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« Orgueil et Préjugés » : différence entre les versions

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{{Sous-titre/Littérature|''Pride and Prejudice''}}
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{{Voir homonymes|Orgueil et Préjugés (homonymie)|Pride}}
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{{Infobox Livre
| auteur = [[Jane Austen]]
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| éditeur = [[Éditions Gallimard|Gallimard]]
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| légende = Page de titre d'une édition illustrée par Hugh Thomson, 1894
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'''''Orgueil et Préjugés''''' (''{{Langue|en|Pride and Prejudice}}'') est un [[Roman (littérature)|roman]] de la [[femme de lettres]] [[Angleterre|anglaise]] [[Jane Austen]] paru en [[1813 en littérature|1813]]. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et est aussi la plus connue du grand public.
{{sous-titre/Littérature|Pride and Prejudice}}
{{Homonymes|Orgueil et Préjugés (homonymie)}}
'''''Orgueil et Préjugés''''' ('''''{{Lang|en|Pride and Prejudice}}''''') est un [[Roman (littérature)|roman]] de la [[femme de lettres]] [[Angleterre|anglaise]] [[Jane Austen]] paru en [[1813 en littérature|1813]]. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et c'est aussi la plus connue du public<ref>{{harvsp|Robert Morrison|2005|p=1}}</ref>.


Rédigé entre [[1796]] et [[1797]], le texte, alors dans sa première version (''First Impressions''), figurait au nombre des grands favoris des lectures en famille que l'on faisait le soir à la veillée chez les [[Austen]]. Révisé en [[1811]], il est finalement édité deux ans plus tard, en janvier [[1813 en littérature|1813]]. Son succès en librairie est immédiat, mais bien que la première édition en soit rapidement épuisée, Jane Austen n'en tire aucune notoriété : le roman est en effet publié sans mention de son nom (« par l'auteur de [[Raison et Sentiments|''Sense and Sensibility'']] ») car sa condition de {{Citation|femme de la bonne société}} lui interdit de revendiquer le statut d'écrivain à part entière.
Rédigé entre [[1796]] et [[1797]], le texte, alors dans sa première version (''First Impressions''), figurait au nombre des grands favoris des lectures en famille que l'on faisait le soir à la veillée dans la [[Jane Austen#Famille|famille Austen]]. Révisé en [[1811]], il est finalement édité deux ans plus tard, en janvier [[1813 en littérature|1813]]. Son succès en librairie est immédiat, mais bien que la première édition en soit rapidement épuisée, Jane Austen n'en tire aucune notoriété : le roman est en effet publié sans mention de son nom (« par l'auteur de ''[[Sense and Sensibility]]'' ») car sa condition de {{Citation|femme de la bonne société}} lui interdit de revendiquer le statut d'écrivain à part entière.


Drôle<ref>{{harvsp|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=xvi-xvii}}</ref> et romanesque<ref>{{harvsp|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=ix}}</ref>, le [[chef-d'œuvre]] de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable<ref group="N">''Pride and Prejudice'' a été élu au Royaume-Uni en 2003 comme étant « le roman écrit par une femme le plus aimé ». Voir {{harvsp|Robert Morrison|2005|p=2}}</ref>, par ses personnages bien campés (''rounded characters''<ref>{{ouvrage|auteur=D. A. Miller|titre=Jane Austen, or, The secret of style|url=http://books.google.fr/books?id=6G1rftGppO4C&pg=PA59&dq=rounded-characters+austen&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0&cd=2#v=onepage&q=rounded-characters%20austen&f=false|éditeur=Princeton University Press|2003}}, p. 59</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur=Norma Kitson|titre=Creative writing: a handbook with exercises and examples|éditeur=Academic Books|année=1997}}, p. 35</ref>), son intrigue soigneusement construite et prenante<ref>{{harvsp|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=viii}}</ref>, ses rebondissements nombreux, et son humour plein d'imprévu<ref>{{harvsp|Peter Knox-Shaw|2004|p=90}}</ref>. Derrière les aventures sentimentales des cinq filles [[Bennet#Personnalités fictives|Bennet]], Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la [[Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen|société anglaise au tournant des {{s2-|XVIII|e|XIX|e}}]]. À travers le comportement et les réflexions d'Elizabeth Bennet, son personnage principal, Jane Austen soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite ''[[gentry]]'' campagnarde pour s'assurer sécurité économique et statut social. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le mariage : cela explique que les deux thèmes majeurs d'''Orgueil et Préjugés'' soient l'argent et le mariage, lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.
[[#Style et écriture|Drôle et romanesque]], le [[chef-d'œuvre]] de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable, par ses [[#Personnages|personnages]] bien campés, son [[#Structure narrative|intrigue]] soigneusement construite et prenante, ses rebondissements nombreux, et son [[#Ironie et satire|humour]] plein d'imprévu. Derrière les aventures sentimentales des cinq [[Famille Bennet|filles Bennet]], Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la [[Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen|société anglaise au tournant des {{s2-|XVIII|e|XIX|e}}]]. À travers le comportement et les réflexions d'[[Elizabeth Bennet]], son personnage principal, elle soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite ''[[gentry]]'' campagnarde pour s'assurer sécurité économique et [[statut social]]. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le [[mariage]] : cela explique que les deux thèmes majeurs d{{'}}''Orgueil et Préjugés'' soient l'[[Mariage dans les romans de Jane Austen|argent et le mariage]], lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.


Grand classique de la [[littérature anglaise]], ''Orgueil et Préjugés'' est à l'origine du plus grand nombre d'adaptations fondées sur une œuvre austenienne, tant au cinéma qu'à la télévision. Depuis ''[[Orgueil et Préjugés (film, 1940)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Robert Z. Leonard]] en [[1940 au cinéma|1940]], il a inspiré quantité d'œuvres ultérieures : des romans, des films, et même une [[bande dessinée]] parue chez [[Marvel]].
Grand classique de la [[littérature anglaise]], ''Orgueil et Préjugés'' est à l'origine du plus grand nombre d'adaptations fondées sur une œuvre austenienne, tant au cinéma qu'à la télévision. Depuis ''[[Orgueil et Préjugés (film, 1940)|Orgueil et Préjugés]]'' de [[Robert Z. Leonard]] en [[1940 au cinéma|1940]], il a inspiré quantité d'[[#Postérité du roman|œuvres ultérieures]] : des romans, des films, et même une [[bande dessinée]] parue chez [[Marvel Comics]].


Dans son essai de [[1954 en littérature|1954]], ''[[Ten Novels and Their Authors]]'', [[William Somerset Maugham|Somerset Maugham]] le cite en seconde position parmi les dix plus grands romans.
Dans son essai de [[1954 en littérature|1954]], ''[[Ten Novels and Their Authors]]'', [[William Somerset Maugham]] le cite en seconde position parmi les dix romans qu'il considére comme les plus grands. En 2013, ''[[L'Obs|Le Nouvel Observateur]]'', dans un hors-série consacré à la littérature des {{s2|XIX|XX}}, le cite parmi les seize titres retenus pour le {{s|XIX|e}}, le considérant comme {{citation|peut-être le premier chef-d'œuvre de la littérature au féminin}}<ref>''Les chefs-d'œuvre de la littérature commentés par les écrivains d'aujourd'hui'', Le Nouvel Observateur, hors-série {{n°|83}}, juin/juillet 2013, La Bibliothèque idéale (2) : {{s2|XIX|XX}}</ref>.
{{Sommaire|niveau=2}}
{{Sommaire|niveau=2}}


== Choix du titre ==
== Choix du titre ==
[[Fichier:PrideAndPrejudiceTitlePage.jpg|thumb|Page de titre de l'édition originale de ''Pride and Prejudice'' (1813). Le nom de [[Jane Austen]] n'y apparait pas, car le roman y est annoncé comme écrit « par l'auteur de ''[[Sense and Sensibility]]'' ».]]
[[Fichier:PrideAndPrejudiceTitlePage.jpg|vignette|alt=Première de couverture de 1813|Page de titre de l'édition originale de ''Pride and Prejudice'', 1813. Le nom de [[Jane Austen]] n'y apparait pas, car le roman y est annoncé comme écrit « par l'auteur de ''[[Sense and Sensibility]]'' ».]]
=== De ''First Impressions'' à ''Pride and Prejudice'' ===
''Pride and Préjudice'' n'est pas le titre initial ; le premier jet d'août 1797 (Jane Austen a alors 21 ans) s'intitule ''First Impressions'' (''Premières Impressions''), mais en janvier 1813 le roman est publié par l'éditeur Egerton sous son nom définitif de ''Pride and Prejudice''.
''"{{langue|en|Pride and Prejudice}}''" n'est pas le titre initial ; le premier jet d'{{date-|août 1797}} (Jane Austen a alors {{nombre|21|ans}}) s'intitule ''{{langue|en|First Impressions}}'' (''Premières impressions''), mais en {{date-|janvier 1813}} le roman est publié par l'éditeur Egerton sous son nom définitif.


Même si l'expression « ''Pride and Prejudice'' » apparaît pour la première fois sous la plume d'[[Edward Gibbon]], dans son ouvrage ''[[Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain|Decline and Fall of the Roman Empire]]''<ref>{{harvsp|Valerie Grosvenor Myer|1997|p=163}}</ref>, et est employée assez couramment à l'époque<ref name="Pierre Goubert 14">Pierre Goubert, Préface à l'édition d'''Orgueil et Préjugés'' en Folio classique {{ISBN|9782070338665}}, p. 14</ref> c'est en hommage à ''[[Cecilia (roman)|Cecilia]]'' de [[Fanny Burney]] (publié en 1782) que Jane Austen aurait finalement retenu ce titre : l'expression ''Pride and Prejudice'' apparaît en effet textuellement dans la conclusion morale du roman de Fanny Burney<ref name="Bradbrook">{{harvsp|Frank W. Bradbrook|1967|p=97}}</ref> où l'on peut lire : {{Citation bloc|''The whole of this unfortunate business, said Dr. Lyster, has been the result of PRIDE and PREJUDICE''<ref>{{harvsp|Robert Morrison|2005|p=32}}</ref>.<br />Toute cette malheureuse affaire, déclara le Dr Lyster, a été le résultat de l'orgueil et des préjugés.|Fanny Burney|Cecilia, chapter X, A Termination<ref>{{ouvrage|auteur=|titre=The British novelists: with an essay, and prefaces, biographical and critical, Volume 42,&nbsp;Partie 3|url=http://books.google.fr/books?id=qzklAAAAMAAJ&pg=PA351&dq=%22The+whole+of+this+unfortunate+business,+said+Dr.+Lyster,+has+been+the+result+of+pride+and+prejudice%22&cd=2#v=onepage&q=%22The%20whole%20of%20this%20unfortunate%20business%2C%20said%20Dr.%20Lyster%2C%20has%20been%20the%20result%20of%20pride%20and%20prejudice%22&f=false|éditeur=F. C. and J. Rivington|année=1820}}, p. 351</ref>.}}
Même si l'expression « ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'' » apparaît pour la première fois sous la plume d'[[Edward Gibbon]], dans son ouvrage ''[[Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain|Decline and Fall of the Roman Empire]]''{{sfn|Valerie Grosvenor Myer|1997|p=163}}, et est employée assez couramment à l'époque<ref name="Pierre Goubert 14">Pierre Goubert, Préface à l'édition d{{'}}''Orgueil et Préjugés'' en Folio classique {{ISBN|978-2-07-033866-5}}, {{p.|14}}</ref> c'est en hommage à ''[[Cecilia (roman)|Cecilia]]'' de [[Fanny Burney]] (publié en 1782) que Jane Austen aurait finalement retenu ce titre : l'expression ''{{langue|en|pride and prejudice}}'' apparaît en effet textuellement dans la conclusion morale du roman de Fanny Burney<ref name="Bradbrook">{{harvsp|Frank W. Bradbrook|1967|p=97}}</ref> où l'on peut lire ça : {{Citation bloc|''The whole of this unfortunate business, said Dr. Lyster, has been the result of PRIDE and PREJUDICE''{{sfn|Robert Morrison|2005|p=32}}.<br />Toute cette malheureuse affaire, déclara le Dr Lyster, a été le résultat de l'orgueil et des préjugés.|Fanny Burney|Cecilia, chapter X, A Termination<ref>{{Ouvrage|auteur=|titre=The British novelists: with an essay, and prefaces, biographical and critical, Volume 42,&nbsp;Partie 3|url=https://books.google.fr/books?id=qzklAAAAMAAJ&pg=PA351&dq=%22The+whole+of+this+unfortunate+business,+said+Dr.+Lyster,+has+been+the+result+of+pride+and+prejudice%22&cd=2#v=onepage&q=%22The%20whole%20of%20this%20unfortunate%20business%2C%20said%20Dr.%20Lyster%2C%20has%20been%20the%20result%20of%20pride%20and%20prejudice%22&f=false|éditeur=F. C. and J. Rivington|année=1820}}, p. 351</ref>.}}


De nombreuses ressemblances existent entre les personnages de ''Pride and Prejudice'' et ceux de ''Cecilia'' : Darcy, sa tante Lady Catherine de Bourgh et Elizabeth Bennet dans le premier roman font penser respectivement à Delvile, son père, et Cecilia Beverley dans le second, dont l'intrigue même offre aussi quelques similitudes avec celle de ''Pride and Prejudice''<ref name="Bradbrook"/>.
De nombreuses ressemblances existent entre les personnages de ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'' et ceux de ''Cecilia'' : Darcy, sa tante Lady Catherine de Bourgh et Elizabeth Bennet dans le premier roman font penser respectivement à Delvile, son père, et Cecilia Beverley dans le second, dont l'intrigue même offre aussi quelques similitudes avec celle de ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}''<ref name="Bradbrook"/>.


Comme pour ''[[Sense and Sensibility]]'' (''Raison et Sentiments''), publié deux ans auparavant, Jane Austen trouve plaisant dans ce titre l'[[allitération]] créée par les consonnes initiales communes, qui renforce cette expression dont les deux mots sont, à l'époque, toujours associés et non, comme on pourrait le croire, mis en balance<ref name="Pierre Goubert 14"/>.
Comme pour ''{{langue|en|[[Sense and Sensibility]]}}'' (''Raison et Sentiments''), publié deux ans auparavant, Jane Austen trouve plaisant dans ce titre l'[[allitération]] créée par les consonnes initiales communes, qui renforce cette expression dont les deux mots sont, à l'époque, toujours associés et non, comme on pourrait le croire, mis en balance<ref name="Pierre Goubert 14"/>.


=== Traductions en français ===
Les traductions françaises, depuis celle - très incomplète et infidèle<ref group="N">Pat Rogers estime que seul un tiers du roman avait en réalité été traduit, en en gommant de plus toute l'impertinence du personnage d'Elizabeth Bennet.</ref>{{,}}<ref name="Todd 171">{{harvsp|Janet M. Todd|2005|p=171}}</ref> - établie par ''La Bibliothèque Britannique'' de Genève entre juillet et octobre 1813<ref name="Todd 170">{{harvsp|Janet M. Todd|2005|p=170}}</ref> sous le titre ''Orgueil et Préjugé'', nombreuses (plus d'une dizaine à ce jour), prouvent l'intérêt précoce pour Jane Austen en France, et le défi qu'elle représente pour le traducteur<ref>{{lien web|url=http://the-inn-at-lambton.cultureforum.net/oeuvres-et-adaptations-f23/pp-quelles-traductions-t31.htm|titre=Quelle traduction ?|site=the-inn-at-lambton.cultureforum.net|consulté le=2 février 2010}}</ref>. D'ailleurs, en dehors des différentes traductions françaises, seule la traduction allemande de 1830, ''Stolz und Vorurtheil'' [sic], a été effectuée au {{s-|XIX|e}}, toutes les autres étant plus tardives<ref name="Rogers xxxiii">{{harvsp|Jane Austen, Pat Rogers|2006|p=xxxiii}}</ref>.
{{article connexe|Traductions de Jane Austen en langue française{{!}}Les traductions de Jane Austen en français}}
Les traductions françaises, depuis celle - très incomplète et infidèle{{note|Dans ''Jane Austen in context'', Valérie Cossy et Diego Saglia estiment que seul un tiers du roman avait en réalité été traduit, en en gommant de plus toute l'impertinence du personnage d'Elizabeth Bennet, conformément aux convenances de l'époque<ref name="Todd 170">{{harvsp|Janet M. Todd|2005|p=170-171}}</ref>|group=N}} - établie par la ''[[Bibliothèque britannique]]'' de [[Genève]] entre juillet et {{date-|octobre 1813}}<ref name="Todd 170"/> sous le titre ''Orgueil et Préjugé'', nombreuses (plus d'une douzaine à ce jour), prouvent l'intérêt précoce pour Jane Austen en France, et le défi qu'elle représente pour le traducteur<ref>{{Lien web|url=http://the-inn-at-lambton.cultureforum.net/oeuvres-et-adaptations-f23/pp-quelles-traductions-t31.htm|titre=Quelle traduction ?|site=the-inn-at-lambton.cultureforum.net|consulté le=2 février 2010}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url=http://the-inn-at-lambton.cultureforum.net/t4918-orgueil-et-prejuges-meilleure-traduction-en-juin-2011|titre=Meilleure traduction en juin 2011|site=the-inn-at-lambton.cultureforum.net|consulté le=6 avril 2012}}</ref>. D'ailleurs, en dehors des différentes traductions françaises, seule la [[Traductions de Jane Austen#Traductions en allemand|traduction allemande de 1830]], ''{{langue|de|Stolz und Vorurtheil}}'' (''[[sic]]''), a été effectuée au {{s-|XIX|e}}, toutes les autres étant plus tardives<ref name="Rogers xxxiii">{{harvsp|Jane Austen, Pat Rogers|2006|p=xxxiii}}</ref>.


Le titre aussi a été diversement traduit en français :
'''Évolution des traductions et de la typographie du titre en français''' :
* ''Orgueil et Prévention : par l'auteur de « Raison et Sensibilité »'', traduit de l'anglais par Mlle E...*** (Eloïse Perks<ref>{{lien web|url=http://www.worldcat.org/oclc/456840863&referer=brief_results |titre=Traduction d'''Orgueil et prévention'' de 1822, Paris : Maradan, réédition de la traduction de 1821 d'Eloïse Perks|site=worldcat.org|consulté le=2 février 2010}}</ref>, « jeune anglaise élevée à Londres »<ref name="Rogers xxxiii"/>) en 1821, chez Pigoreau<ref>[http://books.google.fr/books?id=VwUtAAAAQAAJ&pg=PA135&dq=%22Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9+%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q=%22Orgueil%20et%20pr%C3%A9jug%C3%A9%20%22&f=false Titre ''Orgueil et Prévention'' de 1821]</ref>. Il s'agit là de la première traduction complète de l'œuvre (celle de 1813 ayant supprimé de très nombreux passages<ref name="Todd 171"/>) ;
* ''Orgueil et Prévention : par l'auteur de « Raison et Sensibilité »'', traduit de l'anglais par {{Mlle}} E…*** (Eloïse Perks<ref>{{Lien web|url=http://www.worldcat.org/oclc/456840863&referer=brief_results |titre=Traduction d{{'}}''Orgueil et prévention'' de 1822, Paris : Maradan, réédition de la traduction de 1821 d'Eloïse Perks|site=worldcat.org|consulté le=2 février 2010}}</ref>, « jeune anglaise élevée à Londres »<ref name="Rogers xxxiii"/>) en 1821, chez Pigoreau<ref>[https://books.google.fr/books?id=VwUtAAAAQAAJ&pg=PA135&dq=%22Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9+%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q=%22Orgueil%20et%20pr%C3%A9jug%C3%A9%20%22&f=false Titre ''Orgueil et Prévention'' de 1821]</ref>. Il s'agit là de la première traduction complète de l'œuvre (celle de 1813 ayant simplement résumé de très nombreux passages<ref name="Todd 171">{{harvsp|Janet M. Todd|2005|p=171}}</ref>) ;
* ''Orgueil et Préjugé : par l'auteur de « Raison et sensibilité »'', Paris, chez J.-J. Paschoud, en 1822 (sans nom de traducteur) ;

* ''Orgueil et Préjugé : par l'auteur de « Raison et sensibilité »'', Paris, chez J.-J. Paschoud, en 1822 (sans nom de traducteur) ; ce titre, au singulier, a été repris dans de nombreuses reparutions ultérieures récentes<ref>{{lien web|url=http://books.google.fr/books?id=O7zAOwAACAAJ&dq=%22Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9+%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0&source=gbs_book_other_versions_r&cad=2|titre=''Orgueil et Préjugé'', jusqu'en 2005}}</ref> ;
* ''Les Cinq Filles de Mrs Bennet''<ref group="N">Ce titre en évoque un autre beaucoup plus célèbre : [[Les Quatre Filles du docteur March]], de [[Louisa May Alcott]].</ref>, à Paris, chez [[Plon]] en 1932. Cette traduction de Valentine Leconte et Charlotte Pressoir, élégante mais non intégrale, est régulièrement rééditée en [[10/18]], mais avec le titre ''Orgueil et Préjugés''<ref>{{Lien web|url=https://books.google.fr/books?id=BWs3PwAACAAJ&dq=Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9s&hl=fr&ei=bqtRTdWmD8yxhAeQr4TKCA&sa=X&oi=book_result&ct=book-thumbnail&resnum=1&ved=0CDMQ6wEwAA|titre=Edition 10/18, avec la traduction de 1932}}</ref> ;
* ''Orgueil et préjugés'', pour la traduction d'Eugène Rocart en 1945 (Éditions La Boétie, Bruxelles) et celle de Jean Privat en 1946 (aux Éditions des Loisirs, reprise par [[éditions de l'Archipel|Archipoche]] en 2010)<ref>{{Ouvrage|auteur=Jane Austen|titre=Orgueil et préjugés|traducteur=Jean Privat|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=FThEQwAACAAJ&dq=Jean+Privat+Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9s&hl=fr&ei=4FhoTLzTOtOQjAfZoMXUBA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CC4Q6AEwAA|année=1946|pages=381}}, réédité chez Archipoche en 2010 {{ISBN|978-2-35287-168-2}}</ref> ;

* ''Orgueil et Préventions'', traduction de R. Shops et A.-V. Séverac en 1946 à Bruxelles (« Le Carrefour ») illustrée par Charles Smets ;
* ''Les Cinq Filles de Mrs Bennet'', à Paris, chez Plon en 1932. Cette dernière traduction, de Valentine Leconte et Charlotte Pressoir, élégante mais non intégrale, est fréquemment rééditée avec le titre ''Orgueil et Préjugés''<ref>{{lien web|url=http://books.google.fr/books?lr=&as_brr=0&q=Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9s+Lecomte+et+Pressoir&btnG=Chercher+des+livres|titre=Editions avec la traduction de 1932}}</ref> ;
* ''L'Orgueil et le Préjugé'', traduction de [[Jules Castier]], aux [[éditions Stock]], en 1947<ref>{{Ouvrage|auteur=Jane Austen|titre=L'Orgueil et le Préjugé|traducteur=[[Jules Castier]]|url=https://books.google.fr/books?id=OOKROgAACAAJ&dq=L%27Orgueil+et+le+pr%C3%A9jug%C3%A9%22|année=1947|pages=365}}</ref> ;

* ''Orgueil et préjugés'', traduction pour la jeunesse de Germaine Lalande, avec des illustrations de M. L. Blondi, chez Hazar à Paris, en 1948 ;
* ''L'Orgueil et le Préjugé'', traduction de Jules Castier, aux éditions Stock, en 1947<ref>{{ouvrage|auteur=Jane Austen|titre=L'Orgueil et le Préjugé|trad=Jules Castier|url=http://books.google.fr/books?id=OOKROgAACAAJ&dq=L%27Orgueil+et+le+pr%C3%A9jug%C3%A9%22|année=1947|pages=365}}</ref>...
* ''Orgueil et préjugés'', traduction de Luce Clarence en 1954, chez Tallandier, à Paris, collection « Les Heures Bleues » ;

* ''Orgueil et Préjugé'', dans la traduction de Jean Paul Pichardie, en 2000, pour ''La Pléiade''<ref>{{ouvrage|auteur=Jane Austen|titre=Orgueil et Oeuvres romanesques complêtes volume 1, ''Orgueil et préjugé''|trad=Jean-Paul Pichardie|url=http://books.google.com/books?id=_cp3PwAACAAJ&dq=jane+austen+oeuvres+romanesques+completes&hl=fr&cd=1|édition=Gallimard|collection=Bibliothèque de La Pléiade|année= 2000|pages =1111|isbn=9782070113231}}</ref>
* Jean Paul Pichardie, en 2000, reprend le titre ''Orgueil et préjugé'', pour sa traduction dans [[Bibliothèque de la Pléiade|La Pléiade]]<ref>{{Ouvrage|auteur=Jane Austen|titre=Œuvres romanesques complètes volume 1, ''Orgueil et préjugé''|traducteur=Jean-Paul Pichardie|url=https://books.google.com/books?id=_cp3PwAACAAJ&dq=jane+austen+oeuvres+romanesques+completes&hl=fr&cd=1|éditeur=Gallimard|collection=Bibliothèque de La Pléiade|année= 2000|pages =1111|isbn=978-2-07-011323-1}}</ref> comme Béatrice Vierne, en 2004 aux Éditions du Serpent à plumes<ref>{{Ouvrage|auteur=Jane Austen|titre=Orgueil et préjugé|traducteur=Béatrice Vierne|url=https://books.google.fr/books?id=WBeqAAAACAAJ&dq=%22Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9+%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0&source=gbs_book_other_versions_r&cad=2|année=2004|pages=622|isbn=978-2-907573-04-7}}</ref> (rééditée en 2006 par les [[Éditions du Rocher]] dans la série ''Motifs'') ;
* Les traductions plus récentes, celle de Pierre Goubert<ref>{{Lien web|url=http://www.decitre.fr/livres/Orgueil-et-prejuges.aspx/9782070338665|titre= ''Orgueil et préjugés'' en Folio|site=Librairie Decitre}}</ref> en 2007 pour [[Gallimard#Collections et filiales|Folio Classique]]<ref>''Orgueil et préjugés'', traduction Pierre Goubert, Gallimard 2007, Collection Folio Classique {{n°|4573}} {{ISBN|978-2-07-033866-5}}</ref>, celle de Laurent Bury en 2010 pour [[Garnier Frères|GF]]-[[Groupe Flammarion|Flammarion]]<ref>{{Lien web|url=http://www.decitre.fr/livres/Orgueil-et-prejuges.aspx/9782081229518|titre=''Orgueil et préjugés''|isbn=978-2-08-122951-8|site=Librairie Decitre}}</ref>, et celle de Sophie Chiari en 2011 pour [[Le Livre de poche]]<ref>{{Lien web|url=http://www.decitre.fr/livres/Orgueil-et-prejuges.aspx/9782253088905|titre=''Orgueil et préjugés''|isbn=978-2-253-08890-5|site=Librairie Decitre}}</ref>, reprennent toutes le titre ''Orgueil et préjugés''.

* La traduction de Michel Laporte, pour le Livre de Poche jeunesse (édition condensée, 2011)<ref>{{Lien web|url=http://www.livredepochejeunesse.com/Orgueil-et-prejuges.html|titre=''Orgueil et préjugés'', 3e/2nde|site=Le Livre de poche jeunesse}}</ref>, garde aussi ce titre, mais en remettant une majuscule à ''Préjugés''<ref group="N">Respectant ainsi les règles classiques de typographie, en usage pour les [[Usage des majuscules en français#Titres d’œuvres ou de périodiques|titres constitués de substantifs]] énumérés ou mis en opposition.</ref>.
* ''Orgueil et Préjugé'', encore pour la traduction de Béatrice Vierne, au Serpent à plumes, en 2004<ref>{{ouvrage|auteur=Jane Austen|titre=Orgueil et préjugé|trad=Béatrice Vierne|url=http://books.google.fr/books?id=WBeqAAAACAAJ&dq=%22Orgueil+et+pr%C3%A9jug%C3%A9+%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0&source=gbs_book_other_versions_r&cad=2|année=2004|pages=622|isbn=9782907573047}}</ref>

*La traduction de Pierre Goubert, parue en 2007<ref>''Orgueil et Préjugés'', traduction Pierre Goubert, Gallimard 2007, Collection Folio & Folio Classique n° 4573 {{ISBN|9782070338665}}</ref>, reprend le titre ''Orgueil et Préjugés''<ref>{{lien web|url=http://www.decitre.fr/livres/Orgueil-et-prejuges.aspx/9782070338665|titre= Orgueil et Préjugés'' en Folio|site=Librairie Decitre}}</ref>.


== Publication et accueil de l'œuvre ==
== Publication et accueil de l'œuvre ==
=== Le manuscrit ===
=== Le manuscrit ===
Écrit entre octobre 1796 et août 1797, dans une période d'intenses débats d'idées, ''First Impressions'' devient très vite le favori de la famille lors des lectures du soir, au point que, le 1{{er}} novembre 1797, Mr Austen adresse un courrier à l'éditeur londonien bien connu, Thomas Cadell, lui proposant de lui envoyer le manuscrit pour publication. Sans doute cependant sa description de l'ouvrage est-elle trop succincte, ou trop peu convaincante, puisque sa lettre lui revient avec la mention « refusé par retour du courrier » (''declined by Return of Post'')<ref name="Le Faye 178">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=178}}</ref>.
Écrit entre {{date-|octobre 1796}} et {{date-|août 1797}}, dans une période d'intenses débats d'idées, ''First Impressions'' devient très vite le favori de la [[Jane Austen#Famille|famille Austen]] lors des lectures du soir. Le {{date-|1 novembre 1797}}, [[George Austen]], le père de Jane, adresse un courrier à l'éditeur londonien bien connu Thomas Candell, lui proposant de lui envoyer le manuscrit pour publication. Sans doute cependant sa description de l'ouvrage est-elle trop succincte et peu convaincante, puisque sa lettre lui revient avec la mention « refusé par retour du courrier » (''declined by Return of Post'')<ref name="Le Faye 178">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=178}}</ref>.


Le manuscrit, qui reste tout d'abord l'objet de nombreuses relectures familiales, demeure ensuite en sommeil pendant une quinzaine d'années, jusqu'à la publication et le succès d'estime de ''[[Sense and Sensibility]]'' (''Raisons et Sentiments''), en 1811. Jane Austen reprend son roman entre mai 1811 et l'automne 1812<ref group="N">Cependant dans {{ouvrage|titre=[http://books.google.fr/books?id=hW-OXDSc3rAC&pg=PA147&dq=&as_brr=3&cd=14#v=onepage&q=&f=false. A Jane Austen Encyclopedy]}} paru en 1998, Paul Poplawski, à l'article « ''First Impressions'' » n'exclut pas la possibilité que Jane Austen ait déjà retravaillé son manuscrit avant 1811.</ref>, et change son titre de ''First Impressions'' pour ''Pride and Prejudice'', car en 1801 est sorti un roman de Mrs Holford, lui-même intitulé ''First Impressions''<ref name="Le Faye 178"/>.
On continue après ce refus à relire souvent le manuscrit en famille, puis il reste en sommeil pendant une quinzaine d'années jusqu'à la publication et au succès d'estime de ''[[Sense and Sensibility]]'' (''Raisons et Sentiments''), en 1811. Jane Austen reprend son roman entre {{date-|mai 1811}} et l'automne 1812<ref group="N">Cependant dans {{Ouvrage|titre=[https://books.google.fr/books?id=hW-OXDSc3rAC&pg=PA147&dq=&as_brr=3&cd=14#v=onepage&q=&f=false. A Jane Austen Encyclopedy]}} paru en 1998, Paul Poplawski, à l'article « ''First Impressions'' » n'exclut pas la possibilité que Jane Austen ait déjà retravaillé son manuscrit avant 1811.</ref>, et change son titre, ''First Impressions'' en ''Pride and Prejudice'', car en 1801 est sorti un roman de Mrs Holford, lui-même intitulé ''First Impressions''<ref name="Le Faye 178"/>.


Comme rien ne subsiste du manuscrit originel, on en est réduit aux conjectures. Le grand nombre de lettres dans le roman définitif fait supposer que ''First Impressions'' était un [[roman épistolaire]]<ref>Théorie défendue entres autres dans « Character and Caricature in Jane Austen » de D.W. Harding in ''Critical Essays on Jane Austen'' (Edition B.C. Southam, Londres 1968) et par Brian Southam dans {{ouvrage|titre=[http://books.google.fr/books?id=vr8dGZgsAsUC&pg=PA58&dq=&as_brr=3&cd=7#v=onepage&q=false ''Jane Austen's Literary Manuscripts'']}} (2001)</ref>. La présentation en trois tomes et l'abondance des dialogues et des coups de théâtre évoquent la comédie<ref group="N">Walton Litz, ''Jane Austen, A Study of her Artistic Development'' (1965) rapproche l'intrigue de ''[[Beaucoup de bruit pour rien]]'', de [[William Shakespeare]] et les personnages de Darcy et Elizabeth de Bénédict et Béatrice. Laurie Kaplan dans {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol26no1/kaplan.htm|titre=''The Two Gentlemen of Derbyshire''|site= JASNA, 2005}}, compare le comportement de Darcy et Wickham à celui des ''Deux Gentilhommes de Vérone'' du même auteur.</ref>, et de nombreux passages sont construits comme de vraies scènes de théâtre<ref group="N">Par exemple ({{harvsp|Jane Austen|1853|p=92}}) la déclaration de Mr Collins. Dailleurs le chapitre 19 commence par ces mots : « ''The next day opened a new scene at Longbourn'' » (le lendemain se leva sur une nouvelle scène à Longbourn)</ref>.
Comme rien ne subsiste du manuscrit originel, on en est réduit aux conjectures. Le grand nombre de lettres dans le roman définitif fait supposer que ''First Impressions'' était un [[roman épistolaire]]<ref group="N">Théorie défendue, entre autres, dans « Character and Caricature in Jane Austen » de [[Denys W. Harding|D.W. Harding]] in ''Critical Essays on Jane Austen'' (Edition B.C. Southam, Londres 1968) et par Brian Southam dans {{Ouvrage|titre=[https://books.google.fr/books?id=vr8dGZgsAsUC&pg=PA58&dq=&as_brr=3&cd=7#v=onepage&q=false ''Jane Austen's Literary Manuscripts'']}} (2001)</ref>. La présentation en trois tomes et l'abondance des dialogues et des coups de théâtre évoquent la comédie{{note|Walton Litz, dans ''Jane Austen, A Study of her Artistic Development'' (1965) rapproche l'intrigue de ''[[Beaucoup de bruit pour rien]]'', de [[William Shakespeare]] et les personnages de Darcy et Elizabeth de Bénédict et Béatrice. Laurie Kaplan, compare le comportement de Darcy et Wickham à celui des ''[[Les Deux Gentilshommes de Vérone|Deux Gentilshommes de Vérone]]'' du même auteur<ref name="Kaplan05">{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol26no1/kaplan.htm|auteur=Laurie Kaplan|titre=''The Two Gentlemen of Derbyshire: Nature vs. Nurture''|site= JASNA|année=2005}}</ref>.|group=N}}, et de nombreux passages sont construits comme de vraies scènes de théâtre{{note|Par exemple, la déclaration de Mr Collins. D'ailleurs le chapitre 19 commence par ces mots : {{citation étrangère|langue=en|The next day opened a new scene at Longbourn}} (le lendemain se leva sur une nouvelle scène à Longbourn){{sfn|Jane Austen|1853|p=92}}.|group=N}}.


Jane Austen fait simplement remarquer à sa sœur [[Cassandra Austen|Cassandra]], dans la lettre datée du 29 janvier 1813, qui contient ses premières réactions sur l'ouvrage imprimé, qu'elle a « si bien réussi à élaguer et tailler » son manuscrit (selon son expression « ''I have lop't and crop't so successfully'' »)<ref name="Le Faye 178"/> qu'elle « pense qu'il doit être plutôt plus court que ''Sense and Sensibility'' ».
Jane Austen fait simplement remarquer à sa sœur [[Cassandra Austen|Cassandra]], dans la lettre datée du {{date-|29 janvier 1813}}, qui contient ses premières réactions sur l'ouvrage imprimé, qu'elle a « si bien réussi à élaguer et tailler » son manuscrit (selon son expression « ''I have lop't and crop't so successfully'' »)<ref name="Le Faye 178"/> qu'elle « pense qu'il doit être plutôt plus court que ''Sense and Sensibility'' ».


=== Parution et accueil ===
=== Parution et accueil ===
[[Fichier:Austen - Orgueil et Préjugé.djvu |thumb|left|upright=0.8|Première traduction française (d'extraits) 1813]]
[[Fichier:Austen - Orgueil et Préjugé.djvu|vignette|gauche|alt=Première page de revue, précisant le n°, l'année, et qu'elle contient des extraits littéraires|upright=0.8|Première traduction française (d'extraits) 1813]]
==== Premiers succès ====
Elle propose le manuscrit à un autre éditeur londonien, Thomas Egerton, de Whitehall. Elle en demandait {{nombre|150|[[Livre sterling|livres sterling]]}}, il l'accepte pour {{nombre|110|livres}}. Publié anonymement (« par l'auteur de ''Sense and Sensibility'' »{{note|Cependant, comme l'auteur de ''Sense and Sensibility'' était « ''A Lady'' », les lecteurs savent qu'il s'agit aussi d'un roman écrit par une femme. Mais il aurait été inconvenant qu'une dame respectable signât de son nom un ouvrage destiné à la vente rappelle [[Deirdre Le Faye]]{{sfn|Deirdre Le Faye|2003|p=35}}.|group=N}}, le roman sort à la fin du mois de {{date-|janvier 1813}}, en trois volumes ({{langue|en|''three-decker''}}, roman « à trois-ponts »), pour un prix total de 18 shillings<ref name="Le Faye 179">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=179}}</ref>.
Jane Austen suit de près la parution de son « cher enfant » dont elle a reçu un exemplaire le {{date-|27 janvier}}<ref group="N">Elle en parle dans sa lettre du 29 janvier 1813 à Cassandra, où elle raconte aussi comment elle s'est amusée à mystifier Miss Benn {{citation|qui a l'air d'admirer Elizabeth}} en lui lisant le début du roman, sans dire qu'elle en était l'auteur. C'est là aussi que se trouve le jugement qu'elle porte sur son héroïne : {{citation étrangère|lang=en|I must confess that I think her as delightful a creature as ever appeared in print}} ({{citation|Je dois avouer que je pense qu'elle est la plus délicieuse créature jamais apparue sur papier}})</ref>.


Le succès est plus grand que celui de ''{{langue|en|Sense and Sensibility}}'' et la première édition de {{nombre|1500|exemplaires}} est épuisée au bout de six mois. Une deuxième sort en novembre, en même temps qu'une seconde de ''{{langue|en|Sense and Sensibility}}''. Il y en aura une troisième en 1817. Ce succès est cependant relatif : les mille exemplaires de la première édition du roman historique de [[Walter Scott]] ''[[Waverley (roman)|Waverley]]'' sont épuisés en deux jours, et il est réédité quatre fois dans la seule année 1814 et ''[[Rob Roy (roman)|Rob Roy]]'', du même auteur, se vend à dix mille exemplaires en quinze jours en 1817<ref name="Bury 12">''Orgueil et préjugés'', traduction et présentation par Laurent Bury, GF-Flammarion, {{ISBN|978-2-08-122951-8}} {{p.|12}}</ref>.
Elle propose le manuscrit à un autre éditeur londonien, Thomas Egerton, de Whitehall. Elle en demandait 150 livres sterling, il l'accepte pour 110 livres. Publié anonymement (« par l'auteur de ''Sense and Sensibility'' »<ref group="N">Cependant, comme l'auteur de ''Sense and Sensibility'' était « ''A Lady'' », les lecteurs savent qu'il s'agit aussi d'un roman écrit par une femme. Mais il aurait été inconvenant qu'une dame respectable signât de son nom un ouvrage destiné à la vente. {{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=35}}</ref>), le roman sort à la fin du mois de janvier 1813, en trois volumes, pour un prix total de 18 shillings<ref name="Le Faye 179">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=179}}</ref>.
Jane Austen suit de près la parution de son « cher enfant » dont elle a reçu un exemplaire le 27 janvier<ref group="N">Elle en parle dans sa lettre du 29 janvier 1813 à Cassandra, où elle raconte aussi comment elle s'est amusée à mystifier Miss Benn « qui a l'air d'admirer Elizabeth » en lui lisant le début du roman, sans dire qu'elle en était l'auteur. C'est là aussi que se trouve le jugement qu'elle porte sur son héroïne : « ''I must confess that I think her as delightful a creature as ever appeared in print'' » (« Je dois avouer que je pense qu'elle est la plus délicieuse créature jamais apparue sur papier »)</ref>.


Les amateurs de romans « [[Réalisme (littérature)#Le réalisme en Grande-Bretagne|réalistes]] » apprécient. En mai, [[Anne Isabella Milbanke|Annabella Milbanke]] (la future Lady [[George Gordon Byron|Byron]]) en fait une critique élogieuse, et conseille le livre à sa mère. [[Mary Russell Mitford]] est beaucoup plus réservée{{note|Dans une lettre à Sir William Elford, le 20 décembre 1814, elle critique le manque de goût d'Elizabeth et admire sans réserve le personnage de Darcy, qui « aurait dû épouser Jane »<ref>Citée par {{harvsp|Robert Morrison|2005|p=58}}</ref>.|group=N}}. Un article publié en octobre 1815 dans la ''[[Quarterly Review]]'', qui est aussi le premier article à paraître dans cette revue concernant l'œuvre de Jane Austen, loue la profondeur de la connaissance du cœur humain et la « dextérité dans l'exécution »<ref name="Henri Plard">« À propos de ''Persuasion'' » par Henri Plard dans Jane Austen, Romans, Tome II, collection Omnibus, 1996, {{p.|1000}} {{ISBN|9782258045101}}</ref>, de cet auteur anonyme dont certains se demandent s'il s'agit vraiment d'une femme, compte tenu de ses qualités de style, et malgré sa bonne connaissance de la psychologie féminine<ref name="Bury 12"/>.
Le succès est plus grand que celui de ''Sense and Sensibility'' et la première édition de {{formatnum:1500}} exemplaires est assez vite épuisée. Une deuxième sort en novembre, en même temps qu'une seconde de ''Sense and Sensibility''.
[[Sir Walter Scott]], fervent admirateur de Jane Austen, dont il louait la faculté d'étudier une réalité banale et d'en faire ressortir la véritable nature, note le {{date-|26 mars 1826}} dans son journal : {{citation|Ai relu, au moins pour la troisième fois, le roman si finement écrit de Miss Austen}}<ref>{{Lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/janeart.html#austart3|titre=La réputation littéraire de Jane Austen|site=Pemberley.com}}</ref> ajoutant : {{citation|Cette jeune dame a, pour décrire les complications, les sentiments et les caractères de la vie commune, un talent qui, à mon goût, est le plus admirable que j'ai rencontré. Car le style à grand fracas, j'y réussis moi-même aussi bien que quiconque, mais cette touche exquise qui rend intéressantes des choses et des personnes quelconques ou triviales, par la seule vérité de la description et du sentiment m'est refusé. Quel dommage qu'une créature aussi douée soit morte si tôt !}}<ref name="Henri Plard"/>.


La première traduction en français (abrégée et anonyme), ''Orgueil et Préjugé'', paraît à Genève à la [[Bibliothèque britannique]] dès {{date-|juillet 1813}}, suivie en 1822 de celle d'E. Perks, ''Orgueil et Prévention''<ref>Numérisée par la [[Bibliothèque nationale de France|BnF]], réf. NUMM 132045.</ref>. La réédition anglaise de 1817, la traduction allemande de 1830 (''{{langue|de|Stolz und Vorurtei}}l'') et la première édition américaine de 1832<ref group="N">Parution en 1832, avec comme titre : ELIZABETH BENNET; OR, PRIDE AND PREJUDICE : A NOVEL IN TWO VOLUMES. BY THE AUTHOR OF "SENSE AND SENSIBILITY" &c. ({{harvsp|Robert Morrison|2005|p=3}})</ref> ne comportent toujours pas de nom d'auteur. Il faut attendre 1833 pour qu'apparaisse le nom de l'auteur en Angleterre, dans l'édition en deux volumes des ''Standard Novels Series'' de [[Richard Bentley (éditeur)|Richard Bentley]]. Sa discrétion<ref group="N">Elle aurait, par exemple, refusé de rencontrer [[Germaine de Staël|Madame de Staël]] qui souhaitait la voir quand elle était à Londres (durant 1813 et jusqu'au printemps 1814), anecdote citée par {{M.}} Clément dans un article de 1908 : [[s:fr:Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen|Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen]]<br />Voir aussi {{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number13/viveash.htm|titre=Jane Austen and Madame de Staël|site=JASNA, 1991}}</ref> et celle de sa famille, ainsi que sa mort prématurée, l'ont desservie, et la période romantique l'a quelque peu méprisée.
Les amateurs de romans « [[Réalisme (littérature)#Le réalisme en Grande-Bretagne|réalistes]] » apprécient. En mai, [[Anne Isabella Milbanke|Annabella Milbanke]] (la future Lady [[George Gordon Byron|Byron]]) en fait une critique élogieuse, et conseille le livre à sa mère. [[Mary Russell Mitford]] est beaucoup plus réservée<ref group="N">Dans une lettre à Sir William Elford, le 20 décembre 1814, elle critique le manque de goût d'Elizabeth et admire sans réserve le personnage de Darcy, qui « aurait dû épouser Jane » (Citée par {{harvsp|Robert Morrison|2005|p=58}}</ref>. Le premier article publié sur son œuvre, dans la ''[[Quarterly Review]]'' en octobre 1815, loue la profondeur de sa connaissance du cœur humain et sa « dextérité dans l'exécution »<ref name="Henri Plard">« À propos de ''Persuasion'' » par Henri Plard dans Jane Austen, Romans, Tome II, collection Omnibus, 1996, p.1000 {{isbn|9782258045101}}</ref>. Et [[Sir Walter Scott]], fervent admirateur de Jane Austen, dont il louait la faculté d'étudier une réalité banale et d'en faire ressortir la véritable nature, note le 26 mars 1826 dans son Journal : « Ai relu, au moins pour la troisième fois, le roman si finement écrit de Miss Austen »<ref>{{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/janeart.html#austart3|titre=La réputation littéraire de Jane Austen|site=Pemberley.com}}</ref> ajoutant : « Cette jeune dame a, pour décrire les complications, les sentiments et les caractères de la vie commune, un talent qui, à mon goût, est le plus admirable que j'ai rencontré. Car le style à grand fracas, j'y réussis moi-même aussi bien que quiconque, mais cette touche exquise qui rend intéressantes des choses et des personnes quelconques ou triviales, par la seule vérité de la description et du sentiment m'est refusé. Quel dommage qu'une créature aussi douée soit morte si tôt ! »<ref name="Henri Plard"/>.


[[Fichier:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu|alt=En gros, sous le nom de l'auteur, le titre français, en plus petit, le titre anglais, puis le nom des traductrices|vignette|upright=0.8|Page de titre de l'édition française de 1932.]]
Une traduction partielle en français (anonyme) ''Orgueil et Préjugé'' paraît à Genève à la [[Bibliothèque britannique]] en 1813, puis une autre en 1822, ''Orgueil et Prévention''. La réédition anglaise de 1817 et la première édition américaine de 1832<ref group="N=>Parution en 1832, avec comme titre : ELIZABETH BENNET; OR, PRIDE AND PREJUDICE : A NOVEL IN TWO VOLUMES. BY THE AUTHOR OF "SENSE AND SENSIBILITY" &c. (Robert Morrison, ''A Source Book'', p. 3)</ref> ne comportent toujours pas le nom de l'auteur. Il faut attendre 1853 pour que le texte soit réédité en Angleterre, en deux volumes, avec le nom de l'auteur. Sa discrétion<ref group="N">Elle a, par exemple, refusé de rencontrer [[Mme de Staël]] qui souhaitait la voir quand elle était à à Londres en 1813 et jusqu'au printemps 1814, anecdote citée par M. Clément dans un article de 1908 : [[s:fr:Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen| Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen]]<br />Voir aussi {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number13/viveash.htm|titre=Jane Austen and Madame de Staël|site=JASNA, 1991}}</ref> et celle de sa famille, ainsi que sa mort prématurée, l'ont desservie, et la période romantique l'a quelque peu méprisée.


==== L'éclipse romantique ====
[[Fichier:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu|thumb|upright=0.8|Page de titre de l'édition française de 1932]]
Ainsi [[Charlotte Brontë]] ne comprend pas pourquoi [[George Henry Lewes|George Lewes]]<ref group="N">George Henry Lewes (1817-1878), philosophe et critique littéraire et théâtral réputé à l'époque, écrit en 1852 {{citation|Elle fait parler et agir ses personnages comme ils parlent et agissent dans la vie de tous les jours, et elle est la seule artiste à avoir fait cela avec succès et de façon agréable.}} (cité par B. C. Southam in ''Jane Austen, the Critical Heritage'') et, en 1859, insiste dans le ''[[Blackwood's Magazine]]'' sur l'intérêt renouvelé pour ses écrits, contrairement à ceux d'autres auteurs, célèbres en leur temps, mais tombés dans l'oubli depuis.</ref> aime tant cet auteur et ce roman. Elle-même n'y a vu que {{citation|la photographie exacte d'une figure banale, un jardin parfaitement entretenu, soigneusement clôturé, aux bordures nettes, avec des fleurs fragiles ; mais pas l'once d'une physionomie lumineuse et enjouée, pas de campagne ni d'air frais, ni de collines bleues, ni de plaisant ruisseau}}. Elle n'aimerait pas trop {{citation|vivre avec ses personnages dans leurs maisons élégantes mais confinées}}<ref>Lettre du 12 janvier 1848, citée dans {{Lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/janeart.html#charlottebronte|titre=Charlotte Brontë's letters|site=Pemberley.com}}</ref>.


La « traversée du désert » continue une partie du siècle : ses détracteurs sont souvent féroces{{sfn|Nicholas Marsh|1998|p=245|loc=Ch. 10 : A Sample of Critical Views}}. [[D.H. Lawrence]] la considère comme une vieille fille mesquine et snob, et [[Mark Twain]] écrit le {{date-|13 septembre 1898}} : {{citation|Chaque fois que je lis ''Pride and Prejudice'', je n'ai qu'une envie : la déterrer et lui frapper le crâne avec son propre tibia}} ou encore, le {{date-|18 janvier 1909}}, que la prose de Jane Austin (''[[sic]]'') est « illisible » {{sfn|Lydia Martin|2007|p=183-184}}. L'écrivain britannique [[Arthur Machen]] est aussi sévère, affirmant dans ''Hieroglyphics: A Note upon Ecstasy in Literature'', publié en 1902, que {{citation|Jane Austen est à Sophocle ce qu'une porcherie est à une cathédrale}}<ref>Cité par Laurent Bury dans sa présentation d{{'}}''Orgueil et préjugés'', édition GF Flammarion, 2010, {{p.|8}}.</ref>.
Ainsi [[Charlotte Brontë]] ne comprend pas pourquoi [[George Henry Lewes|George Lewes]]<ref group="N"> George Henry Lewes (1817-1878), philosophe et critique littéraire et théâtral réputé à l'époque, écrit en 1852 « Elle fait parler et agir ses personnages comme ils parlent et agissent dans la vie de tous les jours, et elle est la seule artiste à avoir fait cela avec succès et de façon agréable. » (cité par B. C. Southam in ''Jane Austen, the Critical Heritage'') et en 1859 insiste dans le ''[[Blackwood's Magazine]]'' sur l'intérêt renouvelé pour ses écrits, contrairement à ceux d'autres auteurs, célèbres en leur temps, mais tombés dans l'oubli depuis.</ref> aime tant cet auteur et ce roman. Elle-même n'y a vu que « la photographie exacte d'une figure banale, un jardin parfaitement entretenu, soigneusement clôturé, aux bordures nettes, avec des fleurs fragiles ; mais pas l'once d'une physionomie lumineuse et enjouée, pas de campagne ni d'air frais, ni de collines bleues, ni de plaisant ruisseau ». Elle n'aimerait pas trop « vivre avec ses personnages dans leurs maisons élégantes mais confinées »<ref>Lettre du 12 janvier 1848, citée dans {{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/janeart.html#charlottebronte|titre=Charlotte Brontë's letters|site=Pemberley.com}}</ref>.


En 1870 cependant ''[[A Memoir of Jane Austen]]'', publié par son neveu [[James Edward Austen-Leigh]], relance l'intérêt pour l'œuvre comme pour l'auteur. La critique française la découvre alors et s'intéresse à son œuvre : Léon Boucher, en 1878, écrit dans la ''[[Revue des deux Mondes]]''<ref>Léon Boucher, [[s:fr:Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen|Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen]]</ref> : {{citation|Si ses contemporains autrefois célèbres eurent du talent, elle seule eut du génie}}, et n'hésite pas à la comparer à [[Flaubert]]. En 1908, {{M.}} Clément<ref>Revue philosophique de Bordeaux et du Sud Ouest, janvier-février 1908 : [[s:fr:Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen|Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen]]</ref> la compare à [[Anatole France]] et {{citation|évoque son charme si subtil qu'on ne le goûte qu'en la lisant et la relisant}}. Il fait une brève analyse de ''Orgueil et Parti Pris'' dont {{citation|les personnages n'ont rien d'exceptionnel, sinon la puissance avec laquelle ils sont créés par l'artiste qui s'en amuse}}.
La « [[traversée du désert]] » continue une partie du siècle : ses détracteurs sont souvent féroces<ref>{{harvsp|Nicholas Marsh|2005|p=245}} Chapitre 10 : A Sample of Critical Views</ref>. [[D.H. Lawrence]] la considère comme une vieille fille mesquine et snob, et [[Mark Twain]] écrit le 13 septembre 1898 : « Chaque fois que je lis ''Pride and Prejudice'', je n'ai qu'une envie : la déterrer et lui frapper le crâne avec son propre tibia » ou encore, le 18 janvier 1909, que la prose de Jane Austin (sic) est « illisible »<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=183-184}}</ref>.


==== Le succès grandissant ====
En 1870 ''[[A Memoir of Jane Austen]]'', publié par son neveu [[James Edward Austen-Leigh]], relance l'intérêt pour l'œuvre comme pour l'auteur. La critique française la découvre alors et s'intéresse à son œuvre : Léon Boucher, en 1878, écrit dans ''[[La Revue des Deux Mondes]]''<ref>[[s:fr:Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen|Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen]]</ref> : « Si ses contemporains autrefois célèbres eurent du talent, elle seule eut du génie », et n'hésite pas à la comparer à [[Flaubert]]. En 1908, M. Clément<ref>Revue philosophique de Bordeaux et du Sud Ouest, janvier-février 1908 [[s:fr:Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen| Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen]]</ref> la compare à [[Anatole France]] et « évoque son charme si subtil qu'on ne le goûte qu'en la lisant et la relisant ». Il fait une brève analyse de ''Orgueil et Parti Pris'' dont « les personnages n'ont rien d'exceptionnel, sinon la puissance avec laquelle ils sont créés par l'artiste qui s'en amuse ».
Le {{s-|XX|e}} lui rend finalement justice. [[William Dean Howells]], [[Henry James]] et [[Rudyard Kipling]] l'admirent beaucoup. [[Virginia Woolf]] la compare à [[Shakespeare]]. Dans le monde anglo-saxon le [[chef-d'œuvre]] de Jane Austen, continue à jouir d'une popularité considérable par son intrigue romanesque{{sfn|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=ix}} aux rebondissements nombreux, soigneusement construite et prenante{{sfn|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=viii}}, mais aussi par la vivacité du style, l'ironie mordante ou malicieuse de l'auteur{{sfn|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=xvi-xvii}} et son humour plein d'imprévu{{sfn|Peter Knox-Shaw|2004|p=90}}, que les traductions peinent à rendre.


Le {{s-|XX|e}} lui rend finalement justice. [[William Dean Howells]], [[Henry James]] et [[Rudyard Kipling]] l'admirent beaucoup. [[Virginia Woolf]] la compare à [[Shakespeare]]. La vivacité du style, l'ironie mordante ou malicieuse de l'auteur, la force de caractère, la vivacité d'esprit et l'énergie d'[[Elizabeth Bennet|Elizabeth]] parlent aux lecteurs modernes. D'abord ceux qui, comme elle, ont vécu une période de guerre<ref group="N">[[Winston Churchill]] choisit ''Pride and Prejudice'' comme livre de chevet en 1943 quand il soignait sa pneumonie au cours du [[Blitz]], pendant la [[seconde guerre mondiale]] </ref> puis, plus récemment, ceux qui ont découvert ''Orgueil et Préjugés'' à travers ses nombreuses rééditions, ou ses adaptations au cinéma et à la télévision<ref>{{harvsp|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=xvi-xxiii}}</ref>. On ne compte plus les études<ref>{{harvsp|Laura et Robert Lambdin|2000|p=45-56}}</ref>sur l'auteur et sur le plus célèbre de ses romans<ref group="N">Dans {{ouvrage|titre=[http://books.google.fr/books?id=hW-OXDSc3rAC&pg=PA147&dq=&as_brr=3&cd=14#v=onepage&q=&f=false. ''A Jane Austen Encyclopedy'']|titre chapitre=article : ''Criticism'' }} (p.106) Paul Poplawski relève et étudie les principales publications relatives à Jane Austen et ses œuvres jusqu'en 1996.</ref>. Aujourd'hui où « Austen est devenue une industrie mondiale »<ref>Claire Tomalin, ''Jane Austen, passions discrètes'', traduction par Ch. Bernard et J. Gouirand-Rousselon de ''Jane Austen, A Life'', Paris, éditions Autrement, p. 378</ref>, la notoriété de son roman le plus réédité, le plus traduit, dans 35 langues, le plus souvent adapté, et le mieux aimé<ref group="N">Fin 2003 ''Pride and Prejudice'' arrive en deuxième position, derrière ''The Lord of The Ring'' (''[[Le Seigneur des anneaux]]'') au Top 21 de {{lien web|url=http://www.bbc.co.uk/arts/bigread/vote/|titre=The Big Read|site=BBC 2|consulté le=10 février 2010}}</ref>, a désormais largement débordé le monde anglo-saxon<ref>{{harvsp|Robert Morrison|2005|p=2}}</ref>.
Les personnages sont bien campés (''{{langue|en|rounded characters}}''<ref>{{Ouvrage|auteur=D. A. Miller|titre=Jane Austen, or, The secret of style|url=https://books.google.fr/books?id=6G1rftGppO4C&pg=PA59&dq=rounded-characters+austen&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0&cd=2#v=onepage&q=rounded-characters%20austen&f=false|éditeur=Princeton University Press|année=2003}}, {{p.|59}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur=Norma Kitson|titre=Creative writing: a handbook with exercises and examples|éditeur=Academic Books|année=1997}}, {{p.|35}}</ref>), en particulier [[Elizabeth Bennet|Elizabeth]] dont la force de caractère, la vivacité d'esprit et l'énergie parlent aux lecteurs modernes. D'abord ceux qui, comme elle, ont vécu une période de guerre<ref group="N">[[Winston Churchill]] choisit ''Pride and Prejudice'' comme livre de chevet en 1943 quand il soignait sa pneumonie au cours du [[Blitz]], pendant la [[Seconde Guerre mondiale]].</ref> puis, plus récemment, ceux qui ont découvert ''Orgueil et Préjugés'' à travers ses nombreuses rééditions, ou ses adaptations au cinéma et à la télévision{{sfn|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=xvi-xxiii}}.
On ne compte plus les études{{sfn|Laura et Robert Lambdin|2000|p=45-56}} sur l'auteur et sur son roman le plus célèbre<ref group="N">Dans {{Ouvrage|titre=[https://books.google.fr/books?id=hW-OXDSc3rAC&pg=PA147&dq=&as_brr=3&cd=14#v=onepage&q=&f=false. ''A Jane Austen Encyclopedy'']|titre chapitre=article : ''Criticism''}} ({{p.|106}}) Paul Poplawski relève et étudie les principales publications relatives à Jane Austen et ses œuvres jusqu'en 1996.</ref>. Aujourd'hui où {{citation|Austen est devenue une industrie mondiale}}<ref>Claire Tomalin, ''Jane Austen, passions discrètes'', traduction par Ch. Bernard et J. Gouirand-Rousselon de ''Jane Austen, A Life'', Paris, éditions Autrement, {{p.|378}}</ref>, la notoriété de son roman le plus connu{{sfn|Robert Morrison|2005|p=1}}, le plus réédité, le plus traduit (dans 35 langues), le plus souvent adapté, et le mieux aimé{{note|En 2003 ''Pride and Prejudice'' a été élu au Royaume-Uni comme {{citation|le roman écrit par une femme le plus aimé}}<ref name="Morrison2">{{harvsp|Robert Morrison|2005|p=2}}</ref> et arrive en deuxième position, derrière ''The Lord of The Ring'' (''[[Le Seigneur des anneaux]]'') au Top 21 de {{Lien web|url=https://www.bbc.co.uk/arts/bigread/vote/|titre=The Big Read|site=BBC 2|consulté le=10 février 2010}}.|group=N}}, a désormais largement débordé le monde anglo-saxon<ref name="Morrison2"/>.


== Résumé ==
== Résumé ==


Roman de « développement personnel » (''conduct novel''), roman didactique (''contrast novel''), roman psychologique, roman sentimental, il se présente en trois parties, trois actes pourrait-on dire<ref>Walton Litz, ''Jane Austen, A Study of her Artistic Developement'' (1965), cité par Tony Tanner dans son ''Introduction'' de 1972 à ''Pride and Prejudice'', ed. Penguin Classics, reprise en Appendice dans l'édition de 2003 {{ISBN|9780141439518}}</ref>, correspondant aux trois tomes de l'édition originale, et suivant la trame de la [[comédie romantique]], comme ''[[Beaucoup de bruit pour rien]]'', de [[William Shakespeare]]<ref>Article ''Orgueil et Préjugés'' sur ''[[Encyclopædia Universalis]] ''</ref>.
[[roman d'apprentissage|Roman de « développement personnel]] » (''{{langue|en|conduct novel}}''), roman didactique (''{{langue|en|contrast novel}}''), [[roman psychologique]], [[Romance (genre littéraire)|roman sentimental]] (''{{langue|en|romance novel}}''), il se présente en trois parties, trois actes pourrait-on dire<ref>Walton Litz, ''Jane Austen, A Study of her Artistic Development'' (1965), cité par Tony Tanner dans son ''Introduction'' de 1972 à ''Pride and Prejudice'', ed. Penguin Classics, reprise en Appendice dans l'édition de 2003 {{ISBN|978-0-14-143951-8}}</ref>, correspondant aux trois tomes de l'édition originale, et suivant la trame de la [[comédie romantique]], comme ''[[Beaucoup de bruit pour rien]]'', de [[William Shakespeare]]<ref name="Universalis">Catherine Bernard, article ''Orgueil et Préjugés'', © ''[[Encyclopædia Universalis]]'' 2005</ref>.


=== Tome I ===
=== Tome I (22 chapitres) ===
À Longbourn, petit bourg du [[Hertfordshire]], sous le règne du roi [[George III du Royaume-Uni|George III]], Mrs Bennet est déterminée à marier ses cinq filles afin d'assurer leur avenir<ref name="Plot Overview">{{lien web|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/summary.html|titre=Plot Overview|}}</ref>, compromis par certaines dispositions testamentaires. Lorsqu'un riche jeune homme, Mr Bingley, loue Netherfield, un domaine proche, elle espère vivement qu'une de ses filles saura lui plaire assez pour qu'il l'épouse. Malheureusement, il est accompagné de ses deux sœurs, Caroline et Louisa, plutôt imbues d'elles-mêmes, et d'un ami très proche, Mr Darcy, jeune homme immensément riche, mais très dédaigneux et méprisant envers la société locale.
À Longbourn, petit bourg du [[Hertfordshire]], sous le règne du roi [[George III du Royaume-Uni|George III]], Mrs Bennet est déterminée à marier ses cinq filles afin d'assurer leur avenir<ref name="Plot Overview">{{Lien web|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/summary.html|titre=Plot Overview|site=SparkNotes.com}}</ref>, compromis par certaines [[Substitution héréditaire|dispositions testamentaires]]. Lorsqu'un riche jeune homme, Mr Bingley, loue Netherfield, le domaine voisin, elle espère vivement qu'une de ses filles saura lui plaire assez pour qu'il l'épouse. Malheureusement il est accompagné de ses deux sœurs, Caroline et Louisa, plutôt imbues d'elles-mêmes, et d'un ami très proche, [[Fitzwilliam Darcy|Mr Darcy]], jeune homme immensément riche, propriétaire d'un [[Pemberley|grand domaine]] dans le [[Derbyshire]], mais très dédaigneux et méprisant envers la société locale.


[[Fichier:PrideandPrejudiceCH3.jpg|thumb|left|« Elle est passable, mais pas assez belle pour ''me'' tenter », dit Mr. Darcy. C E Brook (''Pride and Prejudice'', 1895).]]
[[Fichier:PrideandPrejudiceCH3.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=gravure colorisée. Une jeune fille assise seule, est regardée de haut par un homme au second plan|{{citation|Elle est passable, mais pas assez belle pour ''me'' tenter}}, dit Mr. Darcy. [[C. E. Brock]] (''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'', 1895).]]


Elizabeth observe avec amusement ce petit monde. Si elle apprécie le charmant Mr Bingley, elle est irritée par le fier Mr Darcy, qui, à leur première rencontre, au cours du bal organisé dans le bourg voisin de Meryton, a refusé assez impoliment de danser avec elle (même si elle en plaisante en disant : « Je pourrais facilement lui pardonner son orgueil s'il n'avait mortifié le mien »). De là naît le « préjugé » qu'elle nourrit contre lui ; préjugé que le séduisant Wickham, officier récemment arrivé qui connaît Darcy depuis l'enfance, entretient soigneusement par ses confidences.
Elizabeth observe avec amusement ce petit monde. Si elle apprécie le charmant Mr Bingley, elle est irritée par le fier Mr Darcy qui à leur première rencontre, au cours du bal organisé dans le bourg voisin de Meryton, a refusé assez impoliment de danser avec elle, même si elle en plaisante en disant : {{citation|Je pourrais facilement lui pardonner ''son'' orgueil s'il n'avait mortifié ''le mien''}} ({{lang|en|''I could easily forgive'' his'' pride, if he had not mortified'' mine}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=16}}). De là naît le « préjugé » qu'elle nourrit contre lui ; préjugé que le séduisant [[George Wickham|Wickham]], officier récemment arrivé qui connaît Darcy depuis l'enfance, entretient soigneusement par ses fausses confidences.


Ayant donc des motifs personnels pour détester Darcy, elle se montre à la limite de l'insolence lorsque celui-ci, qui apprécie de plus en plus sa vivacité et son intelligence, cherche à mieux la connaître. Elle observe avec plaisir l'évolution des sentiments de sa sœur préférée pour Bingley, et prête une oreille attentive au beau Wickham qui ne la laisse pas indifférente. Il lui faut aussi garder son sang froid devant le ridicule Mr Collins, ce cousin qui héritera de leur propriété de Longbourn à la mort de Mr Bennet, selon le système de l’''[[entail]]''. Récemment nommé curé de Hunsford, dans le [[Kent]], il cherche à prendre femme, comme le lui a conseillé Lady Catherine de Bourgh, sa protectrice, et a jeté son dévolu sur Elizabeth, à la grande satisfaction de Mrs Bennet, qui voit déjà ses deux aînées mariées.
Ayant donc des motifs personnels pour détester Darcy, elle se montre à la limite de l'insolence lorsque celui-ci, qui apprécie de plus en plus sa vivacité et son intelligence, cherche à mieux la connaître. Elle observe avec plaisir l'évolution des sentiments de sa sœur préférée pour Bingley, et prête une oreille attentive au beau Wickham qui ne la laisse pas indifférente. Il lui faut aussi garder son sang froid devant le ridicule Mr Collins, ce cousin qui héritera de leur propriété de Longbourn à la mort de Mr Bennet, selon le principe de l’''[[entail]]''. Récemment nommé recteur de Hunsford, dans le [[Kent]], il cherche à prendre femme, comme le lui a conseillé Lady Catherine de Bourgh, sa protectrice, et a jeté son dévolu sur Elizabeth, à la grande satisfaction de Mrs Bennet, qui voit déjà ses deux aînées mariées.


Au cours du bal organisé à Netherfield où il invite Elizabeth à danser, Darcy se rend compte que le mariage de Bingley avec Jane Bennet est considéré comme pratiquement acquis par la société locale, et avec l'aide de Miss Bingley, qui, comme lui, le considère comme une mésalliance, convainc Charles Bingley de passer l'hiver à Londres.
Au cours du bal organisé à Netherfield où il invite Elizabeth à danser, Darcy se rend compte que le mariage de Bingley avec Jane Bennet est considéré comme pratiquement acquis par la société locale, et avec l'aide de Miss Bingley qui, comme lui, le considère comme une mésalliance, convainc Charles Bingley de passer l'hiver à Londres.
Mrs Bennet voit donc s'écrouler tous ses projets matrimoniaux : Bingley est parti et Mr Collins, refusé par Elizabeth, a demandé la main de sa meilleure amie, Charlotte Lucas.
Mrs Bennet voit donc s'écrouler tous ses projets matrimoniaux : Bingley est parti et Mr Collins, refusé par Elizabeth, a demandé la main de sa meilleure amie, Charlotte Lucas.


=== Tome II ===
=== Tome II (19 chapitres) ===
Caroline Bingley, dans une lettre à sa « chère Jane » anéantit tout espoir : elle lui confirme qu'ils ne retourneront pas à Netherfield et avoue perfidement son souhait de voir son frère épouser Miss Darcy. Wickham dénigre ouvertement Darcy maintenant que ce dernier est parti. Mr Collins épouse Charlotte et l'emmène dans le [[Kent]]. Les Gardiner viennent passer Noël chez les Bennet et repartent avec leur nièce Jane à Londres où ils habitent<ref name="Plot Overview"/>. La rancœur d'Elizabeth augmente au cours de l'hiver : Jane, à Londres, n'a aucune nouvelle de Bingley, et elle est persuadée que Darcy en est responsable. Elle le rencontre sans plaisir à Pâques, à Rosings Park, chez Lady Catherine de Bourgh (qui se trouve être sa tante), Charlotte l'ayant invitée à passer quelques semaines au presbytère. Aussi, lorsque Darcy (qui, à sa grande surprise, est tombé amoureux d'elle) la demande en mariage (avec hauteur et condescendance, car il a le sentiment de déchoir en contractant un mariage avec elle du fait de la condition inférieure de sa famille, et il ne s'en cache pas), elle le refuse tout net, en lui reprochant son orgueil et sa vanité, affirmant qu'elle n'épousera jamais l'homme qui a empêché le bonheur de Jane et a honteusement traité Wickham.
Caroline Bingley, dans une lettre à sa « chère Jane » anéantit tout espoir : elle lui confirme qu'ils ne retourneront pas à Netherfield et avoue perfidement son souhait de voir son frère épouser la jeune sœur de Darcy. Wickham dénigre ouvertement Darcy maintenant que ce dernier est parti. Collins épouse Charlotte et l'emmène dans le [[Kent]]. Les Gardiner viennent passer Noël chez les Bennet et repartent avec leur nièce Jane à Londres où ils habitent<ref name="Plot Overview"/>. La rancœur d'Elizabeth augmente au cours de l'hiver, car Jane, à Londres, n'a aucune nouvelle de Bingley, et elle est persuadée que Darcy en est responsable. Elle le rencontre sans plaisir à Pâques, chez Lady Catherine de Bourgh (qui se trouve être sa tante), Charlotte l'ayant invitée à passer quelques semaines au presbytère. Aussi, lorsque Darcy {{incise|qui, à sa grande surprise, est tombé amoureux d'elle}} la demande en mariage (avec hauteur et condescendance, car il a le sentiment de déchoir en s'alliant à une famille de condition si inférieure à la sienne, et il ne s'en cache pas), elle le refuse tout net, lui reprochant son orgueil et sa vanité, affirmant qu'elle n'épousera jamais l'homme qui a empêché le bonheur de Jane et a honteusement traité Wickham.
[[Fichier:Pickering - Greatbatch - Jane Austen - Pride and Prejudice - She then told him what Mr. Darcy had voluntarily done for Lydia.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Illustration en frontispice du tome 2|Elizabeth apprend à son père ce que Mr Darcy a fait pour Lydia (illustration de l'éd. [[Richard Bentley (éditeur)|Bentley]], 1833).]]


Darcy choisit alors de justifier ses actions, et explique dans une longue lettre les motifs de son ingérence dans l'idylle de Jane et Bingley : il reconnaît qu'il n'a pas hésité à écarter son ami de Jane Bennet, et qu'il lui a caché qu'elle était à Londres. Il a pris sa réserve pour de l'indifférence, mais l'obstacle essentiel est, à ses yeux, le comportement et les relations de sa famille. Il détaille ensuite longuement les motifs de son attitude à l'égard de Wickham : ce compagnon de son enfance, joueur, fourbe et dépravé, coureur de dot, a failli l'été précédent réussir à persuader sa sœur Giorgiana, alors âgée de quinze ans, de s'enfuir avec lui.
Darcy choisit alors de se justifier et explique dans une longue lettre les motifs de son ingérence dans l'idylle de Jane et Bingley : il reconnaît qu'il n'a pas hésité à écarter son ami de Miss Bennet et lui a caché qu'elle était à Londres. Il a pris sa réserve pour de l'indifférence, mais l'obstacle essentiel est, à ses yeux, le comportement et les relations de sa famille. Il détaille ensuite longuement les motifs de son attitude à l'égard de Wickham : ce compagnon d'enfance, joueur, fourbe et dépravé, coureur de dot, a failli réussir l'été précédent à persuader sa sœur Georgiana, âgée de quinze ans, de s'enfuir avec lui.


Elizabeth découvre ainsi avec consternation que Jane, pourtant irréprochable elle-même, a fait les frais de la vulgarité de sa mère et de ses jeunes sœurs et qu'elle-même s'est laissé aveugler par sa vanité blessée. À la lumière de ces révélations, elle est forcée de revoir son opinion et ses sentiments pour Darcy. Mais ces confidences, qu'elle ne peut pas entièrement partager avec Jane, pèsent sur son moral ; et elle ne peut pas davantage expliquer à son père pourquoi il lui paraît si peu judicieux que Lydia accompagne le régiment dans ses quartiers d'été à [[Brighton#Histoire|Brighton]]. Néanmoins elle se réjouit de faire un voyage au cours de l'été avec les Gardiner dans le [[Derbyshire]] et se laisse convaincre par sa tante de visiter [[Pemberley]].
[[Fichier:Pickering - Greatbatch - Jane Austen - Pride and Prejudice - She then told him what Mr. Darcy had voluntarily done for Lydia.jpg|thumb|Elizabeth apprend à son père ce que Mr. Darcy a fait pour Lydia (éd. de 1833).]]


=== Tome III (19 chapitres) ===
Elizabeth découvre ainsi, avec consternation, que Jane, pourtant irréprochable elle-même, a fait les frais de la vulgarité de sa mère et de ses jeunes sœurs, et qu'elle-même s'est laissée aveugler par sa vanité blessée. À la lumière de ces révélations, elle est forcée de revoir son opinion, et ses sentiments pour Darcy. Mais ces confidences, qu'elle ne peut pas entièrement partager avec Jane, pèsent sur son moral. Et elle ne peut pas davantage expliquer à son père pourquoi il lui paraît si peu judicieux que Lydia accompagne le régiment dans ses quartiers d'été à [[Brighton#Histoire|Brighton]]. Mais elle se réjouit de faire un voyage au cours de l'été avec son oncle et sa tante Gardiner dans le [[Derbyshire]], et se laisse convaincre par sa tante de visiter Pemberley.
La visite du beau domaine de [[Pemberley]]<ref name="Plot Overview"/> l'enchante et lui présente Darcy sous un jour très différent, car il y est connu et aimé comme étant un maître généreux et bienveillant. Au cours d'une rencontre imprévue, il se montre aimable avec les Gardiner et lui présente sa sœur. Mais Elizabeth reçoit des nouvelles alarmantes de Longbourn : Lydia s'est enfuie avec Wickham. Il faut rentrer sans délai. Elle est persuadée que cette dernière épreuve va amener Darcy à définitivement renoncer à son attirance pour elle.
Or elle apprend qu'il est intervenu pour sauver Lydia et obliger Wickham à l'épouser, puis découvre qu'il « a permis » à Bingley de renouer avec Jane ; elle accepte alors ses sentiments pour lui et finit par accueillir avec joie le renouvellement de sa demande en mariage.


Le dernier chapitre traite de l'avenir des protagonistes : Lydia et Wickham vivent au jour le jour, toujours endettés, quémandant sans cesse de l'argent à Jane et Elizabeth qui ouvrent leur bourse personnelle ; à Pemberley, les Darcy vivent heureux avec Georgiana ; Darcy pardonne à Lady Catherine le mal qu'elle a dit d'Elizabeth ; les Bingley, pour échapper à Mrs Bennet et aux commérages oppressants de Meryton, achètent un domaine proche du Derbyshire, à la grande joie d'Elizabeth ; Kitty passe le plus clair de son temps chez ses aînées où elle côtoie une société plus distinguée ; Mr Bennet s'invite à l'improviste et les Gardiner sont toujours les bienvenus.
=== Tome III ===
La visite du beau domaine de Pemberley<ref name="Plot Overview"/> l'enchante et lui présente Darcy sous un jour très différent, car il y est connu et aimé comme un maître généreux et bienveillant. Au cours d'une rencontre imprévue, il se montre aimable avec les Gardiner et lui présente sa sœur. Mais Elizabeth reçoit des nouvelles alarmantes de Longbourn : Lydia s'est enfuie avec Wickham. Il faut rentrer sans délai. Elle est persuadée que cette dernière épreuve va la séparer définitivement de Darcy.
Or elle apprend qu'il est intervenu pour sauver Lydia et obliger Wickham à l'épouser, puis découvre qu'il « a permis » à Bingley de renouer avec Jane ; elle accepte alors ses sentiments pour lui, et finit par accueillir avec joie le renouvellement de sa demande en mariage.

Le dernier chapitre traite de l'avenir des protagonistes : Lydia et Wickham vivent au jour le jour, toujours endettés, et quémandant sans cesse de l'argent à Jane et Elizabeth qui ouvrent leur bourse personnelle ; à Pemberley, les Darcy vivent heureux avec Giorgiana ; Darcy pardonne à Lady Catherine le mal qu'elle a dit d'Elizabeth ; les Bingley, pour échapper à Mrs Bennet et aux commérages oppressants de Meryton, achètent un domaine près du Derbyshire, à la grande joie d'Elizabeth ; Kitty passe le plus clair de son temps chez ses aînées où elle côtoie une société plus distinguée ; Mr Bennet s'invite à l'improviste et les Gardiner sont toujours les bienvenus.


== Personnages ==
== Personnages ==
{{boîte déroulante/début|titre=Relations entre les personnages d’''Orgueil et Préjugés''}}
La société décrite par [[Jane Austen]] est un microcosme étriqué : cela est inévitable dans la mesure où les relations sociales sont tributaires des difficultés de transport dans l'Angleterre rurale d'alors<ref group="N">Les familles de la ''gentry'' campagnarde ne pouvaient guère entretenir de relations régulières qu'avec d'autres familles demeurant à moins d'une journée de trajet en voiture à cheval, et d'un même milieu social.</ref>. La plupart des personnages sont liés à la famille Bennet de Longbourn par des liens familiaux ou de voisinage. La venue des Bingley et de Darcy et la présence de la [[Milice]] vont cependant introduire des protagonistes extérieurs à ce milieu ; et l'amitié qui lie Elizabeth Bennet à Charlotte Lucas va élargir le cercle à Lady Catherine de Bourg, la tante de Darcy, et créer des occasions de nouvelles interférences<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/salber.html|titre=Meddling in ''Pride and Prejudice''}}</ref>.
[[Fichier:Relation des personnages dans Orgueil et préjugés.PNG|vignette|alt=Tableau montrant les liens entre les divers personnages|centré|upright=3.5]]
{{boîte déroulante/fin}}
La société décrite par [[Jane Austen]] est un [[microcosme]] étriqué : cela est inévitable dans la mesure où les relations sociales sont tributaires des difficultés de transport dans l'Angleterre rurale d'alors<ref group="N">Les familles de la ''[[gentry]]'' campagnarde ne pouvaient guère entretenir de relations régulières qu'avec d'autres familles demeurant à moins d'une journée de trajet en voiture à cheval, et d'un même milieu social.</ref>. La plupart des personnages sont liés à la [[famille Bennet]] de Longbourn par des liens familiaux ou de voisinage. La venue des Bingley et de Darcy et la présence de la [[Milice]] vont cependant introduire des protagonistes extérieurs à ce milieu ; et l'amitié qui lie Elizabeth Bennet à Charlotte Lucas va élargir le cercle à Lady Catherine de Bourgh, la tante de Darcy, et créer des occasions de nouvelles interférences<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/salber.html|auteur=Cecilia Salber|titre="Excuse my Interference": Meddling in ''Pride and Prejudice''|site=JASNA|année=2000}}</ref>.


=== Les personnages principaux ===
=== Les personnages principaux ===

==== Elizabeth Bennet ====
==== Elizabeth Bennet ====
{{Article détaillé|Elizabeth Bennet}}
{{Article détaillé|Elizabeth Bennet}}


Elizabeth Bennet, Lizzy pour sa famille, est le personnage principal d'''Orgueil et Préjugés'', celle dont le point de vue est privilégié, et la seconde des cinq filles. Elle est intelligente, spirituelle et la favorite de son père<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol25no1/morris.html|titre=Elizabeth and Mr. Bennet|site=JASNA, 2004}}</ref>.
Elizabeth, Lizzy pour sa famille, est le personnage principal d{{'}}''Orgueil et Préjugés'', celle dont le point de vue est privilégié, et la seconde des cinq filles. Elle est gracieuse, intelligente, spirituelle et la favorite de son père<ref name="Morris04">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol25no1/morris.html|auteur=Ivor Morris|titre=Elizabeth and Mr. Bennet|site=JASNA|année= 2004}}</ref>.


Sa mère la considère comme « beaucoup moins belle que Jane »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=3}}</ref> mais Mr Darcy admire « la profondeur et l'intelligence de ses yeux sombres »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=19}}</ref>. Elle se fait aussi remarquer par son énergie et son goût pour les longues promenades solitaires, notamment dans le Parc de Rosings. Les affinités de caractère qu'elle partage avec Jane font des deux sœurs des amies affectueuses et dévouées<ref>{{harvsp|Emily Auerbach|2004|p=145}}</ref>, qui font aussi preuve d'une distinction qui manque complètement au reste de la famille Bennet.
Sa mère la considère comme {{citation|beaucoup moins belle que Jane}}<ref name="ReferenceA">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=3}}</ref> mais Mr Darcy admire {{citation|la profondeur et l'intelligence de ses yeux sombres}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=19}}. Elle se fait aussi remarquer par son énergie et son goût pour les longues promenades solitaires, notamment dans le parc de Rosings. Elle partage avec Jane, son aînée de deux ans, des affinités de caractère qui tissent entre les deux sœurs des liens profonds d'affection et de dévouement{{sfn|Emily Auerbach|2004|p=145}}, et fait preuve, comme elle, d'une distinction qui manque complètement au reste de la famille Bennet.


Elizabeth paraît sûre de son jugement sur les autres et n'est guère intimidée par le rang social des personnes qu'elle rencontre, qu'il s'agisse de la hautaine Lady Catherine de Bourgh ou de l'orgueilleux et dédaigneux Mr Darcy. Elle prend le risque de refuser deux offres de mariage qui assureraient son avenir matériel, car elle attend du mariage non pas la sécurité mais « un vrai et solide bonheur »<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol28no2/martin.htm|titre=Austen’s Assimilation of Lockean Ideals: The Appeal of Pursuing Happiness}}</ref>. Elle commence à douter d'elle-même lorsqu'elle découvre combien elle s'est trompée sur Darcy et sur Wickham et ne retrouve tout son entrain et sa joie de vivre que le jour où son père donne son consentement à son mariage avec l'homme qu'elle a appris à aimer et estimer.
Elizabeth paraît sûre de son jugement sur les autres et n'est guère intimidée par le rang social des personnes qu'elle rencontre, qu'il s'agisse de la hautaine et prétentieuse Lady Catherine de Bourgh ou de l'orgueilleux et dédaigneux Monsieur Darcy. Elle prend le risque de refuser deux offres de mariage qui assureraient son avenir matériel, car elle attend du mariage non pas la sécurité mais « un vrai et solide bonheur »<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol28no2/martin.htm|auteur=Claudia Martin|titre=Austen’s Assimilation of Lockean Ideals: The Appeal of Pursuing Happiness|site=JASNA|année=2008}}</ref>. Elle commence à douter d'elle-même lorsqu'elle découvre combien elle s'est trompée sur Darcy et sur Wickham et ne retrouve tout son entrain et sa joie de vivre que le jour où son père donne son consentement à son mariage avec l'homme qu'elle a appris à aimer et estimer.


==== Mr Darcy ====
==== Mr Darcy ====
{{Article détaillé|Fitzwilliam Darcy{{!}}Mr Darcy}}
{{Article détaillé|Fitzwilliam Darcy{{!}}Mr Darcy}}
[[Fichier:Chatsworth showing hunting tower.jpg|thumb|upright=1.3|''[[Chatsworth House]]''. Pour un certain nombre de critiques, c'est le modèle du château de Pemberley<ref> ''{{ouvrage|auteur=Donald Johnson Greene, John Lawrence Abbott|titre=[http://books.google.fr/books?id=FDvOixDOHhEC&pg=PA303&dq=pemberley+%22Chatsworth+House%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q=pemberley%20%22Chatsworth%20House%22&f=false The selected essays of Donald Greene]'', « The Original of Pemberley », Bucknell University Press, 2004|isbn=9780838755723}}, p. 301 et suivantes<br />Voir aussi Donald Greene {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number1/greene.htm|titre=Pemberley Revisited|site=JASNA}}</ref>.]]
[[Fichier:Chatsworth showing hunting tower.jpg|vignette|upright=1.3|alt=Photo. Château avec rivière, larges pelouses et colline boisée|''[[Chatsworth House]]''. Pour un certain nombre de critiques, c'est le modèle du château de Pemberley<ref>{{Ouvrage|auteur=Donald Johnson Greene, John Lawrence Abbott|langue=en|titre=[https://books.google.fr/books?id=FDvOixDOHhEC&pg=PA303&dq=pemberley+%22Chatsworth+House%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q=pemberley%20%22Chatsworth%20House%22&f=false The selected essays of Donald Greene], « The Original of Pemberley », Bucknell University Press, 2004|isbn=978-0-8387-5572-3}}, {{p.|301}} et suivantes<br />Voir aussi Donald Greene {{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number1/greene.htm|titre=Pemberley Revisited|site=JASNA|année=1979}}</ref>.]]
Le second protagoniste du roman est Fitzwilliam Darcy, que l'on nomme généralement Mr Darcy<ref name="Analysis of Major Characters">{{lien web|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/canalysis.html|titre=Analysis of Major Characters}}</ref>. Jeune homme de 27 ans, fier, voire hautain, peu loquace et cassant, il suscite l'animosité d'Elizabeth dès leur première rencontre à Meryton. Qu'il ait, par orgueil, lésé George Wickham et éloigné Charles Bingley de Jane, ne fait qu'attiser l'hostilité d'Elizabeth, sans la surprendre tant elle est prévenue contre lui.
Le second protagoniste du roman est Fitzwilliam Darcy, que l'on nomme généralement Mr Darcy<ref name="Analysis of Major Characters">{{Lien web|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/canalysis.html|titre=Analysis of Major Characters|site=SparkNotes.com}}</ref>{{,}}{{note|Selon un usage de l'époque, Darcy porte comme prénom le (noble) nom de famille de sa mère. Sa désignation comme {{Citation|Mr Darcy}} permet donc d'éviter de le confondre avec son cousin le [[#Le colonel Fitzwilliam|colonel Fitzwilliam]] qui apparaît à la fin du chapitre 30<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/pptopics.html#fitzw|titre=Why is Darcy's first name "Fitzwilliam"?}}</ref>.|group=N}}. Jeune homme de {{nombre|27|ans}}, fier, voire hautain, peu loquace et cassant, il suscite l'animosité d'Elizabeth dès leur première rencontre à Meryton. Apprendre qu'il aurait lésé George Wickham, découvrir qu'il a éloigné Charles Bingley de Jane, cela ne fait qu'attiser l'hostilité d'Elizabeth, sans la surprendre tant elle est prévenue contre lui.


Mr Darcy est le maître du splendide domaine de Pemberley dans le [[Derbyshire]] et le neveu préféré de Lady Catherine de Bourg, la protectrice de Mr Collins. Il est obligé de revenir peu à peu sur les jugements peu charitables qu'il a portés sur Elizabeth et se sent très attiré par elle ; elle est la seule personne étrangère à son cercle d'amis avec qui il sort de sa réserve<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/casal.html#3|titre=''Laughing at Mr. Darcy''|site=JASNA, 2001}}</ref> et aborde des sujets sérieux. L'amour grandissant qu'il lui porte l'amène à la demander en mariage malgré toutes les préventions qu'il a contre sa famille et, au lieu d'être découragé par son refus déterminé, à expliquer ses actes, prendre sérieusement en compte ses critiques, au point de réformer son comportement, lutter contre ses préjugés et même prendre le risque d'un second refus<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/sherrod.htm.|titre=''Pride and Prejudice'': A Classic Love Story|site=JASNA, 1989}}</ref>. C'est le personnage masculin le plus complexe<ref>{{ouvrage|auteur=Tony Tanner|titre=[http://books.google.fr/books?id=khvEXPSIOYgC&printsec=frontcover&dq=Jane+Austen+Tony+Tanner&lr=&cd=1#v=onepage&q=&f=false Jane Austen]|année=1975|}} p. 126</ref> et le plus élaboré de tous les romans de Jane Austen.
Monsieur Darcy est le maître du splendide domaine de [[Pemberley]]<ref group="N">En 1989, Stephen Derry se demande, dans {{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/derry2.htm#2|titre=The Two Georgianas}} si le nom ''Pemberley'' n'est pas une contraction de ''Beverley'' (le nom de famille de [[Cecilia (roman)|Cecilia]]) et de ''Pemberton'', nom qui se trouve dans le roman de [[Fanny Burney]], et qu'elle a aussi pu emprunter à ''[[The Sylph]]'' (1779), un roman attribué à [[Georgiana Cavendish]], duchesse du Devonshire.</ref> dans le [[Derbyshire]] et le neveu préféré de Lady Catherine de Bourgh, la protectrice de Mr Collins. Il est obligé de revenir peu à peu sur les jugements peu charitables qu'il a portés sur Elizabeth et se sent très attiré par elle ; elle est la seule personne étrangère à son cercle d'amis avec qui il sort de sa réserve<ref name="Casal">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/casal.html#3|auteur=Elvira Casal|titre=''Laughing at Mr. Darcy: Wit and Sexuality in'' Pride and Prejudice|site=JASNA|année= 2001}}</ref> et aborde des sujets sérieux. L'amour grandissant qu'il lui porte l'amène à la demander en mariage malgré toutes les préventions qu'il a contre sa famille et, au lieu d'être découragé par son refus déterminé, à expliquer ses actes, prendre sérieusement en compte ses critiques, au point de réformer son comportement, lutter contre ses préjugés et même prendre le risque d'un second refus<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/sherrod.htm|auteur=Barbara Sherrod|titre=''Pride and Prejudice'': A Classic Love Story|site=JASNA|année=1989}}</ref>. C'est le personnage masculin le plus complexe et le plus élaboré de tous les romans de [[Jane Austen]]{{sfn|Tony Tanner|1975|p=126}}.


=== La famille Bennet ===
=== La famille Bennet ===
{{Article détaillé|Famille Bennet}}
[[Fichier:Benethom.gif|vignette|gauche|upright=1.3|alt=Gravure. Un couple âgé assis et cinq jeunes filles, dont une debout|La famille Bennet au complet. <br />Illustration de [[Hugh Thomson]], 1894.]]


==== Mr Bennet ====
[[Fichier:Benethom.gif|thumb|left|upright=1.3|La famille Bennet au complet. <br />Illustration de Hugh Thomson, vers 1894.]]
Propriétaire du petit domaine de Longbourn, donc membre de la petite [[gentry]] provinciale et [[gentleman]], Mr Bennet<ref group="N">Les prénoms des parents d'Elizabeth ne sont jamais mentionnés. Lorsque Mrs Bennet s'adresse à son mari, elle l'appelle toujours {{Citation|Mr Bennet}}, alors qu'il l'appelle en général ''{{langue|en|my dear}}'' (« ma chère »). Mais il est probable que Mrs Bennet s'appelle Jane, puisqu'on donne d'habitude le prénom de la mère à la fille aînée.</ref> est un pince-sans-rire doté d'un incontestable sens de l'humour, qui ne manque jamais de plaisanter sur la sottise de ses trois plus jeunes filles<ref name="How Not To Father">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/ellwood.html|auteur=Gracia Fay Ellwood|titre=''How Not To Father: Mr. Bennet and Mary''|site=JASNA|année=2001|consulté le=le 7 décembre 2009}}</ref>. Il souffre de l'inconséquence et de la vulgarité de sa femme, et n'en apprécie que plus les bonnes manières de ses deux aînées et l'esprit affûté de Lizzy. Parfaitement conscient des insuffisances du reste de sa famille, par négligence, indolence ou désir égoïste d'avoir la paix et d'éviter tout conflit avec sa femme, il se dérobe à ses responsabilités paternelles. Ayant épousé une femme apparemment dotée d'une heureuse nature, mais dont il a rapidement découvert l'esprit étroit et le manque de jugement, il a pris l'habitude de se réfugier dans sa bibliothèque, au milieu de ses livres<ref name="ref-1">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=206}}</ref>{{,}}<ref name="Analysis of Major Characters"/>.


==== Mr Bennet ====
==== Mrs Bennet ====
Mère de cinq filles, jolies certes, mais sans aucun héritage à espérer, elle est obsédée par l'impérieuse nécessité de les marier, en leur trouvant de préférence un prétendant fortuné. Elle ne manque d'ailleurs pas d'une certaine habileté pratique pour parvenir à ses fins. Mais sa vulgarité, sa prétention et sa sottise<ref name="Rediscovering the Gardiner Family">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/essaycontest/2009/undergraduate.html|auteur=Joanna Thaler|titre=''Rediscovering the Gardiner family''|site=JASNA|année=2009}}</ref> la poussent à se vanter publiquement des mariages avantageux qu'elle espère pour ses filles et à ne pas tenir compte des remarques de bon sens d'Elizabeth… ce qui entraîne le mépris de Darcy, et par voie de conséquence, l'effondrement de ses projets matrimoniaux pour sa fille Jane. Frivole, égoïste, facilement rancunière, elle n'aime pas beaucoup Elizabeth, adore sa benjamine, Lydia, qui lui ressemble beaucoup, au point de tout lui passer, invoque, en cas de difficultés, le prétexte de ses « pauvres nerfs » et parle beaucoup pour ne rien dire<ref name="Analysis of Major Characters"/>.
Propriétaire du petit domaine de Longbourn, donc membre de la petite [[gentry]] provinciale et [[gentleman]], Mr Bennet<ref group="N">Les prénoms des parents d'Eliza ne sont jamais mentionnés et lorsque Mrs Bennet s'adresse à son mari, elle l'appelle {{Citation|Mr Bennet}}.</ref> est un pince-sans-rire doté d'un incontestable sens de l'humour, qui ne manque jamais de plaisanter sur la sottise de ses trois plus jeunes filles<ref name="How Not To Father">{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/ellwood.html|titre=''How Not To Father''|site=JASNA|consulté=le 7 décembre 2009}}</ref>. Il souffre de l'inconséquence et de la vulgarité de sa femme, et n'en apprécie que plus les bonnes manières de ses deux aînées et l'esprit affûté de Lizzie. Parfaitement conscient des insuffisances du reste de sa famille, par négligence, indolence ou désir égoïste d'avoir la paix et d'éviter tout conflit avec sa femme, il se dérobe à ses responsabilités paternelles. Ayant épousé une femme apparemment dotée d'une heureuse nature, mais dont il a rapidement découvert l'esprit étroit et le manque de jugement, il a pris l'habitude de se réfugier dans sa bibliothèque, au milieu de ses livres<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=206}}</ref>{{,}}<ref name="Analysis of Major Characters"/>.

==== Mrs Bennet ====
Mère de cinq filles, jolies certes, mais sans aucun héritage à espérer, elle est obsédée par l'impérieuse nécessité de les marier, en leur trouvant de préférence un prétendant fortuné. Elle ne manque d'ailleurs pas d'une certaine habileté pratique pour parvenir à ses fins. Mais sa vulgarité, sa prétention et sa sottise<ref name="Rediscovering the Gardiner Family">{{lien web|url=http://www.jasna.org/essaycontest/2009/undergraduate.html|titre=''Rediscovering the Gardiner family''|site=JASNA, 2009}}</ref> la poussent à se vanter publiquement des mariages avantageux qu'elle espère pour ses filles et à ne pas tenir compte des remarques de bon sens d'Élizabeth... ce qui entraîne le mépris de Mr Darcy, et par voie de conséquence, l'effondrement de ses projets matrimoniaux pour sa fille Jane. Elle est frivole, égoïste, facilement rancunière, n'aime pas beaucoup Elizabeth, adore sa benjamine, Lydia, qui lui ressemble beaucoup, au point de tout lui passer, invoque, en cas de difficultés, le prétexte de ses « pauvres nerfs » et parle beaucoup pour ne rien dire<ref name="Analysis of Major Characters"/>.


==== Jane Bennet ====
==== Jane Bennet ====
Miss Bennet<ref group="N">Seul(e) l'aîné(e) porte son nom de famille sans indication du prénom. Pour les suivants, le prénom vient s'intercaler (''Miss Elizabeth Bennet'', par exemple).</ref> a vingt-trois ans. D'une grande beauté, de manières irréprochables, raisonnable, toujours prête à juger en bien autrui (elle est la seule à ne pas avoir de préjugés), elle assume avec sérieux son rôle d'aînée<ref name="Born to Diverge">{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol25no1/graham.html|titre=Born to Diverge}}</ref>. Elle est très attirée par Charles Bingley, l'ami de Mr Darcy, et se lie d'amitié avec ses sœurs. Mais comme elle est discrète et peu expansive, son attachement naissant n'est pas reconnu pour ce qu'il est par les deux amis, et Caroline Bingley fait tout pour la décourager. Seule Elizabeth, qui connaît parfaitement sa sœur « très aimée » et partage ses soucis et ses responsabilités<ref name="Born to Diverge"></ref>, a conscience de la profondeur de ses sentiments et de sa souffrance<ref group="N">Pour Deborah Knuth qui cite Janet Todd ''Women's friendship in Literature'', NY Columbia University Press (1980) p.399-402 dans {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/knuth.htm#20|titre=Sisterhood and Friendship in ''Pride and Prejudice''}}, il n'est pas interdit de voir dans les relations privilégiées de Jane et Elizabeth l'écho du lien qui unissait Jane à sa sœur Cassandra.</ref>{{,}}<ref name="Analysis of Major Characters"/>.
Miss Bennet<ref group="N">Seul(e) l'aîné(e) porte son nom de famille sans indication du prénom. Pour les suivant(e)s, le prénom vient s'intercaler (''Miss Elizabeth Bennet'', par exemple).</ref> a vingt-deux ans. D'une grande beauté, de manières irréprochables, raisonnable, toujours prête à juger en bien autrui (elle est la seule à ne pas avoir de préjugés), elle assume avec sérieux son rôle d'aînée<ref name="Born to Diverge">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol25no1/graham.html|auteur=Peter Graham|titre=Born to Diverge: An Evolutionary Perspective on Simbling Personality Development in Austen's Novels|site=JASNA|année=2004}}</ref>. Elle tombe amoureuse de Charles Bingley, qui semble l'apprécier beaucoup et dont les deux sœurs se montrent très amicales, mais comme elle est discrète et peu expansive, son attachement naissant n'est pas reconnu pour ce qu'il est par Mr Darcy, et Caroline Bingley fait tout pour la décourager. Seule Elizabeth, qui connaît parfaitement sa sœur « très aimée » et partage ses soucis et ses responsabilités<ref name="Born to Diverge" />, a conscience de la profondeur de ses sentiments et de sa souffrance{{note|Pour Deborah Knuth qui cite Janet Todd dans ''{{langue|en|Women's friendship in Literature}}'', NY Columbia University Press (1980) {{p.|399-402}}<ref name="Sisterhood">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/knuth.htm#20|auteur=Deborah Knut|titre=Sisterhood and Friendship in ''Pride and Prejudice''|site=JASNA|année=1989}}</ref>, il n'est pas interdit de voir dans les relations privilégiées de Jane et Elizabeth l'écho du lien qui unissait Jane à sa sœur Cassandra.|group=N}}{{,}}<ref name="Analysis of Major Characters"/> lorsque le jeune homme s'éloigne d'elle.


==== Mary Bennet ====
==== Mary Bennet ====
C'est la troisième des filles de Mr et Mrs Bennet, et la seule à n'être pas jolie. Elle a donc cherché d'autres façons de se faire remarquer. Si elle lit beaucoup, elle n'a guère tiré parti de ses lectures<ref name="How Not To Father"/>, car elle a l'esprit étroit, et aime asséner à ses proches des vérités profondes, qui ne sont souvent que des lieux communs. Elle travaille beaucoup son [[piano-forte|piano]], mais, n'ayant « ni génie ni goût »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=20}}</ref>, joue comme elle parle, de façon pédante et ampoulée.
Bien que l'on ne sache pas son âge, on peut l'estimer entre dix-huit et dix-neuf ans. C'est la troisième des filles de Mr et Mrs Bennet, et la seule à n'être pas jolie. Elle a donc cherché d'autres façons de se faire remarquer. Si elle lit beaucoup, elle n'a guère tiré parti de ses lectures<ref name="How Not To Father"/>, car elle a l'esprit étroit, et aime asséner à ses proches des vérités profondes, qui ne sont souvent que des lieux communs. Elle travaille beaucoup son [[piano-forte|piano]], mais, n'ayant {{citation|ni génie ni goût}}, joue comme elle parle, de façon pédante et ampoulée<ref name="ref-2">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=20}}</ref>.


==== Catherine (Kitty) Bennet ====
==== Catherine (Kitty) Bennet ====
L'avant-dernière des cinq filles Bennet est frivole, superficielle et ignorante. D'un caractère faible, elle se laisse entraîner par Lydia, sa jeune sœur, dont elle est jalouse, mais dont elle admire l'aisance et l'assurance, sans voir l'impropriété de ses manières. Une fois séparée de Lydia et fréquemment invitée par ses deux aînées après leur mariage, elle évolue favorablement<ref name="Born to Diverge"></ref>.
Catherine, l'avant-dernière des cinq filles Bennet, a dix-sept ans au début du roman. Elle est frivole, superficielle et ignorante. D'un caractère faible, elle se laisse entraîner par Lydia, sa jeune sœur, dont elle est jalouse, mais dont elle admire l'aisance et l'assurance, sans voir l'impropriété de ses manières. Une fois séparée de Lydia et fréquemment invitée par ses deux aînées après leur mariage, elle évolue favorablement<ref name="Born to Diverge" />.


==== Lydia Bennet ====
==== Lydia Bennet ====
La benjamine des sœurs Bennet a quinze ans au début du roman. Elle est frivole et superficielle, enjouée, impulsive et déterminée, peu intelligente et égoïste, le parfait portrait de sa mère au même âge ; elle rit facilement aux éclats, ce qui n'est pas un signe de bonne éducation<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/casal.html#3|titre=''Wit and sexuality in Pride and Prejudice''}}.</ref>. Sa seule préoccupation est de flirter avec les jeunes officiers de la milice, de trouver un mari avant ses sœurs<ref>« Comme j'aimerais me marier avant vous ! » {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=193}}</ref>, et de profiter de tous les plaisirs qu'offrent les bals, les loteries ou les cartes. Elle n'écoute personne, n'a aucun sens des convenances, et s'enfuit avec Wickham, dont elle s'est entichée, persuadée qu'il l'épousera, sans se soucier des conséquences de son acte, pour elle-même et pour la bonne réputation de ses sœurs. Caricature de l'héroïne romantique, elle a un comportement qui met en danger le reste de sa famille.
La benjamine des sœurs Bennet a quinze ans au début du roman. Frivole et superficielle, enjouée, impulsive et déterminée, peu intelligente et égoïste, elle est le parfait portrait de sa mère au même âge ; elle rit facilement aux éclats, ce qui n'est pas un signe de bonne éducation<ref name="Casal"/>. Sa seule préoccupation est de [[flirt]]er avec les jeunes officiers de la milice (dans l'espoir d'obtenir le [[Mariage dans les romans de Jane Austen#Un célibat féminin déconsidéré|statut envié de femme mariée]] avant ses aînées<ref>{{citation|Comme j'aimerais me marier avant vous !}} : {{harvsp|Jane Austen|1853|p=193}}</ref>) et de profiter de tous les plaisirs qu'offrent les bals, les loteries ou les parties de cartes. Elle n'écoute personne, n'a aucun sens des convenances, et s'enfuit avec Wickham, dont elle s'est entichée, persuadée qu'il va l'épouser, sans se soucier des conséquences de son acte, ni pour elle-même ni pour la bonne réputation de ses sœurs. Caricature de l'héroïne romantique, elle a un comportement qui met en danger le reste de sa famille.


==== Mr et Mrs Gardiner ====
==== Mr et Mrs Gardiner ====
[[Fichier:PrideandPrejudiceCH18.jpg|thumb|Mr Collins se présente à Mr Darcy au bal de Netherfield. CE Brock 1895]]
[[Fichier:PrideandPrejudiceCH18.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure colorisée. Un clergyman s'incline gravement devant un homme dédaigneux|Mr Collins se présente à Mr Darcy au bal de Netherfield. [[C. E. Brock]], 1895.]]


Édouard Gardiner est le frère de Mrs Bennet et Mrs Philips<ref name="Rediscovering the Gardiner Family"/>. Il est cultivé, intelligent, et d'une distinction de manières (« ''gentlemanlike manners'' »)<ref group="N">Pour Laurie Kaplan, Jane Austen, qui utilise 80 fois le mot ''gentleman'' ou l'un de ses dérivés dans ce roman, montre que les « mérites » naturels et acquis par l'éducation de Mr Gardiner, valent la « naissance » aristocratique de Darcy {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol26no1/kaplan.htm|titre=The Two Gentlemen of Derbyshire}}</ref> qui surprend agréablement Darcy, eu égard à la vulgarité de ses sœurs. Sa femme est fine, élégante, discrète, raisonnable, observatrice, suffisamment jeune pour avoir encore des enfants<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=265}}</ref>, et a vécu à Lambton, non loin de Pemberley, avant son mariage.
[[Famille Bennet#Edward Gardiner|Edward Gardiner]] est le frère de Mrs Bennet et Mrs Philips<ref name="Rediscovering the Gardiner Family"/>. Il est cultivé, intelligent, et d'une distinction de manières (« ''{{langue|en|gentlemanlike manners}}'' »){{note|Pour Laurie Kaplan, qui note que Jane Austen utilise 80 fois le mot ''gentleman'' ou l'un de ses dérivés dans ce roman<ref name="Kaplan05"/>, cela signifie que les « mérites » naturels, ou acquis par l'éducation de Mr Gardiner, valent la « naissance » de Darcy.|group=N}} qui surprend agréablement Darcy, eu égard à la vulgarité de ses sœurs. Sa femme est fine, élégante, discrète, raisonnable, observatrice, suffisamment jeune pour avoir encore des enfants{{sfn|Jane Austen|1853|p=265}}, et a vécu à Lambton, non loin de Pemberley, avant son mariage. Personnages-clés dans les relations entre Darcy et Elizabeth, dans le [[schéma actantiel]], ce sont des [[Schéma actantiel|adjuvants]].


Les activités professionnelles de Mr Gardiner, qui travaille et habite dans la [[City of London|City]], leur procurent des revenus confortables, mais ils habitent un quartier considéré comme infréquentable par les sœurs de Bingley. Ils ont quatre enfants (deux filles de huit et six ans et deux garçons plus jeunes) et sont proches des deux aînées Bennet, qui viennent souvent chez eux à Londres : Jane passe l'hiver chez eux, et ils emmènent Elizabeth dans leur voyage d'agrément dans le [[Derbyshire]].
Les activités professionnelles de Mr Gardiner, qui travaille et habite dans la [[City of London|City]], leur procurent des revenus confortables, mais ils habitent un quartier considéré comme infréquentable par les sœurs de Bingley. Ils ont quatre enfants (deux filles de huit et six ans et deux garçons plus jeunes) et sont proches des deux aînées Bennet, qui viennent souvent chez eux à Londres : Jane passe l'hiver chez eux, et ils emmènent Elizabeth dans leur voyage d'agrément dans le [[Derbyshire]].
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==== Mr Collins ====
==== Mr Collins ====
Ce cousin éloigné de Mr Bennet doit hériter de Longbourn à sa mort, puisque, soumise à l’''[[entail]]'', la propriété n'est pas transmissible aux filles, ce qui lui vaut l'inimitié de Mrs Bennet. Mr Collins est un jeune ''clergyman'' peu séduisant, peu intelligent, mais sûr de lui, pompeux et prétentieux. Sommé par sa patronne et protectrice, Lady Catherine de Bourg, à laquelle il est tout dévoué, de se marier rapidement, il arrive à Longbourn avec l'intention d'épouser l'une de ses cousines, pour, en quelque sorte, atténuer le préjudice qu'il doit leur causer. Il jette d'abord son dévolu sur Jane, puis réoriente son choix sur Elizabeth, qui refuse, mi-irritée, mi-amusée par sa déclaration, et enfin s'imagine amoureux de Charlotte Lucas. Jane Austen en fait un personnage très caricatural<ref group="N">Rachel Lerman {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/lerman.html|titre=The ''Sense and Sensibility'' of Jane Austen|site=JASNA, 2000}}, reprenant ''Jane Austen: A Family Record'' (1989) de William et Richard Arthur Austen-Leigh (p. 204) précise que Mr Collins ressemble au Révérend Samuel Blackhall, qui était assez déplaisant.</ref>.
Ce cousin éloigné de Mr Bennet doit hériter de Longbourn à sa mort, puisque, soumise à l{{'}}''[[entail]]'', la propriété n'est pas transmissible aux filles, ce qui lui vaut l'inimitié de Mrs Bennet. Mr Collins est un jeune ''[[clergyman]]'' peu séduisant, peu intelligent, mais sûr de lui, pompeux et prétentieux. Sommé par sa patronne et protectrice, Lady Catherine de Bourgh, à laquelle il est tout dévoué, de se marier rapidement, il arrive à Longbourn avec l'intention d'épouser l'une de ses cousines, pour, en quelque sorte, atténuer le préjudice qu'il doit leur causer. Il jette d'abord son dévolu sur Jane, puis réoriente son choix sur Elizabeth, qui refuse, mi-irritée, mi-amusée par sa déclaration, et enfin s'imagine amoureux de Charlotte Lucas. Jane Austen en fait un personnage très caricatural{{note|Rachel Lerman, reprenant ''Jane Austen: A Family Record'' (1989) de William et Richard Arthur Austen-Leigh ({{p.|204}}) précise que Mr Collins ressemble au Révérend Samuel Blackall, qui était assez déplaisant<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/lerman.html|auteur=Rachel Lerman|titre=The ''Sense and Sensibility'' of Jane Austen|site=JASNA|année=2000}}</ref>.|group=N}}.


=== Les Bingley ===
=== Les Bingley ===

Ces trois personnages, Mr Bingley et ses deux sœurs, Mrs Hurst et Miss Bingley, font partie de l'entourage de Mr Darcy.


==== Charles Bingley ====
==== Charles Bingley ====
{{Voir homonymes|Bingley (homonymie)}}
Fils d'un homme qui a fait fortune dans le commerce mais n'a pas assez vécu pour investir sa fortune dans une propriété et ainsi monter dans la hiérarchie sociale, Bingley loue Netherfield, en attendant de trouver un domaine à acheter. Le nom des Bingley étant originaire du Yorkshire, il est à présumer que la fortune familiale s'est faite dans le commerce de la laine, peut-être dans la Maison du tissu (''Cloth Hall'') à [[Leeds]]<ref name="Le Faye 186">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=186}}</ref>.
Fils d'un homme qui a fait fortune dans le commerce mais n'a pas vécu assez longtemps pour investir sa fortune dans une propriété et ainsi monter dans la hiérarchie sociale, Bingley loue Netherfield, en attendant de trouver un domaine à acheter. [[Bingley]] étant un nom du Yorkshire<ref group="N">Dans le tome III, lorsque Bingley décide de revenir à Netherfield, ses sœurs quittent Pemberley pour [[Scarborough (Yorkshire du Nord)|Scarborough]], dans le Yorkshire.</ref>, il est à présumer que la fortune familiale s'est faite dans le textile ; soit dans le commerce de la laine, peut-être dans la Maison du tissu (''{{langue|en|Cloth Hall}}'') à [[Leeds]]<ref name="Le Faye 186">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=186}}</ref>, soit dans la florissante industrie du coton<ref>{{lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number35/slothouber.pdf|auteur=Linda Slothouber|titre=''Bingley’s Four or Five Thousand, and Other Fortunes from the North''|site=JASNA|année=2013}}</ref>.


