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De même la consommation de céréales a privilégié des lignées d'individus produisant plus d'[[amylase]] salivaire et digérant mieux l'[[amidon]]<ref>{{Article |auteur1=Marc-André Selosse |titre=L'évolution culturelle, évolution biologique |périodique=ESPÈCES |date=juin-août 2021 |pages=61 }}</ref>.
 
L'agriculture a permis d'augmenter fortement la taille de la population (de 2 à 8 fois, en Europe<ref name=":12">{{Article |prénom1=Sean S. |nom1=Downey |prénom2=Emmy |nom2=Bocaege |prénom3=Tim |nom3=Kerig |prénom4=Kevan |nom4=Edinborough |titre=The Neolithic Demographic Transition in Europe: Correlation with Juvenility Index Supports Interpretation of the Summed Calibrated Radiocarbon Date Probability Distribution (SCDPD) as a Valid Demographic Proxy |périodique=PLOS ONE |volume=9 |numéro=8 |date=2014-08-25 |issn=1932-6203 |doi=10.1371/journal.pone.0105730 |lire en ligne=http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0105730 |consulté le=2017-08-27 |pages=e105730 }}</ref>). La population humaine passe probablement de 5 millions à 50 millions de personnes entre - 8000 et - 3000 puis à 100 millions en - 1000<ref>{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=1933-|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=89|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref>. Elle a aussi entraîné, environ {{nombre|1000|ans}} après le passage à l'agriculture, le passage à un nouveau régime démographique caractérisé par une forte natalité et une forte mortalité (nommé ''Transition Démographique Néolithique''). L'augmentation de la fertilité est expliquée par l'augmentation de la productivité agricole à l'hectare et par la production d'aliments à plus forte teneur en énergie, comparativement au régime alimentaire des chasseurs-cueilleurs<ref name=":13" />. Ce régime s'accompagne également d'une forte instabilité de la taille de la population, avec des épisodes d'effondrement démographique, où la taille de la population peut chuter de 20 à 30 %<ref name=":12" />. L'augmentation de la mortalité s'explique par la dégradation de l'état de santé expliquée ci-dessus (famines, épidémies), auquel s'ajoute une augmentation de la mortalité infantile liée à une moindre disponibilité du lait maternel pour les enfants, lorsque la fréquence des grossesses augmente<ref name=":13" />. Ce régime se maintiendra jusqu'au {{s minisp-|XIX}}-{{s mini|-|XX}} siècle, dans la plupart des zones cultivées, jusqu'à la [[transition démographique]] contemporaine.
 
