curie à un lourd impôt qui frappait les citoyens des villes. On ignore si leurs relations avec leurs concitoyens étaient de nature amicale, même après l'établissement du christianisme en Gaule. On sait que le clergé chrétien participait à leurs fêtes ; des mariages inter-religieux entre juifs et chrétiens se produisaient parfois ; la religion des Juifs faisait des émules, et leurs coutumes religieuses furent si librement adoptées qu'au troisième Conseil d'Orléans (539) les autorités religieuses chrétiennes jugèrent nécessaire de mettre en garde les fidèles contre les « superstitions juives », et d'ordonner à ceux-ci de s'abstenir de tout déplacement le dimanche et de tout ornement de leurs personnes ou de logements.

En cette fin de VIe siècle, les juifs peuvent connaître des situations tout-à-fait diverses : Grégoire de Tours nous raconte qu'en 576 une émeute détruit la synagogue de Clermont de fond en comble, à la suite quoi les juifs de la ville acceptent le baptême[2]. Inversement, le juif de Paris Priscus est conseiller du roi Chilpéric et dans une controverse avec celui-ci refuse sans dommage pour lui la conversion[3].

En 591, les juifs chassés de la ville d'Orléans se réfugient en Provence. On connait, à ce propos, une lettre du pape Grégoire le Grand qui réprimande l'archevêque d'Arles Virgile à la suite de nombreuses plaintes à propos de conversions forcées.

En 629, Dagobert Ier propose d'expulser de ses domaines tous les Juifs qui n'accepteraient pas le christianisme. À partir de son règne jusqu'à celui de Pépin le Bref, on n'a guère d'autres indications. Mais dans le sud de la France, dans ce qui était alors connu comme « Septimanie » (ou Narbonnaise) et était une dépendance des rois Wisigoths d'Espagne, les Juifs ont continué à résider et prospérer. De cette époque (689) date la plus ancienne inscription funéraire juive connue en France, celle de Narbonne, visible au Musée archéologique de Béziers. Les Juifs de Narbonne, principalement des négociants, s'entendaient bien avec le reste de la population qui se rebellait souvent alors contre les rois Wisigoths.

Période carolingienne

Henri Pirenne[4] constate qu'au VIIIe siècle le commerce entre l'Occident et l'Orient ne se fait plus que par les négociants juifs, probablement des Radhanites, seuls liens entre l'Islam et la Chrétienté[5].

Il semble que les Juifs aient été nombreux sous Charlemagne et leur statut était fixé par la loi. Il existait une formule spéciale pour le serment des juifs. Ils leur était permis d'intenter une action en justice contre des chrétiens et, dans leurs relations avec ces derniers, ils n'avaient d'autres restrictions que celle de leur accorder le repos dominical. Ils ne devaient pas faire le commerce des monnaies, du vin ou du blé. Le plus important est le fait qu'ils étaient jugés par l'empereur lui-même, auquel ils appartenaient. Ils se sont engagés dans le commerce d'exportation, Charlemagne par exemple a employé un Juif pour aller en Palestine et pour en rapporter des marchandises précieuses. Un autre juif, Isaac, qui a été envoyé par Charlemagne en 797 avec deux ambassadeurs chez Haroun ar-Rachid, était probablement un de ces négociants[6]. C'est lui qui au retour en 802 à Aix-la-Chapelle remet à Charlemagne les cadeaux reçus d'Haroun ar-Rachid dont un éléphant[2]. En fait, il semble bien que le règne de Charlemagne ait été favorable aux Juifs, la seule discrimination connue étant le fait que dans un procès le Juif devait produire plus de témoins que le chrétien pour avoir gain de cause[7]. On parle même d'une famille de princes juifs (ou « Nasi ») à Narbonne[8].

Louis le Débonnaire (814-833), fidèle aux principes de son père, a accordé une stricte protection aux Juifs, auxquels il a accordé une particulière attention en raison de leurs activités de négociants. Dans une lettre à Louis le Débonnaire, Agobard (778-840), évêque de Lyon, fait de nombreux reproches aux juifs : ils amèneraient des chrétiens enlevés à Arles et Lyon[9] ; ils seraient superstitieux et auraient des croyances absurdes ; ils influenceraient gravement les chrétiens et prétendraient que ceux-ci adorent des idoles. Agobard n'eut pas gain de cause auprès de Louis le Débonnaire[10] mais ces allégations semblent démontrer la prospérité dont jouissaient les Juifs de Lyon.

Le comportement de cet évêque, hostile à la communauté juive de Lyon protégée par le roi Louis va cependant entraîner une migration vers Arles et les cités du midi, ce qui accrédite la présence probable d'une communauté juive importante dans les communautés méridionales au début du IXe siècle.