Grand ami de Darcy, mais un peu plus jeune que lui, il est gai, expansif, toujours de charmante humeur, assez insouciant, modeste, et il tombe facilement amoureux. Il est immédiatement conquis par la beauté et la douceur de Jane Bennet. D'une nature influençable cependant, il fait confiance à son ami, qui réussit à l'en éloigner, persuadé que Jane ne l'aime pas véritablement et surtout qu'il serait déplorable de s'allier aux Bennet. Mais Bingley n'arrive pas à oublier Jane, et lorsqu'il revient à Netherfield, officiellement pour la saison de la chasse, il en profite pour renouer avec elle<ref name="Analysis of Major Characters"/>.
Grand ami de Darcy, mais plus jeune que lui{{note|Majeur, orphelin de père, il est en possession de sa fortune « depuis moins de deux ans », précise la narratrice. Connaissance relativement récente de Darcy (le colonel Fitzwilliam ne le connait qu'« un peu »), ils n'ont probablement pas pu se rencontrer pendant leurs études, vu leur différence d'âge, mais plus probablement, étant tous deux du nord de l'Angleterre, dans le cadre de réunions, réceptions ou par l'intermédiaire d'une connaissance commune{{sfn|David M. Shapard|2012|p=31}}.|group=N}}, il est gai, expansif, toujours de charmante humeur, assez insouciant, modeste, et il tombe facilement amoureux. Il est immédiatement conquis par la beauté et la douceur de Jane Bennet. D'une nature influençable cependant, il fait confiance à son ami, qui réussit à l'en éloigner, persuadé que Jane ne l'aime pas véritablement et surtout qu'il serait déplorable de s'allier aux Bennet. Mais Bingley n'arrive pas à oublier Jane, et lorsqu'il revient à Netherfield, officiellement pour la saison de la chasse, il en profite pour renouer avec elle<ref name="Analysis of Major Characters"/>.

==== Mrs Hurst ====
De son nom de jeune fille Louisa Bingley, c'est la sœur aînée de Charles Bingley. Bien dotée, elle a épousé un homme de la bonne société, mais peu fortuné et dont les centres d'intérêt sont particulièrement limités : les cartes, la chasse, la bonne chère... et les siestes sur le sofa<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=47}}</ref>, quand aucune des autres activités n'est possible.


==== Caroline Bingley ====
==== Caroline Bingley ====
{{Voir homonymes|Bingley (homonymie)}}
Miss Bingley est plus jeune que Louisa, mais rien dans le roman ne précise si elle est plus jeune ou plus âgée que son frère. Élevée, comme sa sœur, dans une pension huppée, elle espère se marier dans la bonne société et cherche à faire oublier que la fortune familiale a été acquise dans le commerce, ce qui explique son mépris pour la parenté de Jane Bennet : un oncle avoué à Meryton, un oncle commerçant à Londres. Elle aimerait bien que son frère épouse Giorgiana Darcy, ce qui faciliterait le mariage dont elle rêve avec Mr Darcy. Elle éprouve pour Jane une amitié condescendante qu'elle sacrifie volontiers, pour empêcher son frère de la revoir lorsqu'elle est à Londres. Elle découvre avec étonnement et inquiétude que, malgré la verve moqueuse qu'elle déploie à l'encontre d'Elizabeth, Darcy montre beaucoup d'intérêt pour cette dernière ; sa jalousie la pousse alors à se montrer très impolie avec elle et à la dénigrer systématiquement. Mais, comme elle ne voulait pas se fermer la porte de Pemberley, « elle liquida tout son arriéré de politesse vis-à-vis d'Elizabeth » (''[she] paid of every arear of civility to Elizabeth'') après son mariage avec Darcy, ironise Jane Austen<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=339}}</ref>.
Miss Bingley est la plus jeune des deux sœurs, et probablement la plus jeune de la famille{{note|group="N"|« Mr Bingley força sa plus jeune sœur à se montrer polie » ({{langue|en|''Mr Bingley forced his younger sister to be civil''}}) écrit Jane Austen au chapitre 9{{sfn|Jane Austen|1853|p=39}}. Plus âgée que son frère qui a presque 23 ans, elle serait, comme Charlotte Lucas, une « presque vieille fille ».}}. Élevée, comme sa sœur ainée, dans une pension huppée et prestigieuse de Londres{{note|''{{langue|en|One of the first private seminaries in town}}''. Faire ses études à Londres permettait en outre de perdre son accent provincial{{sfn|David M. Shapard|2012|p=29}}.|group=N}}, elle espère se marier dans la bonne société et cherche à faire oublier que la fortune familiale a été acquise dans le commerce, ce qui explique son mépris pour la parenté de Jane Bennet : un oncle avoué à Meryton, un oncle négociant à Londres. Dans le [[schéma actanciel]], elle joue le rôle d'un [[Schéma actantiel|opposant]].

Elle a soif de statut et un caractère intéressé{{sfn|Massei-Chamayou|2012|p=174}} : elle aimerait que son frère épouse Georgiana Darcy, ce qui faciliterait le mariage dont elle rêve avec Mr Darcy, et sacrifie volontiers l'amitié condescendante qu'elle éprouve pour Jane, afin d'empêcher son frère de la revoir lorsqu'elle séjourne à Londres. Elle découvre avec étonnement et inquiétude que, malgré la verve moqueuse qu'elle déploie à l'encontre d'Elizabeth, Darcy montre beaucoup d'intérêt pour cette dernière ; sa jalousie la pousse alors à se montrer très impolie avec elle et à la dénigrer systématiquement.

Mais, comme elle ne voulait pas se fermer la porte de Pemberley, elle {{citation|liquida tout son arriéré de politesse vis-à-vis d'Elizabeth}} (''{{langue|en|paid of every arear of civility to Elizabeth}}'') après son mariage avec Darcy, ironise Jane Austen<ref name="Austen339">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=339}}</ref>.

==== Mrs Hurst ====
Louisa Hurst, née Bingley, l'aînée de la fratrie, est un personnage assez effacé, dans l'ombre de sa cadette. Bien dotée ({{nombre|20000|£}}), elle a pu épouser un homme de la bonne société. Ce gentleman, peu fortuné mais propriétaire d'une résidence londonienne, a des centres d'intérêt particulièrement limités : les cartes, la chasse, la bonne chère… et les siestes sur le sofa{{sfn|Jane Austen|1853|p=47}}, quand aucune des autres activités n'est possible.


=== Les Lucas ===
=== Les Lucas ===
[[Fichier:Thomson-PP12.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure. Un clergyman ridicule tient la main d'une jeune fille rougissante| Mr Collins demande la main de Charlotte. (Dessin de Hugh Thomson, 1894)]]

Les Lucas sont une famille relativement nombreuse, ce qui peut expliquer le peu de fortune laissé à Charlotte{{sfn|David M. Shapard|2012|p=239}}. Jane Austen, outre Charlotte et Maria, cite des sœurs plus jeunes et des garçons dont l'âge et le nombre ne sont pas mentionnés.
==== Charlotte Lucas ====
==== Charlotte Lucas ====
Grande amie d'Elizabeth Bennet, elle est la fille aînée de Sir William Lucas, ancien commerçant de Meryton. Charlotte est une fille sensée et intelligente, mais sans charme (« ''plain'' »). Âgée de 27 ans, elle craint de rester vieille fille et de devenir « une charge bien lourde pour ses parents ». Elle se voit sans avenir, et profite du dépit de Mr Collins, vexé du refus d'Elizabeth, pour détourner vers elle son désir de mariage. Charlotte avoue à Elizabeth, stupéfaite de sa décision d'épouser Mr Collins, qu'elle n'est pas romantique et qu'elle n'attend du mariage que la sécurité financière et une maison confortable ; elle se satisfait de vivre au presbytère de Hunsford, près de Rosings Park, et de s'occuper de son propre foyer, en dirigeant adroitement son mari.
Grande amie d'Elizabeth Bennet, elle est la fille aînée de Sir William Lucas. Charlotte est une fille sensée et intelligente, mais sans charme (« ''{{langue|en|plain}}'' »). Âgée de {{nombre|27|ans}}, elle craint de rester vieille fille et de devenir « une charge bien lourde pour ses parents ». Elle se voit sans avenir, et profite habilement du dépit de Mr Collins, vexé du refus d'Elizabeth, pour détourner vers elle son désir de mariage. Elizabeth est stupéfaite de sa décision car elle n'a jamais voulu voir ce côté calculateur et matérialiste de son amie{{sfn|David M. Shapard|2012|p=245}}.
Charlotte a une [[Mariage dans les romans de Jane Austen#Le cas Charlotte Lucas|conception assez cynique du mariage]] : pragmatique, elle n'en attend que la sécurité financière et une maison confortable ; elle se satisfait de vivre au presbytère de Hunsford, près de Rosings Park, et de s'occuper de son propre foyer{{sfn|David M. Shapard|2012|p=241}}, en dirigeant adroitement son mari. Mais, fille de commerçant ayant épousé un pasteur assuré d'hériter d'un domaine, elle bénéficie, à un échelon moindre, d'une ascension sociale semblable à celle d'Elizabeth{{sfn|Massei-Chamayou|2012|p=94}}.


==== Sir William Lucas ====
==== Sir William Lucas ====
Ayant été élevé à la dignité de chevalier par le roi à l'époque où il était maire de Meryton, il a pris des idées de grandeur : il a quitté les affaires et s'est retiré dans une petite propriété, ''Lucas Lodge'', près de Longbourn. Il fait allusion chaque fois qu'il le peut à sa réception à la Cour. Il fait partie de la galerie de personnages dont Jane Austen souligne le ridicule, mais il n'est ni méchant ni arrogant. Il a deux filles, Charlotte, l'amie d'Elizabeth et Maria, une adolescente aussi « écervelée (''empty-headed'')<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=112}}</ref> » que son père, et plusieurs enfants plus jeunes.
Ayant été élevé à la dignité de [[Chevalier (chevalerie)#Chevalier honoraire|chevalier]] par le roi à l'époque où il était maire de Meryton, cet ancien commerçant a pris des idées de grandeur : il a quitté les affaires et s'est retiré dans une petite propriété près de Longbourn qu'il a pompeusement baptisée ''Lucas Lodge''{{sfn|David M. Shapard|2012|p=33}}. Il fait allusion chaque fois qu'il le peut à sa réception à la Cour. Il fait partie de la galerie de personnages dont Jane Austen souligne le ridicule, mais il n'est ni méchant ni arrogant.

==== Maria Lucas ====
Maria Lucas est une des sœurs cadettes de Charlotte. Elle est décrite au chapitre 27 comme une adolescente de caractère enjoué, mais aussi « écervelée » que son père (''{{langue|en|a good-humored girl, but as empty-headed as himself}}''<ref name="Austen112">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=112}}</ref>). Elle accompagne Sir Lucas et Elizabeth lors de la visite qu'ils rendent à Charlotte, récemment mariée, à Hunsford dans le [[Kent]]. Durant le voyage, sa conversation, comme celle de son père, se révèle sans intérêt et même {{citation|aussi pénible que le grincement des roues de la voiture}} ({{citation étrangère|lang=en|[they] had nothing to say that could be worth hearing, and were listened to with about as much delight as the rattle of the chaise}}<ref name="Austen112"/>). On peut donc faire le parallèle entre le caractère de ce personnage et celui de ses amies Catherine et Lydia Bennet.


==== Mrs Lucas ====
==== Mrs Lucas ====
L'épouse de Sir William est une brave femme sans prétention, et dont « les facultés moyennes lui permettent de voisiner agréablement avec Mrs Bennet ».
L'épouse de Sir William, devenue « Lady Lucas » depuis que son époux est « Sir William », est une brave femme sans prétention, {{citation|aux facultés suffisamment limitées pour être une voisine appréciée par Mrs Bennet}} ({{citation étrangère|lang=en|Not too clever to be an agreable neighbour to Mrs Bennet}})<ref name="Austen-1853-p=14">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=14}}</ref>.


===Autres personnages===
=== Autres personnages ===


[[Fichier:PrideandPrejudiceCH15.jpg|thumb|left|Mr Denny demanda la permission de présenter son ami, Mr Wickham. C E Brock 1895.]]
[[Fichier:PrideandPrejudiceCH15.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure colorisée. Un homme élégant s'incline devant un groupe de jeunes filles|gauche|Mr Denny demande la permission de présenter son ami, Mr Wickham. (C. E. Brock, 1895).]]
Les autres personnages ont un lien plus ou moins direct avec Darcy et/ou avec Pemberley.
Les autres personnages ont un lien plus ou moins direct avec Darcy et/ou avec Pemberley.


==== George Wickham ====
==== George Wickham ====
{{Article détaillé|George Wickham}}
{{Article détaillé|George Wickham}}
D'un charme indiscutable, auréolé du prestige de l'uniforme, il est prompt à se faire des amis, car, habile menteur et enjôleur, il n'hésite pas à utiliser sa prestance et les atouts que lui donne la bonne éducation qu'il a reçue pour abuser son entourage. Elizabeth est sensible à son charme, dès leur première rencontre<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=63}}</ref>, et compatit sans réserve à ses malheurs, lorsqu'il lui décrit complaisamment la dureté et l'injustice dont Darcy aurait fait preuve à son égard. La vérité, comme elle l'apprend plus tard, est fort différente : débauché et joueur, il a échoué à enlever la riche Giorgiana Darcy et, pressé financièrement, il s'est engagé dans la milice, ce qui explique sa venue à Meryton.
D'un charme indiscutable, auréolé du prestige de l'uniforme, il est prompt à se faire des amis, car, habile menteur et enjôleur, il n'hésite pas à utiliser sa prestance et les atouts que lui donne la bonne éducation qu'il a reçue pour abuser son entourage. Elizabeth est sensible à son charme, dès leur première rencontre{{sfn|Jane Austen|1853|p=63}}, et compatit sans réserve à ses malheurs, lorsqu'il lui décrit complaisamment la dureté et l'injustice dont Darcy aurait fait preuve à son égard. La vérité, comme elle l'apprend plus tard, est fort différente : débauché et joueur<ref group="N">Son nom, Wickham, est à rapprocher de ''{{langue|en|wicked}}'', malfaisant, méchant.</ref>, il a échoué, l'été précédent, à enlever la riche Georgiana Darcy et, pressé financièrement, il s'est engagé dans la milice, ce qui explique sa venue à Meryton.


L'intrigue développée autour du personnage de George Wickham a été inspirée à Jane Austen par le ''[[Histoire de Tom Jones, enfant trouvé|Tom Jones]]'' d'[[Henry Fielding]]<ref>{{en}} [[Margaret Anne Doody]], « Reading », ''The Jane Austen companion'', Macmillan, 1986 {{ISBN|978-0-02-545540-5}}, {{p.|358-362}}</ref>.
[[Fichier:Pickering - Greatbatch - Jane Austen - Pride and Prejudice - This is not to be borne, Miss Bennet.jpg|thumb|Lady Catherine à Elizabeth : « C'est intolérable ! J'exige une réponse. Est-ce que mon neveu vous a demandée en mariage ? » (éd. de 1833).]]

L'intrigue développée autour du personnage de George Wickham a été inspirée à Jane Austen par le ''[[Histoire de Tom Jones, enfant trouvé|Tom Jones]]'' d'[[Henry Fielding]]<ref>Margaret Ann Doody, « Reading », ''The Jane Austen companion'', Macmillan, 1986 {{ISBN|9780025455405}}, p. 358-362</ref>.


==== Georgiana Darcy ====
==== Georgiana Darcy ====
Giorgiana<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/derry2.htm#2|titre=The Two Giorgianas|site=JASNA (1989)}}</ref> est bien plus jeune que son frère, de onze ou douze ans peut-être (« ''She is more than ten years my junior'' », écrit-il)<ref name="Jane Austen 177">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=177}}</ref>, elle est sous sa responsabilité et celle de son cousin, le colonel Fitzwilliam, depuis le décès de leur père, quelque cinq ans plus tôt<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=176}}</ref>. Elle a, semble-t-il, perdu sa mère, Lady Anne, depuis un certain temps aussi, puisqu'elle était en pension, puis installée à Londres avec une dame de compagnie<ref name="Jane Austen 177"/>. C'est une jeune fille très timide qui joue fort bien du [[piano-forte|piano]] et semble bien solitaire ; il n'est pas étonnant qu'elle ait cru aimer Wickham qu'elle connaît depuis l'enfance et qui sait se montrer si charmant. Elle est prête à aimer Elizabeth de tout son cœur, et il est certain que son frère a beaucoup d'affection pour elle, même s'il en fait peu étalage<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=216}} « Il n'y a rien qu'il ne ferait pour elle » dit Mrs Reynolds. Voir aussi {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol30no1/perry.html|titre=Brotherly Love in Eighteenth-Century Literature|site=JASNA, 2009}}</ref>.
Georgiana<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/derry2.htm#2|auteur=Stephen Derry|titre=''The Two Georgianas: The Duchess of Devonshire and Austen's Miss Darcy''|site=JASNA|année=1989}}</ref> a onze ou douze ans environ de moins que son frère ({{citation étrangère|lang=en|She is more than ten years my junior}}, écrit-il)<ref name="Jane Austen 177">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=177}}</ref>. Mineure, elle est sous sa responsabilité et celle de son cousin, le colonel Fitzwilliam, depuis le décès de leur père, quelque cinq ans plus tôt{{sfn|Jane Austen|1853|p=176}}. Elle a, semble-t-il, perdu sa mère, Lady Anne, depuis un certain temps aussi, puisqu'elle était en pension, puis, à quinze ans, installée à Londres avec une dame de compagnie<ref name="Jane Austen 177"/>. C'est une jeune fille très timide qui joue fort bien du [[piano-forte|piano]] et semble bien solitaire ; il n'est pas étonnant qu'elle ait cru aimer Wickham qu'elle connaît depuis l'enfance et qui sait se montrer si charmant. Elle est prête à aimer Elizabeth de tout son cœur, et il est certain que son frère a beaucoup d'affection pour elle, même s'il en fait peu étalage : {{citation|Il n'y a rien qu'il ne ferait pour elle}} dit Mrs Reynolds, l'intendante de Pemberley{{sfn|Jane Austen|1853|p=216}}{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol30no1/perry.html|auteur=Ruth Perry|titre=Brotherly Love in Eighteenth-Century Literature|site=JASNA|année=2009}}</ref>.


==== Lady Catherine de Bourg ====
==== Lady Catherine de Bourgh ====
[[Fichier:Thomson-PP22.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure. Une dame très hautaine est introduite par un valet de pied|Lady Catherine de Bourgh vient se confronter à Elizabeth à Longbourn. [[Hugh Thomson]], 1894.]]
« Sa Seigneurie » (''Her Ladyship''), maîtresse majestueuse de Rosings Park<ref group="N">Elle ressemblerait beaucoup à la Douairière Lady Stanhope, une « vieille dame plutôt énergique », voir {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/halperin.htm#3|titre=Inside ''Pride and Prejudice''}}</ref>, est la veuve de Lord Lewis et la mère d'Anne, la fille malingre et souffreteuse qu'elle a l'intention de marier à Darcy, afin d'unir leurs deux fortunes. C'est la sœur de Lady Anne, la mère de Darcy, et de Lord***, père du colonel Fitzwilliam. Cette aristocrate habituée à tout régenter d'une voix impérieuse et donnant son avis sur tout d'un ton qui ne supporte pas la contradiction, est un personnage assez caricatural. Elizabeth s'amuse au début de sa « majestueuse impertinence »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=146}}</ref>, mais sait aussi défendre avec beaucoup de courage sa conception du bonheur, quand la grande dame vient, de façon assez insultante, essayer de lui arracher la promesse de ne jamais accepter une demande en mariage de la part de Darcy<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=312}}</ref>.
« Sa Seigneurie » (''{{langue|en|Her Ladyship}}''), maîtresse majestueuse de Rosings Park{{note|D'après John Halperin, elle ressemblerait beaucoup à la Douairière Lady Stanhope, une « vieille dame plutôt énergique »<ref name="Inside P&P"/>.|group=N}}, est la veuve de Lord Lewis et la mère d'Anne, la fille malingre et souffreteuse qu'elle a l'intention de marier à Darcy, afin d'unir leurs deux fortunes. C'est la sœur de Lady Anne (mère de Darcy et Georgiana) et de Lord***, père du colonel Fitzwilliam. Cette aristocrate habituée à tout régenter d'une voix impérieuse et donnant son avis sur tout d'un ton qui ne supporte pas la contradiction, est un personnage assez caricatural. Elizabeth s'amuse au début de sa « majestueuse impertinence »{{sfn|Jane Austen|1853|p=146}}, mais sait aussi défendre avec beaucoup de courage sa conception du bonheur, quand la grande dame vient, de façon assez insultante, essayer de lui arracher la promesse de ne jamais accepter une demande en mariage de la part de Darcy{{sfn|Jane Austen|1853|p=312}}.
==== Le colonel Fitzwilliam ====


Fils cadet d'un comte, Lord***{{note|Fitzwilliam est le nom de famille du colonel, dont le prénom n'est pas précisé. En ne donnant pas le titre porté par son père, Jane Austen refuse de lier le personnage à une famille noble existante, mais ne veut pas non plus utiliser un nom fictif{{sfn|David M. Shapard|2012|p=335}}.|group=N}}, un peu plus âgé que son cousin Darcy, il tombe sous le charme d'Elizabeth lorsqu'il fait sa connaissance à Rosings Park, pendant le séjour qu'elle fait chez son amie Charlotte, après le mariage de cette dernière. Elizabeth, qui le trouve moins séduisant que Wickham, mais plus cultivé{{sfn|Jane Austen|1853|p=158}}, sait bien qu'elle n'a pas assez de fortune pour sérieusement intéresser un cadet de famille.
==== Colonel Fitzwilliam ====
Fils cadet de Lord***, un peu plus âgé que son cousin Darcy, il tombe sous le charme d'Elizabeth lorsqu'il fait sa connaissance à Rosings Park, pendant le séjour qu'elle fait chez son amie Charlotte, après le mariage de cette dernière. Elizabeth, qui le trouve moins séduisant que Wickham, mais plus cultivé<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=158}}</ref>, sait bien qu'elle n'a pas assez de fortune pour sérieusement intéresser un cadet de famille.


== Structure narrative ==
==== Mrs Reynolds ====
L'intendante de Pemberley est une vieille dame respectable qui porte à son jeune maître, qu'elle a vu grandir, une profonde admiration teintée d'affection. Ses affirmations concernant les qualités du propriétaire du domaine et l'opinion qu'en ont ses tenanciers et ses serviteurs ébranlent les convictions d'Elizabeth lorsqu'elle visite Pemberley avec les Gardiner{{note|Dans la diégèse, elle est un adjuvant : chargée de construire le nouveau portrait de Darcy, à l'opposé des préjugés initiaux, comme l'indique son nom, celui d'un [[Joshua Reynolds|portraitiste célèbre]].|group=N}}.


== Structure narrative ==
=== Construction ===
=== Construction ===
==== Un souci de vraisemblance ====
==== Un souci de vraisemblance ====
Le soin extrême apporté par Jane Austen pour rendre crédible ses romans au travers de notations contextuelles précises est connu<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=189}}</ref>. Elle précise les distances et même le temps nécessaire pour les parcourir : entre Lucas Lodge et Hunsford, par exemple, il y a « presque cinquante miles », ce qui représente « un peu plus qu'une demi-journée de voyage »<ref>« ''nearly fifty miles ''», « ''little more than half a day's journey'' » {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=156}}</ref>, mais il faut presque deux jours pour revenir d'une traite de Lambton à Longbourn<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=247}}</ref>. Elle est attentive aux dates, précise souvent le jour de la semaine où se passe tel ou tel événement majeur, comme le bal de Netherfield, qui a lieu un mardi, le 26 novembre<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=78}} et 227</ref>, et elle ne décrit que ce dont elle est sûre, ce qui explique qu'elle se contente d'évoquer ce que peuvent faire les messieurs (par exemple chasser), lorsqu'ils sont ''entre hommes''.
Le soin extrême apporté par Jane Austen pour rendre crédibles ses romans au travers de notations contextuelles précises est connu<ref name="ref-5">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=189}}</ref>. Elle précise les distances et même le temps nécessaire pour les parcourir : entre Lucas Lodge et Hunsford, par exemple, il y a {{citation|presque cinquante miles}}, ce qui représente {{citation|un peu plus qu'une demi-journée de voyage}}<ref>{{citation étrangère|lang=en|nearly fifty miles ; little more than half a day's journey}}, {{harvsp|Jane Austen|1853|p=156}}</ref>, mais il faut presque deux jours pour revenir d'une traite de Lambton à Longbourn{{sfn|Jane Austen|1853|p=247}}. Elle est attentive aux dates, précise souvent le jour de la semaine où se passe tel ou tel événement majeur, comme le bal de Netherfield, qui a lieu un mardi, le {{date-|26 novembre}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=78 et 227}}, et elle ne décrit que ce dont elle est sûre, ce qui explique qu'elle se contente d'évoquer ce que peuvent faire les messieurs (par exemple chasser, jouer au billard), lorsqu'ils sont ''entre hommes''.


Le roman est parfaitement construit<ref>{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=32-36}}</ref> : chaque action induit la suivante, même si les personnages en sont souvent inconscients. Si le lecteur sait dès le sixième chapitre que Darcy s'intéresse à Elizabeth, elle ne s'en rend absolument pas compte<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=19}} : « ''Of this, she was perfectly unaware'' ».</ref>. Il n'est alors pas surprenant qu'elle trouve « bizarre » de le rencontrer « de façon inattendue » dans le parc de Rosings<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=159}}</ref>, mais le lecteur a le plaisir de voir l'action rebondir sans temps morts ni digressions.
Le roman est parfaitement construit{{sfn|Pierre Goubert|1975|p=32-36}} : chaque action induit la suivante, même si les personnages en sont souvent inconscients. Si le lecteur sait dès le sixième chapitre que Darcy s'intéresse à Elizabeth, elle ne s'en rend absolument pas compte<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=19}} : {{citation étrangère|lang=en|Of this, she was perfectly unaware}}.</ref>. Il n'est alors pas surprenant qu'elle trouve « bizarre » de le rencontrer « de façon inattendue » dans le parc de Rosings<ref name="Austen159">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=159}}</ref>, mais le lecteur a le plaisir de voir l'action rebondir sans temps morts ni digressions.


De même, l'intrigue obéit à une logique interne<ref name="étude psychologique de la romancière">{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=40-44}}</ref>, liée au caractère des personnages et non à des événements extérieurs. Ainsi leurs déplacements, leurs rencontres, comme celles d'Elizabeth et Darcy à Netherfield, à Rosings et enfin à Pemberley, sont planifiés et savamment préparés, par une utilisation soignée et maîtrisée de la convention romanesque, même si le lecteur croit assister à un [[coup de théâtre]]<ref name="étude psychologique de la romancière"/>.
De même, l'intrigue obéit à une logique interne<ref name="étude psychologique de la romancière">{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=40-44}}</ref>, liée au caractère des personnages et non à des événements extérieurs. Ainsi leurs déplacements, leurs rencontres, comme celles d'Elizabeth et Darcy à Netherfield, à Rosings et enfin à Pemberley, sont planifiés et savamment préparés, par une utilisation soignée et maîtrisée de la convention romanesque, même si le lecteur croit assister à un [[coup de théâtre]]<ref name="étude psychologique de la romancière"/>.


Dans le même souci de vraisemblance, Jane Austen prend la peine de justifier le changement dans les sentiments d'Elizabeth envers Darcy, qu'elle juge « ni improbable ni fautif »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=242}}</ref>, ou de préciser les étapes successives du changement de jugement de Darcy envers Elizabeth, depuis l'indifférence hautaine jusqu'à la passion irrépressible<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=19}}, p. 45, 50, 51 (« il était beaucoup plus attiré par elle qu'il ne l'aurait voulu ») et p. 166 « Je ne peux réprimer mes sentiments ».</ref>, parce qu'elle n'écrit pas un de ces romans à la mode si décriés par les moralistes de son temps, mais une histoire qu'elle veut rendre réaliste et crédible<ref name="étude psychologique de la romancière"/>.
Dans le même souci de vraisemblance, Jane Austen prend la peine de justifier le changement dans les sentiments d'Elizabeth envers Darcy, qu'elle juge {{citation|ni improbable ni fautif}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=242}}, ou de préciser les étapes successives du changement de jugement de Darcy envers Elizabeth, depuis l'indifférence hautaine jusqu'à la passion irrépressible<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=19}} (« ses traits rendus exceptionnellement intelligents par l'expressivité de ses yeux noirs ») puis {{p.|45}} (« ensorcelé »), {{p.|51}} ({{citation|il était beaucoup plus attiré par elle qu'il ne l'aurait voulu}}) et {{p.|166}} ({{citation|Je ne peux réprimer mes sentiments}}).</ref>, parce qu'elle n'écrit pas un de ces romans à la mode si décriés par les moralistes de son temps, mais une histoire qu'elle veut rendre réaliste et crédible<ref name="étude psychologique de la romancière"/>.


==== Construction en deux parties ====
==== Construction en deux parties ====
La réédition de 1853, en deux tomes, met en lumière la construction en deux parties autour de la première demande en mariage de Darcy<ref name="Secret, Silence and Surprise in ''Pride and Prejudice''">{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/stovel.htm |titre=Secret, Silence and Surprise in ''Pride and Prejudice''|JASNA, 1989|consulté=le 7 décembre 2009}}</ref>, qui se trouve presque exactement au centre du roman : la déclaration de Darcy, sa lettre explicative, et les réflexions que se fait ensuite Elizabeth sont le pivot autour duquel se reconstruit progressivement leur relation.
La réédition de 1853, en deux tomes, met en lumière la construction en deux parties autour de la première demande en mariage de Darcy<ref name="S.S.S in P&P">{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/stovel.htm |auteur=Bruce Stovel|titre=Secret, Silence and Surprise in ''Pride and Prejudice''|site=JASNA|année=1989|consulté le=7 décembre 2009}}</ref>, qui se trouve presque exactement au centre du roman : la déclaration de Darcy, sa lettre explicative, et les réflexions que se fait ensuite Elizabeth sont le pivot autour duquel se reconstruit progressivement leur relation. Dans la première partie, après la désastreuse première rencontre au bal de Meryton<ref name="ref-3"/>, leurs rencontres successives (dont les trois [[#Fonction symbolique|invitations à danser]] puis les trois rencontres « fortuites » dans les bois de Rosings Park) montrent au lecteur les tentatives d'approche de Darcy, incompréhensibles, déroutantes, parfois humiliantes pour une Elizabeth aveuglée par son préjugé<ref name="S.S.S in P&P"/>. Par la suite, les retrouvailles imprévues à Pemberley, où Darcy se montre {{citation|on ne peut plus courtois, poli et simple}} ({{citation étrangère|lang=en|perfectly well behaved, polite and unassuming}}){{sfn|Jane Austen|1853|p=223}}, sont le prélude de visites et de rencontres qui font enfin avancer de façon satisfaisante leurs relations<ref name="S.S.S in P&P"/>.

Avant ce moment essentiel, chacun des deux protagonistes connaissait un ou plusieurs éléments que l'autre ignorait : ainsi, Darcy connaissait le caractère de Wickham, et Elizabeth les sentiments de sa sœur. Mais chacun se méprenait sur les sentiments de l'autre : lui était persuadé qu'elle « attendait sa déclaration », et elle, contrairement au lecteur, ignorait totalement les sentiments qu'elle lui inspirait. Après ce renversement [[Péripétie|aristotélicien]]<ref name="Secret, Silence and Surprise in ''Pride and Prejudice''"/> ils partagent un certain nombre de secrets : la demande en mariage proprement dite, et tout ce que révèle la lettre.


Avant ce moment essentiel, chacun des deux protagonistes connaissait un ou plusieurs éléments que l'autre ignorait : ainsi, Darcy connaissait le caractère de Wickham, et Elizabeth les sentiments de sa sœur. Mais chacun se méprenait sur les sentiments de l'autre : lui était persuadé qu'elle {{citation|attendait sa déclaration}}, et elle, contrairement au lecteur, ignorait totalement les sentiments qu'elle lui inspirait. Après ce renversement [[Péripétie|aristotélicien]]<ref name="S.S.S in P&P"/>, ils partagent un certain nombre de secrets : la demande en mariage de Darcy en elle-même, et tout ce que révèle [[Fitzwilliam Darcy#La lettre à Elizabeth|sa lettre à Elizabeth]].
En choisissant de dévoiler le passé de Wickham et de s'expliquer honnêtement, Darcy montre aussi l'estime qu'il porte à Elizabeth, et sa confiance en sa discrétion. Elle lui retourne par la suite cette confiance en lui dévoilant l'enlèvement de Lydia, ce qui le pousse à agir pour en annuler les conséquences catastrophiques. Jane Austen montre ainsi comment chacun apprend<ref group="N">Jane Austen respecte parfaitement les conseils de ''The Rambler'' de [[Samuel Johnson]] (1750) ou des ''Lectures on Rhetoric and Belles Lettres'' de [[Hugh Blair]] (1783), qui concèdent qu'un bon roman, en présentant des exemples concrets, peut instruire les jeunes gens dans la connaissance du bien et du mal mieux qu'un traité de morale, écrit {{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=26}}</ref>grâce à l'autre, à mieux se connaître, et à vaincre son orgueil et ses préjugés.
Malgré la sécheresse et la froideur du style, Darcy y montre l'estime qu'il lui porte et sa confiance en sa discrétion en choisissant de dévoiler la teneur de ses relations avec Wickham et de s'expliquer honnêtement. Lorsqu'elle le découvre si chaleureux à Pemberley, elle peut lui retourner cette confiance en lui dévoilant la fugue de Lydia avec Wickham<ref name="S.S.S in P&P"/>, ce qui le pousse à agir pour en annuler les conséquences catastrophiques. Jane Austen montre ainsi comment chacun apprend, grâce à l'autre, à mieux se connaître, et à vaincre son orgueil et ses préjugés{{note|Selon Pierre Goubert, Jane Austen respecte parfaitement les conseils de ''{{langue|en|The Rambler}}'' de [[Samuel Johnson]] (1750) ou des ''{{langue|en|Lectures on Rhetoric and Belles Lettres}}'' de [[Hugh Blair]] (1783), qui concèdent qu'un bon roman, en présentant des exemples concrets, peut instruire les jeunes gens dans la connaissance du bien et du mal mieux qu'un traité de morale{{sfn|Pierre Goubert|1975|p=26}}.|group=N}}.


=== Saisons et saisons du cœur ===
=== Saisons et saisons du cœur ===
[[Fichier:River Dove at Dovedale.JPG|thumb|left|upright=1.3|Paysage paisible du ''[[Peak District]]'', dans le Derbyshire.]]
[[Fichier:River Dove at Dovedale.JPG|vignette|gauche|alt=Photo. Bord de rivière paisible|upright=1.3|[[Dovedale (site)|Dovedale]], paysage paisible du ''[[Peak District]]'', dans le Derbyshire.]]


Les événements sont clairement inscrits dans le passage des saisons<ref name="The Five Seasons of ''Pride and Prejudice''">{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/wingard.htm#1|titre=Sara Wingard : The Five Seasons of ''Pride and Prejudice''|1989}}</ref> et le cycle saisonnier rythme l'action et l'évolution des personnages.
Les événements sont clairement inscrits dans le passage des saisons<ref name="Five Seasons of P&P">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/wingard.htm#1|auteur=Sara Wingard|titre=The Five Seasons of ''Pride and Prejudice''|site=JASNA|année=1989}}</ref> et le cycle saisonnier rythme l'action et l'évolution des personnages.


Le roman dure quinze mois<ref>{{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/ppchron.html|titre=Chrononogie de ''Pride and Préjudice'' selon R.W. Chapman}}</ref>.<ref>{{lien web|url=http://www.jimandellen.org/austen/p&p.calendar.html|titre=A Calendar for ''Pride and Prejudice''}}</ref> Il débute en ''automne'' avec successivement l'arrivée de Bingley à [[29 septembre|la Saint Michel]] (le 29 septembre), celle du régiment qui prend ses quartiers d'hiver à Meryton début octobre, celle de Mr Collins, qui s'annonce d'abord par une lettre, puis arrive en personne le 18 novembre, comme Wickham<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|}}, chapitres 1, 7, 13, 15</ref>. La pluie cause le rhume de Jane, et la venue d'Elizabeth à Netherfield, ce qui donne à l'auteur l'occasion d'éclairer les relations conflictuelles entre Elizabeth et Darcy.
Le roman dure quinze mois<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/ppchron.html|titre=Chrononogie de ''Pride and Préjudice'' selon R.W. Chapman|site=Pemberley.com}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jimandellen.org/austen/p&p.calendar.html|auteur=Ellen Moody|titre=A Calendar for ''Pride and Prejudice''|consulté le=4 janvier 2010}}</ref>. Il débute en ''automne'' avec successivement l'arrivée de Bingley à [[29 septembre#Traditions et superstitions|la Saint Michel]] (le {{date-|29 septembre}}), celle du régiment qui prend ses quartiers d'hiver à Meryton début octobre, celle de Mr Collins, qui s'annonce d'abord par une lettre, puis arrive en personne le {{date-|18 novembre}}, comme Wickham{{sfn|Jane Austen|1853|loc=chapitres 1, 7, 13, 15}}. La pluie cause le rhume de Jane, et la venue d'Elizabeth à Netherfield, ce qui donne à l'auteur l'occasion d'éclairer les relations conflictuelles entre Elizabeth et Darcy.
Tous les espoirs sont permis à Mrs Bennet, qui voit déjà Mr Bingley épouser Jane, et trouve Mr Collins assez bon pour Elizabeth<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|}}, fin du chapitre 18</ref> mais la fin de l'automne voit s'évanouir ces espoirs, ce qu'a en quelque sorte annoncé la pluie persistante qui a précédé le bal de Netherfield<ref name="The Five Seasons of ''Pride and Prejudice''"/>.
Tous les espoirs sont permis à Mrs Bennet, qui voit déjà Mr Bingley épouser Jane et trouve Mr Collins « assez bon » pour Elizabeth{{sfn|Jane Austen|1853|loc=fin du chapitre 18}}, mais la fin de l'automne voit s'évanouir ces espoirs, ce qu'a en quelque sorte annoncé la pluie persistante qui a précédé le bal de Netherfield<ref name="Five Seasons of P&P"/>.
''L'hiver'' est la saison où tout se fige : Mr Bingley parti, Jane a le cœur brisé<ref group="N">Le Tome II débute pratiquement par ces mots :« ''Hope was over, entirely over'' » ({{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=117 }})</ref> et Mr Collins est fiancé à Charlotte Lucas. Cependant l'arrivée des Gardiner pour Noël permet d'évoquer Pemberley avec Wickham, et le mariage de Charlotte en janvier<ref group="N">Igor Webb, ''From Custom to Capital. The English Novel and the Industrial Revolution'', Ithaca, Cornell University Press, 1981, p. 172. L'auteur souligne que ce mariage froid et sans amour, si assorti à la saison, confirme la capacité de Jane Austen à suggérer la relation entre la saison et la narration, sans les descriptions détaillées qu'apprécient tant les écrivains romantiques</ref> entraîne l'invitation d'Elizabeth à Hunsford, au printemps.
''L'hiver'' est la saison où tout se fige : Bingley parti, Jane a le cœur brisé{{note|Le Tome II débute pratiquement par ces mots : {{Citation étrangère|langue=en|Hope was over, entirely over}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=117}}.|group=C}} ; et Collins est fiancé à Charlotte Lucas. Cependant l'arrivée des Gardiner pour Noël permet d'évoquer [[Pemberley]] avec Wickham, et le mariage de Charlotte en janvier entraîne l'invitation d'Elizabeth à Hunsford, au printemps{{note|Pour Igor Webb<ref>{{ouvrage|langue=en|titre=From Custom to Capital. The English Novel and the Industrial Revolution|auteur=Igor Webb|éditeur=Cornell University Press|année=1981|page=172}}</ref>, ce mariage froid et sans amour, si assorti à la saison, confirme la capacité de Jane Austen à suggérer la relation entre la saison et la narration, sans les descriptions détaillées qu'apprécient tant les écrivains romantiques.|group=N}}.


''Le printemps'', même s'il voit fleurir l'amour de Darcy pour Elizabeth, n'amène pas d'espoir : Jane, toujours à Londres, est sans nouvelles de Charles Bingley, Elizabeth, à Hunsford, s'ennuie et n'apprécie que le parc, où elle peut échapper à la curiosité de Lady Catherine, mais où elle rencontre trois fois Mr Darcy, de façon totalement inattendue pour elle<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=159}}</ref>, ce qui annonce les rencontres de Pemberley<ref group="N"> La même expression « turn[ed] back with » est utilisée pour décrire le comportement de Darcy quand il rejoint Elizabeth dans le parc de Rosings, et lorsqu'il va à la rencontre des Gardiner dans le parc de Pemberley : il rebrousse chemin et [les/l'] ''accompagne'' </ref>. Avril voit Elizabeth vivement rejeter l'amour de Mr Darcy, mais, sous « le charme d'une matinée printanière » se plonger dans la lettre qui l'amène à réviser ses « premières impressions ».
''Le printemps'', même s'il voit fleurir l'amour de Darcy pour Elizabeth, n'amène pas d'espoir : Jane, toujours à Londres, est sans nouvelles de Charles Bingley, Elizabeth, à Hunsford, s'ennuie et n'apprécie que le parc, où elle peut échapper à la curiosité de Lady Catherine, mais où elle rencontre trois fois Darcy, de façon totalement inattendue pour elle<ref name="Austen159"/>, ce qui annonce les rencontres de Pemberley<ref group="N">La même expression {{citation étrangère|lang=en|turn[ed] back with}} est utilisée pour décrire le comportement de Darcy quand il rejoint Elizabeth dans le parc de Rosings, et lorsqu'il va à la rencontre des Gardiner dans le parc de Pemberley : il rebrousse chemin et [les/l'] ''accompagne''.</ref>. Avril voit Elizabeth vivement rejeter l'amour de Darcy, mais, sous {{citation|le charme d'une matinée printanière}}, se plonger dans la lettre qui l'amène à réviser ses « premières impressions ».


[[Fichier:Bingley&Jane CH 55.jpg|thumb|Elizabeth aperçut sa sœur et Bingley, debout, en grande conversation. C E Brock 1895.]]
[[Fichier:Bingley&Jane CH 55.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure colorisée. Jeune fille surprenant un couple conversant tendrement|Elizabeth aperçoit sa sœur et Bingley, debout, en grande conversation. [[C. E. Brock]] 1895.]]


''L'été'' est la saison des retournements de situation<ref name="The Five Seasons of ''Pride and Prejudice''"/> : Elizabeth a pris conscience des manquements de sa famille, mais ne peut empêcher le départ de Lydia pour Brighton ; elle espérait une excursion dans les splendeurs romantiques du ''[[Lake District]]'', elle découvre finalement le charme paisible du [[Derbyshire]] et de son ''[[Peak District]]'' ; elle craignait de rencontrer Mr Darcy si elle visitait Pemberley, elle découvre sa généreuse hospitalité envers son oncle, qu'il invite à pêcher « aussi souvent qu'il veut », et elle-même, à qui il offre la possibilité de rencontrer sa sœur<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=221-222}}</ref>. Mais la fuite de Lydia avec Wickham l'empêche d'approfondir ces découvertes, et l'enfonce dans le silence, la douleur et la solitude à son retour à Longbourn.
''L'été'' est la saison des retournements de situation<ref name="Five Seasons of P&P"/> : Elizabeth a pris conscience des manquements de sa famille, mais ne peut empêcher le départ de Lydia pour Brighton ; elle espérait une excursion dans les splendeurs romantiques du ''[[Lake District]]'', elle découvre finalement le charme paisible du [[Derbyshire]] et de son ''[[Peak District]]'' ; alors qu'elle craignait de rencontrer Darcy si elle visitait [[Pemberley|son domaine]], elle découvre sa généreuse hospitalité envers son oncle, qu'il invite à venir pêcher {{citation|aussi souvent qu'il veut}}, et elle-même, à qui il offre la possibilité de rencontrer sa sœur Georgiana{{sfn|Jane Austen|1853|p=221-222}}. Mais la fuite de Lydia avec Wickham l'empêche d'approfondir ces découvertes, et l'enfonce dans le silence, la douleur et la solitude à son retour à Longbourn.


