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Nombre complexe

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Les nombres complexes furent « inventés » au XVIe siècle par les mathématiciens italiens Jérôme Cardan, Raphaël Bombelli et Tartaglia.

Notion intuitive

En mathématiques, les nombres complexes sont une extension naturelle des nombres réels : ils sont apparus comme intermédiaires de calcul pour résoudre des équations du troisième degré dont on connaissait des solutions mais pour lesquelles l'application des formules de Cardan faisait appel à des racines dont les carrés seraient négatifs.

Géométriquement, l'ensemble des nombres réels peut être représenté comme une droite du plan des nombres complexes ; en effet, tout nombre complexe peut être représenté comme un point dans un plan appelé le plan complexe. Une conséquence immédiatement visible est que si l'on peut définir des relations d'ordre dans le corps des réels, cela n'est plus directement possible dans le corps des complexes.

Approche vulgarisée des nombres complexes

Les nombres complexes, comme tout concept mathématique, constituent à la fois une théorie et un outil potentiel. Pour les physiciens, par exemple, les nombres complexes constituent surtout un moyen très commode de simplifier les notations : on manipule deux valeurs distinctes avec un seul nom, une rotation s'exprime par une simple multiplication, etc.

Il est toutefois utile de les voir autrement que comme une boîte noire (au sens de Norbert Wiener) commode. En effet, ils présentent un aspect double :

  • de par leur notation et la facilité de manipulation, ils sont semblables aux nombres « classiques » (entiers, réels...) ;
  • de par leur génération, ils ne représentent rien de concret, sont une pure abstraction.

Nous allons essayer, dans cette partie, d'avoir une approche rigoureuse mais se raccrochant à des concepts mieux maîtrisés, en suivant le cheminement indiqué par Albert Jacquard [1].


X et i

Lorsque l'on manipule les x d'une équation, inéquation ou système d'(in)équations, on manipule une lettre qui représente un nombre réel inconnu. Parfois, on arrive à la conclusion que ce nombre n'existe pas, par exemple :

on a donc manipulé un objet inexistant, « imaginaire ». On l'a additionné, multiplié... bien qu'il n'existe pas. On pourrait appeler cela de la schizophrénie (on « vit » dans un monde imaginaire), les mathématiciens préfèrent appeler cela de l'abstraction — on oublie certaines propriétés des objets, y compris ici une propriété qui peut pourtant sembler fondamentale, l'existence.

En voulant résoudre des équations du troisième degré, des mathématiciens ont manipulé un tel nombre ; simplement, ils ont délibérément choisi de l'utiliser alors qu'ils savaient qu'il n'existait pas. Ou plus exactement qu'il n'existait pas dans le monde des nombres dits réels.

Ce nombre imaginaire était censé être l'une des deux solutions (car s'il y en a une, son opposé en est une aussi) d'une équation dont on sait qu'elle n'a pas de racine réelle :

x2 + 1 = 0 (1)

et pour le distinguer, ils l'appelèrent i pour « imaginaire ».

Dans la résolution de l'équation du troisième degré, ce nombre s'élimine à la fin, il n'apparaît pas dans le résultat final. Au bout du compte, c'est un intermédiaire de calcul, un « catalyseur », un x manipulé comme tant d'autres...

Cela semble suggérer de renoncer à une relation avec le réel :

  • un nombre entier peut représenter des objets distincts (des carottes, des tomates),
  • un nombre réel peut représenter les dimensions d'un objet (par exemple la diagonale d'un carré),
  • le nombre i ne représente rien, puisqu'il n'existe pas.

Mais le problème se présentait déjà avec les nombres entiers négatifs ou fractionnaires : on ne peut certes pas « avoir -2 carottes » ni « creuser un demi-trou ». En d'autres termes, différents types de nombres s'appliquent bien ou mal au monde de différents types de problèmes que nous désirons traiter. À ce titre, i n'est en fait ni plus ni moins imaginaire (au sens courant du terme, cette fois-ci) que -2, 1/2 ou racine de 2. Il y a simplement des objets du monde réel auxquels on ne lui trouvera pas d'application - et justement entre autres les carottes et les trous (sauf ceux étudiés en topologie !).

