Émile Gilliéron
Émile Gilliéron (1851-1924) (prénom complet: Louis Émile Emmanuel) est un artiste et dessinateur suisse reconnu pour ses restitutions d'artéfacts mycéniens et minoéens[1].
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Émile Gilliéron (d) |
Si cet article porte avant tout sur Louis Émile (dit « Émile père »), il ne faut pas négliger la collaboration de son fils Édouard Émile Gilliéron (dit « Émile fils », 1875-1939), puis, à la troisième génération, Alfred Gilliéron (1920-2010)[2].
Formation
Émile Gilliéron étudie à Bâle de 1872 à 1874 puis à l'Académie des Beaux-Arts de Munich entre 1875 et 1876. Il parachève sa formation à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris[2], dans l'atelier d'Isidore Pils de 1875 à 1877. Son travail s'inscrira dans la tradition académique de cet établissement[2].
Carrière et production artistique
Vers 1876[2], Émile Gilliéron s'installe à Athènes et commence à travailler comme dessinateur spécialisé pour les archéologues grecs et étrangers. Il exerce également comme tuteur pour la famille royale grecque à laquelle il dispense des cours d'art.
Grâce la création de dessins pour l'archéologue allemand Heinrich Schliemann, il est reconnu de son temps comme le meilleur illustrateur archéologique de Grèce. Cette reconnaissance lui permet d'obtenir un poste lors de la reconstitution des fresques découvertes à Tyrinthe de 1910 à 1912.
Il devient également le restaurateur en chef d'Arthur Evans (1851-1941) pour la restitution de palais de Cnossos en Crète.
Il est bientôt rejoint dans son travail par son fils Édouard Émile — connu comme Émile fils — qui a également étudié à l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts[2]. Leur collaboration durera une trentaine d'années. Ensemble, père et fils travaillent à la production de copies de fresques et d'autres artéfacts archéologiques pour Evans. Les Gilliéron contribueront ainsi largement à la publication, étagée de 1921 à 1935, des quatre volumes de The palace of Minos, somme qui présente les résultats des fouilles du site archéologique de Cnossos[3],[4]. Parmi les plus célèbres restitutions des Gilliéron, on relève la fresque dite du « Prince au lys », celle des « Dames en bleu » ou encore celle de la salle du trône du palais de Cnossos.
Cette notoriété pousse Gilliéron à fonder un atelier de reproduction rue Skoufá à Athènes, E. Gilliéron & fils, où il répondent à la demande de reproductions en fournissant des aquarelles ou d'autres copies faites directement sur les originaux antiques.Pr
Parmi les reproductions proposées, on trouve des galvanoplasties réalisées par le biais de moules réalisés sur des armes, de la vaisselle ou des masques appartenant aux civilisations égéennes mais ils créent également des copies à échelle réelle, sur du papier aquarelle, des fresques minoennes ou coulent des tirages en plâtre. En 1911, ils pouvaient ainsi offrir à leurs riches clients un catalogue de plus de 144 pièces dont les galvanoplasties étaient fabriquées en Allemagne à Wurtemberg par la Württembergische Metallwarenfabrik[5].
Selon le goût de l'époque, les moules créés sur les originaux sont retravaillés pour reconstituer les parties manquantes et restituer les œuvres dans leurs forme originelle. On peut ainsi trouver deux reproductions différentes du « Masque d'Agamemnon » provenant de leur atelier : l'une fidèle à l'originale, l'autre restituant l'apparence supposée de l'objet.
Bilan
Critiques
Le travail des Gilliéron a fortement contribué à la diffusion des œuvres des civilisations égéennes mais a aussi propagé une image « rêvée » des Minoens et des Mycéniens dont la véracité historique et archéologique est parfois à remettre en doute. Ainsi, la fiabilité de leurs restitutions a été longtemps débattue. Par exemple, la fresque du « Prince au lys » est un assemblage des fragments originaux réalisé par Gilliéron fils mais il semble après examen que s'y trouvent des influences modernes dues à la main de l'artiste. D'autres fresques font l'objet de critiques similaires comme celle du « Saut au-dessus du taureau » à laquelle aurait été ajoutée une bordure moderne. Idem pour la restitution de la fresque du « cueilleur de safran ». On sait aujourd'hui que ce n'était pas un jeune homme qui était figuré mais un singe.
En plus des remises en cause, il semble que Gilliéron père et fils aient pu alimenter le marché grec de production de faux. L'authenticité de certains artéfacts comme le disque de Phaistos ou les bagues de Minos et Nestor a été remise en doute et leur fabrication imputée à l'atelier des Gilliéron[6].