[[Fichier:Fıstık.jpg|vignette|Verger de pistachiers et pistaches en cours de séchage, Turquie. L'utilisation de [[Fruit sec|fruits secs]] dont la pistache sauvage, attestée à [[Çayönü]], il y a {{nombre|10000|ans}}, est un bon moyen de diversifier la ration et de constituer des réserves.]]
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[[Fichier:Expansion of farming in western Eurasia, 9600–4000 BCE.png|vignette|Voies de diffusion de l'agriculture néolithique en Europe]]
{{Article détaillé|Europe néolithique|Premiers agriculteurs européens}}
[[Fichier:Genetic matrilineal distances between European Neolithic Linear Pottery Culture populations (5,500–4,900 calibrated BC) and modern Western Eurasian populations.jpg|gauche|vignette|Distances génétiques matrilinéaires entre les populations de la [[Culture rubanée]] (-5500 à -4900) et les populations eurasiatiques occidentales modernes. Vert : proche, Brun : éloigné.]]
L’agriculture proche-orientale commence à se diffuser vers d'autres régions à partir de - 7000, soit de {{formatnum:1500}} à {{nombre|2000|ans}} après son apparition. Les phénomènes à l'origine de son expansion sont mal compris, mais le début de la diffusion vers l'ouest de l'Anatolie puis vers l'Europe pourrait être lié à l'apparition de nouvelles sous-espèces domestiques plus adaptées au climat ([[blé tendre]], orge nue, pavot<ref name=":39" />, porc, bovins), de nouvelles pratiques agricoles et d'élevage (meilleure complémentarité culture-élevage-horticulture, par exemple), à des modifications climatiques ([[Événement climatique de 8200 BP|évènement climatique de 8200 BP]]) ou à des modifications sociales (fragmentation des gros villages en hameaux)<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Bleda S.|nom1=Düring|titre=Breaking the Bond: Investigating The Neolithic Expansion in Asia Minor in the Seventh Millennium BC|périodique=Journal of World Prehistory|volume=26|numéro=2|date=2013-06-01|issn=0892-7537|issn2=1573-7802|doi=10.1007/s10963-013-9065-6|lire en ligne=https://link.springer.com/article/10.1007/s10963-013-9065-6|consulté le=2017-08-31|pages=75–100}}</ref>.
[[Fichier:Homo sapiens - Neolithic - reconstruction - MUSE.jpg|vignette|Paysanne de la Culture rubanée. Reconstruction au Musée de la science de [[Trente (Italie)|Trente]].]]
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=== Centres secondaires de domestication ===
Dans certaines régions, l'arrivée de l'agriculture entraîne un mouvement important de domestication d'espèces locales. Ces zones sont appelées centres secondaires de domestication.
[[Fichier:BuraoKhat qatfields sellerin western yemen.jpg|vignette|Homme proposant des bottesPlantations de Khat sur(arbustes lealignés) marchéau deYémen [[Burao]] (Somalie)occidental. Le khat, une des principales plantes [[psychotrope]]s, a été domestiqué en Éthiopie]]
 
 
En Afrique, il est encore difficile d'établir s'il s'agit de centres secondaires ou d'apparitions autonomes de l'agriculture<ref name=":11" />{{,}}<ref name=":53" /> : l'importance de ce continent est probablement sous-estimée. Il peut en être de même pour le Sud-Est asiatique :[[Fichier:Vigna subterranea Taub135.png|gauche|vignette|Le pois bambara (''[[Vigna subterranea]]''), légumineuse domestiquée en Afrique de l'Ouest et très appréciée localement]]
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* dans le sud de la Chine et le Sud-Est asiatique sont domestiqués la [[fève]], le [[Taro (plante)|taro]], l'igname, la rave, le [[Litchi (genre)|litchi]], le [[durian]], le [[mandarinier]], le bananier, l'[[abaca]] (une espèce de bananier qui donne une fibre très solide : le [[chanvre de Manille]]), le [[kapok]] (''[[Bombax ceiba]]'' qui donne une fibre similaire au coton), une canne à sucre<ref name=":8" />{{,}}<ref name=":9" />, le bétel ([[Piper betle|''Piper Betle'']]) à usage médicinal, le palmier à bétel (''[[Areca catechu]]'', un stimulant), la [[poule]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Valérie|nom1=Chansigaud|titre=Histoire de la domestication animale|lieu=Paris/61-Lonrai|éditeur=Delachaux et Niestlé / Impr. Normandie roto|année=2020|pages totales=400|isbn=978-2-603-02474-4|isbn2=2-603-02474-4|oclc=1197971506|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1197971506|consulté le=2021-07-25}}</ref>, les premiers ossements répertoriés en Thaïlande venant de {{Lien|langue=en|trad=Ban Non Wat}} et datant d'environ -1500<ref>{{Article|auteur1=Morgane Gibert|titre=Nouveau regard sur la domestication de la poule : une histoire de riz et d’oiseau exotique|périodique=cnrs info|date=26août 2022|lire en ligne=https://www.inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/nouveau-regard-sur-la-domestication-de-la-poule-une-histoire-de-riz-et-doiseau-exotique}}</ref>, le [[canard colvert]], un porc (''[[Sus celebensis]]'', le sanglier des [[Célèbes]]) et des bovins : le [[Gayal|gaur]] ou ''gayal'' et le [[Banteng domestique|banteng]] (à [[Java (île)|Java]]). Lorsque l'agriculture chinoise diffuse dans le Sud-Est asiatique elle influence diverses communautés de chasseurs-cueilleurs qui pratiquent une proto-agriculture<ref>Bentley, R.A. and Pietrusewsky, M. and Douglas, M.T. and Atkinson, T.C. (2005) 'Matrilocality during the prehistoric transition to agriculture in Thailand?', Antiquity., 79 (306). {{p.|865-881}}</ref> ;
[[Fichier:Gabna sameby i Nord-Sverige (1).jpg|gauche|vignette|capture de rennes au lasso dans un élevage sami. Nord de la Suède, 2009.]]
 
* en Sibérie, les [[Samis]] (Lapons) ont domestiqué puis exploité le [[Rangifer tarandus|renne]] suivant un système pastoral après - 1000, avant d'occuper leurs parcours de l'extrême nord de l'Europe (aujourd'hui nord de la Scandinavie, péninsule de Kola, Carélie)<ref name=":56">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Mériot,|nom1=Christian.|titre=Les lapons et leur société|sous-titre=étude d'ethnologie historique|lieu=Toulouse|éditeur=[[Éditions Privat|Privat]]|année=1980|pages totales=370|isbn=2-7089-7407-6|isbn2=9782708974074|oclc=6919922|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/6919922}}</ref>. Les [[Iakoutes]] avaient domestiqué l'[[élan]], animal particulièrement adapté à la vie dans les marais et les forêts, il fut utilisé surtout comme animal de trait et ponctuellement pour son lait et comme monture (atteignant {{unité|60|km/h}}, l'élan peut distancer les chevaux)<ref>{{Lien web|titre=élan|url=http://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/%C3%A9lan/184558|site=Encyclopédie Larousse|consulté le=15 juin 2018}}</ref>.
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[[Fichier:Fire-sav-S-slope-3720.jpg|vignette|Savane à chênes à gros fruits (''[[Quercus macrocarpa]]'') nettoyée par le feu. Cette pratique, souvent interdite, épargne ces arbres parce qu'ils ont une écorce très épaisse. [[Wisconsin]], États-Unis ]]
 
* des systèmes avec élevage associé, dans les savanes d'altitude de l'[[Afrique des Grands Lacs|Afrique des grands lacs]]. Le bétail pâture la journée dans la savane. La nuit, il est regroupé dans des enclos à proximité des maisons et situés au sommet d'une colline. Les cultures se situent en contrebas de l'enclos, et se succèdent les unes aux autres sans phase de jachère. Les cultures profitent du ruissellement des nutriments provenant des déjections animales dans l'enclos. Les déjections sont également transportées quotidiennement à la main depuis l'enclos vers les cultures. Lorsque la densité de population augmente dans ces systèmes, {{Référence nécessaire|l'élevage tend à régresser}} et à laisser la place à des systèmes d'agroforesterie basés sur l'utilisation d'arbres et de cultures pérennes ([[Jardin créole|jardins créoles]] des Antilles<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Le Bellec,|nom1=Fabrice.|titre=Le jardin créole|sous-titre=produire en respectant l'environnement|lieu=Saint-Denis (Réunion)|éditeur=[[Éditions Orphie|Orphie]]|date=impr. 2008|pages totales=44|isbn=978-2-87763-412-0|isbn2=2-87763-412-4|oclc=470949967|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/470949967}}</ref>, du [[Yucatán]] et d'Asie du Sud-Est) ;
[[Fichier:Chaco Paraguay,cattle ranch, Presidente Hayes Province.JPG|vignette|Élevage bovin dans un grand ranch du Chaco paraguyen]]
* des systèmes à jachère et élevage, des zones sahéliennes et soudaniennes, similaires aux systèmes de culture attelée légère méditerranéens et européens. Les cultures sont regroupés sur les sols les plus fertiles, où sont également installées les maisons. Les animaux pâturent les zones les moins productives de la steppe ou de la savane. Pendant la saison sèche, les troupeaux sont parqués la nuit sur les champs, qui sont laissés en jachère, afin d'enrichir le sol par leurs déjections. Les troupeaux d'éleveurs nomades ou transhumants peuvent également s'ajouter aux troupeaux du village. Pendant la saison des pluies, les troupeaux sont tenus loin du village ou parqués la nuit dans des parcs à bétail. La terre des parcs à bétail, mélangée aux déjections, est prélevée et transportée dans les champs. Des situations semblables ont pu prévaloir dans le [[Gran Chaco|Chaco]] sud-américain ;
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==== L'organisation féodale et communautaire prévalente au début du Moyen-Âge ====
À la fin de l'Empire romain, le statut de [[Colonat partiaire|colon]] évolue. Désormais, les colons, sont liés juridiquement à la terre qu'ils exploitent ou au propriétaire de la terre, dans une forme qui préfigure le [[servage]]. Les troubles sociaux et les [[Invasions barbares|invasions]] qui accompagnent le [[Déclin de l'Empire romain d'Occident|déclin de l'empire]] poussent les grands propriétaires à se retirer sur leurs domaines (''[[Villa romaine|villa]]''), dont ils organisent eux-mêmes la défense. Des esclaves en fuite et des familles de paysans viennent trouver refuge sur ces domaines. Le propriétaire alloue à chaque famille un lot de terre qu'elle peut cultiver pour son compte, en échange d'une part de la récolte. Ces nouveaux colons voient cependant leur liberté se réduire. Progressivement ce système évolue vers le système médiéval caractérisé par la [[seigneurie]], le [[servage]] et le [[domaine médiéval]] organisé en [[Réserve (histoire)|réserve]] et [[Tenure (féodalité)|tenures]] serves ou libres<ref name=":34" />. AuDès le début du Moyen-Âge, les tenanciers, vilains ou serfs, des parcelles concédées ([[Tenure (féodalité)|tenures]]) sont astreints à des redevances ([[Cens (droit seigneurial)|cens]] ou [[champart]], [[chevage]] pour les serfs) et à des [[corvée]]s sur les terres du propriétaireseigneur, la [[Réserve (histoire)|réserve]] qu'il exploite pour lui-même. Les serfs exploitent des tenures petites sans attelage et ne peuvent quitter leur terre. Les [[Alleu|alleux]], terres sans seigneur présumées dépendre directement du roi, tendent à disparaître pour passer, volontiers ou de force, sous la protection seigneuriale<ref>{{Ouvrage|prénom1=Georges|nom1=Editions du Seuil|prénom2=Georges|nom2=Duby|prénom3=Armand|nom3=Wallon|titre=La formation des campagnes françaises|sous-titre=des origines au XIVe siècle|éditeur=[[Éditions du Seuil|Éd. du Seuil]]|collection=Histoire de la France rurale|année=1987|pages totales=620|isbn=978-2-02-004267-3|consulté le=2023-05-28}}</ref>. Les enfants des paysans héritent à leur tour du statut de dépendance de leurs parents. Cette organisation est commune à toute l'Europe occidentale<ref name="Malassis p129" />.
 
Les tenanciers libres et les alleutiers qui possêdent un attelage sont aussi appelés [[Laboureur|''laboureurs'']]. Ceux qui n'exploitent qu'une tenure insuffisante doivent se louer à la tâche, ce sont les ''brassiers. Dans une catégorie intermédiaire, on trouve les [[Ménager|ménagers]] qui ne se louent pas<ref>''[[Dictionnaire du monde rural]]'' [[Marcel Lachiver]], [[Librairie Arthème Fayard|Fayard]] 2006</ref>
 
Sur la réserve le seigneur installe et entretient des équipements (moulins, four, pressoir, forge …) que les paysans peuvent utiliser contre redevance. Il en bannit la construction ailleurs sur son domaine ([[Banalité (droit seigneurial)|Banalité]]). Le seigneur banal est donc un entrepreneur bénéficiant de privilèges. Le seigneur met à la disposition des paysans une partie de la réserve (forêt, landes, parcours, sources) le plus souvent à titre gratuit<ref name=":77" />.
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== Révolution agricole du Moyen Âge en Europe : les systèmes de culture attelée lourde ==
Au début du Moyen-Âge, la situation des paysans est marquée par leur grande dépendance soit comme [[serfs]], soit comme libres protégés et obligés du [[seigneur]]. Le servage disparaît en partie pendant la guerre de Cent-Ans en Europe occidentale (à l'ouest de l'[[Elbe (fleuve)|Elbe]]) mais persistera en Europe orientale et centrale.
 
Le changement de système de culture est caractérisé notamment par le passage de l'[[assolement biennal]] à l'[[assolement triennal]] ainsi que par la mise en défens de prés de fauche, ce qui permet le développement de l'élevage.
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L'augmentation de la population (elle double en Europe occidentale entre 1000 et 1340 <ref name=":48" /> et triple en France où « elle atteint à peu près 15 millions en 1328 »<ref name=":61">{{Ouvrage|prénom1=Gauvard, Claude, 1942-|nom1=...|titre=Le temps des Capétiens|sous-titre={{sp-|X|-|XIV}}|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|date=impr. 2013|passage=55|isbn=978-2-13-060825-7|isbn2=2130608256|oclc=847558166|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/847558166|consulté le=2019-01-23}}</ref>) et de ses besoins en bois, le développement de la métallurgie (consommation de bois de feu), la construction de nouveaux bâtiments agricoles et urbain (consommation de bois de construction) s'ajoutent aux défrichements et [[Essartage|essarts]] qui se multiplient à partir du {{S|X}}. La forêt européenne régresse et se dégrade. En réponse, les seigneurs commencent à réduire les droits d'usage des forêts et réglementent les coupes. Les modes d'exploitation en [[taillis]], [[futaie régulière]] et [[taillis sous futaie]] apparaissent à ce moment<ref name=":36" />.
 
Selon Mazoyer et Roudart, le rendement devait être de 8 q/ha pour la première céréale de la rotation et de 6 q/ha pour la deuxième. Ce système pourrait supporter une densité de population de 30 habitants par km² dans les zones défavorables (climat froid qui nécessite plus de bois et de fourrage, sol lessivé) et de 80 habitants par km² dans les zones les plus favorables (climat doux, sol de lœss fertile), avec une moyenne de 55 habitants par km², ce qui explique le triplement de la population. C'est surtout un système qui permet aux paysans de dégager d'importants surplus alimentaires, alors que le système précédent permettait juste de nourrir la famille paysanne. Ces surplus alimentaires vont stimuler le développement de groupes sociaux comme les artisans et les commerçants, ainsi que le développement des villes. Les succès de la [[Hanse]] ou des [[foires de Champagne]] sont une conséquence du développement des flux commerciaux agricoles. En retour, le développement de l'artisanat ([[métallurgie]], [[Charron (métier)|charronnerie]], [[bourrelier]]s, métiers du bâtiment) accélère le développement de l'agriculture en assurant la fabrication des outils nécessaires. Des industries d'aval, comme les moulins ou les tanneries se développent également. Les artisans et commerçants, qui sont regroupés dans lesdes villes forment des [[guilde]]s et obtiennent des [[Charte de franchises|chartes de franchise]], donnant naissance aux [[Commune (Moyen Âge)|communes médiévales]]<ref name=":36" />. On peut aussi faire la remarque que cesCes chartes, qui comportent des exemptions de taxes, créent un nouveau groupe de privilégiés (que l'on commence à appeler [[Bourgeoisie|bourgeois]]) et renforce le fait que les paysans sont les seuls ou presque à payer des impôts<ref name=":62" />.
 
L'augmentation de la population stimule les défrichements. De plus, les matériels du système de culture attelée lourde permettent la mise en culture d'écosystèmes jusque-là difficilement cultivables : sols sableux, filtrants et lessivés (incultivables sans apports de fumier), landes, sols argileux lourds (cultivables avec la charrue mais pas avec l'araire), marais côtiers et intérieurs, sols humides, zones froides d'altitude (Alpes, Jura, Carpates, collines et plateaux d'Europe centrale) ou d'Europe du Nord (Pologne, pays baltes, Scandinavie). Ce système s'étend donc dans toute l'Europe, à l'exception des zones les plus septentrionales (taïga, toundra) ou les plus en altitude où les besoins en bois et en fourrage sont trop importants et où survit l’agriculture sur abattis-brûlis et à l'exception des zones de steppe trop arides et des zones méditerranéennes, qui ne connaissent pas de déficit fourrager hivernal justifiant de lourds investissements (; le déficit fourrager estival est compensé par la transhumance, le séchage de l'herbe sur pied et le pâturage dans les maquis et garrigues)<ref name=":36" />.
 
Ainsi vers 1200, en [[Prusse (région)|Prusse]], alors peuplée par les Borusses, un peuple [[Pays baltes|balte]] païen, les défrichements ont été précédés de croisades menées par les [[Chevaliers Teutoniques]]. Ces croisades furent suivies par l'installation de colons germaniques, connaissant les techniques de la culture attelée lourde, et la constitution d'un bassin céréalier autour de la Baltique dont les exportations étaient assurées par la [[Hanse]]. Les moines-soldats de l'Ordre porte une grande attention à l'agriculture ainsi le défrichement et la bonification des terrains du [[delta de la Vistule]] permit de gagner 150 000 ha à l'agriculture<ref>{{Ouvrage|nom1=Nikolaus von Jeroschin|titre=The chronicle of Prussia: a history of the teutonic knights in Prussia, 1190-1331 by Nicolaus von Jeroschin|éditeur=Ashgate|collection=Crusade texts in translation|date=2010|isbn=978-0-7546-5309-7|consulté le=2024-05-27}}</ref>. Les Borusses disparurent en tant que peuple ([[Prussiens]]). Ces mouvements de [[Colonisation germanique de l'Europe orientale|colonisation germanique]] ont concerné de nombreuses régions d'Europe de l'Est ([[Drang nach Osten]] ou ''marche vers l'est'')<ref>Les effets de cette colonisation sont complètement effacés en 1945 par les Soviétiques en application des accords de Yalta</ref>.
 
C'est aussi à cette époque que sont aménagés les [[polder]]s des [[Comté de Flandre|Flandres]], dans les estuaires de l'[[Aa (fleuve)|Aa]], de l'[[Yser]] et du [[Rhin]]. L'expertise des ingénieurs flamands et hollandais sera ensuite appréciée pour l'aménagement des polders des côtes de la mer du Nord, de la Baltique, puis de l'Atlantique ([[Baie du Mont-Saint-Michel]], [[Marais poitevin]], îles de [[Île de Ré|Ré]], [[Île d'Oléron|Oléron]] et [[Île de Noirmoutier|Noirmoutier]], [[estuaire de la Gironde]]).
[[Fichier:Villeron - Grange de Vaulerent - 3.jpg|vignette|[[Grange de Vaulerent|Grange cistercienne de Vaulerent]], grange et pigeonnier. [[Villeron]], France, XIII<sup>ème</sup>siècle.]]Les seigneurs encouragent les défrichements en diminuant les impôts sur les terres nouvellement défrichées ([[essart]]s), et en investissant ([[Banalité (droit seigneurial)|Banalitébanalité]]) pour attirer les paysans et les aider à s'installer. Ces installations sont rendues nécessaires par le départ de chevaliers et paysans-soldats vers les pays conquis : Allemands et [[Flamands]] vers l'Est, Normands, Angevins vers la Grande-Bretagne et la Sicile, Poitevins vers la Grande-Bretagne, [[Royaume de Chypre|Chypre]], la Palestine et même en [[Couronne de Castille|Castille]] lors de la [[Reconquista]], expansion italienne et [[Couronne d'Aragon|aragonnaise]] en Méditerranée, puis conquête du Nouveau Monde. Enfin, il faut repeupler les territoires dévastés par les guerres ou les épidémies. En installant la banalité, le seigneur s'assure le monopole de services qu'il pourra ensuite parfois monnayer au prix fort. Les besoins importants en investissements financiers conduisent à la création du [[Paréage|contrat de pariage]]<ref name=":61" />. Un nouveau monde se crée sur les terres défrichées, composé d'investisseurs, de salariés et de paysans libres ([[Cens (droit seigneurial)|censitaires]], fermiers ou métayers[[Alleutier|alleutiers]]). Dans les zones cultivées anciennement, les rapports sociaux n'évoluent tout d'abord pas et la culture attelée lourde se développe peu. Néanmoins, laLa concurrence exercée par les denrées agricoles produites à plus faible coût dans les territoires nouvellement défrichés va obliger les seigneurs des anciens terroirs à s'adapter et va progressivement conduire à l'abandon du servage en Europe occidentale. Les corvées manuelles, peu productives, régressent tandis que les seigneurs salarient parfois des laboureurs, propriétaires de leur attelage, pour exploiter leurs propres terres.
 
