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Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/291

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squelles on avait étendu une serviette fort propre. Du reste, toute la chambre paraissait tenue très proprement. Depuis huit jours la capitaine ne s’était pas enivré ; il avait le visage enflé et jaune ; son regard était inquiet, curieux et évidemment indécis ; on voyait que Lébiadkine ne savait pas encore quel ton il devait prendre et quelle attitude servirait le mieux ses intérêts.

— Voilà, dit-il en promenant le bras autour de lui, — je vis comme un Zosime. Sobriété, solitude et pauvreté : les trois voeux des anciens chevaliers.

— Vous supposez que les anciens chevaliers faisaient de tels voeux ?

— Je me suis peut-être trompé ! Hélas, je n’ai pas d’instruction ! J’ai tout perdu ! Le croirez-vous, Nicolas Vsévolodovitch ? ici, pour la première fois, j’ai secoué le joug des passions honteuses — pas un petit verre, pas une goutte ! J’ai un gîte, et depuis six jours je goûte les joies de la conscience. Ces murs mêmes ont une bonne odeur de résine qui rappelle la nature. Mais qu’étais-je ? Qu’étais-je ?

_« N’ayant point d’abri pour la nuit,_ _pendant le jour tirant la langue »,_

selon l’expression du poète ! Mais… vous êtes tout trempé… Voulez-vous prendre du thé ?

— Ne vous dérangez pas.

— Le samovar bouillait avant huit heures, mais… il est refroidi… comme tout dans le monde. Le soleil même, dit-on se refroidira à son tour… Du reste, s’il le faut, je vais donner des ordres à Agafia, elle n’est pas encore couchée.

— Dites-moi, Marie Timoféievna…

— Elle est ici, elle est ici, répondit aussitôt à voix basse Lébiadkine, — voulez-vous la voir ? ajouta-t-il en montrant une porte à demi fermée.

— Elle ne dort pas ?

— Oh ! non, non, est-ce possible ? Au contraire, elle vous attend depuis le commencement de la soirée, et, dès