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« Histoire des Juifs en France » : différence entre les versions

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Les calomnies ne cessant de viser la communauté juive de Metz, le roi Louis XIV de passage à Nancy ordonna de sévir contre les propagateurs de fausses nouvelles. La communauté continue de prospérer sous Louis XIV et atteint 400 ménages à la fin de son règne. Il faut dire que les Juifs rendent service à l'armée pour assurer la subsistance des troupes et [[Colbert]] estimait que les Juifs « contribuaient à la vie économique du pays ».
Les calomnies ne cessant de viser la communauté juive de Metz, le roi Louis XIV de passage à Nancy ordonna de sévir contre les propagateurs de fausses nouvelles. La communauté continue de prospérer sous Louis XIV et atteint 400 ménages à la fin de son règne. Il faut dire que les Juifs rendent service à l'armée pour assurer la subsistance des troupes et [[Colbert]] estimait que les Juifs « contribuaient à la vie économique du pays ».


La communauté juive de Metz se développe au {{s|XVIII|e}} et c'est environ 400 ménages qui y vivent à la veille de la Révolution. Les rôles de la taxe Brancas montrent aussi que des Juifs sont établis dans une trentaine de villages de l'évêché de Metz.
La communauté juive de Metz se développe au {{s|XVIII|e}} et c'est environ 400 ménages qui y vivent à la veille de la Révolution. Les rôles de la taxe Brancas montrent aussi que des Juifs sont établis dans une trentaine de villages de l'évêché de Metz. En 1782, le comte de Provence et futur [[Louis XVIII]] visite la synagogue où il reçoit la bénédiction du rabbin Lion Asser<ref>{{en}}{{lien web|url=http://www.jewishencyclopedia.com/view.jsp?artid=524&letter=M&search=metz|titre =JE, Metz|auteur = Gotthard Deutsch et A. Ury}}</ref>.
Ailleurs en Lorraine occupée par les troupes françaises jusqu'en 1697, les autorités royales favorisèrent aussi l'immigration juive. Mais en 1697, le [[traité de Ryswick]] oblige Louis XIV à rendre la Lorraine au duc [[Léopold Ier de Lorraine]] (à l'exception des Trois-Évêchés). Ce dernier fait appel à des banquiers juifs de Metz pour renflouer les finances de son duché et en 1715 il nomme Samuel Lévy receveur général. La Chambre des Comptes de Lorraine refuse de recevoir son serment à cause « de la haine implacable au nom chrétien et à tout le genre humain » des Juifs. Le duc qui avait été jusqu'à promettre aux Juifs liberté d'établissement à Nancy et le droit d'y construire une synagogue doit démettre Samuel Lévy dès l'année suivante sous la pression de la noblesse lorraine appuyée par le gouvernement français. Après avoir de nouveau prêté au duc, il fait banqueroute et est jeté en prison avant d'être expulsé en 1721<ref name=HJF211/>. Une réaction antijuive s'ensuit et le 12 avril 1721 sont expulsés de Lorraine les Juifs non présents avant 1680. Sont autorisés à rester 73 ménages dans 24 localités, ce qui en fait officialise la communauté juive de Lorraine, qui a le droit de commercer librement et d'établir des synagogues. En 1733, c'est 180 ménages qui sont autorisés à résider en Lorraine. Sous [[Stanisław Leszczyński]], la situation des Juifs continuent à s'améliorer. Si c'est toujours 180 ménages qui sont autorisés, la définition de « ménage » devient extensive en parlant du chef et de tous les descendants de mâles demeurant dans une seule et même maison.


Les Juifs de Lorraine deviennent sujets du roi de France lors de l'annexion de la [[Lorraine]] en 1766 à la mort de [[Stanisław Leszczyński]]. Ils créent sous [[Louis XVI]] les [[synagogue]]s de [[Synagogue de Lunéville|Lunéville]] et de [[Synagogue de Nancy|Nancy]]. On peut estimer à 500 le nombre de familles juives établies en 1789.
Ailleurs en Lorraine occupée par les troupes françaises jusqu'en 1697, les autorités royales favorisèrent aussi l'immigration juive. Mais en 1697, le [[traité de Ryswick]] oblige Louis XIV à rendre la Lorraine au duc [[Léopold Ier de Lorraine]] (à l'exception des Trois-Évêchés). Ce dernier fait appel à des banquiers juifs de Metz pour renflouer les finances de son duché et en 1715 il nomme Samuel Lévy receveur général. La Chambre des Comptes de Lorraine refuse de recevoir son serment à cause « de la haine implacable au nom chrétien et à tout le genre humain » des Juifs. Le duc qui avait été jusqu'à promettre aux Juifs liberté d'établissement à Nancy et le droit d'y construire une synagogue doit démettre Samuel Lévy dès l'année suivante sous la pression de la noblesse lorraine appuyée par le gouvernement français. Après avoir de nouveau prêté au duc, il fait banqueroute et est jeté en prison avant d'être expulsé en 1721<ref name=HJF211/>. Une réaction antijuive s'ensuit et le 12 avril 1721 sont expulsés de Lorraine les Juifs non présents avant 1680. Sont autorisés à rester 73 ménages dans 24 localités, ce qui en fait officialise la communauté juive de Lorraine, qui a le droit de commercer librement et d'établir des synagogues. En 1733, c'est 180 ménages qui sont autorisés à résider en Lorraine. Sous [[Stanisław Leszczyński]], la situation des Juifs continuent à s'améliorer Si c'est toujours 180 ménages qui sont autorisés, la définition de « ménage » devient extensive en parlant du chef et de tous les descendants de mâles demaurant dans une seule et même maison.

Les Juifs de Lorraine deviennent sujets du roi de France lors de l'annexion de la [[Lorraine]] en 1766 à la mort de [[Stanisław Leszczyński]]. Ils créeront sous [[Louis XVI]] les [[synagogue]]s de [[Synagogue de Lunéville|Lunéville]] et de [[Synagogue de Nancy|Nancy]]. On peut estimer à 500 le nombre de familles juives établies en 1789.


Les Juifs étaient administrés par les rabbins pour tout ce qui relevait de la religion et par des syndics pour la police, l'administration et la levée de l'impôt. Le prestige des grands-rabbins de Metz était considérable dans le monde ashkenaze et son choix était soumis à l'approbation du roi qui jamais ne la refusa. L'enseignement des enfants est obligatoire depuis 1689 toute la journée pour les enfants de moins de 14 ans, une heure par jour au moins entre 14 et 18 ans. Quant à l'école talmudique ou [[yechiva]], elle était aussi très renommée. Ce fut dans cette école que furent formés les rabbins français jusq'au Second Empire et son transfert à Paris <ref name=HJF212>HJF, deuxième partie, première section, deuxième chapitre</ref>.
Les Juifs étaient administrés par les rabbins pour tout ce qui relevait de la religion et par des syndics pour la police, l'administration et la levée de l'impôt. Le prestige des grands-rabbins de Metz était considérable dans le monde ashkenaze et son choix était soumis à l'approbation du roi qui jamais ne la refusa. L'enseignement des enfants est obligatoire depuis 1689 toute la journée pour les enfants de moins de 14 ans, une heure par jour au moins entre 14 et 18 ans. Quant à l'école talmudique ou [[yechiva]], elle était aussi très renommée. Ce fut dans cette école que furent formés les rabbins français jusq'au Second Empire et son transfert à Paris <ref name=HJF212>HJF, deuxième partie, première section, deuxième chapitre</ref>.


Les syndics étaient élus par les contribuables de la communauté par une suffrage à tros degrés. Ils sont chargés de l'impôt qu'ils versent au pouvoir. Mais ils doivent aussi assurer les dépenses de la communauté et notamment les frais de procès et les « cadeaux » pour les visites royales ou princières, les étrennes, etc... L'impôt est perçu au prorata de la fortune des contribuables. Il existe aussi des taxes sur la viande ou sur les dots. Mais cela ne suffit pas et en 1789 la dette de la communauté est telle qu'elle en assumera le remboursement jusqu'en 1854<ref name=HJF212/>.
Les syndics étaient élus par les contribuables de la communauté par une suffrage à trois degrés. Ils sont chargés de l'impôt qu'ils versent au pouvoir. Mais ils doivent aussi assurer les dépenses de la communauté et notamment les frais de procès et les « cadeaux » pour les visites royales ou princières, les étrennes, etc... L'impôt est perçu au prorata de la fortune des contribuables. Il existe aussi des taxes sur la viande ou sur les dots. Mais cela ne suffit pas et en 1789 la dette de la communauté est telle qu'elle en assumera le remboursement jusqu'en 1854<ref name=HJF212/>.


=== L'Alsace ===
=== L'Alsace ===

Version du 26 novembre 2007 à 13:55

Modèle:JuifLa communauté juive de France, aujourd'hui constituée de 600 000 personnes selon le congrès juif mondial, est la plus importante communauté juive d'Europe. Les Juifs français se répartissent principalement dans les villes de Paris, Marseille, Lyon et Strasbourg.

Cette communauté, en majorité séfarade depuis quelques décennies, se caractérise par sa très grande diversité depuis les Haredim ultra-orthodoxes jusqu'aux Juifs assimilés.

L'histoire des Juifs en France s'étend sur 2.000 ans. Au début du Moyen Âge, la France est un centre de la culture juive, mais les persécutions se font plus nombreuses à mesure que le temps s'écoule. La France est le premier pays d'Europe à émanciper et intégrer les Juifs dans la nation à compter de la Révolution française, mais en dépit de l'égalité légale, un courant antisémite demeure, comme le révèle l'affaire Dreyfus à la fin du XIXe siècle.

La communauté est profondément marquée par la disparition d'un quart des Juifs principalement étrangers présents sur le territoire en 1940 dans la Shoah. Il faut remarquer que ce taux de mortalité a été très nettement inférieur à celle de tous les autres pays d'Europe opprimés par le régime nazi, par exemple les Pays-Bas ou surtout les pays d'Europe centrale. La mémoire juive ne se reconstruit progressivement qu'à partir des années 1970.

Dans les années 1950 et 1960, un fort afflux de juifs séfarades accroît et transforme la communauté juive française qui devient majoritairement séfarade. En effet, les Juifs ont été contraints de quitter l'Afrique du nord suite à l'indépendance du Maroc et la Tunisie dans les années 1950 et surtout de l'Algérie en 1962 ainsi que suite à la crise de Suez avec l'Égypte en 1956. Pour la plupart français ou francophones, ils se sont principalement réfugiés en France ou en Israël.

