[go: nahoru, domu]

« Histoire de l'agriculture » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Balises : Révoqué Répétition de caractères Éditeur visuel
Bougnat87 (discuter | contributions)
(42 versions intermédiaires par 17 utilisateurs non affichées)
Ligne 2 :
L’'''histoire de l'[[agriculture]]''' est l'histoire de la [[domestication]] des plantes, des animaux et du développement, par les [[Homo sapiens|êtres humains]], des techniques nécessaires pour les cultiver ou les [[Élevage|élever]], puis de la modification des [[écosystème]]s cultivés, transformés en [[agroécosystème]]s. L'agriculture est apparue indépendamment dans différentes parties du monde lors de la [[révolution néolithique]], il y a parfois plus de dix mille ans. On peut supposer que cela a débuté par une [[Économie de subsistance|agriculture de subsistance]]. Puis, peu à peu, s'est créée une [[agriculture]] de [[production]] et de [[négoce]].
 
Aujourd’hui, les informations concernant les [[marché (économie)|marchés]] et leur organisation, les [[technique]]s et le savoir-faire bénéficiant des progrès de l'[[agronomie]], les produits, instruments et méthodes de [[hautes technologies|haute technologie]] élaborés par les industries de l'agro-fourniture, sont à la disposition de l'agriculteur pour obtenir des niveaux de production jamais atteints dans l'[[Histoire du monde|histoire]] de l'[[Homo sapiens|Hommehumanité]]. Les [[Marge brute standard|marges]] réalisées par les entreprises agricoles dans les pays développés restent cependant très variables, dépendant de prix de vente fluctuants et d'aides apportées ou non par les États, tandis que, dans les autres pays, la situation de nombreux paysans reste précaire.
 
En contrepartie, ces développements récents de type industriel conduisent une partie des consommateurs des pays riches à des inquiétudes et des remises en question concernant la qualité des aliments, leur innocuité et les conséquences des méthodes modernes sur l'[[environnement]].
Ligne 20 :
De manière générale, cette transition suppose plusieurs millénaires de proto-élevage et de proto-agriculture<ref name=":21">{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel|nom1=Roudart, Laurence|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=p.106|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref>. Elle apparaît suffisamment radicale pour qu'on lui donne le nom de [[révolution néolithique]], bien qu'elle soit très progressive.
 
=== Conditions matérielles de l'apparition de l'agriculturemmmmmmmmmagriculture ===
[[Fichier:Paléotempératures.svg|vignette|Température globale moyenne au cours des 540 derniers millions d'années.]]
hbnj,nbnnnnnjkllSelonSelon Bettinger et al.<ref name=":0">{{Article|prénom1=Robert|nom1=Bettinger|prénom2=Peter|nom2=Richerson|prénom3=Robert|nom3=Boyd|titre=Constraints on the Development of Agriculture|périodique=Current Anthropology|volume=50|numéro=5|date=2009-10-01|issn=0011-3204|doi=10.1086/605359|lire en ligne=http://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/605359|consulté le=2017-08-26|pages=627–631}}</ref>, l'agriculture ne pouvait apparaître avant la fin du [[Pléistocène]], vers {{formatnum:9700}} av. J.-C., à cause de la faible productivité végétale due à la faible teneur en {{fchim|lien=Dioxyde de carbone|CO|2}} de l'atmosphère terrestre. Ce phénomène aurait été aggravé par l'augmentation de la [[Évapotranspiration|conductivité stomatique]], mise en place en réponse, mais qui augmente les besoins en eau, dans un contexte d'[[aridité]] glaciaire. Cette théorie est également soutenue par [[Ronald Wright]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Wright, Ronald,|nom1=1948-|titre=A short history of progress|éditeur=Anansi|année=2004|pages totales=226|isbn=978-0-88784-706-6|oclc=56531474}}</ref>. Il faudrait cependant prouver que cette faible teneur constitue bien un [[Loi de Liebig sur le minimum|facteur limitant]] dans un contexte de très faibles rendements. D'autre part, des espèces présentant un mode de [[fixation du carbone en C4]] étaient apparues, leur proportion devenant significative il y a environ cinq millions d'années<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Sage, Rowan|nom1=Frederick.|prénom2=Monson, R. K. (Russell K.),|nom2=1954-|titre=C₄ plant biology|éditeur=[[Academic Press]]|année=1999|pages totales=596|passage=446|isbn=978-0-08-052839-7|isbn2=0080528392|isbn3=1281046906|oclc=176630229|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=H7Wv9ZImW-QC&pg=PA425|consulté le=2018-07-25}}</ref>. Ces espèces qui comprennent notamment les ancêtres du maïs, du [[Sorgo commun|sorgho]], de la [[canne à sucre]] et du [[Millet (graminée)|millet]] allient à une voie de synthèse particulière des sucres, un système de concentration du gaz carbonique ([[Anatomie de type kranz|anneau cellulaire de type kranz]]), une pousse d'été et une utilisation très efficace de l'eau<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Sage, Rowan|nom1=Frederick.|prénom2=Monson, R. K. (Russell K.),|nom2=1954-|titre=C₄ plant biology|lieu=San Diego/London/Boston etc.|éditeur=[[Academic Press]]|année=1999|pages totales=596|isbn=0-12-614440-0|oclc=176630229}}</ref>. Leur culture n'est cependant pas considérée comme économe car leurs besoins maximum se situent, dans les régions de grandes cultures actuelles, souvent à une saison où l'eau est rare, et elles ont pu nécessiter l'usage de l'irrigation dès le Néolithique.
[[Fichier:IceAgeEarth.jpg|vignette|Extension maximale des glaciers lors de la [[dernière période glaciaire]].]]
D'une façon globale, si on regarde l'évolution de l'atmosphère sur le très long terme, la teneur en CO<sub>2</sub> a graduellement baissé depuis l'[[optimum climatique de l'Éocène]], il y a environ 50 millions d'années, passant d'une valeur estimée entre {{unité|500|et=1000|ppm}} à un minimum de {{unité|150|à=200|ppm}}, il y a environ {{unité|20000|ans}} ; cette valeur remonte ensuite à {{unité|240|ppm}}, il y a environ {{nombre|10000|ans}} pour atteindre {{unité|280|ppm}} au début de l'ère industrielle<ref name=":37">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Poitou,|nom1=Jean,|prénom2=Masson-Delmotte,|nom2=Valérie,|titre=Le climat|sous-titre=la Terre et les hommes|lieu=Les Ulis|éditeur=EDP sciences|année=2014|pages totales=223|passage=160|isbn=978-2-7598-0881-6|oclc=905865301}}</ref> et {{unité|400|ppm}} aujourd'hui.
Ligne 140 :
* hausse de la [[mortalité infantile]], baisse de l'[[espérance de vie]] ;
* baisse de la taille moyenne pouvant atteindre jusqu'à 10 % (à cause de la sous-nutrition) ;
* en Asie, lale développement de la culture du riz a permis la production de grandes quantités d'alcool, conduisant probablement à un développement important de l'alcoolisme. Ce phénomène pourrait être responsable de la plus grande fréquence de l'[[Alcool déshydrogénase|intolérance à l'alcool]] en Asie, les ancêtres de ces individus ayant été moins touchés par l'alcoolisme<ref>{{Article |prénom1=Yi |nom1=Peng |prénom2=Hong |nom2=Shi |prénom3=Xue-bin |nom3=Qi |prénom4=Chun-jie |nom4=Xiao |titre=The ADH1B Arg47His polymorphism in East Asian populations and expansion of rice domestication in history |périodique=BMC Evolutionary Biology |volume=10 |date=2010-01-20 |issn=1471-2148 |doi=10.1186/1471-2148-10-15 |lire en ligne=https://doi.org/10.1186/1471-2148-10-15 |consulté le=2017-08-27 |pages=15 }}</ref>.
 
L'agriculture demande en effet un temps de travail quotidien supérieur à la chasse et à la cueillette<ref name=":38" />, et fournit une alimentation moins variée. Le passage d'un régime alimentaire diversifié à un régime alimentaire basé sur un petit nombre de végétaux riches en glucides et pauvres en protéines s'est traduit par une baisse de la diversité alimentaire, favorisant la malnutrition et l'augmentation du nombre de caries. De plus, le fait de dépendre de seulement quelques espèces cultivées augmente le risque de [[famine]], si une des cultures échoue. Cependant, la place prise dans la ration par les produits issus de cultures n'a augmenté que très progressivement, les agriculteurs ont continué à pêcher, chasser et cueillir, dans la plupart des cas<ref name=":39" />.
Ligne 155 :
De même la consommation de céréales a privilégié des lignées d'individus produisant plus d'[[amylase]] salivaire et digérant mieux l'[[amidon]]<ref>{{Article |auteur1=Marc-André Selosse |titre=L'évolution culturelle, évolution biologique |périodique=ESPÈCES |date=juin-août 2021 |pages=61 }}</ref>.
 
L'agriculture a permis d'augmenter fortement la taille de la population (de 2 à 8 fois, en Europe<ref name=":12">{{Article |prénom1=Sean S. |nom1=Downey |prénom2=Emmy |nom2=Bocaege |prénom3=Tim |nom3=Kerig |prénom4=Kevan |nom4=Edinborough |titre=The Neolithic Demographic Transition in Europe: Correlation with Juvenility Index Supports Interpretation of the Summed Calibrated Radiocarbon Date Probability Distribution (SCDPD) as a Valid Demographic Proxy |périodique=PLOS ONE |volume=9 |numéro=8 |date=2014-08-25 |issn=1932-6203 |doi=10.1371/journal.pone.0105730 |lire en ligne=http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0105730 |consulté le=2017-08-27 |pages=e105730 }}</ref>). La population humaine passe probablement de 5 millions à 50 millions de personnes entre - 8000 et - 3000 puis à 100 millions en - 1000<ref>{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=1933-|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=89|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref>. Elle a aussi entraîné, environ {{nombre|1000|ans}} après le passage à l'agriculture, le passage à un nouveau régime démographique caractérisé par une forte natalité et une forte mortalité (nommé ''Transition Démographique Néolithique''). L'augmentation de la fertilité est expliquée par l'augmentation de la productivité agricole à l'hectare et par la production d'aliments à plus forte teneur en énergie, comparativement au régime alimentaire des chasseurs-cueilleurs<ref name=":13" />. Ce régime s'accompagne également d'une forte instabilité de la taille de la population, avec des épisodes d'effondrement démographique, où la taille de la population peut chuter de 20 à 30 %<ref name=":12" />. L'augmentation de la mortalité s'explique par la dégradation de l'état de santé expliquée ci-dessus (famines, épidémies), auquel s'ajoute une augmentation de la mortalité infantile liée à une moindre disponibilité du lait maternel pour les enfants, lorsque la fréquence des grossesses augmente<ref name=":13" />. Ce régime se maintiendra jusqu'au {{s minisp-|XIX}}-{{s mini|-|XX}} siècle, dans la plupart des zones cultivées, jusqu'à la [[transition démographique]] contemporaine.
 
[[Fichier:Fıstık.jpg|vignette|Verger de pistachiers et pistaches en cours de séchage, Turquie. L'utilisation de [[Fruit sec|fruits secs]] dont la pistache sauvage, attestée à [[Çayönü]], il y a {{nombre|10000|ans}}, est un bon moyen de diversifier la ration et de constituer des réserves.]]
Ligne 249 :
 
On cite souvent [[Jéricho]] comme étant la première des villes ; c'est à Jéricho et dans ses alentours que la notion de [[Néolithique précéramique]] (PPNA puis PPNB) a été forgée, principalement par [[Kathleen Kenyon]].
 
[[Fichier:Sifting Grain (8352533158).jpg|vignette|Scène de vannage en Érythrée]]
Pendant la culture du [[néolithique précéramique B]] (v. 8500 à 7000 av. J.-C.), la part de la cueillette dans l’alimentation diminue et le nombre d'espèces domestiquées augmente. La liste des céréales s'enrichit de l'[[épeautre]] et du [[blé dur]] (une espèce de blé nu), les légumineuses de la gesse (''[[Lathyrus sativus]]''), du [[pois chiche]] (''Cicer arietinum'')<ref>{{Ouvrage|nom1=Prance, Ghillean T., 1937-|nom2=Nesbitt, Mark.|titre=The cultural history of plants|éditeur=[[Routledge]]|année=2005|isbn=0-203-02090-1|isbn2=978-0-203-02090-6|isbn3=978-0-415-92746-8|oclc=57480711|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/57480711|consulté le=2020-09-15}}</ref> et de la vesce (''[[vicia ervilia]]'' ou ers); les graines de ces deux plantes nécessitent plusieurs cuissons à l'eau avant d'être consommables. Le [[câprier]]<ref name=":54">{{Lien web|auteur1=Carolyne Douché|titre=« Révolution agricole » au Néolithique proche-oriental : quelle réalité ?
Exemples de Dja’de el-mughara et Tell Aswad|url=http://books.openedition.org/psorbonne/6764?lang=fr|site=Éditions de la Sorbonne|date=2017|consulté le=16 mai 2018}}</ref>, le [[lin cultivé]] oléagineux et textile apparaissent aussi<ref name=":39">{{Article|auteur1=Laurent Bouby (CNRS)|titre=Diffusion des plantes cultivées|périodique=Dossiers d'Archéologie (Éditions Faton)|date=septembre/octobre 2012|issn=1141-7137|pages=56 à 61}}</ref>, ce dernier est la première plante textile à avoir été domestiquée<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Yong-Bi|nom1=Fu|titre=Genetic evidence for early flax domestication with capsular dehiscence|périodique=Genetic Resources and Crop Evolution|volume=58|numéro=8|date=2011-12-01|issn=0925-9864|issn2=1573-5109|doi=10.1007/s10722-010-9650-9|lire en ligne=https://link.springer.com/article/10.1007/s10722-010-9650-9|consulté le=2018-04-01|pages=1119–1128}}</ref> comme le montrent les fouilles de {{Lien|langue=en|trad=Tell Ramad|fr=}} en Syrie. Les techniques semblent s'améliorer : emploi de la faucille courbe, de la [[houe]], [[Van (agriculture)|vannage]]. La proportion de plantes [[Adventice|adventices]] augmente fortement, signe d'une probable intensification<ref name=":54" />.
Ligne 258 :
 
La culture du blé tendre ou froment apparaît vers 6000 av. J.-C. au Proche-Orient<ref name=":39" />. Elle permettra la fabrication des pains de froment levés à Sumer et en Égypte.
 
[[Fichier:Sennedjem and Iineferti in the Fields of Iaru MET DT11771.jpg|vignette|Une fresque de la tombe de [[Sennedjem (artisan)|Sennedjem]] illustrant l'[[agriculture dans l'Égypte antique]] dans les [[champs d'Ialou]] : au-dessus d'un canal bordé de palmiers à dattes, scènes de récolte à la faucille de l'orge et du lin, de semailles et de labourage avec une [[araire]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Fiona Macdonald|titre=Ancient Egyptians|éditeur=Barron's|année=1993|passage=13|isbn=}}.</ref>.]]
Sumer est la première grande civilisation, du moins la mieux connue, à partir de 3200 av. J.-C. Outre les céréales, légumineuses et fruitiers cités, on y cultivait l'[[oignon]], l'[[Ail cultivé|ail]], la [[Laitue cultivée|laitue]], la moutarde, le [[poireau]], le [[pommier]], le [[pavot]] et le [[Melon (plante)|melon]].
 
Ligne 265 :
==== Diffusion vers l'Europe ====
[[Fichier:Expansion of farming in western Eurasia, 9600–4000 BCE.png|vignette|Voies de diffusion de l'agriculture néolithique en Europe]]
{{Article détaillé|Europe néolithique|Premiers agriculteurs européens}}
[[Fichier:Genetic matrilineal distances between European Neolithic Linear Pottery Culture populations (5,500–4,900 calibrated BC) and modern Western Eurasian populations.jpg|gauche|vignette|Distances génétiques matrilinéaires entre les populations de la [[Culture rubanée]] (-5500 à -4900) et les populations eurasiatiques occidentales modernes. Vert : proche, Brun : éloigné.]]
 
L’agriculture proche-orientale commence à se diffuser vers d'autres régions à partir de - 7000, soit de {{formatnum:1500}} à {{nombre|2000|ans}} après son apparition. Les phénomènes à l'origine de son expansion sont mal compris, mais le début de la diffusion vers l'ouest de l'Anatolie puis vers l'Europe pourrait être lié à l'apparition de nouvelles sous-espèces domestiques plus adaptées au climat ([[blé tendre]], orge nue, pavot<ref name=":39" />, porc, bovins), de nouvelles pratiques agricoles et d'élevage (meilleure complémentarité culture-élevage-horticulture, par exemple), à des modifications climatiques ([[Événement climatique de 8200 BP|évènement climatique de 8200 BP]]) ou à des modifications sociales (fragmentation des gros villages en hameaux)<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Bleda S.|nom1=Düring|titre=Breaking the Bond: Investigating The Neolithic Expansion in Asia Minor in the Seventh Millennium BC|périodique=Journal of World Prehistory|volume=26|numéro=2|date=2013-06-01|issn=0892-7537|issn2=1573-7802|doi=10.1007/s10963-013-9065-6|lire en ligne=https://link.springer.com/article/10.1007/s10963-013-9065-6|consulté le=2017-08-31|pages=75–100}}</ref>.
[[Fichier:Homo sapiens - Neolithic - reconstruction - MUSE.jpg|vignette|Paysanne de la Culture rubanée. Reconstruction au Musée de la science de [[Trente (Italie)|Trente]].]]
 
L'agriculture apparaît en Europe dès -7000. Le plus ancien site néolithique repéré est la [[Grotte Franchthi]] en [[Argolide]] (Grèce). On y a retrouvé des restes d'orge à deux rangs, d'amidonnier, de chèvres et de moutons domestiqués en rupture radicale avec la période précédente où l'on utilise que des espèces sauvages<ref>{{Lien web|titre=Sous les eaux grecques à la recherche du plus vieux village d'Europe|url=https://www.letemps.ch/sciences/eaux-grecques-recherche-plus-vieux-village-deurope|site=Le Temps|date=18 août 2015}}</ref>. L'agriculture progresse d'abord en Europe du Sud à partir de - 6500 puis en Europe centrale vers - 5000 et en Europe du Nord vers - 4000, à partir d'un foyer balkanique, où les agriculteurs arrivés du Proche-Orient se sont mélangés avec les chasseurs-cueilleurs locaux<ref name=":52">I. Olalde et al, A common genetic origin for early farmers from Mediterranean Cardial and Central European LBK cultures, 2015, http://mbe.oxfordjournals.org/content/early/2015/09/02/molbev.msv181.abstract</ref>. Deux courants partent ensuite en direction de l'ouest. Un premier courant longe la côte méditerranéenne, en progressant ''à saute-mouton'' (''leapfrog colonization''), c'est-à-dire par la formation de villages isolés d'agriculteurs, enclaves au sein d'une zone peuplée par les chasseurs-cueilleurs<ref>{{Ouvrage|auteur1=Georges Duby|auteur2=Armand Wallon|titre=Histoire de la France rurale, tome 1|sous-titre=Des origines à 1340|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=2000|isbn=}}</ref>. Ce courant est lié à la diffusion des cultures de la [[Culture de la céramique imprimée|céramique imprimée]] et de la [[Culture de la céramique cardiale|céramique cardiale]]. Un autre courant, lié à la [[Culture rubanée|culture de la céramique rubanée]], remonte la vallée du Danube puis continue vers l'ouest, traversant le nord de l'actuelle France. Dans cette zone, la progression de l'agriculture est liée à l'avancée (''demic diffusion'') de petits groupes d'agriculteurs au sein des zones de chasseurs-cueilleurs<ref>{{Article|prénom1=Qiaomei|nom1=Fu|prénom2=Pavao|nom2=Rudan|prénom3=Svante|nom3=Pääbo|prénom4=Johannes|nom4=Krause|titre=Complete Mitochondrial Genomes Reveal Neolithic Expansion into Europe|périodique=PLOS ONE|volume=7|numéro=3|date=2012-03-13|issn=1932-6203|doi=10.1371/journal.pone.0032473|lire en ligne=http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0032473|consulté le=2017-08-27|pages=e32473}}</ref>. Les agriculteurs ont peu à peu éliminé et supplanté les chasseurs-cueilleurs<ref name=":52" /> sauf une minorité d'entre-eux qui a été assimilée<ref>{{Article|prénom1=Iain|nom1=Mathieson|prénom2=Iosif|nom2=Lazaridis|prénom3=Nadin|nom3=Rohland|prénom4=Swapan|nom4=Mallick|titre=Genome-wide patterns of selection in 230 ancient Eurasians|périodique=Nature|volume=528|numéro=7583|date=2015|doi=10.1038/nature16152|lire en ligne=http://www.nature.com/doifinder/10.1038/nature16152|pages=499–503}}</ref>.
 
Ligne 287 :
==== Vers l'Arabie et l'Afrique ====
{{Article détaillé|Néolithique pastoral}}
[[Fichier:Sennedjem and Iineferti in the Fields of Iaru MET DT11771.jpg|vignette|Une fresque de la tombe de [[Sennedjem (artisan)|Sennedjem]] illustrant l'[[agriculture dans l'Égypte antique]] dans les [[champs d'Ialou]] : au-dessus d'un canal bordé de palmiers à dattes, scènes de récolte à la faucille de l'orge et du lin, de semailles et de labourage avec une [[araire]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Fiona Macdonald|titre=Ancient Egyptians|éditeur=Barron's|année=1993|passage=13|isbn=}}.</ref>.]]
L'Arabie est touchée par la culture présumérienne d'[[Période d'Obeïd|Obeïd]], vers - 4000<ref>{{Ouvrage|prénom1=Potts, Daniel|nom1=T.,|prénom2=Nābūdah, Ḥasan|nom2=Muḥammad,|prénom3=Hellyer,|nom3=Peter,|titre=Archaeology of the United Arab Emirates|éditeur=|année=|isbn=978-1-900724-88-3|isbn2=1-900724-88-X|oclc=54405078|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/54405078}}</ref>. Le [[dromadaire]] y est domestiqué vers - 3000.
[[Fichier:Algerien 5 0049.jpg|vignette|Pasteurs armés d'arc défendant leur troupeau, [[Gravures rupestres de l'Oued Djerat]], [[Tassili n'Ajjer]], Algérie, vers - 5000|gauche]]
Ligne 387 ⟶ 388 :
 
=== Centres secondaires de domestication ===
Dans certaines régions, l'arrivée de l'agriculture entraîne un mouvement important de domestication d'espèces locales. Ces zones sont appelées centres secondaires de domestication.
[[Fichier:BuraoKhat qatfields sellerin western yemen.jpg|vignette|Homme proposant des bottesPlantations de Khat sur(arbustes lealignés) marchéau deYémen [[Burao]] (Somalie)occidental. Le khat, une des principales plantes [[psychotrope]]s, a été domestiqué en Éthiopie]]
 
 
En Afrique, il est encore difficile d'établir s'il s'agit de centres secondaires ou d'apparitions autonomes de l'agriculture<ref name=":11" />{{,}}<ref name=":53" /> : l'importance de ce continent est probablement sous-estimée. Il peut en être de même pour le Sud-Est asiatique. :[[Fichier:Vigna subterranea Taub135.png|gauche|vignette|Le pois bambara (''[[Vigna subterranea]]''), légumineuse domestiquée en Afrique de l'Ouest et très appréciée localement]] :
 
* l'ouest et le nord du [[Sahel]]<ref name=":11">{{Article|langue=fr|titre=Conférences sur l'archéologie. L'apparition de l'agriculture en Afrique {{!}} Inrap|périodique=Inrap|date=2008-11-10|lire en ligne=http://www.inrap.fr/l-apparition-de-l-agriculture-en-afrique-9084|consulté le=2017-08-27}}</ref>, où sont domestiqués le sorgho commun (grand mil, ''Sorghum bicolor'', - 2000), le mil des teinturiers (''S. bicolor caudatum'' qui fournissait une teinture rouge de grande importance<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Cardon, Dominique,|nom1=19.-|titre=Le monde des teintures naturelles|lieu=Paris|éditeur=[[Belin éditeur|Belin]]|année=2003|pages totales=586|isbn=2-7011-2678-9|isbn2=9782701126784|oclc=402333492|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/402333492}}</ref>), le fonio (''[[Digitaria exilis]]''), le [[mil à chandelle]]s (petit mil, millet perlé, ''Pennisetum glaucum'') et le [[Oryza glaberrima|riz africain]]<ref>{{Article|titre=Le Mali, berceau de la domestication du riz africain|périodique=Pour la Science|date=septembre 2018|issn=0153-4092|pages=13}}</ref> vers - 1000, le [[karité]], le [[Vigna unguiculata|niébé]], le [[pois bambara]], le [[gombo]], le [[figuier sycomore]] et une espèce de bovins (''[[Bos primigenius]]'') ;
Ligne 400 ⟶ 403 :
 
* dans le sud de la Chine et le Sud-Est asiatique sont domestiqués la [[fève]], le [[Taro (plante)|taro]], l'igname, la rave, le [[Litchi (genre)|litchi]], le [[durian]], le [[mandarinier]], le bananier, l'[[abaca]] (une espèce de bananier qui donne une fibre très solide : le [[chanvre de Manille]]), le [[kapok]] (''[[Bombax ceiba]]'' qui donne une fibre similaire au coton), une canne à sucre<ref name=":8" />{{,}}<ref name=":9" />, le bétel ([[Piper betle|''Piper Betle'']]) à usage médicinal, le palmier à bétel (''[[Areca catechu]]'', un stimulant), la [[poule]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Valérie|nom1=Chansigaud|titre=Histoire de la domestication animale|lieu=Paris/61-Lonrai|éditeur=Delachaux et Niestlé / Impr. Normandie roto|année=2020|pages totales=400|isbn=978-2-603-02474-4|isbn2=2-603-02474-4|oclc=1197971506|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1197971506|consulté le=2021-07-25}}</ref>, les premiers ossements répertoriés en Thaïlande venant de {{Lien|langue=en|trad=Ban Non Wat}} et datant d'environ -1500<ref>{{Article|auteur1=Morgane Gibert|titre=Nouveau regard sur la domestication de la poule : une histoire de riz et d’oiseau exotique|périodique=cnrs info|date=26août 2022|lire en ligne=https://www.inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/nouveau-regard-sur-la-domestication-de-la-poule-une-histoire-de-riz-et-doiseau-exotique}}</ref>, le [[canard colvert]], un porc (''[[Sus celebensis]]'', le sanglier des [[Célèbes]]) et des bovins : le [[Gayal|gaur]] ou ''gayal'' et le [[Banteng domestique|banteng]] (à [[Java (île)|Java]]). Lorsque l'agriculture chinoise diffuse dans le Sud-Est asiatique elle influence diverses communautés de chasseurs-cueilleurs qui pratiquent une proto-agriculture<ref>Bentley, R.A. and Pietrusewsky, M. and Douglas, M.T. and Atkinson, T.C. (2005) 'Matrilocality during the prehistoric transition to agriculture in Thailand?', Antiquity., 79 (306). {{p.|865-881}}</ref> ;
[[Fichier:Gabna sameby i Nord-Sverige (1).jpg|gauche|vignette|capture de rennes au lasso dans un élevage sami. Nord de la Suède, 2009.]]
 
* en Sibérie, les [[Samis]] (Lapons) ont domestiqué puis exploité le [[Rangifer tarandus|renne]] suivant un système pastoral après - 1000, avant d'occuper leurs parcours de l'extrême nord de l'Europe (aujourd'hui nord de la Scandinavie, péninsule de Kola, Carélie)<ref name=":56">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Mériot,|nom1=Christian.|titre=Les lapons et leur société|sous-titre=étude d'ethnologie historique|lieu=Toulouse|éditeur=[[Éditions Privat|Privat]]|année=1980|pages totales=370|isbn=2-7089-7407-6|isbn2=9782708974074|oclc=6919922|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/6919922}}</ref>. Les [[Iakoutes]] avaient domestiqué l'[[élan]], animal particulièrement adapté à la vie dans les marais et les forêts, il fut utilisé surtout comme animal de trait et ponctuellement pour son lait et comme monture (atteignant {{unité|60|km/h}}, l'élan peut distancer les chevaux)<ref>{{Lien web|titre=élan|url=http://www.larousse.fr/encyclopedie/vie-sauvage/%C3%A9lan/184558|site=Encyclopédie Larousse|consulté le=15 juin 2018}}</ref>.
Ligne 481 ⟶ 483 :
Lorsque les villages pratiquant l'abattis-brûlis se retrouvent éloignés des [[Forêt primaire|forêts primaires]], parce que la zone est cultivée depuis longtemps et que le front pionnier s'en est éloigné, ou lorsque ce front atteint une limite géographique (bord de mer, de désert, montagne...), il n'est plus possible de faire face à l'accroissement démographique par l'émigration et la création de nouveaux villages. La taille de la population augmente, la durée de la friche forestière est raccourcie et au bout d'un certain temps, lorsque les parcelles sont exploitées trop fréquemment (tous les dix ans ou moins, par exemple), la friche forestière ne se reconstitue plus, c'est la [[déforestation]].
 
Ce processus est d'autant plus rapide que la forêt est facile à abattre. Cela a probablement été le cas des [[Prairies, savanes et terres arbustives tropicales et subtropicales|savanes arborées]] et des [[Forêts décidues sèches tropicales et subtropicales|forêts subtropicales à saison sèche]] qui couvraient le proche et le Moyen-Orient et le Sahara aux débuts de l'agriculture. Dans ces régions, la déforestation commence au [[VIIe millénaire av. J.{{-C.]]mi|VII}}, et au [[Ve millénaire av. J.{{-C.]]mi|V}} se produit un mouvement de désertification.
 
Les [[lande]]s atlantiques de l'Europe de l'Ouest apparaissent ainsi au début de l'[[Âge du fer|Âge du Fer]]<ref name=":6" />. L'effet de l'introduction de la [[chèvre]] et du [[mouton]] sur la composition floristique des prairies est visible en France dès le [[IVe millénaire av. J.{{-C.]]mi|IV}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Pascal, Michel,|nom1=1947-|prénom2=Vigne,|nom2=Jean-Denis.|titre=Invasions biologiques et extinctions : 11000 ans d'histoire des vertébrés en France|éditeur=[[Belin éditeur|Belin]]|année=2006|passage=256-258|isbn=978-2-7592-0595-0|oclc=690856571}}</ref>. Ces modifications de l'environnement peuvent entrainer l'apparition de nouvelles espèces (par exemple ''Pseudorchis straminae'', dérivée de ''[[Pseudorchis albida]]''<ref name=":6" />, une [[Orchidaceae|orchidée]], et diverses espèces d'[[adventice]]s). D'autres espèces : insectes ravageurs des cultures, [[Agent phytopathogène|phytopathogènes]], pathogènes et insectes du bétail, [[Stockage des céréales#Dangers associ.C3.A9s .C3.A0 la conservation des c.C3.A9r.C3.A9ales|ravageurs des aliments stockés]] se propagent également en accompagnant l'agriculture, dissimulées dans les lots de semences ou sur le bétail. La forêt méditerranéenne est déboisée progressivement, d'est en ouest, entre -2 000 et l'an 1. Les forêts feuillus de l'Europe tempérée sont déboisées dans les premiers siècles de notre ère. La forêt tropicale à saison sèche, au sud du Sahara, disparaît aux premiers siècles de notre ère. Elle a laissé la place aux écosystèmes de [[Prairies, savanes et terres arbustives tropicales et subtropicales|savane tropicale]]. La forêt équatoriale subit actuellement ce processus de déforestation<ref name=":03">{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=Roudart, Laurence|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=Chapitre III Les systèmes de culture sur abattis-brûlis des milieux boisés|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref>.
 
La déforestation entraîne une baisse de la teneur du sol en matière organique, ainsi qu'une baisse de la quantité de nutriments restitués au sol lors du brûlis. Sous les climats chauds, la teneur en matière organique peut descendre sous les 1 %, tandis qu'elle peut se maintenir autour de 2 % en zone tempérée. Ceci entraîne une chute de la fertilité du sol (diminution de la [[Réserve utile en eau d'un sol|réserve hydrique]], de la taille du [[complexe argilo-humique]] et des flux de minéralisation). En zone de subtropicale, des phénomènes de [[latérisation]] peuvent se produire.
Ligne 509 ⟶ 511 :
=== Systèmes agraires hydrauliques ===
{{Article détaillé|Agriculture en Mésopotamie|Agriculture dans l'Égypte antique|Méthodes d'irrigation traditionnelles en Iran}}
[[Fichier:Finage sumer.PNG|thumbvignette|leftgauche|Croquis hypothétique d'un [[finage]] de la Basse-Mésopotamie antique<ref>D'après {{en}} J. N. Postgate, Early Mesopotamia, Society and Economy at the Dawn of History, Londres et New York, 1992, figure 9:1 ({{p. |174}}).</ref>.]]
 
Dans les régions asséchées, les peuples de cultivateurs ou d'éleveurs se sont progressivement repliés vers les zones où l'eau restait abondante : vallées des grands fleuves prenant leur source dans des régions lointaines (vallées de l'[[Indus]], de l'[[Euphrate]], du [[Tigre (fleuve)|Tigre]] et du [[Nil]]), vallées des cours d'eau descendant des montagnes ou oasis situées à la résurgence de nappes phréatiques (parfois [[Eau fossile|fossiles]]). Un phénomène similaire s'est produit dans les zones désertiques de la plaine côtière située sur le versant oriental des Andes, au débouché des fleuves qui descendant de la montagne, et dans les hautes vallées des Andes. Ici, le rôle de la déforestation dans l'aridification est possible mais pas certain<ref>{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=Roudart, Laurence|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=Chapitre {{V}} : Le système agraire inca|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref>.
[[Fichier:Foggara 01.jpg|vignette|[[Foggara]] (source artificielle obtenue en creusant), oasis de [[Timimoun]], Algérie]]
Les agriculteurs réfugiés dans les vallées des fleuves durent développer de nouveaux systèmes pour tirer profit des eaux du fleuve, protéger les cultures des crues, et éventuellement évacuer les excès d'eau. Deux systèmes ont pu être mis en place : les cultures de décrue et les [[Irrigation|cultures irriguées]]<ref name=":27" />. En général, les deux systèmes ont cohabité dans la vallée des grands fleuves. Ainsi en Égypte, les cultures de décrue ont été majoritaires avant de laisser la place aux cultures irriguées. Dans le système de cultures de décrue, l'eau de la crue est dirigée par des digues et des canaux vers des bassins, où elle est retenue le temps que l'eau recharger la réserve utile du sol et que les limons se déposent, afin de fertiliser le sol. L'enjeu est d'[[Épandage des eaux des crues|étaler au maximum l'eau de la crue]] pour arroser la plus grande superficie possible de terres agricoles. L'eau doit ensuite être évacuée, puis les cultures doivent pouvoir être protégées d'un éventuel retour de la crue. Ce système n'est possible que dans les vallées de fleuves dont la crue est importante et certaine. Par contre les systèmes irrigués peuvent être appliqués dans tous les cas et en toute période (y compris pendant la crue, sur les zones restant émergées). L'eau provient soit de puits, soit de canaux qui apportent l'eau au plus près des parcelles par gravité. L'eau doit être ensuite élevée jusqu'au niveau de la parcelle puis distribuée à la culture. Les systèmes les plus rudimentaires se contentent de prélever et distribuer l'eau avec de simples cruches. Des machines plus complexe se développent ensuite : le [[Puits à eau|puits]] à balancier ([[delou]], [[Puits à balancier|chadouf]]) inventé en Mésopotamie au {{-s-|XIV}}, la [[vis d'Archimède]] et la roue à godets. Ces deux dernières, d'abord actionnées par la force humaine, sont actionnées ensuite par la traction animale ([[roue persane]]). Ce moulin à eau inventé en Chine est passé en Iran dans les premiers siècles de notre ère. Il est utilisé sporadiquement à la fin de l'Empire romain, son usage se généralise en Europe vers 500 et indépendamment dans les pays musulmans ([[Noria|noria arabe)]]<ref name="Malassis p129">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Louis|nom1=Malassis|titre=L'épopée inachevée des paysans du monde|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=2004|pages totales=524|passage=118 & sq|isbn=2-213-61943-3|oclc=300279323}}</ref> jusqu'en Andalousie.
 
Les importants aménagements nécessaires aux systèmes agraires hydrauliques (construction et entretien des digues, des canaux, des bassins, des puits, des [[Qanat|quanats]], des barrages, des machines élévatrices...), parfois mis en place sur des centaines de kilomètres le long d'un fleuve ({{unité|1200|km}} dans le cas de l'Égypte), à l'organisation des échanges commerciaux et à la constitution de stocks alimentaires de réserve, exigent une organisation sociale à grande échelle. Les systèmes agraires hydrauliques ont souvent donné naissance à des états centralisés, et autoritaires et à [[Cité-État|des cités-étatsÉtats]]. C'est le cas des systèmes hydrauliques de [[Sumer]], de l'[[Agriculture dans l'Égypte antique|Égypte pharaonique]], de la [[Histoire de la Chine|Chine antique]] (à partir des [[Dynastie Shang|Shang]]), de la [[civilisation de la vallée de l'Indus]], d'[[Angkor]], de [[Sukhothaï]], du Vietnam, de la vallée du [[Gange]] ([[Magadha]]), du [[Royaume merinade Madagascar|royaume Merina]], de l'[[Olmèques|empire olmèque]], de l'[[empire aztèque]], de l'[[Empire inca|empire Inca]] ({{Lien|langue=en|trad=Incan agriculture|fr=}}) et des cités-étatsÉtats andines qui l'ont précédé ([[Chavín (culture)|Chavin]], [[Salinar]], [[Culture Vicús|Vicus]], [[Moche (culture)|Mochica]], [[Lima]], [[Nazca (civilisation)|Nazca]], [[Tiwanaku]])<ref name=":33">{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=Roudart, Laurence|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=Chapitre {{IV}} : L'évolution des systèmes agraires hydrauliques de la vallée du Nil|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref> et peut-être le cas des [[Civilisation maya|cités-étatsÉtats mayas]]<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Amanda|nom1=Mascarelli|titre=Mayans converted wetlands to farmland|périodique=Nature News|date=2010-11-05|doi=10.1038/news.2010.587|lire en ligne=http://www.nature.com/news/2010/101105/full/news.2010.587.html|consulté le=2017-09-29}}</ref>. Ces systèmes ont été regroupés par [[Karl August Wittfogel|Wittfogel]] sous le nom de [[despotisme oriental]] (inspiré du concept marxiste de [[mode de production asiatique]]). Néanmoins il existe aussi des systèmes hydrauliques démocratiques : [[huerta]]s de [[Valence (Espagne)|Valence]], riziculture des [[Diolas]]<ref name=":33" />.
 
À mesure que les systèmes irrigués se mettent en place, une spécialisation s'établit entre activités d'élevage et activités de production végétale<ref>{{Article|auteur1=S. H. Lees, D. G. Bates|titre=The origins of specialized nomadic pastoralism: a systemic model|périodique=American antiquities, 39 (2)|date=1974|pagespassage=187-194}}.</ref>{{,}}<ref name=":29">{{Article|auteur1=LA Quintero, PJ Wilke, GO Rollefson|titre=Highland towns and desert settlements: origins of nomadic pastoralism in the Jordanian Neolithic|périodique=Central Settlements in Neolithic Jordan, Eds. H.D. Bienert, HGK Gebel, R. Neef|date=2004}}.</ref>. L'élevage, à l'exception de l'élevage des [[Traction animale|animaux de trait]], disparaît des systèmes irrigués en raison de l'absence de pâturages (les animaux doivent y être nourris avec des fourrages cultivés), et en raison du temps de travail nécessaire au maintien du système hydraulique, qui rend indisponible la main d’œuvre nécessaire pour pratiquer la [[transhumance]] durant la saison sèche. La nécessité de protéger les cultures des dégâts causés par les animaux domestiques rend également souhaitable la séparation géographique des deux activités. D'autre part, certains groupes se sont spécialisés dans l'élevage, sur les marges arides, tout en pratiquant des formes d'[[agriculture pluviale]] à petite échelle. L'existence de liens commerciaux entre groupes de pasteurs et groupes de cultivateurs permet d'augmenter la quantité de ressources disponibles pour les deux groupes, et les deux activités font partie d'un même système socio-économique. Néanmoins, la présence des éleveurs constitue un risque pour les agriculteurs, les éleveurs, particulièrement mobiles, pouvant être tentés d'obtenir des ressources agricoles par la [[Razzia (militaire)|razzia]]. Lors de périodes de crise et de dégradation des systèmes hydrauliques, des cultivateurs peuvent aussi choisir de devenir éleveurs. Au Proche-Orient ce processus a peut-être commencé dès la fin du [[néolithique précéramique B]], vers - 6500<ref name=":29" />.
 
Les systèmes de culture irriguée existent toujours aujourd'hui, tout comme les systèmes de pastoralisme nomade associés.
Ligne 526 ⟶ 529 :
Dans les régions tropicales humides, où les fonds de vallée sont périodiquement submergés par les pluies et les crues, se développent des systèmes de [[Culture du riz|riziculture]] aquatique. En Asie, ces systèmes se développent à partir de - 4000, mais ce n'est qu'à partir du {{-s-|XI}} en Chine, et à partir de -800 dans [[Gange|vallée du Gange]], que se développent des cités-états basés sur les systèmes hydrauliques rizicoles. En Afrique, la riziculture se développe à partir de - 1500 dans le [[delta du Niger]]. Elle gagne ensuite les vallées du [[Niger (fleuve)|Niger]], du [[Sénégal (fleuve)|Sénégal]], de la [[Gambie (fleuve)|Gambie]] et de la [[Casamance (fleuve)|Casamance]], et la côte guinéenne. Après la colonisation européenne des Amériques, la riziculture gagne également l'Amérique, ainsi que certaines zones d'Europe ([[delta du Rhône]], [[plaine du Pô]], côte méditerranéenne de l'[[Espagne]])<ref name=":27" />. À partir de - 200 se mettent en place les systèmes de rizières irriguées du sud-est asiatique, associés au [[buffle]] pour la traction animale et aux outils en fer<ref name=":18" />.
 
Les premières rizières sont implantées dans des plans d'eau naturels et utilisent des variétés de riz flottant<ref>{{Article|auteur1=Brice Arlet|titre=Au pays où le riz flotte|nature article=|périodique=Gavroche Thaïlande|numéro=82|pages=10|date=Janvier 2001|lire en ligne=https://www.gavroche-thailande.com/wp-content/uploads/2021/04/Gavroche-2001-Jan..pdf|format=pdf}}</ref>, capables d'adapter la longueur de leur tige aux fluctuations du niveau d'eau. Des casiers rizicoles, à fond plat et entourés d'une digue en terre de quelques dizaines de centimètres ont ensuite été construits, d'abord sur des zones surélevées afin de faciliter le drainage. Les casiers sont remplis par les eaux de pluie ([[riz pluvial]]) puis vidés par l'agriculteur qui pratique une brèche dans la diguette. La construction de [[rizière]]s en terrasse a ensuite permis dStructurationla structuration de l'espace agricole et d'étendre la riziculture le long des versants des vallées (par exemple, [[rizières en terrasses des cordillères des Philippines]]). Dans les vallées inondables et les deltas, l'extension des casiers rizicoles a nécessité la mise en place de véritables systèmes agraires hydrauliques: construction de digues pour protéger les cultures de la crue ou de la mer, construction de canaux pour étaler les eaux de la crue (cas des cultures de décrue) ou apporter l'eau d'irrigation, et pour évacuer les excès d'eau. La mise en place de systèmes d'irrigation a également permis l'extension de la riziculture dans les zones tropicales sèches et en zone méditerranéenne<ref name=":27" />.
 
Parallèlement, le développement du repiquage, le travail du sol amélioré par la traction animale, le développement de variétés non photopériodiques (cultivables en toute saison) et à cycle court ont entraîné une augmentation de la productivité et permis d'atteindre jusqu'à trois récoltes de riz dans certaines régions.
Ligne 558 ⟶ 561 :
[[Fichier:Fire-sav-S-slope-3720.jpg|vignette|Savane à chênes à gros fruits (''[[Quercus macrocarpa]]'') nettoyée par le feu. Cette pratique, souvent interdite, épargne ces arbres parce qu'ils ont une écorce très épaisse. [[Wisconsin]], États-Unis ]]
 
* des systèmes avec élevage associé, dans les savanes d'altitude de l'[[Afrique des Grands Lacs|Afrique des grands lacs]]. Le bétail pâture la journée dans la savane. La nuit, il est regroupé dans des enclos à proximité des maisons et situés au sommet d'une colline. Les cultures se situent en contrebas de l'enclos, et se succèdent les unes aux autres sans phase de jachère. Les cultures profitent du ruissellement des nutriments provenant des déjections animales dans l'enclos. Les déjections sont également transportées quotidiennement à la main depuis l'enclos vers les cultures. Lorsque la densité de population augmente dans ces systèmes, {{Référence nécessaire|l'élevage tend à régresser}} et à laisser la place à des systèmes d'agroforesterie basés sur l'utilisation d'arbres et de cultures pérennes ([[Jardin créole|jardins créoles]] des Antilles<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Le Bellec,|nom1=Fabrice.|titre=Le jardin créole|sous-titre=produire en respectant l'environnement|lieu=Saint-Denis (Réunion)|éditeur=[[Éditions Orphie|Orphie]]|date=impr. 2008|pages totales=44|isbn=978-2-87763-412-0|isbn2=2-87763-412-4|oclc=470949967|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/470949967}}</ref>, du [[Yucatán]] et d'Asie du Sud-Est) ;
[[Fichier:Chaco Paraguay,cattle ranch, Presidente Hayes Province.JPG|vignette|Élevage bovin dans un grand ranch du Chaco paraguyen]]
* des systèmes à jachère et élevage, des zones sahéliennes et soudaniennes, similaires aux systèmes de culture attelée légère méditerranéens et européens. Les cultures sont regroupés sur les sols les plus fertiles, où sont également installées les maisons. Les animaux pâturent les zones les moins productives de la steppe ou de la savane. Pendant la saison sèche, les troupeaux sont parqués la nuit sur les champs, qui sont laissés en jachère, afin d'enrichir le sol par leurs déjections. Les troupeaux d'éleveurs nomades ou transhumants peuvent également s'ajouter aux troupeaux du village. Pendant la saison des pluies, les troupeaux sont tenus loin du village ou parqués la nuit dans des parcs à bétail. La terre des parcs à bétail, mélangée aux déjections, est prélevée et transportée dans les champs. Des situations semblables ont pu prévaloir dans le [[Gran Chaco|Chaco]] sud-américain ;
Ligne 591 ⟶ 594 :
 
===== Hortus =====
L'hortus était une zone de production intensive, étymologiquement, un endroit clos c'est-à-dire affranchi des contraintes communautaires et ne risquant pas les dérangements dus aux divagations d'animaux sauvages ou domestiques, au vol ou à la chasse. Il était bêché et recevait les déchets des habitations et bénéficiait de transfert de fertilité (émondes, feuilles mortes, litières des animaux, jonchées des habitations provenant des zones non cultivées (saltus et silva). Il était situé à proximité immédiate des habitations et sa taille était très variable. C'était beaucoup plus qu'un jardin actuel car on y avait non seulement des légumes mais par nécessité aussi toutes les plantes bisannuelles, pérennes (fruitiers) et celles qui se récoltent en automne : [[Rave (plante)|raves]], ainsi que certaines productions de valeur comme les plantes [[Oléagineux|oléagineuses]] ([[Navette (plante)|navette]], [[Pavot somnifère|pavot]]-œillette), textiles ([[Lin cultivé|lin]], [[Cannabis sativa|chanvre]]) et [[Tinctoriale|tinctoriales]]. De plus une partie de l'hortus pouvait abriter des ruches, un élevage de volaille, une base pour alimenter une chèvre ou un animal de trait (âne, vache) avec une platebande de trèfle, de vesce ou de raves.
Autour des maisons, les jardins et les vergers (l'''hortus''), abondamment fertilisés par les déchets domestiques, sont occupés par les arbres fruitiers, la vigne, les légumes, les plantes textiles (lin), les oléagineux (pavot-œillette, colza) et souvent les légumineuses à graines (pois, lentille). Parfois s'y trouvent également des plantes fourragères (trèfle, vesce). Ils sont travaillés à la [[bêche]] et à la houe, permettant un véritable travail du sol assimilable au [[labour]], à la différence de l'araire qui ne fait que scarifier le sol<ref name=":34">{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=Roudart, Laure|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=Chapitre VI Les systèmes agraires à jachère et culture attelée légère des régions tempérées|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref>.
 
Autour des maisons, les jardins et les vergers (l'''hortus''), abondamment fertilisés par les déchets domestiques, sont occupés par les arbres fruitiers, la vigne, les légumes, les plantes textiles (lin), les oléagineux (pavot-œillette, colza) et souvent les légumineuses à graines (pois, lentille). Parfois s'y trouvent également des plantes fourragères (trèfle, vesce). Ils sont travaillés à la [[bêche]] et à la houe, permettant un véritable travail du sol assimilable au [[labour]], à la différence de l'araire qui ne fait que scarifier le sol<ref name=":34">{{Ouvrage|prénom1=Mazoyer, Marcel,|nom1=Roudart, Laure|titre=Histoire des agricultures du monde : du néolithique à la crise contemporaine|éditeur=Éditions du Seuil|année=2002|passage=Chapitre VI Les systèmes agraires à jachère et culture attelée légère des régions tempérées|isbn=978-2-02-053061-3|oclc=300189713}}</ref>.
 
À l'époque romaine, le jardin vivrier se généralise. Philippe Marinval a pu établir une liste de 115 plantes domestiques attestées dans les jardins de Grande-Bretagne, Gaule, Germanie, Helvétie, Italie, Grèce par l'archéologie ou la littérature (notamment Pline) sans compter les légumineuses à graines qu'il suppose principalement cultivées sur l'ager ; cependant de véritables exploitations fruitières et maraîchères existent aussi autour des grandes villes comme par exemple à [[Reims]]<ref>{{Article |auteur1=Philippe Marinval (Cnrs) |titre=Potagers et vergers de l'Antiquité |périodique=Archéologia |date=juin 2005 |pages=56-64 }}</ref>.
Ligne 602 ⟶ 607 :
 
Dans les premiers siècles de notre ère, ce système à rotation biennale et jachère s'étend à l'Europe tempérée. Les proportions du territoire occupées par l'ager, le saltus et la silva varient suivant les conditions pédoclimatiques. Dans les grandes plaines limoneuses et les vallées alluviales, tout le territoire peut-être mis en culture. La surface destinée à la forêt et au pâturage est alors réduite au minimum nécessaire pour répondre aux besoins de bois et de l'élevage. Dans d'autres régions aux sols plus minces et plus pauvres, la déforestation donne naissance à des [[lande]]s (sur sol siliceux) ou à des [[pelouses calcicoles]] (sur [[rendosol]]) qui feront office de saltus. L'ager est alors concentré dans les fonds de vallée. Certains massifs forestiers sont inexploitables avec les techniques de la culture attelée légère ([[Taïga|forêt boréale]], [[Forêts de conifères tempérées|forêts d'altitude]], forêts sur terrains humides, pierreux, accidentés, filtrants...) et se maintiendront jusqu'au Moyen Âge. Les zones de l'Europe tempérée qui avant l'arrivée de l'agriculture ne portaient pas de forêt sont intégrées au saltus, dans le cas où elles sont situées sur des sols peu fertiles (landes sur [[Podzosol|podzol]], sur sol sableux filtrant ou sur [[ranker]], [[pelouse]]s d'altitude), ou elles sont mises en culture, lorsqu'elles sont situées sur des sols fertiles comme les [[Tchernoziom|tchernozems]] (cas de la [[steppe eurasienne]])<ref name=":34" />.
 
Selon des études récentes (Roland Viader et Christine Rendu, 2014), la part de l'ager dans l'ensemble du paysage agricole aurait été largement surestimée par les historiens. Dans les régions de terres difficiles, la rotation biennale de l'ager est remplacée par une alternance cultures temporaires-pâturages, par exemple dans le cas des Ardennes : seigle-avoine-avoine-foin-pâturage 8 ans. Sur la plus grande part des terres cultivables, qui est alors comparable au saltus, une seule année de culture après brûlis prend place entre des périodes de landes d'une durée de trois à vingt ans dans le cas des Ardennes. Des systèmes approchant auraient été communs dans les régions de demi-montagne, de tourbières et de marais dans les Îles Britanniques, dans le Sud de la France, en Scandinavie, en Espagne et en Italie (en dehors de la Plaine du Pô)<ref>{{Ouvrage|prénom1=Roland|nom1=Centre culturel de l'abbaye de Flaran|prénom2=Christine|nom2=Rendu|titre=Cultures temporaires et féodalité: les rotations culturales et l'appropriation du sol dans l'Europe médiévale et moderne actes des XXXIVe Journées internationales d'histoire de l'abbaye de Flaran, 12 et 13 octobre 2012|éditeur=Presses universitaires du Mirail|collection=Flaran|date=2014|isbn=978-2-8107-0340-1|consulté le=2024-05-03}}</ref>.
 
Au fil du temps, le système est perfectionné par la création de [[Culture en terrasses|terrasses]] sur les versants, qui permettent de retenir le sol et d'étendre l'espace cultivé, l'utilisation de l'[[irrigation]] et par le développement des vergers et de l'[[agroforesterie]] (vigne, figuier, [[amandier]], olivier, châtaignier, [[caroubier]], chêne, [[frêne]]), les arbres utilisant les ressources minérales profondes du sol et supportant mieux la [[sécheresse]] estivale des zones méditerranéennes. La vigne poursuit sa progression autour de la Méditerranée et vers le Nord suivant l'expansion grecque puis romaine. Bien que le vin soit conservé principalement en [[amphore]]s, le [[Tonneau (récipient)|tonneau]] est mentionné dans des textes autour du passage à l'ère actuelle après avoir été probablement inventé par les [[Rhètes]]<ref>{{Article |auteur1=Marguerite Gagneux-Granade |titre=La tonnellerie dans l'Antiquité |périodique=Archéologia |date=avril 2005 |pages=30-40 }}</ref>. Les Gallo-romains pratiquent le vieillissement en fûts de chêne.
 
==== L'organisation féodale et communautaire prévalente au début du Moyen-Âge ====
À la fin de l'Empire romain, le statut de [[Colonat partiaire|colon]] évolue. Désormais, les colons, sont liés juridiquement à la terre qu'ils exploitent ou au propriétaire de la terre, dans une forme qui préfigure le [[servage]]. Les troubles sociaux et les [[Invasions barbares|invasions]] qui accompagnent le [[Déclin de l'Empire romain d'Occident|déclin de l'empire]] poussent les grands propriétaires à se retirer sur leurs domaines (''[[Villa romaine|villa]]''), dont ils organisent eux-mêmes la défense. Des esclaves en fuite et des familles de paysans viennent trouver refuge sur ces domaines. Le propriétaire alloue à chaque famille un lot de terre qu'elle peut cultiver pour son compte, en échange d'une part de la récolte. Ces nouveaux colons voient cependant leur liberté se réduire. Progressivement ce système évolue vers le système médiéval caractérisé par la [[seigneurie]], le [[servage]] et le [[domaine médiéval]] organisé en [[Réserve (histoire)|réserve]] et [[Tenure (féodalité)|tenures]] serves ou libres<ref name=":34" />. AuDès le début du Moyen-Âge, les tenanciers, vilains ou serfs, des parcelles concédées ([[Tenure (féodalité)|tenures]]) sont astreints à des redevances ([[Cens (droit seigneurial)|cens]] ou [[champart]], [[chevage]] pour les serfs) et à des [[corvée]]s sur les terres du propriétaireseigneur, la [[Réserve (histoire)|réserve]] qu'il exploite pour lui-même. Les serfs exploitent des tenures petites sans attelage et ne peuvent quitter leur terre. Les [[Alleu|alleux]], terres sans seigneur présumées dépendre directement du roi, tendent à disparaître pour passer, volontiers ou de force, sous la protection seigneuriale<ref>{{Ouvrage|prénom1=Georges|nom1=Editions du Seuil|prénom2=Georges|nom2=Duby|prénom3=Armand|nom3=Wallon|titre=La formation des campagnes françaises|sous-titre=des origines au XIVe siècle|éditeur=[[Éditions du Seuil|Éd. du Seuil]]|collection=Histoire de la France rurale|année=1987|pages totales=620|isbn=978-2-02-004267-3|consulté le=2023-05-28}}</ref>. Les enfants des paysans héritent à leur tour du statut de dépendance de leurs parents. Cette organisation est commune à toute l'Europe occidentale<ref name="Malassis p129" />.
 
Les tenanciers libres et les alleutiers qui possêdent un attelage sont aussi appelés [[Laboureur|''laboureurs'']]. Ceux qui n'exploitent qu'une tenure insuffisante doivent se louer à la tâche, ce sont les ''brassiers. Dans une catégorie intermédiaire, on trouve les [[Ménager|ménagers]] qui ne se louent pas<ref>''[[Dictionnaire du monde rural]]'' [[Marcel Lachiver]], [[Librairie Arthème Fayard|Fayard]] 2006</ref>
 
Sur la réserve le seigneur installe et entretient des équipements (moulins, four, pressoir, forge …) que les paysans peuvent utiliser contre redevance. Il en bannit la construction ailleurs sur son domaine ([[Banalité (droit seigneurial)|Banalité]]). Le seigneur banal est donc un entrepreneur bénéficiant de privilèges. Le seigneur met à la disposition des paysans une partie de la réserve (forêt, landes, parcours, sources) le plus souvent à titre gratuit<ref name=":77" />.
Ligne 624 ⟶ 631 :
Dans l'Europe tempérée le système de culture attelée légère est supplanté par la culture attelée lourde avec la révolution agricole du Moyen Âge. Il se maintiendra plus longtemps en Scandinavie et se rencontre encore en Afrique du nord et du nord-est, au Proche-Orient et dans certaines zones d'Asie et d'Amérique latine.
 
== Révolution agricole arabe du Moyen- Âge ==
[[Fichier:Noriacristina.JPG|vignette|La [[noria]], instrument emblématique de la technologie arabe au Moyen-Âge]]
L'historien Andrew Watson a proposé en 1974 que le monde arabe avait vécu une révolution agricole entre 700 et 1100, pendant la période de l'[[Âge d'or islamique]]<ref name=":35">Decker, Michael (2009), "Plants and Progress: Rethinking the Islamic Agricultural Revolution", Journal of World History, 20 (2): 187–206, doi:10.1353/jwh.0.0058</ref>{{,}}<ref>Watson, Andrew M. (1974), "The Arab Agricultural Revolution and Its Diffusion, 700–1100", The Journal of Economic History, 34 (1): 8–35, JSTOR 2116954, doi:10.1017/S0022050700079602</ref>. Selon lui, les routes commerciales établies par les Arabes entre l'Asie, l'Europe et l'Afrique ont permis la large diffusion de 18 nouvelles plantes cultivées (même si certaines d'entre elles étaient déjà connues des Romains) et de nouvelles techniques. Parmi les principales plantes cultivées, il liste le [[Sorgo commun|sorgho]], les [[agrume]]s, le [[manguier]], le [[riz]], le [[coton]], la [[canne à sucre]] et le [[blé dur]]. Parmi les techniques, il cite le développement de nouveaux systèmes d'[[irrigation]]. Son hypothèse a été reçue avec beaucoup de scepticisme<ref>{{Article|prénom1=Jeremy|nom1=Johns|titre=A Green Revolution? - Agricultural Innovation in the Early Islamic World. The Diffusion of Crops and Farming Techniques, 700–1100. By Watson Andrew M.. Cambridge University Press, 1983. Pp. xii + 260. £25.|périodique=The Journal of African History|volume=25|numéro=3|date=1984/07|issn=1469-5138|issn2=0021-8537|doi=10.1017/s0021853700028218|lire en ligne=https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-african-history/article/green-revolution-agricultural-innovation-in-the-early-islamic-world-the-diffusion-of-crops-and-farming-techniques-7001100-by-watson-andrew-m-cambridge-university-press-1983-pp-xii-260-25/CD6B5BF56236D6D1AC8608230A1A0E81|consulté le=2017-10-08|pages=343–344}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|prénom1=Claude|nom1=Cahen|titre=Review of Agricultural Innovation in the Early Islamic World|périodique=Journal of the Economic and Social History of the Orient|volume=29|numéro=2|date=1986|doi=10.2307/3631792|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/3631792|consulté le=2017-10-08|pages=217–218}}</ref>{{,}}<ref name=":35" /> les critiques arguant que ces cultures étaient déjà diffusées dans la zone, qu'elles n'ont joué qu'un rôle mineur dans l'économie agricole de cette époque, que les Arabes ont réutilisé les réseaux d'irrigation romains et que les rendements agricoles ont chuté à la suite de la conquête arabe<ref>{{Article|prénom1=Michele|nom1=Campopiano|titre=State, Land Tax and Agriculture in Iraq from the Arab Conquest to the Crisis of the Abbasid Caliphate (Seventh-Tenth Centuries)|périodique=Studia Islamica|volume=107|numéro=1|date=2012-01-01|issn=1958-5705|doi=10.1163/19585705-12341234|lire en ligne=http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/19585705-12341234|consulté le=2017-10-08|pages=1–37}}</ref>. Néanmoins dans les 40 années qui ont suivi la publication de l'article de Watson, son hypothèse a été utilisée et citée par de nombreux historiens et archéologues<ref>Squatriti, Paolo (2014). "Of Seeds, Seasons, and Seas: Andrew Watson's Medieval Agrarian Revolution Forty Years Later". The Journal of Economic History. 74 (4): 1205–1220. doi:10.1017/S0022050714000904.</ref>. Parmi les éléments qui concordent à soutenir l'hypothèse d'une révolution agricole arabe se trouvent l'augmentation de la taille des moutons dans l'Espagne musulmane et la diffusion et le perfectionnement de la [[roue persane]] au Maroc et en Espagne<ref>{{Article|prénom1=Simon J.M.|nom1=Davis|titre=Zooarchaeological evidence for Moslem and Christian improvements of sheep and cattle in Portugal|périodique=Journal of Archaeological Science|volume=35|numéro=4|date=2008|doi=10.1016/j.jas.2007.07.001|lire en ligne=http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0305440307001409|consulté le=2017-10-08|pages=991–1010}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Glick, Thomas|nom1=F.|titre=Irrigation and hydraulic technology|sous-titre=medieval Spain and itslegacy|éditeur=Variorum|année=1996|isbn=978-0-86078-540-8|oclc=33947948}}</ref>.
Ligne 631 ⟶ 638 :
 
== Révolution agricole du Moyen Âge en Europe : les systèmes de culture attelée lourde ==
Au début du Moyen-Âge, la situation des paysans est marquée par leur grande dépendance soit comme [[serfs]], soit comme libres protégés et obligés du [[seigneur]]. Le servage disparaît en partie pendant la guerre de Cent-Ans en Europe occidentale (à l'ouest de l'[[Elbe (fleuve)|Elbe]]) mais persistera en Europe orientale et centrale.
 
Le changement de système de culture est caractérisé notamment par le passage de l'[[assolement biennal]] à l'[[assolement triennal]] ainsi que par la mise en défens de prés de fauche, ce qui permet le développement de l'élevage.
 
=== Nouvelles technologies ===
Ligne 708 ⟶ 717 :
L'augmentation de la population (elle double en Europe occidentale entre 1000 et 1340 <ref name=":48" /> et triple en France où « elle atteint à peu près 15 millions en 1328 »<ref name=":61">{{Ouvrage|prénom1=Gauvard, Claude, 1942-|nom1=...|titre=Le temps des Capétiens|sous-titre={{sp-|X|-|XIV}}|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|date=impr. 2013|passage=55|isbn=978-2-13-060825-7|isbn2=2130608256|oclc=847558166|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/847558166|consulté le=2019-01-23}}</ref>) et de ses besoins en bois, le développement de la métallurgie (consommation de bois de feu), la construction de nouveaux bâtiments agricoles et urbain (consommation de bois de construction) s'ajoutent aux défrichements et [[Essartage|essarts]] qui se multiplient à partir du {{S|X}}. La forêt européenne régresse et se dégrade. En réponse, les seigneurs commencent à réduire les droits d'usage des forêts et réglementent les coupes. Les modes d'exploitation en [[taillis]], [[futaie régulière]] et [[taillis sous futaie]] apparaissent à ce moment<ref name=":36" />.
 
Selon Mazoyer et Roudart, le rendement devait être de 8 q/ha pour la première céréale de la rotation et de 6 q/ha pour la deuxième. Ce système pourrait supporter une densité de population de 30 habitants par km² dans les zones défavorables (climat froid qui nécessite plus de bois et de fourrage, sol lessivé) et de 80 habitants par km² dans les zones les plus favorables (climat doux, sol de lœss fertile), avec une moyenne de 55 habitants par km², ce qui explique le triplement de la population. C'est surtout un système qui permet aux paysans de dégager d'importants surplus alimentaires, alors que le système précédent permettait juste de nourrir la famille paysanne. Ces surplus alimentaires vont stimuler le développement de groupes sociaux comme les artisans et les commerçants, ainsi que le développement des villes. Les succès de la [[Hanse]] ou des [[foires de Champagne]] sont une conséquence du développement des flux commerciaux agricoles. En retour, le développement de l'artisanat ([[métallurgie]], [[Charron (métier)|charronnerie]], [[bourrelier]]s, métiers du bâtiment) accélère le développement de l'agriculture en assurant la fabrication des outils nécessaires. Des industries d'aval, comme les moulins ou les tanneries se développent également. Les artisans et commerçants, qui sont regroupés dans lesdes villes forment des [[guilde]]s et obtiennent des [[Charte de franchises|chartes de franchise]], donnant naissance aux [[Commune (Moyen Âge)|communes médiévales]]<ref name=":36" />. On peut aussi faire la remarque que cesCes chartes, qui comportent des exemptions de taxes, créent un nouveau groupe de privilégiés (que l'on commence à appeler [[Bourgeoisie|bourgeois]]) et renforce le fait que les paysans sont les seuls ou presque à payer des impôts<ref name=":62" />.
 
L'augmentation de la population stimule les défrichements. De plus, les matériels du système de culture attelée lourde permettent la mise en culture d'écosystèmes jusque-là difficilement cultivables : sols sableux, filtrants et lessivés (incultivables sans apports de fumier), landes, sols argileux lourds (cultivables avec la charrue mais pas avec l'araire), marais côtiers et intérieurs, sols humides, zones froides d'altitude (Alpes, Jura, Carpates, collines et plateaux d'Europe centrale) ou d'Europe du Nord (Pologne, pays baltes, Scandinavie). Ce système s'étend donc dans toute l'Europe, à l'exception des zones les plus septentrionales (taïga, toundra) ou les plus en altitude où les besoins en bois et en fourrage sont trop importants et où survit l’agriculture sur abattis-brûlis et à l'exception des zones de steppe trop arides et des zones méditerranéennes, qui ne connaissent pas de déficit fourrager hivernal justifiant de lourds investissements (; le déficit fourrager estival est compensé par la transhumance, le séchage de l'herbe sur pied et le pâturage dans les maquis et garrigues)<ref name=":36" />.
 
Ainsi vers 1200, en [[Prusse (région)|Prusse]], alors peuplée par les Borusses, un peuple [[Pays baltes|balte]] païen, les défrichements ont été précédés de croisades menées par les [[Chevaliers Teutoniques]]. Ces croisades furent suivies par l'installation de colons germaniques, connaissant les techniques de la culture attelée lourde, et la constitution d'un bassin céréalier autour de la Baltique dont les exportations étaient assurées par la [[Hanse]]. Les moines-soldats de l'Ordre porte une grande attention à l'agriculture ainsi le défrichement et la bonification des terrains du [[delta de la Vistule]] permit de gagner 150 000 ha à l'agriculture<ref>{{Ouvrage|nom1=Nikolaus von Jeroschin|titre=The chronicle of Prussia: a history of the teutonic knights in Prussia, 1190-1331 by Nicolaus von Jeroschin|éditeur=Ashgate|collection=Crusade texts in translation|date=2010|isbn=978-0-7546-5309-7|consulté le=2024-05-27}}</ref>. Les Borusses disparurent en tant que peuple ([[Prussiens]]). Ces mouvements de [[Colonisation germanique de l'Europe orientale|colonisation germanique]] ont concerné de nombreuses régions d'Europe de l'Est ([[Drang nach Osten]] ou ''marche vers l'est'')<ref>Les effets de cette colonisation sont complètement effacés en 1945 par les Soviétiques en application des accords de Yalta</ref>.
 
C'est aussi à cette époque que sont aménagés les [[polder]]s des [[Comté de Flandre|Flandres]], dans les estuaires de l'[[Aa (fleuve)|Aa]], de l'[[Yser]] et du [[Rhin]]. L'expertise des ingénieurs flamands et hollandais sera ensuite appréciée pour l'aménagement des polders des côtes de la mer du Nord, de la Baltique, puis de l'Atlantique ([[Baie du Mont-Saint-Michel]], [[Marais poitevin]], îles de [[Île de Ré|Ré]], [[Île d'Oléron|Oléron]] et [[Île de Noirmoutier|Noirmoutier]], [[estuaire de la Gironde]]).
[[Fichier:Villeron - Grange de Vaulerent - 3.jpg|vignette|[[Grange de Vaulerent|Grange cistercienne de Vaulerent]], grange et pigeonnier. [[Villeron]], France, XIII<sup>ème</sup>siècle.]]Les seigneurs encouragent les défrichements en diminuant les impôts sur les terres nouvellement défrichées ([[essart]]s), et en investissant ([[Banalité (droit seigneurial)|Banalitébanalité]]) pour attirer les paysans et les aider à s'installer. Ces installations sont rendues nécessaires par le départ de chevaliers et paysans-soldats vers les pays conquis : Allemands et [[Flamands]] vers l'Est, Normands, Angevins vers la Grande-Bretagne et la Sicile, Poitevins vers la Grande-Bretagne, [[Royaume de Chypre|Chypre]], la Palestine et même en [[Couronne de Castille|Castille]] lors de la [[Reconquista]], expansion italienne et [[Couronne d'Aragon|aragonnaise]] en Méditerranée, puis conquête du Nouveau Monde. Enfin, il faut repeupler les territoires dévastés par les guerres ou les épidémies. En installant la banalité, le seigneur s'assure le monopole de services qu'il pourra ensuite parfois monnayer au prix fort. Les besoins importants en investissements financiers conduisent à la création du [[Paréage|contrat de pariage]]<ref name=":61" />. Un nouveau monde se crée sur les terres défrichées, composé d'investisseurs, de salariés et de paysans libres ([[Cens (droit seigneurial)|censitaires]], fermiers ou métayers[[Alleutier|alleutiers]]). Dans les zones cultivées anciennement, les rapports sociaux n'évoluent tout d'abord pas et la culture attelée lourde se développe peu. Néanmoins, laLa concurrence exercée par les denrées agricoles produites à plus faible coût dans les territoires nouvellement défrichés va obliger les seigneurs des anciens terroirs à s'adapter et va progressivement conduire à l'abandon du servage en Europe occidentale. Les corvées manuelles, peu productives, régressent tandis que les seigneurs salarient parfois des laboureurs, propriétaires de leur attelage, pour exploiter leurs propres terres.
 
Une couche de paysans riches (les grands fermiers qui ne s'inscrivent plus dans le système féodal) prend à ferme les terres des réserves ecclésiastiques ou seigneuriales dont les propriétaires abandonnent la mise en valeur directe dans le quart nord-est de la France à partir de 1450<ref name=":78" />. Ailleurs dans le pays le [[métayage]] se développe dans des villages éventuellement [[Remembrement|remembrés]] par les seigneurs<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bernadette|nom1=Bucher|titre=Descendants de Chouans|sous-titre=histoire et culture populaire dans la Vendée contemporaine|lieu=Paris|éditeur=Ed. Maison des sciences de l'homme|année=1995|pages totales=338|isbn=2-7351-0644-6|isbn2=978-2-7351-0644-8|oclc=406802703|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/406802703|consulté le=2021-04-10}}</ref>, c'est le cas de la [[Gâtine poitevine|Gâtine de Parthenay]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Hugues|nom1=Editions du Seuil|prénom2=Jean|nom2=Jacquart|prénom3=Emmanuel|nom3=Le Roy Ladurie|prénom4=Georges|nom4=Duby|titre=L' âge classique des paysans|sous-titre=1340-1789|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|collection=Histoire de la France rurale|année=1986|pages totales=658|isbn=978-2-02-004268-0|consulté le=2023-05-28}}</ref>. À l'autre bout de l'échelle sociale les [[paysans sans terre]] se multiplient. Le servage reste la règle en Europe à l'est de l'[[Elbe (fleuve)|Elbe]] et en Russie ([[Servage en Russie]]).
Les [[Ordre cistercien|moines cisterciens]] gèrent de grands domaines. Ils sont particulièrement impliqués dans ces défrichements et l'élevage (ainsi que dans le développement de la métallurgie). Ils mettent au point la [[pisciculture]] et l'élevage moderne des [[lapin]]s avec séparation des sexes. Ils portent une grande attention à l'élaboration de la [[cire]], du [[miel]], des vins (invention des [[climats]] à [[Clos-de-vougeot]]), des fromages et à l'élevage des [[pigeons]] ([[colombiculture]])<ref>{{Lien web|titre=L'histoire des pigeons|url=http://www.cosaanimalia.org/projet-pigeonniers/l-histoire-des-pigeons/|site=Cosa animalia|consulté le=6 avril 2018}}</ref> pour la chair. Ils construisent de magnifiques [[Colombier (édifice)|colombiers]] permettant, en outre, de récupérer la colombine, un engrais très apprécié pour les jardins. Cet élevage était alors règlementé et réservé aux propriétés seigneuriales et ecclésiastiques, les pigeons se nourrissant gratuitement chez les paysans. Ces productions permettent en effet de passer le [[carême]] avec des plats « sans viande » ou réputés tels (lapereaux, pigeonneaux).
 
Ligne 727 ⟶ 736 :
 
== Échange colombien ==
{{Article détaillé|Échange colombien|Plantation}}
[[Fichier:New World's main domesticated plants.jpg|vignette|Exemples de plantes domestiquées originaires d'Amérique : maïs, tomate, pomme de terre, tabac, cacao, vanille aujourd'hui considérées comme indispensables.]]
[[Fichier:Daktulosphaira vitifoliae from CSIRO.jpg|vignette|Le [[Phylloxéra]], un ravageur de la vigne venu d'Amérique et finalement combattu en utilisant des plants de vigne venus d'Amérique.|alt=|175x175px|gauche]]
À la suite des [[grandes découvertes]] et de la « [[Découverte et exploration de l'Amérique|découverte de l'Amérique]] », se produit un mouvement d'échange d'espèces entre les différents continents qui modifie en profondeur les systèmes agraires, et entraîne une homogénéisation biotique du monde<ref>Philippe Norel et Laurent Testot, Une histoire du monde global, coll. « Sciences humaines », 2012 {{ISBN|9782361060930}}, {{p.|432}}</ref>{{,}}<ref name=":19">[[Nathan Nunn]] & Nancy Qian, « The Columbian Exchange: À History of Disease, Food, and Ideas », ''Journal of Economic Perspectives'', Spring, {{vol.}} 24, {{n°}} 2, 2010, {{p.}} 163–188, http://scholar.harvard.edu/files/nunn/files/nunn_qian_jep_2010.pdf</ref>. Parmi les espèces domestiques, le haricot, les courges, le maïs, le tournesol, le topinambour, le tabac, la pomme de terre, la [[tomate]], les espèces de fraisiers parentes de ''[[Fragaria ×ananassa]]'' (fraisier cultivé), le piment, le poivron, la patate douce, le vanillier, le cacaoyer et le manioc originaires d’Amérique s'intègrent aux systèmes agricoles des autres continents. Plusieurs de ces cultures sont capables de croitre en des lieux ou à des saisons où aucune culture de l'[[Ancien Monde]] ne poussait précédemment<ref name=":19" />.
 
Ligne 732 ⟶ 744 :
 
L'introduction de la pomme de terre en Europe provoque une augmentation de la population du fait de sa bonne productivité et de son aptitude à la conservation<ref>{{Article|prénom1=Nathan|nom1=Nunn|prénom2=Nancy|nom2=Qian|titre=The Potato's Contribution to Population and Urbanization: Evidence From A Historical Experiment|périodique=The Quarterly Journal of Economics|volume=126|numéro=2|date=2011-05-01|issn=0033-5533|doi=10.1093/qje/qjr009|lire en ligne=https://academic.oup.com/qje/article/126/2/593/1868756/The-Potato-s-Contribution-to-Population-and|consulté le=2017-08-30|pages=593–650}}</ref>.
 
[[Fichier:Daktulosphaira vitifoliae from CSIRO.jpg|vignette|Le [[Phylloxéra]], un ravageur de la vigne venu d'Amérique et finalement combattu en utilisant des plants de vigne venus d'Amérique|alt=|175x175px]]
De leur côté, les céréales européennes, le [[gombo]], l'[[igname]], le [[caféier]], la [[canne à sucre]], la [[banane]] commencent à être cultivés en Amérique et plus généralement dans toute la zone intertropicale. Le développement de ces cultures dans les [[colonies européennes]] est lié à celui de l'[[esclavage]] et des [[plantation]]s.
 
Ligne 808 ⟶ 820 :
Certains envahisseurs se contentent de laisser les paysans et leurs systèmes de culture en place et remplacent simplement les anciens systèmes administratifs et commerciaux par de nouveaux leur permettant de percevoir les profits de l'agriculture. C'est ce qui se passe, par exemple lors de l'invasion de l'Égypte par [[Alexandre le Grand]], l'administration perse est remplacée par une administration gréco-macédonienne et le commerce grec est favorisé. Le sort des paysans égyptiens reste le même. Dans le cas de l'invasion de l'Angleterre par les [[Normands]], les seigneurs saxons sont en grande partie remplacés par des seigneurs normands mais le statut des paysans saxons reste le même. Il en va de même dans les anciens territoires lettons et estoniens où à partir de 1200, [[Danois (nation)|Danois]], [[Chevaliers Porte-Glaive]] et évêques impose l'ordre féodal pour le plus grand bénéfice de la [[Hanse]] qui considère ces territoires comme un « [[Grenier (région)|grenier à blé]] » ([[Histoire de l'Estonie]]).
[[Fichier:G.S. Smithard; J.S. Skelton (1909) - The Women Loaded the Empty Guns.jpg|gauche|vignette|Paysannes [[Boers|boer]] rechargeant les fusils de leurs hommes lors d'une attaque, 1909.]]
À partit du {{s|XVI}}, de nombreux paysans pauvres européens, poussés par les dissentions religieuses, les guerres, la précarité ou la famine émigrent vers les colonies de peuplement européennes puis les nouveaux états ainsi formés. Cette expansion se réalise souvent sur des terres rachetées à bas prix, accaparées ou déclarées libres mais utilisées en réalité par des communautés de chasseurs ou de pasteurs : Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, [[Nouvelle-Calédonie]], États-Unis, Canada, [[Patagonie]], Brésil, [[Hauts Plateaux (Algérie)|Hauts-Plateaux algériens]]. En Russie, la colonisation des steppes du sud et de la [[Sibérie]] a souvent été motivée par l'opportunité de fuir le servage<ref>[[François-Xavier Coquin]], ''La Sibérie : peuplement et immigration paysanne au {{XIXes-|XIX}} siècle'', Paris, [[Institut d'études slaves|Institut d'Études Slaves]], 1969, 789 pages</ref>.
 
==== Odyssées irlandaises ====
Ligne 834 ⟶ 846 :
En Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande, l'[[élevage extensif]] repousse aussi les populations locales. La colonisation britannique de l'[[Australie]], à partir de 1788, introduit l'agriculture dans une île qui commençait seulement à la découvrir. La population indigène de [[Tasmanie]] est totalement exterminée par les colons<ref>{{Ouvrage|prénom1=Boyce,|nom1=James.|titre=Van Diemen's land|éditeur=Black Inc|année=2010|pages totales=388|isbn=978-1-86395-491-4|oclc=618121229|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/618121229}}</ref>.
 
En Amérique tropicale, dès la fin du {{s-|XIX}}, des firmes américaines mettent en place d'immenses plantations. Ces firmes deviennent parfois plus puissantes que les états indépendants et en profitent pour installer des gouvernements à leur dévotion ([[république bananière]]). La plus connue de ces firmes fut la [[United Fruit Company]]<ref name=":66">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Dufumier,|nom1=Marc.|titre=Agricultures et paysanneries des Tiers mondes|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Karthala|Éd. Karthala]]|année=2004|pages totales=598|isbn=2-84586-548-1|oclc=470269094|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/470269094}}</ref>, aujourd'hui Chiquita Brands International. La ''Hawaïan Pineapple Company'' soutint efficacement le coup d'état de 1894 qui permit de renverser la reine [[LiliuokalaniLiliʻuokalani]] puis aux États-Unis d'annexer [[Hawaï]] en 1898. C'est aujourd'hui la [[Dole Food Company]], seconde compagnie bananière mondiale. La [[Compagnie Fruitière]] ([[Marseille]], France) créée en 1939, est, après le rachat d'une partie des actifs de Dole, la première compagnie fruitière opérant en Afrique (2014).
[[Fichier:Francisco Oller - Hacienda Aurora.jpg|vignette|Une hacienda à [[Porto Rico]] en 1899 (au moment où l'île est annexée par les États-Unis). ''Hacienda Aurora'' de [[Francisco Oller]].]]
À la fin du {{s-|XIX}}, après l'interdiction de l'esclavage, dans certaines zones tropicales, des plantations furent mises en place dans les colonies pour des cultures de type industriel comme l'[[hévéa]]<ref>{{Lien web|titre=Les plantations d'hevea|url=http://belleindochine.free.fr/Plantations.htm|site=L'Indochine coloniale|consulté le=15 mars 2018}}</ref>, le [[cacaoyer]] ou le [[palmier à huile]]. Ces plantations étaient établies soit sur des terrains expropriés où l'on employait des travailleurs libres déplacés ([[coolie]]s) soumis à des conditions très dures selon les contrats d'[[indenture]] ou d'[[engagisme]], soit sur les terres des paysans selon des systèmes proches du travail forcé . Ce fut le cas dans les [[Philippines]] américaines, sur l'île de [[Formose (île)|Formose]] japonaise (canne à sucre, riz), au [[Suriname]] et dans les [[Antilles néerlandaises]], en [[Malaisie]] et sur [[Ceylan britannique]], au [[Congo belge]] et aux Comores (plantations de vanilliers et de plantes à parfum comme l'[[ylang-ylang]]{{Note|texte=utilisé notamment dans le Chanel n°5}}) et en [[Indochine française]]... Les coolies étaient principalement Indiens ou Chinois mais pouvaient provenir de n'importe quels endroits du globe. Il y eut comme travailleurs soumis à ces types de contrats des Irlandais, des Bretons, des Malgaches, des Mélanésiens en Australie ([[Blackbirding]]), des Japonais ([[Immigration japonaise au Brésil]]), des Népalais dans les plantations britanniques de [[thé]] en Inde ([[Histoire du thé]]), des Indonésiens en Nouvelle-Calédonie où les conditions imposées par les Français étaient un peu moins dures que celles des Hollandais en Indonésie ([[Indonésiens de Nouvelle-Calédonie]]).[[Fichier:Edmond Albius.jpg|gauche|vignette|Portrait de [[Edmond Albius]] qui inventa, alors jeune esclave à [[La Réunion]], une méthode révolutionnaire de [[pollinisation]] de la vanille|alt=|257x257px]]
Ligne 859 ⟶ 871 :
Fichier:DSCN5766-guano-glantz crop b.jpg|Carrière de guano aux [[Îles Chincha]], Pérou, vers 1860.
Fichier:Bison skull pile-restored.jpg|Crânes de bisons destinés à la fabrication d'engrais phosphatés, vers 1892, États-Unis.
Fichier:Boskapsskötsel i ladugården. Mangskogs socken, Värmland, 1911 - Nordiska Museet - NMA.0043102.jpg|Traite et collecte du fumier, [[Värmland]], Suède, 1911. Remarquer les conditions de travail, à comparer à celles des étudiants de Liebig.
Fichier:Froelich-tractor-1892-A.jpg|Le tracteur Froelich, premier tracteur à moteur à explosion produit industriellement, 1892, [[Iowa]], États-Unis.
Fichier:Bäuerliche Geräte vor dem Museum 2 - Kartoffelroderer.jpg|Arracheuse de pommes de terre [[Lanz (constructeur)|Lanz]]. Le mécanisme entraîné par les roues porteuses ne nécessite pas de moteur. Cette disposition est caractéristique de la première mécanisation.
Ligne 1 038 ⟶ 1 050 :
* [[Histoire de la sélection végétale]]
* [[Histoire de l'agriculture biologique]]
* Glossaire politique et social de l'agriculture
}}