Il est permis de penser que ces marchands juifs de la vallée du Rhône appartenaient à ces juifs dits « rhadanites », grands voyageurs, hommes de profondes cultures et parlant de nombreuses langues, qui maintenaient le contact entre l'orient et l'occident[2].

Les premiers Capétiens (987-1096)

Premières persécutions

La vie relativement paisible des juifs sous les Carolingiens entraîna le développement de nouvelles communautés notamment à Toulouse, Carcassonne, Chalons sur Saône, Sens et Metz[2]. Mais le pouvoir des Carolingiens s'effrite vite et le sort des Juifs devient complètement dépendant du bon vouloir du pouvoir local. En 987, Hugues Capet est le premier Capétien à monter sur le trône de France.

En 1010 Alduin, évêque de Limoges, offre aux Juifs de son diocèse le choix entre le baptême et l'exil. Pendant un mois les théologiens tentent de les convertir, sans grand succès puisque seuls quelques Juifs abjurent leur foi ; les autres quittent la ville pour s'établir ailleurs, certains se donnent la mort. Un texte hébreu relate aussi que le duc Robert II de Normandie se serait concerté avec ses vassaux pour que tout Juif qui n'accepterait pas le baptême sur leurs terres soit éliminé, menace mise à exécution, alors que de nombreux Juifs se suicident. Au nombre des martyrs se trouve l'érudit Rabbi Senior. Un riche et influent érudit de Rouen, Jacob ben Jekuthiel, s'était auparavant rendu à Rome (1007) pour solliciter la protection du pape sur ses coreligionnaires de Lorraine ; le souverain pontife envoya un haut dignitaire chargé de mettre fin à la persécution. Mais Robert le Pieux, bien connu pour ses préjugés religieux et la haine qu'il portait aux hérétiques, poursuit dans la ligne de l'intolérance. Il pourrait y avoir un lien entre cette persécution et une rumeur qui s'est répandue au cours de l'année 1010.

À en croire Adhémar de Chabanais, qui écrit en 1030, en 1010 les Juifs d'occident adressèrent une lettre à leurs coreligionnaires d'orient les avertissant de l'imminence d'une expédition militaire contre les Sarrasins. L'année précédente, le Saint-Sépulcre avait été transformé en mosquée par les Musulmans, sacrilège qui avait provoqué la fureur de la chrétienté et notamment du pape Serge IV. L'exaspération de la chrétienté répandit alors la croyance en une entente secrète entre Musulmans et Juifs. Vingt ans plus tard, le moine chroniqueur Raoul Glaber donne d'autres détails sur cette affaire. Selon lui, les Juifs d'Orléans auraient envoyé à l'est via un mendiant une lettre qui incitait à la destruction du Saint-Sépulcre. Glaber ajoute qu'à la découverte de ce « crime », l'expulsion des Juifs fut décrétée partout. Pourchassés, tués ou acculés au suicide, bien peu demeurèrent dans le monde romain. Cinq ans plus tard, une partie de ceux qui avaient pu s'échapper devaient revenir. De nouveaux troubles se produisent aux alentours de 1065. À cette date le pape Alexandre II écrit au vicomte de Narbonne, Béranger, et à Guifred, évêque de la ville, qu'il loue d'avoir évité le massacre de Juifs dans leurs circonscriptions, leur rappelant par la même occasion que Dieu n'approuve pas qu'on répande du sang[11]. La croisade lancée contre les Maures en Espagne s'était en effet soldée par la mise à mort sans distinction de tous les Juifs que les Croisés rencontraient sur leur route : la figure de l'infidèle se déplace, par effet de proximité, du Maure au Juif rencontré en chemin.

Toujours selon Adhémar de Chabanais, la cérémonie humiliante de la « colaphisation » (du latin colaphus, soufflet) avait lieu au début du XIe siècle à Toulouse. Le comte de Toulouse "colaphisait" un Juif, c'est à dire le giflait dans la Cathédrale, le jour de Pâques, en représailles du soufflet que Jésus avait reçu durant sa Passion[12].

Certaines régions de la France actuelle restent dans cette période plus accueillantes aux Juifs : les comtes de Champagne dont la province ne sera rattachée au domaine royal qu'à la mort de Philippe le Bel vont permettre à une communauté juive intellectuellement brillante de se développer à Troyes. C'est aussi aux alentours de l'an mille que se constitue la communauté juive alsacienne[13]. Quant à la Provence, de 1000 à 1300 elle connaît un véritable « âge d'or » dans des villes comme Narbonne, Lunel ou Montpellier[12].

Littérature juive en France

Pendant cette période jusqu'à la première croisade, la culture juive se développait dans des communautés culturellement proches les unes des autres, qu'elles se situent au nord ou au sud de la France. Son domaine de prédilection était la poésie liturgique - l'écho des souffrances d'Israel et l'expression de son espoir invincible - et était plus souvent un exercice scolastique simple destiné plus à amuser et instruire qu'à émouvoir.