Époques gallo-romaine et mérovingienne

Le premier Juif connu à avoir vécu en Gaule est de lignée royale : il s'agit d'Archelaüs, ethnarque de Judée, fils d'Hérode le Grand qui avait été exilé par Auguste à Vienne en l'an 6. Il y mourut 10 ans plus tard. Son frère Hérode Antipas qui avait le titre de tétrarque de Galilée est exilé, lui, par Caligula à Lyon en 39. Si ces exilés ou leur suite ne semblent pas avoir eu de postérité, la présence de Juifs est attestée dès la fin du Ier siècle par des vestiges archéologiques tels qu'une lampe à huile ornée du chandelier à sept branches découverte en 1967 à Orgon[1] [2].

La Jewish Encyclopedia[3] indique qu'au IVe siècle Hilaire de Poitiers, évêque de cette ville, est félicité pour avoir quitté la société juive. Un décret des empereurs Théodose II et Valentinien III, adressé à Amatius, préfet de la Gaule (9 juillet 425) interdit aux Juifs et aux païens d'être avocats ou magistrats ou fonctionnaires de façon que les chrétiens ne leur soient pas subordonnés et que Juifs et païens soient incités à se convertir au christianisme. Aux funérailles de Hilaire, évêque d'Arles, en 449, les Juifs et les chrétiens pleurent ensemble tandis que ces derniers chantent des psaumes en hébreu. Mais en l'an 465 au concile de Vannes, l'Église interdit à ses prêtres de participer à des repas donnés par les Juifs puisque les Juifs refusent de participer à des repas préparés par les chrétiens.

Au VIe siècle, on trouve des Juifs à Marseille à Arles, à Uzès, à Narbonne, à Clermont-Ferrand, à Orléans, à Paris et à Bordeaux. Ces villes sont généralement des centres administratifs romains situés sur de grandes routes commerciales et les Juifs y possèdent des synagogues. Respectant toujours un édit adressé en 331 aux décurions de Cologne par l'empereur Constantin et le Code de Théodose, l'organisation interne des Juifs semble avoir été la même que dans l'empire romain. Les Juifs sont principalement marchands ; ils sont également percepteurs d'impôts, marins et médecins. Ils sont probablement restés sous la loi romaine sur un pied d'égalité avec leurs concitoyens jusqu'au triomphe du christianisme, suite au statut établi par Caracalla. L'empereur Constantin (321) les a contraints à participer dans leur curie à un lourd impôt qui frappait les citoyens des villes. Il n'y aucune raison de penser que leurs relations avec leurs concitoyens non-juifs ne sont pas de nature amicale, même après l'établissement du christianisme en Gaule. On sait que le clergé chrétien participe à leurs fêtes ; des mariages inter-religieux entre juifs et chrétiens se produisent parfois ; le judaïsme fait des émules, et leurs coutumes religieuses sont si librement adoptées qu'au troisième Conseil d'Orléans (539) les autorités religieuses chrétiennes jugent nécessaire de mettre en garde les fidèles contre les « superstitions juives », et d'ordonner à ceux-ci de s'abstenir de tout déplacement le dimanche.

Mais à la fin du VIe siècle, les juifs peuvent connaître des situations tout-à-fait diverses : Grégoire de Tours nous raconte qu'en 576 une émeute détruit la synagogue de Clermont de fond en comble, à la suite quoi les juifs de la ville acceptent le baptême[4]. Inversement, le juif de Paris Priscus est conseiller du roi Chilpéric et dans une controverse avec celui-ci refuse sans dommage pour lui la conversion[5].

En 591, les juifs chassés de la ville d'Orléans se réfugient en Provence. On connait, à ce propos, une lettre du pape Grégoire le Grand qui réprimande l'archevêque d'Arles Virgile à la suite de nombreuses plaintes à propos de conversions forcées.

En 629, Dagobert Ier propose d'expulser de ses domaines tous les Juifs qui n'accepteraient pas le christianisme. À partir de son règne jusqu'à celui de Pépin le Bref, on n'a guère d'autres indications. Mais dans le sud de la France, dans ce qui était alors connu comme « Septimanie » (ou Narbonnaise) et était une dépendance des rois Wisigoths d'Espagne, les Juifs ont continué à résider et prospérer. De cette époque (689) date la plus ancienne inscription funéraire juive connue en France, celle de Narbonne, visible au Musée archéologique de Béziers. Les Juifs de Narbonne, principalement des négociants, s'entendaient bien avec le reste de la population qui se rebellait souvent alors contre les rois Wisigoths.

Période carolingienne

Il semble que les Juifs aient été nombreux sous Charlemagne et leur statut était fixé par la loi. Il existait une formule spéciale pour le serment des juifs. Il leur était permis d'intenter une action en justice contre des chrétiens et, dans leurs relations avec ces derniers, ils n'avaient d'autres restrictions que celle de leur accorder le repos dominical. Ils ne devaient pas faire le commerce des monnaies, du vin ou du blé. Le plus important est le fait qu'ils étaient jugés par l'empereur lui-même, auquel ils appartenaient. Ils ont pratiqué le négoce international[6]. Charlemagne par exemple a employé un Juif pour aller en Palestine et en rapporter des marchandises précieuses. Un autre juif, Isaac, a été envoyé par Charlemagne en 797 avec deux ambassadeurs chez Haroun ar-Rachid[7]. C'est lui qui au retour en 802 à Aix-la-Chapelle remet à Charlemagne les cadeaux reçus d'Haroun ar-Rachid dont un éléphant[4]. En fait, il semble bien que le règne de Charlemagne ait été favorable aux Juifs, une des autres discriminations connues étant le fait que dans un procès le Juif devait produire plus de témoins que le chrétien pour avoir gain de cause[8]. On parle même d'une famille de princes juifs (ou « Nasi ») à Narbonne[9].

Louis le Débonnaire (814-833), fidèle aux principes de son père, a accordé une stricte protection aux Juifs, auxquels il a accordé une particulière attention en raison de leurs activités de négociants. Dans une lettre à Louis le Débonnaire, Agobard (778-840), évêque de Lyon, fait de nombreux reproches aux juifs : ils achèteraient des esclaves chrétiens à Lyon pour les revendre en Espagne[10] ; ils seraient superstitieux et auraient des croyances absurdes ; ils influenceraient gravement les chrétiens et prétendraient que ceux-ci adorent des idoles. Agobard n'eut pas gain de cause auprès de Louis le Débonnaire[11] mais ces allégations semblent démontrer la prospérité dont jouissaient les Juifs de Lyon.

Le comportement de cet évêque, hostile à la communauté juive de Lyon protégée par le roi Louis va cependant entraîner une migration vers Arles et les cités du midi, ce qui accrédite la présence probable d'une communauté juive importante dans les communautés méridionales au début du IXe siècle.

Henri Pirenne[12] constate qu'au VIIIe siècle le commerce entre l'Occident et l'Orient ne se fait plus que par les négociants juifs, seuls liens entre l'Islam et la Chrétienté[6]. Il est permis de penser que les marchands juifs de la vallée du Rhône appartenaient à ces juifs dits radhanites, grands voyageurs, hommes de profondes cultures et parlant de nombreuses langues, qui maintenaient le contact entre l'orient et l'occident[4].

Les premiers Capétiens (987-1096)

Premières persécutions

La vie relativement paisible des juifs sous les Carolingiens entraîna le développement de nouvelles communautés notamment à Toulouse, Carcassonne, Chalons sur Saône, Sens et Metz[13]. Mais le pouvoir des Carolingiens s'effrite vite et le sort des Juifs devient complètement dépendant du bon vouloir du pouvoir local. En 987, Hugues Capet est le premier Capétien à monter sur le trône de France.

En 1010 Alduin, évêque de Limoges, offre aux Juifs de son diocèse le choix entre le baptême et l'exil. Pendant un mois les théologiens tentent de les convertir, sans grand succès puisque seuls quelques Juifs abjurent leur foi ; les autres quittent la ville pour s'établir ailleurs, certains se donnent la mort. Un texte hébreu relate aussi que le duc Robert II de Normandie se serait concerté avec ses vassaux pour que tout Juif qui n'accepterait pas le baptême sur leurs terres soit éliminé, menace mise à exécution, alors que de nombreux Juifs se suicident. Au nombre des martyrs se trouve l'érudit Rabbi Senior. Un riche et influent érudit de Rouen, Jacob ben Jekuthiel, s'était auparavant rendu à Rome (1007) pour solliciter la protection du pape sur ses coreligionnaires de Lorraine ; le souverain pontife envoya un haut dignitaire chargé de mettre fin à la persécution. Mais Robert le Pieux, bien connu pour ses préjugés religieux et la haine qu'il portait aux hérétiques, poursuit dans la ligne de l'intolérance. Il pourrait y avoir un lien entre cette persécution et une rumeur qui s'est répandue au cours de l'année 1010.

À en croire Adhémar de Chabanais, qui écrit en 1030, en 1010 les Juifs d'occident adressèrent une lettre à leurs coreligionnaires d'orient les avertissant de l'imminence d'une expédition militaire contre les Sarrasins. L'année précédente, le Saint-Sépulcre avait été transformé en mosquée par les Musulmans, sacrilège qui avait provoqué la fureur de la chrétienté et notamment du pape Serge IV. L'exaspération de la chrétienté répandit alors la croyance en une entente secrète entre Musulmans et Juifs. Vingt ans plus tard, le moine chroniqueur Raoul Glaber donne d'autres détails sur cette affaire. Selon lui, les Juifs d'Orléans auraient envoyé à l'est via un mendiant une lettre qui incitait à la destruction du Saint-Sépulcre. Glaber ajoute qu'à la découverte de ce « crime », l'expulsion des Juifs fut décrétée partout. Pourchassés, tués ou acculés au suicide, bien peu demeurèrent dans le monde romain. Cinq ans plus tard, une partie de ceux qui avaient pu s'échapper devaient revenir. De nouveaux troubles se produisent aux alentours de 1065. À cette date le pape Alexandre II écrit au vicomte de Narbonne, Béranger, et à Guifred, évêque de la ville, qu'il loue d'avoir évité le massacre de Juifs dans leurs circonscriptions, leur rappelant par la même occasion que Dieu n'approuve pas qu'on répande du sang[14]. La croisade lancée contre les Maures en Espagne s'était en effet soldée par la mise à mort sans distinction de tous les Juifs que les Croisés rencontraient sur leur route : la figure de l'infidèle se déplace, par effet de proximité, du Maure au Juif rencontré en chemin.

Toujours selon Adhémar de Chabanais, la cérémonie humiliante de la « colaphisation » (du latin colaphus, soufflet) avait lieu au début du XIe siècle à Toulouse. Le comte de Toulouse "colaphisait" un Juif, c'est à dire le giflait dans la Cathédrale, le jour de Pâques, en représailles du soufflet que Jésus avait reçu durant sa Passion[15].

Certaines régions de la France actuelle restent dans cette période plus accueillantes aux Juifs : les comtes de Champagne dont la province ne sera rattachée au domaine royal qu'à la mort de Philippe le Bel vont permettre à une communauté juive intellectuellement brillante de se développer à Troyes. C'est aussi aux alentours de l'an mille que se constitue la communauté juive alsacienne[16]. Quant à la Provence, de 1000 à 1300 elle connaît un véritable « âge d'or » dans des villes comme Narbonne, Lunel ou Montpellier[15].

Littérature juive en France

Pendant cette période jusqu'à la première croisade, la culture juive se développait dans des communautés culturellement proches les unes des autres, qu'elles se situent au nord ou au sud de la France. Son domaine de prédilection était la poésie liturgique - l'écho des souffrances d'Israel et l'expression de son espoir invincible - et était plus souvent un exercice scolastique simple destiné plus à amuser et instruire qu'à émouvoir.

Après ceci vient l'exégèse biblique, l'interprétation simple du texte, reflétant une foi complète dans l'interprétation traditionnelle, et basé par préférence sur le Midrash. Finalement et surtout, leur attention était occupée par le Talmud et ses commentaires. Ce texte ainsi que les écrits des Gueonim, en particulier leur responsa, a été révisé et copié ; ensuite ces écrits ont été traités comme un code de droit et ont été commentés et étudiés, autant pour faire un exercice de dialectique que pour réfléchir à leur conséquences pratiques [17].

Un des plus fameux savants de cette période est Rabbenou Guershom (960-1028) qui vécut entre Metz et Mayence. Il fut un des premiers docteurs de la loi ashkenazes. Ce fut lui qui interdit la polygamie et la répudiation de l'épouse sans son consentement. S'il enseigna à de nombreux élèves, son flambeau ne fut repris que par l'illustre Rachi, né 12 ans après sa mort.

Rachi

La grande figure qui domine la deuxième moitié du onzième siècle, de même que l'histoire rabbinique entière de la France, est Rachi (Salomon ben Isaac) de Troyes (1040-1106). En lui est personnifié le génie du Judaïsme de la France du nord : son attachement dévoué à la tradition ; sa naïve foi tranquille ; sa piété, ardente mais libre de mysticisme. Il faut aussi dire que pour vivre il exerçait à la fois la fonction de rabbin à Troyes et le métier de vigneron. Ses travaux se distinguent par leur clarté, droiture et haine de la subtilité et sont écrits dans un style simple, concis, inaffecté, convenant à leur sujet. Son commentaire sur le Talmud est le produit d'un travail colossal qui a éclipsé les travaux semblables de tous ses prédécesseurs, par sa clarté et solidité a rendu facile l'étude de cette vaste compilation, et est bientôt devenu son complément indispensable. Son commentaire de la Bible (particulièrement sur le Pentateuque), une sorte de répertoire sur le Midrash, a servi pour l'édification, mais a également développé le goût d'une exégèse simple et naturelle. Ses commentaires du Talmud souvent ponctués de mots français transcrits en caractères hébreux sont une source très importante d'information sur le français du XIe siècle.

L'école qu'il a fondée à Troyes, son lieu de naissance, après avoir suivi les enseignements des rabbins de Worms et de Mayence est immédiatement devenue célèbre. Il a enseigné à Simhah ben Samuel[18], Rabbi Samuel ben Meïr (Rashbam) et le Rivam[19] , ses petit-fils ; et surtout, il est à l'origine de l'école des Tossafistes qui fait jusqu'au XIVe siècle la réputation du judaïsme français. Dans ses commentaires bibliques, il s'est servi des travaux de ses contemporains. Parmi eux doit être cité Moshe haDarshan, chef de l'école de Narbonne, qui fut peut-être le fondateur des études exégétiques en France et Menahem ben Helbo.

Ainsi le XIe siècle connut une littérature juive féconde en France. Dès lors le judaïsme français est devenu l'un des piliers du judaïsme universel.

Dès le XIe siècle, une chronique comme celle de Raoul Glaber accrédite l'idée que les Juifs d'Orléans ont comploté pour faire détruire le Saint-Sépulcre.Ces calomnies invraisemblables sont pourtant catastrophiques pour les Juifs. Et même si les Juifs de France semblent avoir un peu moins souffert des Croisades que leurs coreligionnaires allemands, la première croisade prêchée par Pierre l'Ermite fut un désastre pour les Juifs[13]. Les Croisés enfermèrent les Juifs de Rouen dans une église et exterminèrent tous ceux sans distinction d'âge ou de sexe qui refusaient le baptême. Ces massacres sont rappelés dans la liturgie juive comme "Gzeirot Tatnav" (גזירות תתנ"ו). Il a été établi que les Juifs d'Orléans et de Limoges furent également chassés de leur ville[20].

D'après un document en hébreu, les Juifs établis en France vivaient dans la peur qu'ils exprimèrent alors par écrit à leurs coreligionnaires de la région rhénane en leur demandant de prier pour eux[20]. Ironiquement, c'est dans la vallée du Rhin que les massacres furent les plus importants : des milliers de Juifs furent tués par les Croisés et des communautés entières disparurent à cette époque (voir Croisade allemande de 1096). On sait aussi que les Juifs furent molestés en 1146 à Strasbourg suite au prêche de la croisade par un moine appelé Radulph[21].

C'est à l'époque des Croisades (1096-1099 pour la première, 1147-1149 pour la deuxième) que se développèrent deux des accusations envers les Juifs les plus courantes de l'antisémitisme chrétien, à savoir les allégations qu'ils se livraient aux meurtres rituels et pratiquaient couramment l'usure. L'accusation de meurtre rituel semble liée à la volonté prêtée aux Juifs de répéter la crucifixion en tuant des chrétiens. De telles accusations deviennent fréquentes à la fin du XIIe siècle et aboutissent à Blois à une exécution massive où 31 Juifs sont brûlés vifs en 1171[17].

Quant à l'accusation d'usure, elle est liée au fait que le prêt à intérêt assimilé à l'usure est interdit aux chrétiens mais pas aux Juifs et donc que les Juifs deviennent souvent les banquiers des riches comme des pauvres. Et l'accusation d'usure permet aux emprunteurs de s'affranchir de leurs dettes[22].

Malgré l'hostilité qui les entoure, les Juifs du XIIe siècle ont une vie intellectuelle étonnamment florissante. L'école des Tossafistes se développe en Champagne notamment à Ramerupt autour de Rabbenou Tam, un des petits-fils de Rachi mais aussi en Bourgogne, à Paris et en Normandie. Des réunions de rabbins venant de France ou des bords du Rhin furent même organisées à Troyes, où il y avait 2 synagogues[13], par Rabbenou Tam[23].

La synagogue aux yeux bandés (cathédrale de Strasbourg -fin XIIe siècle
La synagogue aux yeux bandés (cathédrale de Strasbourg -fin XIIe siècle

De même, le sud de la France connaît une vie juive plutôt florissante malgré des manifestations anti-juives violentes. A Béziers, le dimanche des Rameaux est l'occasion de pillage des maisons des Juifs coupables d'avoir crucifié Jésus. A Toulouse, des taxes spéciales sont perçues sur les Juifs. Mais ils peuvent aussi avoir des postes administratifs importants souvent liés à l'administration des biens des nobles. Les rabbins érudits souvent en contact avec la brillante vie juive d'Espagne sont nombreux particulièrement à Narbonne ou à Lunel[24]. Benjamin de Tudèle, rabbin espagnol et grand voyageur, donne vers 1165 une description très positive de la vie des Juifs du midi de la France tant au plan matériel et commercial qu'au plan culturel ou même politique[25]. Un Juif comme Abba Mari peut être baile (bailli) de Saint-Gilles et trésorier de la commune de Nîmes en 1170. Les médecins juifs de la famille Ibn Tibbon établis à Lunel traduisent Aristote en hébreu et contribuent ainsi à la rediffusion des textes antiques[13].

En Alsace, si Benjamin de Tudèle parle de plusieurs Israélites « sages et riches » à Strasbourg, l'Église conserve une image dévalorisante des Juifs comme en témoigne la célèbre statue de la cathédrale de Strasbourg représentant la Synagogue aux yeux bandés et à la lance brisée.

Expulsions et Retours

Expulsion de France en 1182

À la fin du XIIe siècle, l'activité économique se développe et Paris connaît un grand essor auquel les Juifs participent. La population en vient vite à les jalouser et Philippe-Auguste, roi à 15 ans en 1180, entend ces plaintes. Il voit donc en eux des ennemis de la foi et des concurrents dangereux pour la toute nouvelle bourgeoisie commerçante. Le 10 mars 1182, par un édit de Philippe-Auguste, les Juifs se voient donc dépouillés de tous leurs biens et contraints à quitter le royaume. Les synagogues sont transformées en églises, les biens des Juifs redistribués à des nobles ou à des corporations. Philippe-Auguste venait d'inventer un modèle d'expulsion-spoliation des Juifs qui allait se répéter à de nombreuses reprises dans l'histoire. Cette première expulsion leur apprendra aussi à ne pas investir en valeurs immobilières mais de se contenter de numéraire et de bijoux négociables et transportables.

Les Juifs ne vont cependant pas aller très loin car le domaine royal est encore petit. Ils vont aller au plus près en Champagne ou en Bourgogne, mais aussi plus au sud en Provence[13].

Rappel des Juifs par Philippe Auguste en 1198

En 1198, Philippe Auguste rappelle les Juifs. Ce n'est pas une compassion tardive mais un intérêt bien compris qui lui fait prendre cette décision. En effet, les Juifs par leur métier de prêteurs contribuent à l'essor économique du royaume. De plus, un impôt spécial frappait chacune de leurs transactions[13]. Ce rappel des Juifs dans le royaume s'accompagne d'un accord d'extradition réciproque avec le comte Thibaut III de Champagne. Enfin, le roi fait des Juifs ses propres serfs qui ne bénéficient même plus d'une certaine protection de l'Église. Ils sont soumis complètement à l'arbitraire royal et à celui de ses seigneurs[26].

Mais en ce début de XIIIe siècle, l'Église devient même plus dure avec les Juifs que le roi et en 1205 le pape Innocent III proteste auprès du roi de France de la protection qu'il leur accorde. Le pape est même d'avis d'annuler les dettes envers les Juifs des seigneurs qui se croisent, ce que n'accepte pas le roi[27].

Le sort des Juifs du Languedoc

A la fin du XIIe siècle, les Juifs du Languedoc et du comté de Toulouse connaissent un sort enviable. La vie intellectuelle est brillante. Isaac l'Aveugle commente un des livres fondateurs de la Kabbale, le Sefer Yetzira. Raymond VI de Toulouse confie des charges importantes aux Juifs et laisse le catharisme se développer dans ses possessions.

