Kurt von Hammerstein
Le baron Kurt von Hammerstein est un général allemand, né le à Hinrichshagen (Mecklembourg-Strelitz) et mort le à Berlin.
Kurt von Hammerstein | ||
De gauche à droite, au premier plan : Kurt von Hammerstein-Equord, le général Otto Hasse et Erich Raeder à Potsdam () ; en arrière-plan au centre portant un casque à pointe, le prince Eitel-Frédéric de Prusse. | ||
Nom de naissance | Kurt (Curt) Gebhard Adolf Philipp Freiherr von Hammerstein-Equord | |
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Naissance | Hinrichshagen |
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Décès | (à 64 ans) Berlin |
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Origine | Empire allemand | |
Grade | Generaloberst | |
Conflits | Première Guerre mondiale | |
Distinctions | Chevalier de l'ordre protestant de Saint-Jean | |
Famille | Hammerstein-Equord | |
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À l’époque de la république de Weimar, il a été commandant en chef de l'armée de terre de la Reichswehr.
Il a été fait chevalier de l'ordre protestant de Saint-Jean et a été un opposant déclaré au nazisme.
Biographie
modifierSous l'Empire allemand
modifierHammerstein appartient à une famille ancienne de la noblesse allemande, les Hammerstein-Equord, qui a donné de nombreux officiers aux diverses souverainetés allemandes. Son père, le baron Heino von Hammerstein, est intendant des forêts dans le Mecklembourg-Strelitz, et sa mère est née Ida von Gustedt. Il entre à l'âge de dix ans au corps des cadets de Plön, puis à l'école principale prussienne des cadets, située à Groß-Lichterfelde, près de Berlin, à partir de 1893. Il entre ensuite au 3e régiment à pied de la Garde, où il est nommé sous-lieutenant, le . C'est dans cette unité qu'il rencontre le futur chancelier Kurt von Schleicher avec qui il va garder des liens d'amitié sa vie durant. Il épouse en 1907 Maria von Lüttwitz, fille du général Walther von Lüttwitz (1859-1942). De cette union mixte sous l'aspect religieux (son épouse est catholique), il a sept enfants[a], quatre filles : Marie Luise, Marie Therese, Hildur, Helga ; et trois fils : Kunrat, Ludwig et Franz.
Hammerstein est stationné à Cassel de 1905 à 1907, puis de 1907 à 1910, est envoyé à la Preußische Kriegsakademie (Académie de guerre de Prusse). Il devient alors officier d'état-major. Il est capitaine en 1913. Pendant la guerre de 1914-1918, il est d'abord aide-de-camp d'un quartier-maître général et plus tard d'un général d'état-major. Il combat dans les Flandres et est décoré de la croix de fer. En 1917, il est nommé Major[b].
Sous la république de Weimar
modifierAprès la guerre et l'effondrement de la monarchie, Hammerstein est versé dans la Reichswehr. Il sert à l'état-major du corps d'armée de Lüttwitz et il est promu Oberstleutnant[c] en 1920. La même année, il est nommé chef à l'état-major du second Gruppenkommando basé à Cassel, puis en 1922 il est envoyé à Munich en tant que commandant d'un bataillon. En 1924, il est affecté à l'état-major de la 3e région militaire, celle de Berlin. Il est nommé Generalleutnant[d] le et chef du Truppenamt (dénomination imposée par le traité de Versailles qui avait interdit la recréation du Grand-État-major de l'armée allemande). Il est chargé d'élaborer les concepts tactiques de la Reichswehr, qui en cas d'attaque ennemie prévoit de former une véritable défense, jusqu'à l'intervention de la Société des Nations. Il met au point un plan théorique de mobilisation en 1930 qui envisage de tripler les sept divisions d'infanterie existantes.
Alors que le chef du commandement suprême de l'armée de terre, le Generaloberst[e] Wilhelm Heye quitte ses fonctions, Kurt von Schleicher (secrétaire d'État) et Wilhelm Groener (ministre de la Défense) proposent au chancelier Brüning de nommer Hammerstein à sa place. Celui-ci prend son nouveau poste le avec le grade de General der Infanterie[f].
Hammerstein se méfie dès le début de l'idéologie et des méthodes du national-socialisme. Il avertit même Hitler en que s'il prenait le pouvoir illégalement (ce qui ne sera pas le cas), il donnerait l'ordre de tirer. Il prévient aussi le maréchal Hindenburg qu'il est dangereux de nommer Hitler chancelier.
Sous le Troisième Reich
modifierHitler est nommé chancelier du Reich par le président Paul von Hindenburg le . Hammerstein aurait rencontré Hitler la veille de sa nomination au domicile d’Edwin Bechstein. Le but du général von Hammerstein est alors de créer une armée dont la direction serait indépendante du pouvoir politique. En effet, le national-socialisme heurte ses conceptions d'aristocrate prussien. Il a la réputation d'être un officier supérieur qui préfère la chasse et son confort familial et fait montre d'une certaine indolence, sans doute pour ne pas révéler ses opinions intimes. Le général a conscience de servir d'abord sa patrie, plutôt qu'un régime politique. Il rencontre Hitler au début de lors d'une réunion officielle chez lui avec des représentants de la Reichswehr, afin de convaincre les hauts représentants des forces armées de ses plans de conquête d'un espace vital à l'Est. Le compte rendu de cette rencontre fut donné à Leo Roth (de), chef du service de renseignement du Parti communiste d'Allemagne (KPD) et agent soviétique, par sa maîtresse, Helga von Hammerstein[1],[2], fille du général, qui était membre du parti communiste allemand (KPD) depuis 1930. Léo Roth transmit le document au NKVD, à Moscou[3]. La position du général von Hammerstein devient difficile, d'autant plus que le général von Blomberg, nommé ministre de la Défense, est favorable à l'endoctrinement hitlérien de l'armée. Hammerstein qualifie les nazis de bande de criminels devant ses proches et n'a d'autre choix que de démissionner au début de l’année 1934 tandis que Blomberg oblige les officiers d'état-major à rompre tout contact avec lui. Hammerstein se retire de tout cercle militaire ou politique. Le , son ami et ex-chancelier Kurt von Schleicher est assassiné au cours de l'opération d’épuration nazie surnommée « nuit des Longs Couteaux ».
En 1935, il démissionne de l'association de la noblesse, lorsque ses membres juifs en sont exclus. Il transmet à sa fille Maria-Therese des noms de personnes juives menacées de déportation[4].
Il est toutefois rappelé au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La majorité des forces allemandes est concentrée en en Pologne, mais Hammerstein commande l'Armee-Abteilung A sur la frontière occidentale. L'offensive française ne se produit pas et Hammerstein est à nouveau mis à la retraite le . Selon des rumeurs, il aurait fomenté un attentat contre Hitler à cette époque. Ces rumeurs sont notamment relayées dans un livre publié par un agent britannique. Par ailleurs, il entre en contact à plusieurs reprises avec des opposants au régime, notamment avec Carl Friedrich Goerdeler, ou Nikolaus Christoph von Halem (en). Il est cependant de plus en plus isolé.
Décès et destinées de sa famille après son décès
modifierHammerstein meurt d'un cancer à Berlin le . Sa famille refuse des funérailles officielles, pour ne pas voir le cercueil du défunt recouvert par le drapeau à croix gammée[4]. Il est enterré dans la sépulture familiale de Steinhorst en Basse-Saxe.
Deux de ses fils, Kunrat et Ludwig, participent au projet d'attentat contre Hitler du , et doivent s'exiler ensuite. Sa veuve, née von Lüttwitz et ses deux plus jeunes enfants sont arrêtés au titre du Sippenhaft, et placés en détention en camp de concentration. En , à la demande d'Hitler, elles furent placées dans un groupe de 140 otages et transférées dans un village du Haut-Adige (Tyrol du sud), Villabassa (Niederdorf). Ce groupe de personnalités allemandes et internationales fut arraché à sa garde SS par un détachement de la Wehrmacht le 30 avril et remis aux Américains à la libération le [5].
Phrase célèbre
modifierUn jour qu’on demandait au général Kurt von Hammerstein les critères sur lesquels il jugeait ses officiers, il répondit :
« Je distingue quatre espèces. Il y a les officiers intelligents, les travailleurs, les sots et les paresseux. Généralement, ces qualités vont par deux. Les uns sont intelligents et travailleurs, ceux-là doivent aller à l’état-major. Les suivants sont sots et paresseux ; ils constituent 90 % de toute armée et sont aptes aux tâches de routine. Celui qui est intelligent et en même temps paresseux se qualifie pour les plus hautes tâches de commandement, car il y apportera la clarté intellectuelle et la force nerveuse de prendre les décisions difficiles. Il faut prendre garde à qui est sot et travailleur, car il ne provoquera jamais que des désastres[6]. »
Notes et références
modifierNotes
modifier- Les filles sont catholiques comme leur mère et les fils luthériens comme leur père.
- Grade équivalent en France à commandant.
- Grade équivalent en France à lieutenant-colonel.
- Grade équivalent en France à général de division.
- Grade équivalent en France à général d'armée.
- Grade équivalent en France à général de corps d'armée, spécialisé dans une arme, en l'occurrence ici dans l'infanterie.
Références
modifier- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Kurt von Hammerstein » (voir la liste des auteurs).
- Christoph Graf von Polier, « Helga Maria Eleonore von Hammerstein-Equord », sur Geneanet.
- (de) « Roth, Leo (Viktor) », sur bundesstiftung-aufarbeitung.de (consulté le ).
- Jean Lopez, Barbarossa 1941 : la guerre absolue, Passés Composés, , 956 p. (ISBN 978-2379331862, lire en ligne), p. 30-31.
- Kunrat von Hammerstein, p. à préciser.
- (de) Peter Koblank, Die Befreiung der Sonder- und Sippenhäftlinge in Südtirol, Online-Edition Mythos Elser 2006.
- Enzensberger, p. 81.
Annexes
modifierBibliographie
modifier- Hans Magnus Enzensberger (trad. de l'allemand par Bernard Lortholary), Hammerstein ou l'intransigeance : une histoire allemande, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », , 391 p. (ISBN 978-2-07-012196-0).
- (de) Kunrat von Hammerstein, Spähtrupp [« La Patrouille »], Stuttgart, Henry Gorverts Verlag, .
Article connexe
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