Les mathématiciens décidèrent donc d'étudier cet objet en tant que tel, pour voir si on ne pouvait pas l'utiliser dans d'autres contextes ; après tout, un bon outil sert un peu à tout.

Nombres et vecteurs

Étant un nombre imaginaire, il n'appartient pas à . Mais comme il intervient dans des équations, on peut l'additionner et le multiplier avec des réels

les expressions ont un sens.

Il existe déjà un domaine dans lequel on effectue des opérations « hétérogènes » : les vecteurs. La cause est entendue, la représentation la plus simple consiste à considérer que l'on a affaire à des vecteurs. On est donc dans un plan géométrique muni d'un repère, l'axe horizontal est muni du vecteur 1, l'axe vertical est muni du vecteur i — il ne représente rien puisqu'il est imaginaire. On appelle ce plan le plan complexe.

Nous allons adopter ici une notation propre (qui n'existe nulle part ailleurs dans la littérature), afin de simplifier la compréhension, de bien séparer les concepts : nous allons noter

  • le nombre 1
  • l'inconnu imaginaire i

un réel quelconque a étant égal à a · 1, nous allons considérer que l'on a non pas une multiplication de nombres, mais la multiplication d'un vecteur par un scalaire, et donc le noter .

Ainsi, l'expression a + b · i dans une équation correspond au vecteur , qui peut par ailleurs s'écrire comme une matrice colonne

Représentation du plan complexe avec les notations non standard introduites
Représentation du plan complexe avec les notations non standard introduites

Nous pouvons donc considérer un vecteur quelconque de ce plan, et nous allons étudier ses propriétés, sachant qu'il doit obéir à certaines règles puisqu'il représente une expression dans une équation.

Pour nous simplifier l'écriture, si a est un réel, nous nous permettrons de l'écrire plutôt que (on peut ainsi écrire ).

Multiplication imaginaire

Par chance, l'addition des réels correspond parfaitement à l'addition vectorielle, nous ne nous apesantirons donc pas plus là-dessus (bien qu'en toute rigueur, l'addition nécessiterait une étude aussi poussée que la multiplication).

Pour la multiplication en revanche, on est face à une ambiguïté par rapport aux vecteurs géométriques classiques : le scalaire est lui-même un vecteur. Ainsi, l'expression classique a · b (a et b étant réels) peut se traduire à la fois par , par , par , donc par et par ... On voit que a et b ont un rôle symétrique, et que l'on a en fait... une opération entre deux vecteurs, un « produit » de vecteurs mais qui n'est ni un produit scalaire puisque le résultat est un vecteur (le résultat de la multiplication par n'est pas un scalaire), ni un produit vectoriel puisque le résultat est dans le plan.

Nous allons donc devoir inventer une nouvelle opération, que nous allons appeler « produit imaginaire » et noter ×. Comme toutes les opérations sur les vecteurs, il s'agit en fait d'une construction géométrique, nous allons commencer par étudier la transformation des vecteurs de la base pour pouvoir l'étendre à tout le plan.

On a donc :

  • d'après l'égalité (1)

On voit que dans le plan, multiplier par revient à ne rien changer, et multiplier par revient à faire une rotation d'un quart de tour dans le sens positif. Cette multiplication est donc, entre autres, une rotation.

Multiplication imaginaire des vecteurs de la base
Multiplication imaginaire des vecteurs de la base

Si maintenant on considère , qui est égal à puisque (a · b) est lui-même un réel, on voit que c'est une homothétie, une dilatation ; est dilaté d'une quantité .

En fait, on voit que si l'on prend un vecteur quelconque du plan, si α est l'angle qu'il fait avec l'axe des réels, alors la multiplication imaginaire d'un autre vecteur par revient à faire

  • une rotation d'angle α ;
  • une dilatation de .

construction graphique de la multiplication imaginaire
Construction graphique de la multiplication imaginaire

On donne ainsi un sens à une écriture de type

qui est la traduction de l'expression

(a1 + a2 · i)·(b1 + b2 · i).

Intérêt de cette approche

Cette approche permet de résoudre le malaise ressenti par certains élèves et étudiants (illustré par une scène du film Les Désarrois de l'élève Törless de Volker Schlöndorff) : i est un « extra-réel », un « E.R. » (avec la même connotation que « E.T. l'extraterrestre »), un intermédiaire de calcul encombrant que l'on a donc placé sur un autre axe. La multiplication dans le plan complexe est une construction géométrique au même titre que d'autres qui, appliquée aux réels, se résume à la multiplication simple, et qui, appliquée à un réel et à un complexe quelconque, se résume au produit d'un vecteur par un scalaire.