Après ceci vient l'exégèse biblique, l'interprétation simple du texte, reflétant une foi complète dans l'interprétation traditionnelle, et basé par préférence sur le Midrash. Finalement et surtout, leur attention était occupée par le Talmud et ses commentaires. Ce texte ainsi que les écrits des Gueonim, en particulier leur responsa, a été révisé et copié ; ensuite ces écrits ont été traités comme un code de droit et ont été commentés et étudiés, autant pour faire un exercice de dialectique que pour réfléchir à leur conséquences pratiques [14].

Un des plus fameux savants de cette période est Rabbenou Guershom (960-1028) qui vécut entre Metz et Mayence. Il fut un des premiers docteurs de la loi ashkenazes. Ce fut lui qui interdit la polygamie et la répudiation de l'épouse sans son consentement. S'il enseigna à de nombreux élèves, son flambeau ne fut repris que par l'illustre Rachi, né 12 ans après sa mort.

Rachi

La grande figure qui domine la deuxième moitié du onzième siècle, de même que l'histoire rabbinique entière de la France, est Rachi (Salomon ben Isaac) de Troyes (1040-1106). En lui est personnifié le génie du Judaïsme de la France du nord : son attachement dévoué à la tradition ; sa naïve foi tranquille ; sa piété, ardente mais libre de mysticisme. Il faut aussi dire que pour vivre il exerçait à la fois la fonction de rabbin à Troyes et le métier de vigneron. Ses travaux se distinguent par leur clarté, droiture et haine de la subtilité et sont écrits dans un style simple, concis, inaffecté, convenant à leur sujet. Son commentaire sur le Talmud est le produit d'un travail colossal qui a éclipsé les travaux semblables de tous ses prédécesseurs, par sa clarté et solidité a rendu facile l'étude de cette vaste compilation, et est bientôt devenu son complément indispensable. Son commentaire de la Bible (particuliérement sur la Pentateuque), une sorte de répertoire sur le Midrash, a servi pour l'édification, mais a également avancé le goût pour l'exégèse simple et normale. Ses commentaires du Talmud souvent ponctués de mots français transcrits en caractères hébreux est une source très importante d'information sur le français du XIe siècle.

L'école qu'il a fondée à Troyes, son lieu de naissance, après avoir suivi les enseignements des rabbins de Worms et de Mayence est immédiatement devenue célèbre. Il a enseigné à Simhah ben Samuel[15], Rabbi Samuel ben Meïr (Rashbam) et le Rivam[16] , ses petit-fils ; et surtout, il est à l'origine de l'école des Tossafistes qui fait jusqu'au XIVe siècle la réputation du judaïsme français. Dans ses commentaires bibliques, il s'est servi des travaux de ses contemporains. Parmi eux doit être cité Moshe haDarshan, chef de l'école de Narbonne, qui fut peut-être le fondateur des études exégétiques en France et Menahem ben Helbo.

Ainsi le XIe siècle connut une littérature juive féconde en France. Dès lors le judaïsme français est devenu l'un des piliers du judaïsme universel.

Dès le XIe siècle, une chronique comme celle de Raoul Glaber accrédite l'idée que les Juifs d'Orléans ont comploté pour faire détruire le Saint-Sépulcre.Ces calomnies invraisemblables sont pourtant catastrophiques pour les Juifs. Et même si les Juifs de France semblent avoir un peu moins souffert des Croisades que leurs coreligionnaires allemands, la première croisade prêchée par Pierre l'Ermite fut un désastre pour les Juifs[2]. Les Croisés enfermèrent les Juifs de Rouen dans une église et exterminèrent tous ceux sans distinction d'âge ou de sexe qui refusaient le baptême. Ces massacres sont rappelés dans la liturgie juive comme "Gzeirot Tatnav" (גזירות תתנ"ו). Il a été établi que les Juifs d'Orléans et de Limoges furent également chassés de leur ville[17].

D'après un document en hébreu, les Juifs établis en France vivaient dans la peur qu'ils exprimèrent alors par écrit à leurs coreligionnaires de la région rhénane en leur demandant de prier pour eux[17]. Ironiquement, c'est dans la vallée du Rhin que les massacres furent les plus importants : des milliers de Juifs furent tués par les Croisés et des communautés entières disparurent à cette époque (voir Croisade allemande de 1096). On sait aussi que les Juifs furent molestés en 1146 à Strasbourg suite au prêche de la croisade par un moine appelé Radulph[18].

C'est à l'époque des Croisades (1096-1099 pour la première, 1147-1149 pour la deuxième) que se développèrent deux des accusations envers les Juifs les plus courantes de l'antisémitisme chrétien, à savoir les allégations qu'ils se livraient aux meurtres rituels et pratiquaient couramment l'usure. L'accusation de meurtre rituel semble liée à la volonté prêtée aux Juifs de répéter la crucifixion en tuant des chrétiens. De telles accusations deviennent fréquentes à la fin du XIIe siècle et aboutissent à Blois à une exécution massive où 31 Juifs sont brûlés vifs en 1171[14].