Aussi le légat du pape qui va déclencher la croisade des Albigeois ne reproche-t-il pas seulement au comte de Toulouse d'avoir laissé se développer le catharisme mais aussi d'avoir fait la part trop belle aux Juifs. Ceux-ci ne sont pas massacrés comme les cathares après la défaite mais en 1229, Raymond VII de Toulouse est vaincu et ses terres passent après sa mort sous la possession d'Alphonse de Poitiers, frère de Saint Louis. Dès lors, les Juifs sous sa domination souffrent d'un arbitraire semblable à celui qui règne à leur égard dans le royaume de Saint Louis. Alphonse de Poitiers ne manque pas de les pressurer : taxes pour dispense de rouelle ; sous menace d’expulsion, ils lui apportent des fonds pour la croisade en 1248 ; nombreuses extorsions de fonds avec menaces d'expulsion et imposition forcée qui lui rapporte autant que celle sur les chrétiens pour celle de 1270. Les Juifs émigrent alors vers la Provence, sous la domination de la maison d'Anjou[13] [28].

Sous Louis VIII et Saint-Louis

Avec Louis VIII (1223-1226) et surtout Louis IX (1226-1270), la condition des Juifs sera marquée par une influence croissante de l'Église sans que l'intérêt de la Couronne ne soit oublié.

Louis VIII, dans son ordonnance Etablissement sur les Juifs de 1223, bien que plus inspiré par les doctrines de l'Église que son père, Philippe-Auguste, sait également veiller aux intêrets (à très court terme) du Trésor. Il interdit l'intérêt sur les prêts consentis par les Juifs mais demande aux seigneurs de percevoir en 3 ans le remboursement du capital pour le compte des Juifs. De plus, il supprime l'impôt spécial sur les transactions signées par des Juifs et les ramène dans le droit commun[29].

La politique de Saint Louis (1226-1270) envers les Juifs conjugue deux grands thèmes : son hostilité au prêt à intérêt et son hostilité au judaïsme. Louis IX, très pieux et soumis à l'Église, condamne sans réserve les prêts à intérêt et est moins sensible que Philippe Auguste, son grand-père, aux considérations fiscales. Par des ordonnances publiées à Melun en décembre 1230, il demande à plusieurs seigneurs de ne pas autoriser les Juifs à faire de prêt. Mais à la même époque, l'ordonnance de 1223 interdisant le prêt à intérêt par les Juifs est publiée à nouveau, ce qui montre seulement qu'elle n'avait pas été appliquée. En 1234, le roi va plus loin : il libère ses sujets du tiers de leurs dettes envers les Juifs. De plus, il est ordonné que ce tiers devait être restitué à ceux qui l'auraient déjà remboursé. Enfin, il est interdit d'emprisonner des chrétiens ou de vendre leurs biens immobiliers afin de rembourser des dettes dues aux juifs[29].

Procès du Talmud

Des Juifs convertis au christianisme contribuent à répandre l'idée que les livres saints juifs outragent celui-ci. L'un d'eux est Nicolas Donin, de La Rochelle, ancien rabiin devenu abbé, qui obtient du pape Grégoire IX une bulle condamnant le Talmud. Le 3 mars 1240, le pouvoir royal fait alors saisir tous les exemplaires de l'ouvrage qui sont transportés à Paris où est organisée le 12 juin 1240 en présence de Blanche de Castille une controverse entre quatre rabbins dont Yehiel de Paris et des ecclésiastiques dont l'évêque de Paris Guillaume d'Auvergne et l'inquisiteur Henri de Cologne, Eudes de Chateauroux, Chancelier de l'Université de Paris et Nicolas Donin. La sentence en est que le Talmud est un livre infâme qui doit donc être brûlé. En 1242, le Talmud était solennellement brûlé en place de Grève à Paris en présence du Prévôt et du clergé[13] [30]. De nombreuses autres controverses auront lieu durant le règne de Saint Louis, chaque fois avec des risques pour les Juifs[31].

En 1250, Saint Louis parti en croisade est fait prisonnier à Mansourah. Sous l'influence d'un moine et avec l'aval de la mère du roi, Blanche de Castille, des milliers de bergers ou pastoureaux décident de se croiser pour aller le libérer. Cette nouvelle croisade échouera après s'être heurtée au clergé mais non sans avoir massacré les Juifs de Bourges.

Port de la rouelle

Juif allemand portant la rouelle.
Manuscrit médiéval (v. 1476).

En 1269, Saint Louis impose aux Juifs le port de la rouelle qui avait été décidé par le IVe concile du Latran en 1215. C'est un morceau d'étoffe portant une roue, symbole des 30 deniers de Judas, à apposer sur le vêtement[32].

Sous Philippe le Hardi (1270-1285)

L'avénement de Philippe le hardi ne change pas le sort des Juifs du royaume. Ils restent soumis à de nombreuses discriminations et diverses ordonnances les renforcent : il leur est interdit d'employer des serviteurs chrétiens, de réparer les synagogues ou de posséder des copies du Talmud[33].

C'est sur le plan politique que 2 événements importants se produisent : à la mort de son oncle Alphonse de Poitiers en 1271, les terres de celui-ci reviennent au roi : les Juifs de Toulouse et d'Aquitaine partagent complètement le destin des Juifs du royaume. Inversement, en 1274, Philippe le Hardi cède le Comtat-Venaissin au Pape. Les Juifs pourront ainsi rester dans les États du Pape jusqu'à la Révolution même s'ils seront confinés dans les carrières.

C'est aussi sous Philippe le Hardi que les Juifs du royaume commencent à souffrir de l'Inquisition introduite en France pour lutter contre les Albigeois. En effet, en 1267, le pape Clément IV dans sa bulle Turbato Corde déclare hérétiques les Juifs convertis au christianisme et revenus au judaïsme[34]. Ils sont mis sous l'autorité des inquisiteurs. En 1278, les Juifs de Toulouse enterrent un chrétien converti au judaïsme dans leur cimetière. Pour cet acte de prosélytisme, leur rabbin Isaac Malès est déféré devant l'Inquisition et condamné au bûcher[35].

Sous Philippe le Bel (1285-1314) : persécutions, spoliations et expulsion

Philippe le Bel fut certainement le pire roi de France pour les Juifs et malheureusement pour eux, jamais le domaine royal n'avait été aussi grand qu'à son avènement et donc jamais autant de Juifs n'avaient dépendu du roi. De plus, sa femme était comtesse de Champagne où était établie une riche communauté juive, longtemps protégée par les comtes de Champagne. Dès 1288, 13 Juifs sont condamnés par l'Inquisition au bûcher à Troyes pour une prétendue affaire de meurtre[33]. Deux ans plus tard, c'est le miracle du Dieu bouilli[36] ou miracle des Billettes, une affaire de profanation d'hostie imputée à un Juif[37].

En fait, dès avant son accession au trône, Philippe le Bel avait compris l'intérêt qu'il pouvait tirer des Juifs. Lorsque sa femme avait pris possession de la Champagne en 1284, il avait obtenu des Juifs un paiement de 25.000 livres pour confirmer leur droit d'établissement en Champagne. Les années suivantes, il continua à les défendre contre l'Église de façon à conserver une source de revenus[38].

En 1292, une taxe supplémentaire est levée sur les Juifs. En 1295, ils sont arrêtés, voient leurs biens saisis et disposent de 8 jours... pour les racheter. Sinon ils sont vendus au bénéfice du Trésor. De nouvelles taxes sont encore levées en 1299 et 1303.

Enfin, en 1306, le Trésor étant vide, le roi se décide à tuer la poule aux œufs d'or, selon l'expression de la Jewish Encyclopedia. Il fait arrêter les Juifs, leur fait signifier leur exil et saisit leurs propriétés y compris leur créances, ne rendant même pas le service à ses autres sujets de les libérer de leurs dettes envers les Juifs. On a pu estimer le nombre de Juifs exilés à cent mille[39]. Le poète Geoffroi de Paris écrit à ce propos dans sa Chronique rimée :

L’an mil trois cens six, en cel an
Furent les juifs pris à pan:
De ce ne fas-je mie doute,
Faus Juis qui ne voient goute
En nostre loi chretiennée
Furent pris, à une jornée,
Droit le jor de la Magdelaine[40]
Mainte grant prison en fu plaine.
Je dis seignors, comment qu’il aille,
Que l’intencion en fu bonne,
Mès pire en es mainte personne
Qui devenu est usurier,
Et en sera ça en arrièr
Trop plus assez qu’estre ne sceut
Dont tout povre gent se deut;
Car Juifs furent débonnères
Trop plus en fesant telz affaires
Que ne furent ore chrestien[41]

Cet exil se fait dans des conditions très dures. Le chroniqueur Jean de Saint-Victor nous dit que les Juifs devaient payer pour pouvoir quitter le royaume et que nombre d’entre eux moururent en chemin d’épuisement et de détresse[41]. Le royaume s'étant agrandi depuis la première expulsion sous Philippe-Auguste, les Juifs doivent se réfugier plus loin cette fois-ci, dans les pays alentours, en Alsace, en Savoie et en Provence (hors du royaume de France à cette époque), en Italie, en Allemagne et en Espagne. Il en reste aujourd'hui des familles Tsarfati (qui signifie Français en hébreu), Narboni, Bedersi, (de Béziers) etc... suivant l'habitude répandue de nommer les personnes du nom de la ville ou du pays d'où ils sont originaires.

Même si les Juifs seront rappelés en 1315, cette expulsion marque la fin du judaïsme français au Moyen-Âge. Comme la révocation de l'Édit de Nantes qui condamna les protestants à l'exil en 1685, cette décision est pour l'historien Siméon Luce, un désastre pour la France et sa vie économique[42].


Du rappel de 1315 à l'expulsion finale de 1394

Le rappel de 1315

Chose exceptionnelle, le rappel de 1315 se fait sous la pression de l'opinion publique qui regrette les Juifs et déplore l'absence de prêteurs. Aussi le roi Louis X le Hutin les rappelle-t-il mais pour 12 ans seulement probablement pour pouvoir de nouveau les spolier comme l'avait fait son père. Mais dans ces conditions, il est probable que peu nombreux furent les Juifs qui tentèrent de nouveau leur chance dans le royaume de France. C'était une opération d'autant plus profitable pour le roi que les Juifs furent lourdement taxés sur les créances d'avant 1306 qu'ils arrivèrent à recouvrer. Ce retour des Juifs rapporta au trésor royal 122 500 livres[43].

La seconde croisade des Pastoureaux et l'expulsion de 1323

Il ne fallut pas attendre les 12 ans concédés par Louis X le Hutin pour que les Juifs soient de nouveau frappés par le malheur. En 1320, la révolte des Pastoureaux[44] apporta son cortège de massacres de Juifs dans le sud-ouest de la France, à Auch, Castelsarrasin etc... À Verdun-sur-Garonne, ils se suicident. Certains Juifs préfèrent accepter le baptême plutôt que d'être massacrés mais seront alors considérés comme relaps par l'Inquisition et donc manacés du bûcher s'ils reviennent plus tard au judaïsme[13].

La conséquence de cette révolte est paradoxale mais bien connue de ceux qui se sont tant soit peu intéressés à l'antisémitisme : le pouvoir reproche aux Juifs d'avoir suscité ces troubles par leur seule présence. C'est donc eux qu'il faut punir. Les Juifs sont donc à nouveau expulsés en vertu d'une ordonnance du 24 juin 1322, mise à exécution en 1323. Le prétexte en sera donné après coup : les Juifs se seraient conjurés avec les lépreux pour empoisonner les puits[39] [45].

Persécutions en Alsace : le massacre de la Saint-Valentin

Les communautés juives se multiplient en Alsace au début du XIVe siècle, sans doute à cause de l'expulsion des Juifs du royaume de France[39]. Mais dès 1336, un mouvement insurrectionnel semblable à la révolte des Pastoureaux et mené par un aubergiste surnommé Armleder menace les Juifs et à Colmar en 1337, ils ne doivent leur salut qu'à la protection des autorités impériales et épiscopales[46].

Mais l'époque la plus terrible est celle de la peste noire qui sévit en Europe de 1347 à 1349. En Alsace et ailleurs, les Juifs sont accusés d'avoir empoisonné les puits. Si dans le Comtat-Venaissin, le pape protège les Juifs[39], les autorités ne pourront rien faire à Strasbourg, d'autant plus que les représentants des villes impériales réunis à Benfeld avaient décidé d'anéantir (« abzuschaffen ») les Juifs. Malgré l'opposition de « l'Ammeister » (c'est-à-dire du chef des corporations) Pierre Schwarber qui y perdra sa charge, sa fortune et son droit de résidence, la populace menée par les corporations d'artisans prend le pouvoir dans la ville et le 14 février 1349, jour de la Saint-Valentin se livre à la chasse aux Juifs. Ceux qui échappent aux premiers massacres sont rassemblés et jetés dans un bûcher[47]. A la même époque, les Juifs de Colmar sont aussi brûlés vifs au lieu-dit Judenloch (la fosse aux Juifs)[46], nom encore porté par un chemin communal de Colmar.

Même si, après les émeutes, les Juifs survivants qui ont trouvé refuge dans les campagnes alentour peuvent revenir en ville, ces événements marquent la trasformation du judaïsme alsacien qui devient rural pour les cinq siècles suivants.

Le rappel de 1360

En 1349, le Dauphiné rejoint le royaume de France. Selon les termes du traité de Romans, le roi de France doit respecter les « institutions et les usages du pays » et donc les Juifs n'en sont pas expulsés[39].

En 1356, le roi le France Jean le Bon est fait prisonnier à la bataille de Poitiers par les Anglais qui exigent une rançon de 3 millions d'écus d'or pour le libérer. Le dauphin Charles voulant renflouer tant soit peu les finances royales, a alors l'idée de négocier le retour pour 20 ans des Juifs dans le royaume moyennant, bien sûr, quelques taxes : « une taxe d’entrée de quatorze florins par chef de famille et d’un florin pour chaque membre, et, de plus, sept florins par on et par feu et un florin pour chaque membre de la famille »[48]. Mais en fait, les conditions négogiées par le dauphin ne sont pas défavorables aux Juifs et le roi Jean II, plus hostile aux Juifs que son fils, réinstaure le port de la rouelle[49]. En tout état de cause, il semble bien que très peu de Juifs aient tenu à revenir dans le royaume, vu les droits élevés demandés.

L'expulsion finale de 1394 - bilan de plus d'un millénaire de présence juive en France

Charles V le Sage protégea les Juifs tout le long de son règne et prolongea leur droit de séjour. Son successeur en 1380 est Charles VI le Fol beaucoup plus influençable. Sous le prétexte du retour au judaïsme d'un Juif converti au christianisme, il signe le 17 septembre 1394 l'arrêt interdisant aux Juifs de séjourner dans le royaume. Plus libéral que son aïeul Philippe le Bel, il leur permet de réaliser leurs créances et de vendre leurs biens puis les fait protéger le long de leur trajet jusqu'aux frontières du royaume[48] durant l'hiver 1395[39].

Que reste-t-il des quatorze siècles de présence des Juifs en France ? Peu de choses sur le plan matériel : un bâtiment juif sous le palais de justice de Rouen[50], une maison qui fut une synagogue au XIIIe siècle à Rouffach[51], un mikveh de la même époque à Strasbourg (au 19 de la rue des Juifs) et des stèles juives visibles au musée de Cluny à Paris[52]. Dans de nombreuses villes, on trouve aussi une rue de la Juiverie[53] ou une rue des Juifs ou même une impasse des Juifs.

Sur le plan spirituel, le patrimoine est incommensurable grace surtout à Rachi dont les commentaires du Talmud ainsi que ceux de ses continuateurs de l'école des Tossafistes font encore aujourd'hui eux-mêmes l'objet de multiples commentaires. Quant à la science profane, elle a beaucoup profité des médecins juifs installés à Montpellier ou Lunel avec les Tibbonides particulièrement qui traduisirent les traités de médecine antique ou arabe.

Ces derniers siècles du Moyen-Âge nous ont aussi laissé toutes les bases de l'antisémitisme chrétien qui se fonde sur le mythe du peuple déicide et sur tous ces poncifs à l'origine de tant de crimes envers les Juifs : profanation d'hostie, meurtre rituel, empoisonnement des puits, usure... On en voit encore une représentation à Strasbourg avec la statue reproduite plus haut ou à la collégiale Saint-Martin de Colmar où une gargouille représente une truie allaitant ses porcelets et des Juifs. Il faudra le pape Jean XXIII et le concile Vatican II puis Jean-Paul II pour mettre fin à ce que Jules Isaac appela « l'enseignement du mépris ».

Le royaume de France ne devrait alors plus compter de Juifs mais l'édit de 1394 épargne les Juifs du Dauphiné récemment annexé. Hors du royaume, des communautés sont toujours présentes sur le territoire de la France actuelle en Alsace puis en Lorraine, en Savoie, en Provence et dans le Comtat-Venaissin. Ces communautés soumises à des régimes légaux différents les uns des autres vont connaître des destins séparés pendant les quatre siècles qui vont mener à la Révolution.

Taxations et départ des Juifs du Dauphiné

En 1349, le traité de Romans par lequel le Dauphiné avait été rattaché à la France stipulait expressément qu'ils ne devait pas y avoir de changement dans le gouvernement des Juifs. A ce titre, les Juifs du Dauphiné ne furent pas expulsés en 1394. Mais le dauphin Louis, futur Louis XI, les accusa d'usure excessive et de trahison et les condamna à une lourde amende[54]. Puis en 1441, les Juifs de Crémieu furent soumis à une nouvelle taxation[55]. Ces taxations successives incitèrent les Juifs à quitter définitivement cette province. Une partie émigra vers le proche Comtat-Venaissin, donnant le nom de sa ville d'origine à la famille Crémieux du Comtat, celle d'Adolphe Crémieux qui jouera au XIXe siècle un grand rôle dans l'histoire des Juifs de France et d'Algérie. Crémieu en fut dépeuplé, et malgré un ultime effort de Louis pour les rappeler[56], les Juifs ne revinrent pas dans le Dauphiné. Les conversions furent aussi nombreuses. Nicolas Chorier écrit au XVIIe siècle : « Plusieurs familles qui sont aujourd'hui dans l'élévation doivent reconnoître de ces convertis pour leurs tiges. Celles qui pour tout tître n'ont que les noms propres de quelques Saints auroient peine à établir une autre origine; les Iuifs qui recevoient le baptesme laissant à leur postérité le nom du patron qui leur avait été choisi dans le Ciel pour les protéger sur la terre. »[57]

Persécution et émigration des Juifs de Savoie

La Savoie ne fait pas partie du royaume. Elle ne sera annexée qu'au XIXe siècle. Là, au XVe siècle, les persécutions furent d'origine religieuse et vinrent plus particulièrement de Juifs convertis comme l'inquisiteur Ponce Feugerons. Dans les années 1460, les Juifs poursuivis pour avortements, meurtres, pratique de la magie et injures contre le duc de Savoie ne sont condamnés qu'à une énorme amende. A partir de là, on ne trouve plus trace de Juifs dans l'histoire savoyarde[39], sauf à Chambéry où une petite communauté aurait existé jusqu'au XVIIIe siècle.

A Nice qui appartenait à la Savoie et qui fut rattachée à la France à la même époque que celle-ci, une communauté juive subsista comme en beaucoup de villes italiennes. En 1733, les Juifs doivent résider dans le ghetto (223 personnes en 1736)[58]. Celui-ci est rappelé par la rue Benoît Bunico (en niçard, Carriera de la juderia) du nom du député niçois au parlement de Turin (1848-1850) qui fit abolir en 1848 l'obligation (déjà non respectée depuis l'occupation de Nice par les Français sous la Révolution et l'Empire) de résidence pour les Juifs dans le ghetto[59].

La Provence et le Comtat-Venaissin

En 1394, la Provence appartenait à la maison d'Anjou et cette situation se prolongera jusqu'en 1481 quand par le jeu des successions, le roi de France Louis XI peut la rattacher au domaine royal. Les persécutions des années 1460 en Savoie se produisent aussi dans tout le sud-est de la France, par exemple des émeutes anti-juives en 1456 à Cavaillon, en 1459 à Carpentras, en 1471 à Avignon, en 1484 à Tarascon et à Arles[39]. Pourtant lors de l'annexion de la Provence, Louis XI avait expressément confirmé les privilèges (c'est-à-dire le droit de séjour) des Juifs provençaux. Comme toujours, les désordres antijuifs sont imputés aux Juifs et les villes demandent leur départ alors même que les Juifs provençaux essaient d'assister leurs coreligionnaires expulsés d'Espagne en 1492. Finalement, l'ordre d'expulsion est confirmé par Louis XII le 31 juillet 1501[60]. De nombreux Juifs préfèrent le baptême à l'exil mais une nouvelle taxe de 6000 livres touche en 1512 122 chefs de famille dans 16 localités. Ces nouveaux chrétiens seront discriminés pendant près de 3 siècles. Ainsi, en 1627, le poète Malherbe parle de ceux qui ont tué son fils Marc-Antoine comme des « fils de ces bourreaux qui T'ont crucifié ». En 1778, un édit royal prescrit de ne plus faire de différences entre nobles provençaux, fussent-ils d'origine juive ou mahométane[60].

Le Comtat-Venaissin restait donc le plus proche endroit où les Juifs pouvaient se réfugier en quittant la Provence. Mais dès la fin du XVIe siècle, ils sont confinés dans les 4 carrières d'Avignon, de l'Isle-sur-la-Sorgue, de Carpentras et de Cavaillon. Ils ne sont guère nombreux : 500 environ à Avignon et Carpentras vers l'an 1600[61]. Quant à la carrière de l'Isle-sur-la-Sorgue, elle était établie dans une impasse sur 2500 mètres carrés. Dans ces carrières, les maisons atteignaient 4 à 5 étages pour gagner un peu de place.