L'écriture « a + b · i » peut être vue comme un abus d'écriture qui consiste à mettre sur le même plan les scalaires et les vecteurs, ce qui ici est légitime (mais n'allez pas vous amuser à écrire «  » en géométrie...)

Bibliographie

  1. Science à l'usage des non-scientifiques, Albert Jacquard, 2003


Axiomatisations

Par des couples

On définit un nombre complexe comme couple de nombre réels (a,b), les lois de composition internes sont les suivantes :

  • L'addition :
  • La multiplication :

On démontre que l'ensemble muni de ces deux lois est un corps commutatif et un -espace vectoriel. De plus, le sous-ensemble des (a,0) est isomorphe à . On peut ainsi écrire (a,b)= a + b × i.

Par les polynômes

Le corps des nombres complexes est isomorphe au quotient de l'ensemble des polynômes de noté par la relation d'équivalence R définie comme suit :

  • pour deux polynômes P et Q, P est en relation avec Q si le reste de la division euclidienne de P et de Q par X² + 1 est le même ;
  • tous les polynômes qui sont dans la relation avec P sont dits appartenir à la classe d'équivalence de P.

On note ce quotient ainsi .

C'est en fait un quotient d'un type plus général, d'un anneau euclidien principal () par un de ses idéaux (l'idéal engendré par ).

Forme cartésienne

On peut voir les nombres complexes comme les objets de la forme , avec et deux nombres réels, et se donner les règles de calcul suivantes :

Enfin, si ou est non-nul, on voit que est l'inverse de .

La formule de l'inverse fait apparaître deux nombres intéressants :

  • est appelé le conjugué de  ;
  • est appelé le module de  : intuitivement, c'est la distance du point (a,b) à l'origine (0,0) ;

et cette formule de l'inverse (qui demande des hypothèses sur le nombre complexe) provient donc de la formule plus générale :

En particulier, ce symbole vérifie l'égalité à première vue étonnante : .

Dans l'expression , on appelle la partie réelle, notée Re(z), et la partie imaginaire, notée Im(z). Un nombre complexe est dit réel si et seulement si sa partie imaginaire est nulle, et imaginaire pur si et seulement si sa partie réelle est nulle.

On appelle complexe conjugué de z, le nombre tel que pour , . On le note généralement par la lettre z surmontée d'un trait horizontal (écrit et lu « z barre »).


Forme algébrique

Quand les nombres complexes sont écrits sous la forme , on parle de forme algébrique. Les nombres a et b sont des réels, alors que le symbole i est tel que , ou encore .

Le conjugué de est .

Formes trigonométrique et exponentielle

Pour un nombre complexe non nul z de partie réelle a et de partie imaginaire b, en posant et r est un réel strictement positif (ce qui est toujours possible), on a . La notation est appelée forme trigonométrique du nombre z, et la notation est appelée forme exponentielle du nombre z.

Dans ces deux formes, est le module de z, et est son argument.

On peut alors noter le conjugué du nombre z sous ces deux formes: (forme exponentielle) et . Cependant, cette dernière notation n'est pas une notation sous forme trigonométrique : la forme trigonométrique du conjugué est .

Histoire et emploi

Il semblerait que ce soit Héron d'Alexandrie qui ait inventé le nombre impossible. On a commencé à utiliser les complexes par commodité au XVIe siècle (Gerolamo Cardano), pour trouver des solutions aux équations polynomiales du troisième degré.

La présentation géométrique vient entre autres de l'abbé Buée et d'Argand.

Ensuite, la forme trigonométrique a permis de simplifier la modélisation et l'écriture de nombreux phénomènes, par exemple les phénomènes ondulatoires (notamment à propos des ondes électromagnétiques, ou en électronique).

En effet, prenons un paramètre quelconque, A(t), qui dépend du temps de façon sinusoïdale. Cela signifie que la valeur de A varie entre a et -a, avec toujours la même période, disons, ω1, et que l'on peut écrire A = a.cos(ω1t). Si on multiplie la valeur de A par la valeur de B(t), un paramètre de la même forme, mais de période différente ω2, nous obtenons :

ce qui est très joli, mais pas facile à manipuler... mais en écriture exponentielle, nous obtenons :

ce qui est bien plus simple à manipuler... Mais C′, n'est pas le produit de A par B ! C'est la partie réelle de C′! Implicitement, nous avons transformé A et B en complexes, et les avons manipulés (ici, multipliés). En prenant, la partie réelle de C′, nous revenons dans le corps des réels. Les complexes n'ont alors aucune réalité physique.

En fait, on se sert du fait que contient pour simplifier les écritures. En effet, si l'on doit écrire qu'un paramètre vaut r cos(θ), il faut deux réels, r et θ. Mais avec des complexes, il suffit d'UN nombre, ce qui est bien plus simple.

En électromagnétisme toujours, mais dans un contexte différent, on peut écrire le champ électromagnétique comme une combinaison complexe du champ électrique et du champ magnétique. Pur artifice de calcul, on peut associer l'un ou l'autre de ces champs à la partie « imaginaire » du champ complexe obtenu : cela simplifie grandement les opérations.

On utilise également les complexes pour l'analyse de Fourier, très utilisée dans de nombreux domaines, comme le traitement du signal.

En mécanique des fluides (hydro/aérodynamique), on fait apparaître des potentiels et des vitesses complexes. En effet, pour un écoulement à deux dimensions, on peut décomposer la vitesse du fluide en vx et vy. Or, on montre que :


Satisfaire à ces conditions (conditions de Cauchy-Riemann) équivaut à dire qu'il existe une fonction analytique telle que

Ceci permet encore d'écrire :

On appelle f(z) le potentiel complexe, et sa dérivée par rapport à z, la vitesse complexe. Grâce à cette fonction, on obtient directement le module de la vitesse, et sa direction (en prenant la forme trigonométrique). Surtout, on peut modéliser simplement un écoulement autour d'un obstacle, d'une manière simple et compact. La fonction ψ doit être constante le long du profil de cet obstacle, ce qui permet une résolution simple de f, grâce à des résultats simples d'analyse complexe.

Autre simplification pour physiciens : la mécanique quantique nécessite les nombres complexes. Les fonctions d'ondes quantiques sont ainsi toutes complexes (voir Axiomes de la mécanique quantique). Dans ce cas, toutefois, il est possible (selon des théories non quantiques) que cela corresponde à la structure réelle de l'univers : non plus à 4 dimensions (espace-temps), mais de 5 et plus - dans certaines théories jusqu'à 11 - aux échelles quantiques (petites). Nonobstant notre perception (adaptée aux échelles plus grandes), la dimension imaginaire pourrait donc fort bien correspondre aussi à une « réalité physique&nbsp» et non pas représenter seulement une commodité d'écriture.

Si tant est d'ailleurs qu'on ait lieu d'établir une différence, car on remarque que les notations efficaces pour engendrer des objets le sont tout autant pour les décrire avec précision ensuite (voir fractals, complexité de Kolmogorov, compression, entropie de Shannon et même notation neumatique en musique.

Rentabilisation économique des nombres complexes

Les nombres complexes peuvent au départ n'apparaître que comme une commodité d'écriture : une façon de représenter deux scalaires (partie réelle et partie imaginaire, ou encore module et phase) sous un nom unique, et de le transformer par des opérations d'addition et de multiplication qui seraient considérées en C++ comme une simple surcharge des opérateurs existants.

Mais cette économie s'est traduite en espèces sonnantes et trébuchantes lorsque l'usage des nombres complexes a permis de mettre au point la transformée de Fourier rapide (FFT), permettant de réaliser ces transformée en un temps d'ordre N ln N ou lieu de précédemment : cela ouvrait la porte à une multiplicité d'appareils de traitement du signal qui se mirent à apparaître un peu partout (pour un signal sonore de 30 secondes échantillonné à 44 000 Hz, la FFT permet déjà de diviser le temps de calcul par un facteur 15).

Les inventeurs de la FFT ne touchèrent cependant pas un sou de ceux des centaines de fabricants qui commercialisaient leur invention. Voir propriété intellectuelle, brevet.

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