Quant à l'accusation d'usure, elle est liée au fait que le prêt à intérêt assimilé à l'usure est interdit aux chrétiens mais pas aux Juifs et donc que les Juifs deviennent souvent les banquiers des riches comme des pauvres. Et l'accusation d'usure permet aux emprunteurs de s'affranchir de leurs dettes[19].

Malgré l'hostilité qui les entoure, les Juifs du XIIe siècle ont une vie intellectuelle étonnamment florissante. L'école des Tossafistes se développe en Champagne notamment à Ramerupt autour de Rabbenou Tam, un des petits-fils de Rachi mais aussi en Bourgogne, à Paris et en Normandie. Des réunions de rabbins venant de France ou des bords du Rhin furent même organisées à Troyes, où il y avait 2 synagogues[2], par Rabbenou Tam[20].

De même, le sud de la France connaît une vie juive plutôt florissante malgré des manifestations anti-juives violentes. A Béziers, le dimanche des Rameaux est l'occasion de pillage des maisons des Juifs coupables d'avoir crucifié Jésus. A Toulouse, des taxes spéciales sont perçues sur les Juifs. Mais ils peuvent aussi avoir des postes administratifs importants souvent liés à l'administration des biens des nobles. Les rabbins érudits souvent en contact avec la brillante vie juive d'Espagne sont nombreux particulièrement à Narbonne ou à Lunel[21]. Benjamin de Tudèle, rabbin espagnol et grand voyageur, donne vers 1165 une description très positive de la vie des Juifs du midi de la France tant au plan matériel et commercial qu'au plan culturel ou même politique[22]. Un Juif comme Abba Mari peut être baile (bailli) de Saint-Gilles et trésorier de la commune de Nîmes en 1170. Les médecins juifs de la famille Ibn Tibbon établis à Lunel traduisent Aristote en hébreu et contribuent ainsi à la rediffusion des textes antiques[2].

Expulsions et Retours

Expulsion de France en 1182

À la fin du XIIe siècle, l'activité économique se développe et Paris connaît un grand essor auquel les Juifs participent. La population en vient vite à les jalouser et Philippe-Auguste, roi à 15 ans en 1180, entend ces plaintes. Il voit donc en eux des ennemis de la foi et des concurrents dangereux pour la toute nouvelle bourgeoisie commerçante. Le 10 mars 1182, par un édit de Philippe-Auguste, les Juifs se voient donc dépouillés de tous leurs biens et contraints à quitter le royaume. Les synagogues sont transformées en églises, les biens des Juifs redistribués à des nobles ou à des corporations. Philippe-Auguste venait d'inventer un modèle d'expulsion-spoliation des Juifs qui allait se répéter à de nombreuses reprises dans l'histoire. Cette première expulsion leur apprendra aussi à ne pas investir en valeurs immobilières mais de se contenter de numéraire et de bijoux négociables et transportables.

Les Juifs ne vont cependant pas aller très loin car le domaine royal est encore petit. Ils vont aller au plus près en Champagne ou en Bourgogne, mais aussi plus au sud en Provence[2].

Rappel des Juifs par Philippe Auguste en 1198

En 1198, Philippe Auguste rappelle les Juifs. Ce n'est pas une compassion tardive mais un intérêt bien compris qui lui fait prendre cette décision. En effet, les Juifs par leur métier de prêteurs contribuent à l'essor économique du royaume. De plus, un impôt spécial frappait chacune de leurs transactions[2]. Ce rappel des Juifs dans le royaume s'accompagne d'un accord d'extradition réciproque avec le comte Thibaut III de Champagne. Enfin, le roi fait des Juifs ses propres serfs qui ne bénéficient même plus d'une certaine protection de l'Église. Ils sont soumis complètement à l'arbitraire royal et à celui de ses seigneurs[23].

Mais en ce début de XIIIe siècle, l'Église devient même plus dure avec les Juifs que le roi et en 1205 le pape Innocent III proteste auprès du roi de France de la protection qu'il leur accorde. Le pape est même d'avis d'annuler les dettes envers les Juifs des seigneurs qui se croisent, ce que n'accepte pas le roi[24].

Le sort des Juifs du Languedoc

A la fin du XIIe siècle, les Juifs du Languedoc et du comté de Toulouse connaissent un sort enviable. La vie intellectuelle est brillante et chez les Juifs, Isaac l'Aveugle commente un des livres fondateurs de la Kabbale, le Sefer Yetzira. Raymond VI de Toulouse confie des charges importantes aux Juifs et laisse le catharisme se développer dans ses possessions.