Thomas Platter nous décrit la carrière d'Avignon en 1595 qui n'est qu'une rue fermée des 2 côtés[62]. Il signale que la plupart des Juifs sont tailleurs. La synagogue est dans une sorte de cave. Les Juifs ne peuvent sortir de la carrière que le jour vêtu de vêtements particuliers, dont le port d'un chapeau jaune. En 1741 est construite la synagogue de Carpentras, la plus vieille aujourd'hui en France. Ce n'est qu'en 1784 qu'un cafetier de Carpentras est autorisé à recevoir des Juifs [61].

Toutefois, au XVIIIe siècle, quelques Juifs eurent le droit de circuler et de commercer dans le royaume de France. Ce n'est qu'en 1776 que ces mesures sont généralisées par des lettres patentes de Louis XVI autorisant les Juifs portugais (voir paragraphe Le sud-ouest de la France) et les Juifs du Pape à commercer à condition de se faire immatriculer auprès des juges locaux [58].

La Lorraine

Au début du XVIe siècle, il semble y avoir très peu de Juifs en Lorraine, qui dépend pour sa plus grande partie, au moins nominalement, du Saint-Empire. En 1552, les Trois-Évêchés, Metz, Toul et Verdun passent sous la protection du roi de France. Les Trois Évêchés n'étant pas formellement annexés, l'édit d'expulsion des Juifs de 1394 n'y est pas applicable.

Une forte garnison de plusieurs milliers d'hommes est installée à Metz. Les autorités françaises permettent contre la politique des notables locaux à des Juifs de s'établir en tant que banquiers à Metz. Une ordonnance de 1567 est très précise : seuls, 4 ménages sont autorisés, ils entendront chaque mois un sermon dans une église, le taux maximum de prêt est de 21% et il leur faudra payer une redevance annuelle au profit des pauvres de la ville [63]. Ce nombre augmentera peu à peu malgré l'opposition des notables locaux et en 1625 25 ménages représentant 120 personnes élisent un conseil de 6 syndics dont 3 rabbins. En 1637, la communauté se monte à 373 personnes dont les noms évoquent une provenance d'Allemagne (Hanau, Trèves, Francfort, etc...). Cette population juive est confinée dans le ghetto aux hautes maisons et aux ruelles étroites sans air[60].

Henri IV en 1605 puis Louis XIII en 1632 confirment les « privilèges » des Juifs en récompense des services rendus. La synagogue est construite en 1618.

En 1648, le traité de Westphalie fait définitivement passer les Trois Évêchés dans le royaume de France mais l'édit d'expulsion de 1394 n'y est pas appliqué. Le 25 septembre 1657, Louis XIV, accompagné de son frère, est le premier souverain français à visiter une synagogue, celle de Metz[64] lors de la fête de Souccot. Il y est reçu par le rabbin Moïse Narol. Les ordonnances publiées à cette occasion élèvent le nombre de Juifs à 96 ménages et diminuent les entraves à l'activité commerciale, ce à quoi le Parlement de Metz s'opposa[63].

En 1670, un Juif de Boulay se rendant à Metz, Raphaël Lévy, est accusé du meurtre rituel d'un enfant rencontré en chemin et brûlé vif. Puis le Parlement de Metz interdit aux Juifs de célébrer le culte hors la synagogue. Les syndics de la communauté saisissent le roi qui leur reprocha la lenteur de leur réaction. Un arrêt du Conseil du Roi aurait prescrit la réhabilitation de Raphaël Lévy[63]. Mais afin d'être protégés par les autorités les Juifs doivent s'engager à payer au duc de Brancas et à ses successeurs une taxe spéciale, la "Taxe Brancas", qui grève lourdement le budget de la communauté jusqu'à la Révolution.

Les calomnies ne cessant de viser la communauté juive de Metz, le roi Louis XIV de passage à Nancy ordonna de sévir contre les propagateurs de fausses nouvelles. La communauté continue de prospérer sous Louis XIV et atteint 400 ménages à la fin de son règne. Il faut dire que les Juifs rendent service à l'armée pour assurer la subsistance des troupes et Colbert estimait que les Juifs « contribuaient à la vie économique du pays ».

La communauté juive de Metz se développe au XVIIIe siècle et c'est environ 400 ménages qui y vivent à la veille de la Révolution. Les rôles de la taxe Brancas montrent aussi que des Juifs sont établis dans une trentaine de villages de l'évêché de Metz. En 1782, le comte de Provence et futur Louis XVIII visite la synagogue où il reçoit la bénédiction du rabbin Lion Asser[65].

Ailleurs en Lorraine occupée par les troupes françaises jusqu'en 1697, les autorités royales favorisèrent aussi l'immigration juive. Mais en 1697, le traité de Ryswick oblige Louis XIV à rendre la Lorraine au duc Léopold Ier de Lorraine (à l'exception des Trois-Évêchés). Ce dernier fait appel à des banquiers juifs de Metz pour renflouer les finances de son duché et en 1715 il nomme Samuel Lévy receveur général. La Chambre des Comptes de Lorraine refuse de recevoir son serment à cause « de la haine implacable au nom chrétien et à tout le genre humain » des Juifs. Le duc qui avait été jusqu'à promettre aux Juifs liberté d'établissement à Nancy et le droit d'y construire une synagogue doit démettre Samuel Lévy dès l'année suivante sous la pression de la noblesse lorraine appuyée par le gouvernement français. Après avoir de nouveau prêté au duc, il fait banqueroute et est jeté en prison avant d'être expulsé en 1721[63]. Une réaction antijuive s'ensuit et le 12 avril 1721 sont expulsés de Lorraine les Juifs non présents avant 1680. Sont autorisés à rester 73 ménages dans 24 localités, ce qui en fait officialise la communauté juive de Lorraine, qui a le droit de commercer librement et d'établir des synagogues. En 1733, c'est 180 ménages qui sont autorisés à résider en Lorraine. Sous Stanisław Leszczyński, la situation des Juifs continuent à s'améliorer. Si c'est toujours 180 ménages qui sont autorisés, la définition de « ménage » devient extensive en parlant du chef et de tous les descendants de mâles demeurant dans une seule et même maison.

Les Juifs de Lorraine deviennent sujets du roi de France lors de l'annexion de la Lorraine en 1766 à la mort de Stanisław Leszczyński. Ils créent sous Louis XVI les synagogues de Lunéville et de Nancy. On peut estimer à 500 le nombre de familles juives établies en 1789.

Les Juifs étaient administrés par les rabbins pour tout ce qui relevait de la religion et par des syndics pour la police, l'administration et la levée de l'impôt. Le prestige des grands-rabbins de Metz était considérable dans le monde ashkenaze et son choix était soumis à l'approbation du roi qui jamais ne la refusa. L'enseignement des enfants est obligatoire depuis 1689 toute la journée pour les enfants de moins de 14 ans, une heure par jour au moins entre 14 et 18 ans. Quant à l'école talmudique ou yechiva, elle était aussi très renommée. Ce fut dans cette école que furent formés les rabbins français jusq'au Second Empire et son transfert à Paris [66].

Les syndics étaient élus par les contribuables de la communauté par une suffrage à trois degrés. Ils sont chargés de l'impôt qu'ils versent au pouvoir. Mais ils doivent aussi assurer les dépenses de la communauté et notamment les frais de procès et les « cadeaux » pour les visites royales ou princières, les étrennes, etc... L'impôt est perçu au prorata de la fortune des contribuables. Il existe aussi des taxes sur la viande ou sur les dots. Mais cela ne suffit pas et en 1789 la dette de la communauté est telle qu'elle en assumera le remboursement jusqu'en 1854[66].

L'Alsace

En 1648 est signé le traité de Westphalie qui donne partie de la Lorraine (les Trois-Évêchés) et de l'Alsace à la France. Toutefois, Strasbourg ne deviendra française qu'en 1781. Avec cette annexion, pour la première fois depuis 1394, des juifs sont officiellement tolérés en France.
Mais en Alsace, les juifs n'ont pas le droit de résider en ville ni de posséder des terres. Ainsi ils ne peuvent être paysans. Cette règlementation est à l'origine de la physionomie du judaïsme rural alsacien. Les juifs peuplent les petits bourgs et les villages où ils sont maquignons, colporteurs ou prêteurs.

Les Juifs portugais du sud-ouest de la France

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les communautés de Bordeaux et du Sud-Ouest accueillent des juifs portugais officiellement convertis au catholicisme pour échapper à l'Inquisition, mais qui ont néanmoins du mal à éviter la persécution par l'Inquisition dans leur pays d'origine.


Sous la Révolution et sous Napoléon

La Révolution française marque une transformation capitale de la situation des Juifs de France : dès 1791, grâce notamment au rôle de l'abbé Grégoire, d'Adrien Duport, ils deviennent citoyens français à part entière.

L'empereur Napoléon Ier prend diverses mesures pour intégrer davantage les juifs dans la communauté nationale, ou pour le dire autrement les normaliser au regard de la majorité. En 1808, il impose aux juifs de prendre un nom de famille ("Décret de Bayonne").

Émancipation au début de la Révolution

Dans le même temps, la Révolution française s'étendait. La chute de la Bastille fut le signal de désordres partout en Alsace. Dans certains districts, les paysans attaquaient les demeures des Juifs, qui trouvaient refuge à Bâle. Une triste image des outrages qui leur étaient faits fut brossée dans la période qui précéda la réunion du 3 août de l'Assemblée Nationale par l'abbé Henri Grégoire, qui demanda leur complète émancipation. L'Assemblée nationale partagea l'indignation du prélat, mais ne prit pas de décision sur la question de l'émancipation ; elle était intimidée par des députés antisémites d'Alsace, en particulier un certain Rewbell, qui déclara que le décret qui accordait aux Juifs les droits de citoyens serait le signal de leur destruction en Alsace. Le 22 décembre 1789, la question juive fut à nouveau débattue à l'Assemblée sur la question de l'admission de tous les citoyens au service public sans distinction de croyance. Mirabeau, le conte de Clermont Tonnerre, et l'abbé Grégoire mirent en œuvre toute leur éloquence pour provoquer l'émancipation désirée ; mais des désordres répétés en Alsace et la forte opposition des députés de cette province et du clergé, comme La Fare, évêque de Nancy, l'abbé Maury, et d'autres, entraîna un ajournement de la décision. Il n'y eut que les Juifs portugais et avignonnais, qui avaient jusque là joui de tous les droits civils comme Français naturalisés, furent déclarés citoyens à part entière par une majorité de 150 (28 janvier 1790). Cette victoire partielle insuffla un nouvel espoir chez les Juifs des districts allemands, qui firent encore de plus grands efforts dans la lutte pour la liberté. Ils s'appuyèrent sur l'éloquence avocat Godard, dont l'influence dans les cercles révolutionnaires était considérable. À travers ses efforts, les Gardes Nationaux et les diverses sections se prononcèrent en faveur des Juifs, et l'abbé Malot fut envoyé par l'Assemblée Générale de la Commune pour plaider leur cause devant l'Assemblée Nationale. Malheureusement, les affaires graves qui occupaient l'Assemblée, les agitations prolongées en Alsace, et les passions du parti clérical empêchérent le développement de propagande active des Juifs et de leurs amis.

Quelques jours avant la dissolution de l'Assemblée Nationale (27 septembre 1791) un membre du Club des Jacobins, qui était auparavant conseiller parlementaire, nommé Adrien Duport, monta contre toute attente à la tribune et déclara : "Je crois que la liberté de culte ne permet aucune distinction dans les droits politiques des citoyens sur la base de leur croyance. La question de l'existence politique des Juifs a été ajournée. Encore les musulmans et les hommes de toutes sectes sont admis à la jouissance des droits politiques en France. Je demande que la motion d'ajournement soit supprimée, et qu'un décret passe pour que les Juifs en France jouissent des droits de citoyens à part entière." Cette proposition fut acceptée avec de forts applaudissements. Rewbell essaya, cependant, de s'opposer à la motion, mais il fut interrompu par Regnault de Saint-Jean, président de l'Assemblée, qui suggéra "que quiconque s'opposerait à cette motion serait ramené à l'ordre, parce qu'il s'oppose à la constitution elle-même."

Pendant la Terreur

Attitude de Napoléon

Sous la Restauration

Reconnaissance nationale

Entre assimilation et rejet

Voir l'article : Affaire Dreyfus

Au XXe siècle

Synagogue de la rue Pavée à Paris construite en 1913 sur des plans d'Hector Guimard.

Au début des années 1900 la condition des Juifs s'est considérablement améliorée et une vague d'immigrants juifs fuyant les pogroms d'Europe de l'Est arrive en France. Cette immigration cesse temporairement pendant la Première Guerre mondiale au cours de laquelle les Juifs sont incorporés dans les forces françaises, puis reprend au sortir de la guerre.

L'Entre-deux guerres

Les Juifs de France occupent une place privilégiée au cours de cette période dans la culture et les arts, qui comptent des artistes tels que Modigliani, Chaïm Soutine, ou Marc Chagall. La France est également le premier pays à élire un Juif Président du Conseil en la personne de Léon Blum dans les années 1930.

L'arrivée au pouvoir de Blum déclenche les foudres de l'extrême droite parlementaire et des ligues qui lui sont affiliées[67]. Ce regain de l'antisémitisme en France se prolongera quatre ans plus tard dans un antisémitisme d'État.

Le traité d'armistice signé le 22 juin 1940 entre le représentant du IIIe Reich allemand et celui du Gouvernement français, s'il ne comprend aucune disposition relative aux Juifs, prévoit deux clauses qui vont lier leur sort à la politique antisémite de l'Allemagne:

  • L'article 3 prévoit que "Dans les régions occupées de la France, le Reich allemand exerce tous les droits de la puissance occupante. Le gouvernement français s'engage à faciliter par tous les moyens les réglementations relatives à l'exercice de ces droits et à la mise en exécution avec le concours de l'Administration française.",
  • Les articles 16 et 19 prévoient que: "Le gouvernement français procédera au rapatriement de la population dans les territoires occupés, d'accord avec les services allemands compétents;" (il s'agissait de toutes les populations ayant fui les zones de guerre pendant l'Exode), que "Tous les prisonniers de guerre et prisonniers civils allemands, y compris les prévenus et condamnés qui ont été arrêtés et condamnés pour des actes commis en faveur du Reich allemand, doivent être remis sans délai aux troupes allemandes." et "Le gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands désignés par le gouvernement du Reich et qui se trouvent en France, de même que dans les possessions françaises, les colonies, les territoires sous protectorat et sous mandat.".

De ce fait, il est nécessaire de distinguer les mesures prises par les autorités d'occupation allemande dans la partie Nord et Ouest de la France, et celles prises par le Régime de Vichy en zone libre pour les populations qui restent sous son autorité.

De l'Armistice à l'invasion de la Zone libre

Le régime de Vichy prend les premières mesures antijuives, peu après les autorités allemandes, dès l'automne 1940 : le Statut des Juifs du 3 octobre, préparé par Raphaël Alibert, interdit aux Juifs français d'exercer un certain nombre de professions (enseignant, journaliste, avocat, etc..), tandis qu'une loi du 4 octobre 1940 prévoit d'enfermer les étrangers juifs dans des camps d'internement au sud du pays comme celui de Gurs où ils seront rejoints par des convois de juifs déportés par les Allemands depuis des régions que le IIIe Reich considère comme définitivement annexées, comme l'Alsace, la Lorraine et même, pour certains, de Belgique.

Le Commissariat général aux questions juives créé par l'administration de l'« État français » en mars 1941 organise la spoliation des biens juifs [68], orchestre la propagande antisémite, tandis que les autorités allemandes de la zone occupée commencent à constituer des fichiers qui recensent les Juifs et que le Second statut des Juifs du 2 juin 1941 achève de systématiser sur l'ensemble du territoire. Ces fichiers, dont le fichier Tulard, secondent l'administration nazie dans sa politique de déportation, alors que l'absence de port de l'étoile jaune, qui n'est pas obligatoire en zone non occupée, ne protège pas les Juifs des grandes rafles.

L'arrestation et la déportation des Juifs commencent en 1942, année du départ du premier convoi depuis Paris pour Auschwitz-Birkenau le 27 mars. Elles visent également les femmes et les enfants à compter de la rafle du Vel'd'Hiv des 16 et 17 juillet 1942, au cours de laquelle 13 000 Juifs sont arrêtés par la police française sous les ordres des autorités allemandes. En zone occupée, l'administration et la police française sont sous l'autorité allemande et appliquent les ordonnances allemandes prises contre les Juifs[69] livre en 1942 aux Allemands les Juifs étrangers des camps d'internement. Elle contribue à en envoyer plusieurs dizaines de milliers à la mort dans les camps d'extermination via le camp de transit de Drancy.

En zone non occupée, à partir d'Août 1942, des populations juives étrangères qui avaient été capturées par les Allemands dans divers pays occupés par l'Allemagne et rapatriées après l'Armistice dans des camps de réfugiés du Sud-Ouest de la France, comme celui de Gurs, sont à nouveau arrêtées et déportées dans des convois à destination de la Zone occupée, puis des camps d'extermination en Allemagne et en Pologne.

En novembre 1942 l'ensemble du territoire est sous contrôle allemand, y compris l'ancienne zone d'occupation italienne, où les Juifs étaient jusqu'alors épargnés. Les pouvoirs de René Bousquet qui était commissaire aux affaires juives en zone occupée, sont étendus sur tout le territoire. L'Autorité nazie prend davantage en charge la traque des Juifs, pendant que le Gouvernement de Vichy doit composer avec une opinion de plus en plus opposée aux persécutions et que la Résistance juive se structure. Cependant, la Milice constituée de Français acquis à l'idéologie nationale-socialiste, redoublent d'activité pour livrer aux Allemands toutes les familles juives dont elles connaissent l'existence. C'est ainsi que le rythme des convois vers l'Allemagne s'amplifie. Les derniers quitteront le camp de Drancy le 31 juillet 1944, celui de Compiègne le 1er août 1944 .

Le wagon du camp d'internement de Drancy conservé en souvenir

Entre 1942 et 1943, dans la clandestinité, des groupes de résistants favorisent la création du S.E.R.E. (Service d'Evacuation et de Regroupement d'Enfants). Dès Septembre 1944, L'OPEJ succède au S.E.R.E., et les enfants sont regroupés dans des Maisons d'Enfants de Déportés, créées à leur intention. En Juin 1945, l'OPEJ se constitue en Association (Loi 1901). Sa mission essentielle consistant alors à sauver des enfants juifs dont les parents avaient été déportés, ou avaient disparu. Ces enfants menacés d'arrestation et de déportation, seront mis à l'abri dans des familles et institutions non juives, le plus souvent catholiques.

Il faut aussi signaler le rôle de fonctionnaires comme René Carmille, chef du service national des statistiques, qui sabota l'utilisation par les autorités d'occupation des fichiers indiquant la "race" juive, constitués sur les cartes perforées utilisées par les systèmes mécanographiques. René Carmille fut arrêté à Lyon en février 1944, détenu au Fort de Montluc, déporté à Compiègne, puis à Dachau[70] où il mourut en janvier 1945.

Grâce à l'existence d'une zone non occupée permettant de se soustraire aux mesures d'extermination prises par les Allemands, grâce aussi à l'aide de très nombreux Français souvent restés anonymes (Voir Juste parmi les Nations), trois quarts des Juifs vivant alors sur le territoire français ont survécu, plus que dans les autres pays occupés d'Europe. Malgré cela, 76 000 des 300 000 Juifs présents en France ont été victimes de la Shoah, dont 55 000 étrangers [71]. 3 % des déportés juifs de France vers les camps de la mort ont survécu.

Chronologie des mesures prises pendant cette période

  • 12 11 1938, Décret portant création de centres spéciaux pour la rétention d'étrangers indésirables, par le Gouvernement Daladier,
  • 06 02 1939, Les membres des Brigades internationales et les réfugiés républicains de la Guerre civile espagnole sont regroupés dans les camps du Sud-Ouest comme Rivesaltes ou Gurs,
  • 23 08 1939, l'Allemagne nazie et l'URSS signent un traité d'alliance: le Parti Communiste Français soutient l'Allemagne,
  • 30 08 1939, Circulaire prévoyant le "rassemblement dans les centres spéciaux de tous les étrangers résidant sur le sol français qui sont ressortissants de pays ennemis",
  • 03 09 1939, Déclaration de guerre de la France et de la Grande-Bretagne à l'Allemagne,
  • 26 09 1939, le Gouvernement Daladier dissout le Parti Communiste français et interdit la parution du journal L'Humanité,
  • 18 11 1939, Décret-loi qui étend à tous les "individus dangereux pour la Défense nationale et la sécurité pblique" le pouvoir d'internement administratif des préfets,
  • 15 05 1940, Circulaire prévoyant le regroupement et l'internement dans des camps de tous les ressortissants allemands âgés de 17 à 56 ans, puis les femmes de 17 à 67 ans,
  • 14 06 1940, Les troupes allemandes entrent à Paris,
  • 25 06 1940, Signature du traité d'armistice, fin des combats,
  • 22 07 1940, Loi portant révision des naturalisations obtenues depuis 1927, par le Gouvernement de Vichy: 15 000 personnes se la voient retirée, dont environ 6 000 juifs.
  • 14 08 1940, Ordonnance allemande imposant aux banques de déclarer les biens appartenant aux Juifs,
  • 27 09 1940, Ordonnance allemande définissant Premier statut allemand des Juifs et dispositions concernant leurs biens; Rencencement des Juifs avec le Fichier Tulard, écriteau "Juif" sur les devantures des magasins,
  • 03 10 1940, Loi portant Premier statut vichyste des Juifs prise par le Gouvernement de Vichy, publiée le 18 Octobre: ils sont exclus de la fonction publique de l'État, de l'armée, de l'enseignement et de la presse.
  • 04 10 1940, Loi prévoyant l'internement des étrangers d'origine juive sur décision administrative des préfets,
  • 07 10 1940, Loi abolissant le Décret Crémieux accordant la nationalité française aux Juifs d'Algérie,
  • 18 10 1940, Ordonnance allemande plaçant sous séquestre les entreprises et biens appartenant aux Juifs absents ou arrêtés, dite Ordonnance d'Aryanisation.
  • 29 03 1941, Création à Paris du Commissariat aux questions juives, et nomination de Xavier Vallat à sa tête,
  • 26 04 1941, Ordonnance allemande redéfinissant le Deuxième statut allemand des Juifs,
  • 13 05 1941, Zone occupée: première vague d'arrestation à la demande des autorités allemandes de de 3 747 étrangers juifs qui sont parqués dans le Camp de Pithiviers sous administration française.
  • 2 06 1941, Loi instituant un Deuxième statut vichyste des Juifs: allongement de la liste des interdictions professionnelles, numérus clausus pour enseigner à l'Université (3%) et pour les professions libérales (2%).
  • 14 06 1941, Ordonnance allemande qui étend le Deuxième statut allemand des Juifs de la zône occupée à la zône libre. Refusé par le Gouvernement de Vichy.
  • 22 06 1941, L'Allemagne rompt le Pacte germano-soviétique et lance l'Opération Barbarossa d'invasion de l'URSS. Le Parti Communiste français décide d'entrer en résistance contre l'Allemagne.
  • 22 07 1941, Loi relative aux entreprises et biens ayant appartenus à des Juifs absents ou disparus, dite Loi d'Aryanisation", prise par le Gouvernement de Vichy,
  • 28 09 1941, Ordonnance allemande imposant le versement à la Caisse des dépôts et consignations de l'argent de la vente des biens confisqués au Juifs dans le cadre de l'aryanisation,
  • 19 10 1941, Création d'une Police aux questions juives,
  • 27 11 1941, Les députés et sénateurs juifs sont déchus de leurs mandats, par le Gouvernement de Vichy,
  • 29 11 1941, Création à Paris de l'Union Générale des Israélites de France (UGIF),
  • 09 12 1941, Décret prévoyant l'internement des étrangers et apatrides juifs entrés en France depuis le 1er janvier 1936,
  • 17 12 1941, Ordonnance allemande imposant aux Juifs une amende d'un milliard de francs à prendre sur les sommes séquestrées à la Caisse des dépôts et consignations,
  • 27 03 1942, Zone occupée: premier convoi de Juifs déportés par les Autorités allemandes depuis le Camp de Compiègne.
  • 06 05 1942, Arrêté nommant Louis Darquier de Pellepoix commissaire aux questions juives à la place de Xavier Vallat, par le gouvernement de Vichy,
  • 29 05 1942, Ordonnance allemande imposant aux Juifs le port de l'étoile jaune, en application le 7 juin.
  • 11 06 1942, Décret interdisant aux Juifs les professions artistiques, par le Gouvernement de Vichy,
  • 06 1942, Les Services de la SS sont chargés de rechercher et d'arrêter tous les Juifs,
  • 08 07 1942, Ordonnance allemande interdisant aux Juifs la fréquentation des salles de spéctacle et leur interdisant l'accès aux magasins en dehors de la période de 15 à 16 heures,
  • 12 07 1942, Ordre par le Service allemand des affaires juives dirigé par Theodor Dannecker d'arrêter tous les Juifs en zone occupée, ,
  • 15 07 1942, Arrestation massive en zône occupée de Juifs qui sont internés au Vélodrome d'Hiver,
  • 25 08 1942, Protestation par le Consistoire central des Israélites de France auprès du Gouvernement de Vichy contre ces arrestations,
  • 26 03 1942, Zone libre: séries de rafles de Juifs déportés par les Autorités allemandes.
  • 30 08 1942, Protestations de l'épiscopat français contre toutes les mesures antisémites,
  • 11 11 1942, Invasion de la zone libre par l'Allemagne,
  • 02 12 1942, Ordonnance allemande attribuant au Reich tous les biens appartenant aux Juifs,
  • 11 12 1942, Loi imposant aux Juifs de faire apposer la mention "Juif" sur leur carte d'identité,
  • 27 02 1944, Arrêté nommant Charles du Paty de Clam commissaire aux Affaires juives en remplacement de Darquier de Pallepoix,
  • 06 06 1944, Débarquement des forces alliées en Normandie,
  • 17 08 1944, le « dernier wagon » c'est-à-dire la dernière déportation de Juifs et résistants à partir de Paris,
  • 07 05 1945, Capitulation de l'Allemagne signée à Reims.

Histoire récente

Aprés la seconde guerre mondiale le judaïsme français était exsangue, il connut un important renouveau grâce à l'arrivée massive de Juifs d'Afrique du Nord consécutive à l'accession à l'indépendance du Maroc, de laTunisie et de l'Algérie et à la crise de Suez en Égypte. La pratique religieuse fut aussi revivifiée par l'arrivée du mouvement hassidique Loubavitch en provenance des États-Unis qui mit en place un grand nombre d'institutions éducatives à l'intention des Juifs de France.

Bibliographie

  • Benjamin de Tudèle, Voyage de Rabbi Benjamin, fils de Jona de Tudèle, en Europe, en Asie et en Afrique depuis l'Espagne jusqu'à la Chine, éditeur Jean-Philippe Baratier, 1732. Cet ouvrage écrit par un rabbin grand voyageur du XIIe siècle est disponible sur Internet sur le site Gallica. Il décrit entre autres la vie juive du sud de la France et mentionne la communauté de Strasbourg.
  • Hirsch Graetz, Histoire des Juifs, éditeur François-Dominique Fournier (l'édition originale est parue de 1853 à 1875). Dans le corps de cet article, les références vers la Jewish Encyclopedia sont identifiées par les initiales HJ suivies d'un lien vers le chapitre pertinent.
  • Joseph Jacobs et Israël Lévi (pour l'article France), Jewish Encyclopedia, 1906, Funk & Wagnalls Company. Cet ouvrage est entièrement disponible sur Internet et l'article France est très riche. Dans le corps de cet article, les références vers la Jewish Encyclopedia sont identifiées par les initiales JE suivies du titre du paragraphe de cette encyclopédie. Pour la période qui va jusqu'à la fin du VIe siècle, elle se fonde elle-même sur l'Histoire des Francs de Grégoire de Tours, disponible sur Gallica.
  • Sous la direction de Bernhard Blumenkranz, Histoire des Juifs en France, Privat, Editeur, Toulouse, 1972. Dans le corps de cet article, les références vers cet ouvrage sont identifiées par les initiales HJF suivies de la référence dans le livre.
  • David Feuerwerker, L'Émancipation des Juifs en France. De l'Ancien Régime à la fin du Second Empire, Albin Michel, Paris, 1976. ISBN 2-226-00316-9
  • Béatrice Philippe, Être juif dans la société française, ISBN 2-85870-017-6, 1979, éditions Montalba. Dans le corps de cet article, les références vers cet ouvrage sont identifiées par les initiales EJSF suivies de la référence dans le livre.
  • Philippe Bourdel, Histoire des Juifs de France - Tome 1. Des origines à la Shoah. Tome 2. De la Shoah à nos jours(2004)
  • Michel Winock, La France et les Juifs. De 1789 à nos jours,ISBN 2020837870, Le Seuil, L'Univers historique, 2004.
  • Pierre Birnbaum, Les fous de la République. Histoire des Juifs d'État de Gambetta à Vichy. Paris, Fayard, 1992, rééd. « Poche » Le Seuil, 1994. (ISBN 2-02-020505-X)
  • Limor Yagil, Chrétiens et Juifs sous Vichy, 1940-1944: sauvetage et désobéissance civile, 1995, Éditions du Cerf, Paris Texte en ligne: à partir du Printemps 1942

Références et notes

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  40. Le jour de la sainte Madeleine correspond au 22 juillet 1306 soit le 10 Ab 5066 du calendrier juif. Pour vérifier ceci, on peut se rapporter au site du calendrier juif en se rappelant que sous Philippe le Bel, c'était le calendrier julien qui était en vigueur et qu'il avait alors un retard de 8 jours sur l'actuel calendrier grégorien.
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  53. Une recherche rapide sur internet montre des rues (de la) Juiverie à Alençon, Apt, Avignon, Bagnols-sur-Cèze, Beaupréau, Carpentras,Châlons-en-Champagne, Chambéry, Changé,Châteauneuf-du-Rhône, Crémieu, Draguignan, Épernay, Étampes, Fréjus, Guérande, Labruguière, Lourmarin, Lyon, Le Mans, Lorgues, Marvejols,Montmirail, Montrichard, Nantes, Nice, Niort, Parthenay, La Perrière, Pézenas, Richebourg,Saint-Paul-Trois-Châteaux, Sens, Sézanne, Valensole,Vienne et Vitry-en-Perthois. De même, on trouve des rues des Juifs à Argentan, Aumale, Behonne, Bouxwiller, Brumath, Bugnicourt, Buxy, Caen, Darnétal, Écardenville-la-Campagne, Joigny, Landouzy-la-Ville, Bergheim, Lingolsheim, Maroilles, Montmartin-sur-Mer, Montmorency-Beaufort, Neuillé-Pont-Pierre, Quincampoix, Rouen, Souvigny, Strasbourg et Wissembourg. Les impasses des Juifs existent à Bellegarde, Bourges, Grussenheim, Ingwiller, Méré, Pont-de-Veyle, La Réole, Rouffach et Schwindratzheim. Pour la plupart, ces noms de rues remontent au Moyen-Âge sauf parfois en Alsace où l'implantation juive a pu être plus récente. Mais aucune avenue des Juifs n'existe.
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  65. (en)Gotthard Deutsch et A. Ury, « JE, Metz »
  66. a et b HJF, deuxième partie, première section, deuxième chapitre
  67. Laurent Joly, Tal Bruttmann, La France antijuive de 1936. L’agression de Léon Blum à la Chambre des députés, Éditions des Équateurs, 2006
  68. Voir le rapport de la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France
  69. Tal Bruttmann, Au bureau des affaires juives. L'administration française et l'application de la législation antisémite, La Découverte, 2006
  70. Voir "Le train de la mort", par Christian Bernadac
  71. Chiffres du Mémorial de la Shoah. Voir aussi la bibliographie de Serge Klarsfeld.

Voir aussi

Sur l'époque des Croisades


Liens externes