Une couche de paysans riches (les grands fermiers qui ne s'inscrivent plus dans le système féodal) prend à ferme les terres des réserves ecclésiastiques ou seigneuriales dont les propriétaires abandonnent la mise en valeur directe dans le quart nord-est de la France à partir de 1450<ref name=":78" />. Ailleurs dans le pays le [[métayage]] se développe dans des villages éventuellement [[Remembrement|remembrés]] par les seigneurs<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bernadette|nom1=Bucher|titre=Descendants de Chouans|sous-titre=histoire et culture populaire dans la Vendée contemporaine|lieu=Paris|éditeur=Ed. Maison des sciences de l'homme|année=1995|pages totales=338|isbn=2-7351-0644-6|isbn2=978-2-7351-0644-8|oclc=406802703|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/406802703|consulté le=2021-04-10}}</ref>, c'est le cas de la [[Gâtine poitevine|Gâtine de Parthenay]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Hugues|nom1=Editions du Seuil|prénom2=Jean|nom2=Jacquart|prénom3=Emmanuel|nom3=Le Roy Ladurie|prénom4=Georges|nom4=Duby|titre=L' âge classique des paysans|sous-titre=1340-1789|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|collection=Histoire de la France rurale|année=1986|pages totales=658|isbn=978-2-02-004268-0|consulté le=2023-05-28}}</ref>. À l'autre bout de l'échelle sociale les [[paysans sans terre]] se multiplient. Le servage reste la règle en Europe à l'est de l'[[Elbe (fleuve)|Elbe]] et en Russie ([[Servage en Russie]]).
Les [[Ordre cistercien|moines cisterciens]] gèrent de grands domaines. Ils sont particulièrement impliqués dans ces défrichements et l'élevage (ainsi que dans le développement de la métallurgie). Ils mettent au point la [[pisciculture]] et l'élevage moderne des [[lapin]]s avec séparation des sexes. Ils portent une grande attention à l'élaboration de la [[cire]], du [[miel]], des vins (invention des [[climats]] à [[Clos-de-vougeot]]), des fromages et à l'élevage des [[pigeons]] ([[colombiculture]])<ref>{{Lien web|titre=L'histoire des pigeons|url=http://www.cosaanimalia.org/projet-pigeonniers/l-histoire-des-pigeons/|site=Cosa animalia|consulté le=6 avril 2018}}</ref> pour la chair. Ils construisent de magnifiques [[Colombier (édifice)|colombiers]] permettant, en outre, de récupérer la colombine, un engrais très apprécié pour les jardins. Cet élevage était alors règlementé et réservé aux propriétés seigneuriales et ecclésiastiques, les pigeons se nourrissant gratuitement chez les paysans. Ces productions permettent en effet de passer le [[carême]] avec des plats « sans viande » ou réputés tels (lapereaux, pigeonneaux).