Aussi le légat du pape qui va déclencher la croisade des Albigeois ne reproche-t-il pas seulement au comte de Toulouse d'avoir laissé se développer le catharisme mais aussi d'avoir fait la part trop belle aux Juifs. Ceux-ci ne sont pas massacrés comme les cathares après la défaite mais en 1229, Raymond VII de Toulouse est vaincu et perd ses terres qui passent sous la possession d'Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis. Dès lors, les Juifs sous sa domination souffrent d'un arbitraire semblable à celui qui règne dans le royaume de Saint Louis. Alphonse de Poitiers ne manque pas de les pressurer : taxes pour dispense de rouelle ; sous menace d’expulsion, ils lui apportent des fonds pour la croisade en 1248 ; et imposition forcée qui lui rapporte autant que celle sur les chrétiens pour celle de 1270. Les Juifs émigrent alors vers la Provence, sous la domination de la maison d'Anjou[2].

Sous Louis VIII et Saint-Louis

Avec Louis VIII (1223-1226) et surtout Louis IX (1226-1270), la condition des Juifs sera marqué par une influence croissante de l'Église sans que l'intérêt de la Couronne ne soit oublié.

Louis VIII, dans son ordonnance Etablissement sur les Juifs de 1223, bien que plus inspiré par les doctrines de l'Église que son père, Philippe-Auguste, sait également veiller aux intêrets (à très court terme) du Trésor. Il interdit l'intérêt sur les prêts consentis par les Juifs mais demande aux seigneurs de percevoir en 3 ans le remboursement du capital pour le compte des Juifs. De plus, il supprime l'impôt spécial sur les transactions signées par des Juifs et les ramène dans le droit commun[25].

La politique de Saint Louis (1226-1270) envers les Juifs conjugue deux grands thèmes : son hostilité au prêt à intérêt et son hostilité au judaïsme. Louis IX, très pieux et soumis à l'Église, condamne sans réserve les prêts à intérêt et est moins sensible que Philippe Auguste, son grand-père, aux considérations fiscales. Par des ordonnances publiées à Melun en décembre 1230, il demande à plusieurs seigneurs de ne pas autoriser les Juifs à faire de prêt. Mais à la même époque, l'ordonnance de 1223 interdisant le prêt à intérêt par les Juifs est publiée à nouveau, ce qui montre seulement qu'elle n'avait pas été appliquée. En 1234, le roi va plus loin : il libère ses sujets du tiers de leurs dettes envers les Juifs. De plus, il est ordonné que ce tiers devait être restitué à ceux qui l'auraient déjà remboursé. Enfin, il est interdit d'emprisonner des chrétiens ou de vendre leurs biens immobiliers afin de récupérer des dettes dues aux juifs[25].

Procès du Talmud

Saint-Louis est aussi très sensible aux idées de l'Église quant aux Juifs. Or, des Juifs convertis au christianisme contribuent à répandre l'idée que les livres saints juifs outragent celui-ci. L'un d'eux est Nicolas Donin, de La Rochelle, qui obtient du pape Grégoire IX une bulle condamnant le Talmud. Le 3 mars 1240, le pouvoir royal fait alors saisir tous les exemplaires de l'ouvrage qui sont transportés à Paris où est organisée le 12 juin 1240 en présence de Blanche de Castille une controverse entre quatre rabbins dont Yehiel de Paris et des ecclésiastiques dont l'évêque de Paris Guillaume d'Auvergne et l'inquisiteur Henri de Cologne, Eudes de Chateauroux, Chancelier de l'Université de Paris et Nicolas Donin. La sentence en est que le Talmud est un livre infâme qui doit donc être brûlé. En 1242, le Talmud était solennellement brûlé en présence du Prévôt et du clergé[2] [26]. De nombreuses autres controverses auront lieu durant le règne de Saint Louis, chaque fois avec des risques pour les Juifs[27].

En 1250, Saint Louis parti en croisade est fait prisonnier à Mansourah. Sous l'influence d'un moine et avec l'aval de la mère du roi, Blanche de Castille, des milliers de bergers ou pastoureaux décident de se croiser pour aller le libérer. Cette nouvelle croisade échouera après s'être heurtée au clergé mais non sans avoir massacré les Juifs de Bourges.

Port de la rouelle

Juif allemand portant la rouelle.
Manuscrit médiéval (v. 1476).

En 1269, Saint Louis impose aux Juifs le port de la rouelle qui avait été décidé par le IVe concile du Latran en 1215. C'est un morceau d'étoffe portant une roue, symbole de 30 deniers de Judas, à apposer sur le vêtement[28].

Le Grand Exil de 1306

Au début du XIVe siècle, la ville d'Arles rattachée au comté de Provence accueille les juifs chassés du Languedoc voisin, alors territoire Français. Le Rabbin et philosophe juif averroïste Joseph ibn Caspi (Yossef ibn Kaspi ou Yossef Kaspi) ben Abba Mari, (1279, L'Argentière - 1340) également connu sous son nom provençal de Sen Bonfos ou Don Bonafoux de l'Argentière, s'intalle ainsi en Provence d'abord à Tarascon en 1306 puis à Arles en 1317. D'après Louis Stouff, la ville aurait alors compris environ 250 foyers de confession juive, chiffre qui ne sera jamais dépassé et qui restera le plus important dans l'histoire d'Arles [29].

Sous l'Inquisition

Retour des Juifs en France en 1315

Expulsion de 1394

Ne subsistent dès lors que les communautés d'Avignon et du Comtat Venaissin, sous la dépendance directe du Pape depuis plus d'un siècle ainsi que celles d'Alsace et de Lorraine, qui appartiennent à l'Empire romain germanique. En 1648 est signé le traité de Westphalie qui donne partie de la Lorraine (les Trois-Évêchés) et de l'Alsace à la France. Toutefois, Strasbourg ne deviendra française qu'en 1781. Avec cette annexion, pour la première fois depuis 1394, des juifs sont officiellement tolérés en France.
En 1657, Louis XIV visite la synagogue de Metz[30].
Mais en Alsace, les juifs n'ont pas le droit de résider en ville ni de posséder des terres. Ainsi ils ne peuvent être paysans. Cette règlementation est à l'origine de la physionomie du judaïsme rural alsacien. Les juifs peuplent les petits bourgs et les villages où ils sont maquignons, colporteurs ou prêteurs.
Les juifs de Lorraine deviennent sujets du roi de France lors de l'annexion de la Lorraine en 1766 à la mort de Stanisław Leszczyński. Ils créeront sous Louis XVI les synagogues de Lunéville et de Nancy.

Débuts de l'émancipation

Au cours des XVIIe siècle et XVIIIe siècle, les communautés de Bordeaux et du Sud-Ouest accueillent des juifs portugais officiellement convertis au catholicisme pour échapper à l'Inquisition, mais qui ont néanmoins du mal à éviter la persécution par l'Inquisition dans leur pays d'origine.


Sous la Révolution et sous Napoléon

La Révolution française marque une transformation capitale de la situation des Juifs de France : dès 1791, grâce notamment au rôle de l'abbé Grégoire, d'Adrien Duport, ils deviennent citoyens français à part entière.

L'empereur Napoléon Ier prend diverses mesures pour intégrer davantage les juifs dans la communauté nationale, ou pour le dire autrement les normaliser au regard de la majorité. En 1808, il impose aux juifs de prendre un nom de famille ("Décret de Bayonne").

Émancipation au début de la Révolution

Dans le même temps, la Révolution française s'étendait. La chute de la Bastille fut le signal de désordres partout en Alsace. Dans certains districts, les paysans attaquaient les demeures des Juifs, qui trouvaient refuge à Bâle. Une triste image des outrages qui leur étaient faits fut brossée dans la période qui précéda la réunion du 3 août de l'Assemblée Nationale par l'abbé Henri Grégoire, qui demanda leur complète émancipation. L'Assemblée nationale partagea l'indignation du prélat, mais ne prit pas de décision sur la question de l'émancipation ; elle était intimidée par des députés antisémites d'Alsace, en particulier un certain Rewbell, qui déclara que le décret qui accordait aux Juifs les droits de citoyens serait le signal de leur destruction en Alsace. Le 22 décembre 1789, la question juive fut à nouveau débattue à l'Assemblée sur la question de l'admission de tous les citoyens au service public sans distinction de croyance. Mirabeau, le conte de Clermont Tonnerre, et l'abbé Grégoire mirent en œuvre toute leur éloquence pour provoquer l'émancipation désirée ; mais des désordres répétés en Alsace et la forte opposition des députés de cette province et du clergé, comme La Fare, évêque de Nancy, l'abbé Maury, et d'autres, entraîna un ajournement de la décision. Il n'y eut que les Juifs portugais et avignonnais, qui avaient jusque là joui de tous les droits civils comme Français naturalisés, furent déclarés citoyens à part entière par une majorité de 150 (28 janvier 1790). Cette victoire partielle insuffla un nouvel espoir chez les Juifs des districts allemands, qui firent encore de plus grands efforts dans la lutte pour la liberté. Ils s'appuyèrent sur l'éloquence avocat Godard, dont l'influence dans les cercles révolutionnaires était considérable. À travers ses efforts, les Gardes Nationaux et les diverses sections se prononcèrent en faveur des Juifs, et l'abbé Malot fut envoyé par l'Assemblée Générale de la Commune pour plaider leur cause devant l'Assemblée Nationale. Malheureusement, les affaires graves qui occupaient l'Assemblée, les agitations prolongées en Alsace, et les passions du parti clérical empêchérent le développement de propagande active des Juifs et de leurs amis.

Quelques jours avant la dissolution de l'Assemblée Nationale (27 septembre 1791) un membre du Club des Jacobins, qui était auparavant conseiller parlementaire, nommé Adrien Duport, monta contre toute attente à la tribune et déclara : "Je crois que la liberté de culte ne permet aucune distinction dans les droits politiques des citoyens sur la base de leur croyance. La question de l'existence politique des Juifs a été ajournée. Encore les musulmans et les hommes de toutes sectes sont admis à la jouissance des droits politiques en France. Je demande que la motion d'ajournement soit supprimée, et qu'un décret passe pour que les Juifs en France jouissent des droits de citoyens à part entière." Cette proposition fut acceptée avec de forts applaudissements. Rewbell essaya, cependant, de s'opposer à la motion, mais il fut interrompu par Regnault de Saint-Jean, président de l'Assemblée, qui suggéra "que quiconque s'opposerait à cette motion serait ramené à l'ordre, parce qu'il s'oppose à la constitution elle-même."

Pendant la Terreur

Attitude de Napoléon

Sous la Restauration

Reconnaissance nationale

Entre assimilation et rejet

Voir l'article : Affaire Dreyfus

Au XXe siècle

Synagogue de la rue Pavée à Paris construite en 1913 sur des plans d'Hector Guimard.

Au début des années 1900 la condition des Juifs s'est considérablement améliorée et une vague d'immigrants juifs fuyant les pogroms d'Europe de l'Est arrive en France. Cette immigration cesse temporairement pendant la Première Guerre mondiale au cours de laquelle les Juifs sont incorporés dans les forces françaises, puis reprend au sortir de la guerre. Les Juifs de France occupent une place privilégiée au cours de cette période dans la culture et les arts, qui comptent des artistes tels que Modigliani, Chaïm Soutine, ou Marc Chagall. La France est également le premier pays à élire un Juif Président du Conseil en la personne de Léon Blum dans les années 1930.

L'arrivée au pouvoir de Blum déclenche les foudres de l'extrême droite parlementaire et des ligues qui lui sont affiliées[31]. Ce regain de l'antisémitisme en France se prolongera dix ans plus tard dans un antisémitisme d'État.

Le wagon du camp d'internement de Drancy conservé en souvenir

Le régime de Vichy passe de sa propre initiative les premières mesures antijuives dès l'automne 1940 : la législation exclut les Juifs français du corps de la nation en leur interdisant d'exercer un certain nombre de professions (Statut des Juifs du 3 octobre) tandis qu'elle enferme les Juifs étrangers dans des camps d'internement comme celui de Gurs au sud du pays (loi du 4 octobre 1940). Le Commissariat général aux questions juives créé par l'administration de l'« État français » en mars 1941 organise la spoliation des biens juifs [32], orchestre la propagande antisémite et commence à constituer des fichiers recensant les Juifs, ce que le Second statut des Juifs du 2 juin 1941 achève de systématiser sur l'ensemble du territoire. Ces fichiers, dont le fichier Tulard, secondent l'administration nazie dans sa politique de déportation, alors que l'absence de port de l'étoile jaune, qui théoriquement n'est pas obligatoire en zone non occupée, ne protège pas les Juifs des grandes rafles. Celles-ci s'intensifient en 1942, année du départ du premier convoi pour Auschwitz-Birkenau le 27 mars, et visent également les femmes et les enfants à compter de la rafle du Vel'd'Hiv des 16 et 17 juillet, qui est menée sur un ordre nazi par la police française. L'administration française qui a appliqué scrupuleusement la législation antijuive [33] livre en 1942 aux Allemands les Juifs étrangers des camps d'internement. Elle contribue à en envoyer plusieurs dizaines de milliers à la mort dans les camps d'extermination via le camp de transit de Drancy.

Entre 1942 et- 1943, dans la clandestinité, des groupes de résistants favorisent la création du S.E.R.E. (Service d'Evacuation et de Regroupement d'Enfants). Dès Septembre 1944, L'OPEJ succède au S.E.R.E., et les enfants sont regroupés dans des Maisons d'Enfants de Déportés, créées à leur intention. En Juin 1945, l'OPEJ se constitue en Association (Loi 1901). Sa mission essentielle consistant alors à sauver des enfants juifs dont les parents avaient été déportés, ou avaient disparu. Ces enfants menacés d'arrestation et de déportation, seront mis à l'abri dans des familles et institutions non juives.

En septembre 1943 l'ensemble du territoire est sous contrôle allemand, y compris l'ancienne zone d'occupation italienne, où les Juifs étaient jusqu'alors épargnés. L'administration nazie prend davantage en charge la traque des Juifs, pendant que Vichy doit composer avec une opinion de plus en plus réticente face aux persécutions et que la Résistance juive se structure. Mais la Milice continue d'arrêter, ou d'assasiner sur place, et rien n'interrompt le rythme des convois, dont le dernier quitte le camp de Drancy le 31 juillet 1944.