Reconnaissance
Émile Gilliéron a produit et vendu des copies d’œuvres d'art dans le monde entier jusqu'à sa mort en 1924. Ces reproductions furent acquises tant par des collectionneurs privés que par des musées. Le Musée national archéologique d'Athènes a même consacré une galerie aux productions de cet atelier. Ainsi, malgré les erreurs et les remises en cause de la fiabilité des restitutions, les productions de Gilliéron donnent une image de ce que pouvait être l'art grec de ces anciennes périodes mais sont aussi un témoin précieux de l'histoire du marché de l'art et de l'engouement pour les copies à son époque.
Impact mondial
En fait, selon les responsables du Projet Gilliéron (v. ci-après), le rôle de Gilliéron père et de ses deux fils est fondamental en ce qui concerne la représentation (images) de l'archéologie grecque et la construction de son savoir, et ce depuis 1875 jusqu'à la Deuxième guerre mondiale, et même jusqu'aux années 1980. Presque toute les institutions travaillant sur l'archéologie en Grèce ont tiré profit de leurs services, si bien que, toujours selon les responsables du projet, « l'impact de leur œuvre fut mondial »[7]
Projet Gilliéron
Depuis 2015, l’École française d’Athènes abrite le fonds d’archives et le legs matériel de l’atelier des trois génération de Gilliéron. L'année suivante, l'École française d'Athènes a lancé un « Projet Gilliéron », dont le travail va durer jusqu'en 2026, et qui a objectif « une mise en valeur pluridisciplinaire d’un legs artistique et artisanal, qui couvre l’antiquité égyptienne, grecque, romaine et byzantine, mais aussi l’art populaire, l’histoire et « l’artisanat archéologique » des XIXe et XXe siècles »[2].
Dans la littérature.
La collaboration et le travail d'Émile Gilliéron avec Schliemann et Evans, ainsi que l'œuvre de son fils — qui portait le même prénom— sont mis en scène dans Le faussaire, l'espionne et le faiseur de bombes de l'écrivain franco-suisse Alex Capus, paru en 2013, puis traduit de l'allemand par Emanuel Güntzburger et publié chez Actes Sud en 2015. Le « faussaire » annoncé dans le titre est plus spécifiquement Gilliéron fils.
Références
- Christine Peltre, Retour en Arcadie : Le voyage des artistes français en Grèce au XIXe siècle, Klincksieck, , 374 p. (ISBN 978-2-252-03118-6), p. 267
- « Projet Gilliéron », sur efa.gr, (consulté le )
- Alain Mahuzier, « EVANS sir ARTHUR JOHN (1851-1941) », sur universalis.fr (consulté le )
- (en) Arthur Evans, The palace of Minos. A comparative account of the successive stages of the early Cretan civilization as illustrated by the discoveries at Knossos, vol. I, Londres, Macmillan, , 840 p. (lire en ligne)
- (en) Mapping the Practice and Profession of Sculpture in Britain and Ireland 1851-1951, « The Wurtemberg Electro Plate Co. »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), sur sculpture.gla.ac.uk.
- (en) Kenneth D.S. Lapatin, « Snake Goddesses, Fake Goddesses », Archaeology, Ed. Archaeological Institute of America, vol. 54, no 1, (lire en ligne)
- Archives Gilliéron, « En savoir plus sur le projet », sur collexpersee.eu (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Adeline Grand-Clément, « Les marbres antiques retrouvent des couleurs : apport des recherches récentes et débats en cours », Anabases. Traditions et réceptions de l'Antiquité, no 10, , p. 243-250 (v. en particulier le § 3) (lire en ligne)
- Marie Stahl, Christina Mitsopoulou. Ecole française d’Athènes. 2022, « Archives Gilliéron. Infrastructures numériques pour le fonds d’archives et la collection des artistes Gilliéron: bilan scientifique », Ecole française d’Athènes., , p. 1-10 (lire en ligne)
- (en) Christina Mitsopoulou, Olga Polychronopoulou, « The Archive and Atelier of the Gilliéron Artists: Three Generations, a Century (1870s-1980) », dans Elisabetta Borgna, Ilaria Caloi, Filippo Carinci (Eds.), MHMH / MNEME. Past and Memory in the Aegean Bronze Age, Peeters Publishers, , 1044 p. (ISBN 978-9-042-93903-5, lire en ligne), p. 725-729
- (en) Christina Mitsopoulou, « Creation, diffusion, perception and reevaluation of archaeological knowledge: the case of the Gilliéron artists », sur cidoc.mini.icom.museum, International Comittee for Documentation / CIDOC, 2018, heraklion (consulté le )
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :