« Élégie » : différence entre les versions
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Une [[étymologie]], très probablement fantaisiste, voit dans le mot ''élégie'' la racine ''leg-'', qui signifie « dire », et le [[phonème]] [e], qui signifiait « hélas ». Quelle qu’en soit son origine, le [[distique élégiaque]] se compose d’un [[hexamètre dactylique]] et d’un [[pentamètre]] plus court. Ce mot vient de la [[Grèce antique]], mais il veut dire, littéralement, « chant de deuil » ; c’était le chant qui accompagnait un type de [[sacrifice]], celui du [[bouc (animal)|bouc]]. Néanmoins, les spécialistes ne se sont pas encore mis d’accord quant à la véritable étymologie de ce terme et au rapport qu’il peut y avoir entre ce sacrifice de bouc et le genre littéraire que nous connaissons.
En [[Grèce antique]], l’élégie n’était pas un genre littéraire, mais une forme. Il n’y avait pas d’unité de thème, et le distique élégiaque n’était pas réservé à l’expression de la douleur ou du sentiment amoureux. Au contraire, l’élégie était utilisée pour traiter de thèmes très divers : la philosophie, la morale, la guerre, la politique. Les poètes [[Callinos]], [[Tyrtée]],
Cependant, le poète [[Mimnerme]], vers la fin du {{VIIe siècle av. J.-C.}}, a recours au distique élégiaque pour exprimer des sentiments amoureux. Puis, au {{IIIe siècle av. J.-C.}}, l’élégie hellénistique entrelace fables [[Mythologie grecque|mythologiques]] et sentiments amoureux. Dans cette tradition amoureuse de l’élégie grecque, on trouve les poètes [[Callimaque de Cyrène]] et [[Philétas]].
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Seuls les poèmes 65 à 116 sont composés en [[distique élégiaque|distiques élégiaques]]. La thématique de la passion prend deux formes : la figure d’[[Ariane (mythologie)|Ariane]] abandonnée par [[Thésée]] (poème 64), et les amours de Catulle et de Lesbie. La dimension fictionnelle de cette évocation d’expériences personnelles est très importante, le poète jouant avec cette « confusion entre l’auteur et le narrateur ». Il s’agit d’un récit s’appuyant sur de nombreux lieux communs ou ''topoï'' (tel que la porte close qui fait obstacle à l’amant), et non de la narration d’événements vécus. La question de la sincérité ne se pose pas au sens moderne. Cependant, on voit bien la naissance d’un ''je'' auteur et acteur du texte littéraire, et Catulle est le premier auteur latin à exposer publiquement son amour pour une femme.
Cette prise de position est provocatrice, et perçue comme blâmable par ses contemporains. En effet, la passion éprouvée pour une femme est dégradante, puisqu’elle fait de l’homme un esclave, ''servus'' et de la femme une ''domina'' — thème sur lequel Ovide reviendra. L’homme amoureux d’une femme est un personnage typique et ridicule des comédies de [[Plaute]]. Catulle insiste sur le désarroi amoureux, sur l’alternance de bonheur et de désespoir, sur la difficulté de la fidélité. L’amour est perçu comme une douleur, et au poème 76 il en vient à prier les dieux de l’en délivrer.
Catulle reste très inspiré par les modèles grecs, qu’il traduit, adapte et imite — à une époque où le concept de plagiat n’existe pas, et où imiter un écrivain est lui rendre hommage. Il assure la transition entre l’élégie hellénistique et l’élégie romaine.
==== [[Tibulle]] ====
{{Article détaillé|Élégies (Tibulle)}}
Tibulle est le premier auteur élégiaque duquel nous avons une œuvre importante. Né entre 54 et 48 {{av JC}} et mort en 19 {{av JC}}, il est originaire du [[Latium]] et a passé son enfance à la campagne. Il appartenait à une famille d’[[ordre équestre]] (classe sociale riche) mais sa famille, elle, était désargentée. Orphelin de père très jeune, il est élevé par sa mère et sa sœur. Tibulle a reçu une éducation soignée en langue grecque. En 32 {{av JC}} il se place sous la protection d’un grand personnage : Valerius Messala Coruinus (mécène entouré d’un cercle de gens de lettres). Tibulle rencontre à Rome une femme mariée (Plania) qu’il chante dans son recueil élégiaque sous le nom de Délia. En 31 {{av JC}}, Tibulle doit, malgré ses réticences, accompagner Messala dans une campagne militaire en Orient. Mais son voyage est interrompu car il tombe malade.
==== [[Lygdamus]] ====
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D’autres poètes romantiques ont écrit des élégies sur le deuil, souvent pour les mères après la perte de leurs enfants. Citons [[Marguerite Babois|Marguerite-Victoire Babois]] ''Élégies sur la mort de ma fille âgée de cinq ans'' ou celles d’[[Adélaïde-Gillette Dufrénoy|Adélaïde Dufrénoy]] sur les ruptures amoureuses ''L’amour, élégie'' ou ''Au Luxembourg''. [[Évariste de Parny]] a aussi épanché ses sentiments après une rupture sentimentale. [[Alphonse de Lamartine|Lamartine]], [[Alfred de Musset]], [[Victor Hugo]]… même s’ils n’ont pas donné à leurs poèmes le titre d’Élégie, ont fait de même. Les poèmes dédiés par Hugo à sa fille chérie [[Léopoldine Hugo|Léopoldine]] en sont un exemple émouvant.
Au {{s-|XX|e|}}, la poésie d’origine avant-gardiste a retrouvé le ton élégiaque quand des poètes (des hommes) ont perdu une femme aimée : [[Pierre Jean Jouve]] avec ''Hélène'' (1936) de ''Matière céleste'' (1937), [[Henri Michaux]] avec ''Nous deux encore'' (1948), [[Jacques Roubaud]] avec ''Quelque chose noir'' (1986), [[Bernard Dufour]] avec ''Le Temps passe quand même'' (1997), [[Jean-Pierre Verheggen]] avec ''Gisella'' (2004), [[André Velter]] avec ses ''Poèmes pour Chantal Mauduit'' : ''Le Septième Sommet'' (1998) et ''L’amour extrême'' (2000). Après ''Tombeau'' ''de Monsieur Aragon'' (1983) et ''Mort de l'Aimé'' (1998), [[Jean Ristat|Jean Rista]]<nowiki/>t a écrit en 2017 ''Éloge funèbre de Monsieur Martinoty'', poème dédié à un ami brutalement disparu et première partie de ''O vous qui dormez dans les étoiles enchaînés''. Entre 1912 et 1922, le poète [[Rainer Maria Rilke]] a écrit en allemand, lors de plusieurs séjours au château de [[Duino-Aurisina|Duino]], près de [[Trieste]], les [[Élégies de Duino]]
Citons enfin un exemple d'élégie du {{s-|XX|e}} qui a connu une grande popularité grâce au cinéma : le poème ''[[Funeral Blues]]'' de [[W. H. Auden]], lu par un des personnages du film ''[[Quatre mariages et un enterrement]]'', lors des funérailles de son ami.
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* En [[poésie]]
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** ''[[Les Regrets]]'' de [[Joachim Du Bellay]] (exemple : "J'aime la liberté...", Sonnet XXXIX, 1558)
** ''[[Élégies de Duino]]'' de [[Rainer Maria Rilke]], évocation d'un amoureux suicidé ?
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