Il faut cependant signaler le rôle exemplaire de René Carmille, chef du service national des statistiques, qui s'opposa à l'utilisation par les autorités d'occupation des fichiers indiquant la "race" juive, constitués sur les cartes perforées utilisées par les systèmes mécanographiques. René Carmille fut déporté à Dachau en février 1944, où il mourut en janvier 1945.

Trois quarts des Juifs vivant alors sur le territoire français ont survécu, plus que dans les autres pays occupés d'Europe. (Voir Juste parmi les Nations).76 000 des 300 000 Juifs en France ont été victimes de la Shoah, 55 000 d'entre eux étaient des Juifs étrangers [34]. 3 % des déportés juifs de France vers les camps de la mort ont survécu.

Histoire récente

Aprés la seconde guerre mondiale le judaïsme français était exsangue, il connut un important renouveau grâce à l'arrivée massive de Juifs d'Afrique du Nord consécutive à l'accession à l'indépendance du Maroc, de laTunisie et de l'Algérie et à la crise de Suez en Égypte. La pratique religieuse fut aussi revivifiée par l'arrivée du mouvement hassidique Loubavitch en provenance des États-Unis qui mit en place un grand nombre d'institutions éducatives à l'intention des Juifs de France.

Bibliographie

Moyen-Âge

Période contemporaine

Références et notes

  1. (en)« Jewish Encyclopedia », Funk & Wagnalls Company, (consulté le )
  2. a b c d e f g h i j et k Béatrice Philippe, « Être juif dans la société française », ISBN 2-85870-017-6, 1979, éditions Montalba
  3. Augustin Thierry, « Nouvelles Lettres sur l’histoire de France », Wikisource,
  4. Henri Pirenne souligne que les échanges entre l'Occident et l'Orient déclinent fortement dès le début de la présence sarrasine en Méditerranée occidentale au VIIIe siècle et que des produits orientaux tels que l'or, la soie, le poivre et le papyrus disparaissent pratiquement sous les Carolingiens.
  5. Cf. Henri Pirenne - Mahomet et Charlemagne, pages 123-128
  6. (en)« Under Charlemagne »
  7. « De 633 à 1096 », Histoire des Juifs.com (consulté le )
  8. (en)« "King of the Jews" at Narbonne »
  9. Cf. Arles au Moyen Âge de Louis STOUFF - page 18
  10. (en)« Agobard's Account »
  11. (en)« Persecution of Jews in Limoges and Rouen »
  12. a et b Jean-Claude Cohen, « Les communautés juives d'Avignon et du Comtat-Venaissin au XVIIIe siècle . », Nouvelle Gallia Judaica (CNRS) (consulté le )
  13. Grand Rabbin Max Warschawski, « Histoire des Juifs d'Alsace », Site internet du judaïsme d'Alsace et de Lorraine (consulté le )
  14. a et b (en)« Franko-Jewish Literature » Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « Jewen7 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  15. (en)Simhah ben Samuel
  16. (en)Rivam
  17. a et b (en)« The Crusades »
  18. Grand rabbin Max Warchawski, « Histoire des Juifs de Strasbourg », Site internet du judaïsme d'Alsace et de Lorraine (consulté le )
  19. « À partir de 1096 », Histoire des Juifs.com (consulté le )
  20. (en)« Synods »
  21. (en)« In the South »
  22. Benjamin de Tudèle, « Voyages de Rabbi Benjamin, fils de Jona de Tudèle », 1734, Amsterdam, cité dans l'ouvrage de Béatrice Philippe déjà référencé
  23. (en)« Recalled by Philip Augustus, 1198. »
  24. (en)« Innocent III »
  25. a et b (en)« Under Louis VIII. and St. Louis. »
  26. (en)« Burning of the Talmud »
  27. (en)« Disputations Between Jews and Christians. »
  28. (en)« Increased Restrictions Under St. Louis »
  29. Les juifs seront également chassés de Provence au début du XVIe siècle. Entre temps à Arles, leur nombre va décroitre régulièrement à la suite du conflit avec les catalans supposés entretenir des relations avec les juifs d'Arles dans les années 1420, et des incidents de la seconde moitié du XVe siècle liés aux prêches enflammés des frères mineurs (cf. pogrom de 1484).
  30. « Synagogue consistoriale de Metz », Site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine (consulté le )
  31. Laurent Joly, Tal Bruttmann, La France antijuive de 1936. L’agression de Léon Blum à la Chambre des députés, Éditions des Équateurs, 2006
  32. Voir le rapport de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France
  33. Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives. L'administration française et l'application de la législation antisémite, La Découverte, 2006
  34. Chiffres du Mémorial de la Shoah

Voir aussi

Sur l'époque des Croisades

Liens externes