L'histoire s'achève dans la même saison qu'elle a commencé, avec un « retour cyclique » des personnages à Meryton en ''automne'', mais ils ont subtilement évolué<ref>Joseph Allen Boone, ''Tradition Counter Tradition'', Chicago, University of Chicago Press, 1987, p. 117</ref>. La scène d'introduction se reproduit quasiment à l'identique dans le tome III<ref group="N">« Il faut absolument que vous alliez voir Mr Bingley dès son arrivée. » et « Dès que Mr Bingley arrivera, vous irez le voir. » Souligné par Joseph Wiesenfarth, « Austen and Apollo », in ''Jane Austen Today'', ed. Joel Weinsheimer, Athènes, The University of Georgia Press, 1975, p. 52.</ref>. Wickham revient, mais, marié à Lydia et ayant perdu toute son [[aura]] aux yeux des personnages principaux, il s'en va aussitôt avec elle loin dans le Nord ; Mr Collins se manifeste par une lettre, puis par son retour, avec Charlotte, « en attendant que la tempête soit calmée »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=318 et 336}}</ref>.
L'histoire s'achève dans la même saison qu'elle a commencé, avec un « retour cyclique » des personnages à Meryton en ''automne'', mais ils ont subtilement évolué<ref>Joseph Allen Boone, ''Tradition Counter Tradition'', Chicago, University of Chicago Press, 1987, {{p.|117}}</ref>. La scène d'introduction se reproduit quasiment à l'identique dans le tome III<ref group="N">{{citation|Il faut absolument que vous alliez voir Mr Bingley dès son arrivée.}} et {{citation|Dès que Mr Bingley arrivera, vous irez le voir.}} Souligné par Joseph Wiesenfarth, « Austen and Apollo », in ''Jane Austen Today'', ed. Joel Weinsheimer, Athènes, The University of Georgia Press, 1975, {{p.|52}}.</ref>. Wickham revient, mais, marié à Lydia et ayant perdu toute son [[Aura (parapsychologie)#Figure littéraire|aura]] aux yeux des personnages principaux, il s'en va aussitôt avec elle loin dans le Nord ; Collins se manifeste par une lettre, puis par son retour, mais avec Charlotte, {{citation|en attendant que la tempête soit calmée}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=318 et 336}}.


Bingley et Darcy reviennent, eux aussi, officiellement pour quelques semaines de chasse<ref group="N">Sara Wingard dans{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/wingard.htm#1|titre=The Five Seasons of ''Pride and Prejudice''}} s'amuse de « la merveilleuse ironie qu'il y a dans l'offre de Mrs Bennet aux deux jeunes gens de venir chasser sur les terres de son mari, car c'est bien ce qu'ils sont tout les deux en train de faire avec succès ».</ref>. Ce deuxième automne est comme un recommencement : Bingley fait la demande qu'il aurait dû faire un an plus tôt, et Darcy récolte les fruits de son changement d'attitude sur le chemin de Lucas Lodge : Elizabeth et lui rejouent la scène de la demande en mariage, mais dans un tout autre contexte : ils ont psychologiquement grandi et leur amour a mûri. La fin d'automne voit des départs sans larmes, et un mouvement important vers le nouveau centre d'intérêt, Pemberley<ref name="The Five Seasons of ''Pride and Prejudice''"/>.
Bingley et Darcy reviennent, eux aussi, officiellement pour quelques semaines de chasse{{note|Dans ''{{langue|en|The Five Seasons of Pride and Prejudice}}'' Sara Wingard s'amuse de {{citation|la merveilleuse ironie qu'il y a dans l'offre de Mrs Bennet aux deux jeunes gens de venir chasser sur les terres de son mari, car c'est bien ce qu'ils sont tous les deux en train de faire avec succès}}<ref name="Five Seasons of P&P"/>.|group=N}}. Ce deuxième automne est comme un recommencement : Bingley fait la demande qu'il aurait dû faire un an plus tôt, et Darcy récolte les fruits de son changement d'attitude sur le chemin de Lucas Lodge : Elizabeth et lui rejouent la scène de la demande en mariage, mais dans un tout autre contexte : ils ont tous les deux psychologiquement grandi et leur amour a mûri. La fin d'automne voit des départs sans larmes, et un mouvement important vers le nouveau centre d'intérêt, [[Pemberley]]<ref name="Five Seasons of P&P"/>.


== Style et ironie ==
== Style et ironie ==


{{Article détaillé|Jane Austen#Humour et ironie{{!}}Jane Austen (humour et ironie)}}
{{Article détaillé|Jane Austen#Humour et ironie{{!}}Jane Austen (humour et ironie)}}
Le style de Jane Austen est vif, élégant et sans maniérisme, les descriptions sont brèves, les passages narratifs réduits, les interventions de l'auteur rares. C'est une prose du non-dit, toute en réticence et retenue<ref>Jacques Roubeau, Introduction à ''Orgueil et Préjugés'', édition Christian Bourgeois, 1994</ref>. [[Virginia Woolf]] admire ses « merveilleux petits discours qui résument en une conversation tout ce qu'il faut savoir pour connaître » un personnage<ref>Virginia Woolf, The Common Reader, p. 168-183, The Hogarth Press, Londres, 1975, en Introduction aux romans de Jane Austen, Tome I, collection Omnibus, 1996, p.xi {{isbn|9782258045101}}</ref>. Et un lecteur moderne, même s'il est peu au fait des règles et conventions qu'elle critique et dont elle se moque<ref name="Lydia Martin 190">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=190}}</ref>, peut goûter la saveur du récit.
Le style de Jane Austen est vif, élégant et sans maniérisme. Les descriptions sont brèves, les passages narratifs réduits, et rares les interventions de l'auteur, qui, en outre, manie avec subtilité la [[litote]] : c'est une prose du non-dit, tout en réticence et retenue<ref>Jacques Roubeau, Introduction à ''Orgueil et Préjugés'', édition Christian Bourgeois, 1994</ref>. [[Virginia Woolf]] admire ses {{citation|merveilleux petits discours qui résument en une conversation tout ce qu'il faut savoir pour connaître définitivement [un personnage]}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|Those marvellous little speeches which sum up, in a few minutes’ chatter, all that we need in order to know a [caracter] for ever}}<ref name="CR">{{Lien web|url=http://ebooks.adelaide.edu.au/w/woolf/virginia/w91c/chapter12.html|titre=''The Common Reader'', ch 12 : Jane Austen|auteur=Virginia Woolf}} (fin du chapitre)</ref>.|group=C}}{{,}}<ref>Virginia Woolf, ''The Common Reader'', {{p.|168-183}}, The Hogarth Press, Londres, 1975, traduction dans ''Introduction aux romans de Jane Austen'', Tome I, collection Omnibus, 1996, p.xi {{ISBN|9782258045101}}</ref>. Et un lecteur moderne, même s'il est peu au fait des règles et conventions qu'elle critique et dont elle se moque<ref name="Lydia Martin 190">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=190}}</ref>, peut goûter la saveur du récit.


=== Ironie et satire ===
=== Ironie et satire ===
À ce titre, la première phrase du roman est aujourd'hui universellement connue<ref group="N">L'[[aphorisme]] est non seulement connu, mais parodié (comme on le voit ici, {{lien web|url=http://www.myprideandprejudice.com/2009/08/it-is-a-truth-universally-acknowledged-homages-and-parodies/|titre=It is a truth universally acknowledged… Homages and Parodies}}), avec la parodie de cette phrase qu'en donne par exemple ''[[Le Journal de Bridget Jones (film)|Le Journal de Bridget Jones]]'' : ''It is a truth universally acknowledged that when one part of your life starts going okay, another falls spectacularly to pieces'' (« C'est une vérité universellement reconnue que lorsqu'une partie de votre vie commence à aller bien, une autre vole en éclats de façon spectaculaire »).</ref> : « ''It is a truth universally acknowledged, that a single man in possession of a good fortune, must be in want of a wife'' » (« c'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune est forcément en quête d'une épouse »), par la façon incisive et ironique à la fois dont Jane Austen rentre immédiatement dans le vif du sujet. Les premiers mots parodient le raisonnement philosophique, mais appliqué à une réalité banale à l'époque : le lecteur est invité à comprendre, par [[antiphrase]], que ce sont les jeunes filles sans fortune qui sont désespérément à la recherche d'un mari fortuné, et doit s'attendre à une satire des conventions sociales. La suite : « si peu que l'on sache de ses intentions, [...] cette vérité est si bien ancrée dans l'esprit de ses voisins qu'ils le considèrent comme la propriété légitime de l'une ou l'autre de leurs filles », l'invite en outre à se moquer du conformisme provincial<ref>{{harvsp|Emily Auerbach|2004|p=129}}</ref>. Mais le déroulement et l'épilogue de l'intrigue confirment, ironiquement, la vérité de cette sentence.
À ce titre, la [[Incipit (livre)|première phrase]] du roman est « universellement connue »<ref group="N">L'[[aphorisme]] est non seulement connu, mais souvent parodié (avec plus ou moins de bonheur comme le montre {{Lien web|url=http://www.theawl.com/2011/09/it-is-a-truth-universally-acknowledged|titre=ce relevé du 6-09-11}}), par exemple, dans le film ''[[Le Journal de Bridget Jones (film)|Le Journal de Bridget Jones]]'' : {{citation étrangère|lang=en|It is a truth universally acknowledged that when one part of your life starts going okay, another falls spectacularly to pieces}} ({{citation|C'est une vérité universellement reconnue que lorsqu'une partie de votre vie commence à aller bien, une autre vole en éclats de façon spectaculaire}}).</ref> : {{citation étrangère|lang=en|It is a truth universally acknowledged, that a single man in possession of a good fortune, must be in want of a wife}} ({{citation|c'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit forcément être en quête d'une épouse}}), par la façon incisive et ironique à la fois dont Jane Austen entre immédiatement dans le vif du sujet. Les premiers mots parodient le raisonnement philosophique, mais appliqué à une réalité banale à l'époque : le lecteur est invité à comprendre, par [[antiphrase]], que ce sont les jeunes filles sans fortune qui sont désespérément à la recherche d'un mari fortuné, et doit s'attendre à une satire des conventions sociales. La suite : {{citation|si peu que l'on sache de ses intentions, [] cette vérité est si bien ancrée dans l'esprit de ses voisins qu'ils le considèrent comme la propriété légitime de l'une ou l'autre de leurs filles}}, l'invite en outre à se moquer du conformisme provincial<ref name="auerbach 129">{{harvsp|Emily Auerbach|2004|p=129}}</ref>. Mais le [[Péripétie|déroulement]] et l'[[épilogue]] de l'[[intrigue]] confirment, ironiquement, la vérité de cette sentence.


==== Ironie à l'égard des personnages ====
==== Ironie à l'égard des personnages ====
[[Fichier:Mr Collins did'nt read novels.gif|thumb|left|Mr Collins se défend de lire des romans (Hugh Thomson 1894).]]
[[Fichier:Houghton Typ 805.94.8320 - Pride and Prejudice, 1894, Hugh Thomson - Protested.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure. Un clergyman assis regarde d'un air offusqué le titre du livre qu'il tient|gauche|Mr Collins se défend de lire des romans ([[Hugh Thomson]], 1894).]]


Jane Austen est impitoyable envers les sots, qui ne peuvent échapper à sa plume acérée : une phrase cinglante les décrit<ref> Virginia Woolf en Introduction aux romans de Jane Austen, tome I, collection Omnibus, 1996, p.vi</ref>. Mrs Bennet est « une femme d'intelligence médiocre, peu cultivée et de caractère inégal » (« ''A woman of mean understanding, little information and uncertain temper ''»)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=3}}</ref>, Mary a « un air pédant et des manières prétentieuses qui auraient gâché un talent plus grand que le sien » ''a pedantic air and conceited manner, which would have injured a highter degree of excellence than she had reached ''»)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=20}}</ref>, Mr Hurst « vivait seulement pour manger, boire et jouer aux cartes » ''[he] lived only to eat, drink and play at cards'' »)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=29}}</ref>.
Jane Austen est impitoyable envers les sots, qui ne peuvent échapper à sa plume acérée : une phrase cinglante les décrit<ref>Virginia Woolf, citée dans l’''Introduction aux romans de Jane Austen'', tome I, collection Omnibus, 1996, p.vi</ref>. Mrs Bennet est {{citation|une femme d'intelligence médiocre, peu cultivée et de caractère inégal}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|A woman of mean understanding, little information and uncertain temper}}<ref name="ReferenceA"/>|group=C}} ; Mary est d'une vanité qui lui donne {{citation|un air pédant et des manières prétentieuses qui auraient gâché un talent plus grand que le sien}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|Mary had neither genius nor taste; and though vanity had given her application, it had given her likewise a pedantic air and conceited manner, which would have injured a highter degree of excellence than she had reached}}<ref name="ref-2" />.|group=C}}, Mr Hurst est un {{citation|indolent qui vivait seulement pour manger, boire et jouer aux cartes}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|He was an indolent man, who lived only to eat, drink and play at cards}}){{sfn|Jane Austen|1853|p=29}}.|group=C}}.


Certains font l'objet d'une [[caricature]] plus détaillée, comme Lady Catherine « qui donnait son avis sur tout d'un ton qui montrait qu'elle n'avait pas l'habitude d'être contredite » (« ''delivering her opinion on every subject in so decisive a manner, as proved that she was not used to have her judgement controverted'' »)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=143}}</ref> ou Sir Williams qui « pouvait, [à Lucas Lodge], méditer sur son importance et s'appliquer uniquement à être courtois envers tout le monde » ''[here] he could think with pleasure of his own importance, and [...] occupy himself solely in being civil to all the world ''»)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=14}}</ref>.
Certains font l'objet d'une [[caricature]] plus détaillée, comme Lady Catherine {{citation|qui donnait son avis sur tout d'un ton qui montrait qu'elle n'avait pas l'habitude d'être contredite}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|[D]elivering her opinion on every subject in so decisive a manner, as proved that she was not used to have her judgement controverted}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=143}}.|group=C}}, ou Sir William qui {{citation|pouvait, [à Lucas Lodge], méditer agréablement sur son importance et […] s'appliquer uniquement à être courtois envers tout le monde}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|Lucas Lodge, where he could think with pleasure of his own importance, and, unshackled by business, occupy himself solely in being civil to all the world}}<ref name="Austen-1853-p=14"/>.|group=C}}.


Le personnage de Mr Collins, le clergyman, est traité de façon particulière. L'auteur en fait une marionnette aussi ridicule dans son comportement que dans son langage<ref group="N">À Netherfield, Elizabeth ne peut lui faire comprendre combien il est inconvenant d'aller, sans lui avoir été présenté, saluer Mr Darcy, remarque John McAleer dans {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/mcaleer.htm#12|titre=The Comedy of Social Distinction}}, et Norman Page dans ''The Language of Jane Austen'' (Oxford: Basil Blackwell, 1972) p. 94 souligne ses impropriétés de langage, comme l'emploi abusif du mot « élégant ».</ref> : « Mr Collins était dépourvu d'intelligence, et ni l'éducation ni l'expérience ne l'avaient aidé à combler cette lacune de la nature » (« ''Mr Collins was not a sensible man, and the deficiency of nature had been but little assisted by education or society'' »). Ce plat courtisan vénère jusqu'à l'abjection sa patronne, « tout en ayant une très haute opinion de lui-même, de son autorité pastorale et de ses droits paroissiaux, ce qui le rendait à la fois vaniteux et servile, orgueilleux et obséquieux » (« ''his veneration for [Lady Catherine] as his patroness, mingling with a very good opinion of himself, of his authority as a clergyman and his right as a rector, made him altogether a mixture of pride and obsequiousness, self importance and humility ''»<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=61}}</ref>). En outre, il manque complètement de sensibilité, de tact et de délicatesse, voire de charité chrétienne, comme le prouve ce qu'il écrit dans ses lettres concernant Lydia. Si le personnage ne prêtait pas tant à rire, sa solennelle bêtise pourrait inquiéter<ref>{{ouvrage|lan=en|auteur=Phyllis Ferguson Bottomer|titre=[http://books.google.fr/books?id=rqjrmYrSEa0C&pg=PA46&dq=MrCollins&cd=8#v=onepage&q=MrCollins&f=false So odd a mixture : along the autistic spectrum in ''Pride and Prejudice''|éditeur=Jessica Kingsley Publishers|lieu=Londres|année=2007]}}, p. 39-48 : Mr Collins</ref>.
Le personnage de Collins, le ''[[clergyman]]'', est traité de façon particulière. L'auteur en fait une marionnette aussi ridicule dans son comportement que dans son langage<ref group="N">Le soir du bal de Netherfield, Elizabeth ne peut lui faire comprendre combien il est inconvenant d'aller, sans lui avoir été présenté, saluer Monsieur Darcy, remarque John McAleer dans {{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/mcaleer.htm#12|titre=The Comedy of Social Distinction}}, et Norman Page dans ''{{langue|en|The Language of Jane Austen}}'' (Oxford: Basil Blackwell, 1972) {{p.|94}} souligne ses impropriétés de langage, comme l'emploi abusif du mot « élégant ».</ref> : {{citation|Mr Collins était dépourvu d'intelligence, et ni l'éducation ni l'expérience ne l'avaient aidé à combler cette lacune de la nature}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|Mr Collins was not a sensible man, and the deficiency of nature had been but little assisted by education or society}}<ref name="Collins-61">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=61}}</ref>.|group=C}}. Ce plat courtisan vénère jusqu'à l'abjection sa patronne, {{citation|tout en ayant une très haute opinion de lui-même, de son autorité pastorale et de ses droits paroissiaux, ce qui le rendait à la fois vaniteux et servile, orgueilleux et obséquieux}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|his veneration for [Lady Catherine] as his patroness, mingling with a very good opinion of himself, of his authority as a clergyman and his right as a rector, made him altogether a mixture of pride and obsequiousness, self importance and humility}}<ref name="Collins-61"/>.|group=C}}. En outre, il manque complètement de sensibilité, de tact et de délicatesse, voire de charité chrétienne, comme le prouve ce qu'il écrit dans ses lettres concernant Lydia. Si le personnage ne prêtait pas tant à rire, sa solennelle bêtise pourrait inquiéter<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur=Phyllis Ferguson Bottomer|titre=[https://books.google.fr/books?id=rqjrmYrSEa0C&pg=PA46&dq=MrCollins&cd=8#v=onepage&q=MrCollins&f=false So odd a mixture : along the autistic spectrum in ''Pride and Prejudice'']|éditeur=Jessica Kingsley Publishers|lieu=Londres|année=2007}}, {{p.|39-48}} : Mr Collins</ref>.


[[Fichier:Lady Catherine de Bourg.jpg|thumb|Après le départ de ses neveux, Lady Catherine s'ennuie assez pour inviter les Collins et Elizabeth. C E Brock, 1895]]
[[Fichier:Lady Catherine de Bourg.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure colorisée. Une femme imposante pérore, assise dans un fauteuil|Après le départ de ses neveux, Lady Catherine s'ennuie assez pour inviter les Collins et Elizabeth. [[C. E. Brock]], 1895.]]


À travers ces personnages caricaturaux se profile la [[satire]] d'une société hypocrite où le rang, la richesse, l'apparence ont plus d'importance que les vraies valeurs morales<ref name="Inside P&P">{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/halperin.htm#3|titre=Inside ''Pride and Prejudice''|site JASNA, 1989}}</ref>. Elizabeth et Darcy se font tous les deux l'écho de cette vision un peu amère du monde ; il lui avoue qu'il « ne peux oublier les sottises et les faiblesses d'autrui autant qu'il faudrait » (''I cannot forget the follies and vices of others so soon I ought''), elle confie à sa sœur : « Plus je vais, et moins le monde me satisfait ; chaque jour me montre l'instabilité de tous les êtres humains. » (''The more I see of the world, the more I am dissatisfied with it, and every day confirms my belief of the inconsistency of all human caracters'')<ref name="Inside P&P"/>. Mais Darcy se reconnaît d'« humeur vindicative » (''resentful temper'')<ref group="N">C'est Elizabeth qui doit lui apprendre à rire aussi, et à être capable de se moquer de lui-même, lorsqu'ils sont mariés : « Il lui fallait encore apprendre à supporter la plaisanterie, et il était un peu tôt pour commencer. » (''he had yet to learn to be laught at and it was rather too early to begin'') {{harvsp|Jane Austen|1853|p=325}}).</ref> alors qu'Elizabeth, à l'image de sa créatrice, préfère en rire. Car Jane Austen ne se veut pas moraliste et ne cherche pas à réformer le monde<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=191-192}}</ref> : comme le [[Figaro]] du [[Le Barbier de Séville|''Barbier de Séville'']] de [[Beaumarchais]], elle « se presse de rire de tout, de peur d'être obligée d'en pleurer »<ref group="N"> ''[[Le Barbier de Séville]]'', Acte I, scène 2. John Halpering dans {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/halperin.htm#3|titre=Inside ''Pride and Prejudice''|}} remarque que, comme [[Byron]] Jane Austen rit pour s'empêcher de pleurer, et que la mélancolie de [[Thackeray]] est du même ordre : « On rit parce que les gens sont ridicules ; on pleure parce qu'ils ne changeront jamais ; on se remet à rire parce qu'on sait que ça ne sert à rien d'essayer de changer ce qui est à la fois immuable et divertissant. » </ref>.
À travers ces personnages caricaturaux se profile la [[satire]] d'une société hypocrite où le rang, la richesse, l'apparence ont plus d'importance que les vraies valeurs morales<ref name="Inside P&P">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/halperin.htm#3|titre=Inside ''Pride and Prejudice''|site=jasna.org|année=1989}}</ref>. Elizabeth et Darcy se font tous les deux l'écho de cette vision un peu amère du monde ; il lui avoue qu'il ne peut {{citation|oublier les sottises et les faiblesses d'autrui autant qu'il faudrait}} ({{citation étrangère|lang=en|I cannot forget the follies and vices of others so soon I ought}}), elle confie à sa sœur : {{citation|Plus je vais, et moins le monde me satisfait ; chaque jour me montre l'instabilité de tous les êtres humains.}} ({{citation étrangère|lang=en|The more I see of the world, the more I am dissatisfied with it, and every day confirms my belief of the inconsistency of all human caracters}})<ref name="Inside P&P"/>. Mais Darcy se reconnaît d'{{citation|humeur vindicative}} ({{citation étrangère|lang=en|resentful temper}}{{note|C'est Elizabeth qui devra lui apprendre à rire aussi, et à être capable de se moquer de lui-même, une fois qu'ils seront mariés : {{citation|Il lui fallait encore apprendre à supporter la plaisanterie, et il était un peu tôt pour commencer.}} ({{citation étrangère|langue=en|he had yet to learn to be laught at and it was rather too early to begin}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=325}}).|group=N}}), alors qu'Elizabeth, à l'image de sa créatrice, préfère en rire. Car Jane Austen ne se veut pas moraliste et ne cherche pas à réformer le monde{{sfn|Lydia Martin|2007|p=191-192}} : comme le [[Figaro]] du [[Le Barbier de Séville|''Barbier de Séville'']] de [[Beaumarchais]], elle {{citation|se presse de rire de tout, de peur d'être obligée d'en pleurer}}{{note|''[[Le Barbier de Séville]]'', Acte I, scène 2. John Halpering<ref name="Inside P&P"/> remarque, lui, que, comme [[George Gordon Byron|Byron]], Jane Austen rit pour s'empêcher de pleurer, et que la mélancolie de [[William Makepeace Thackeray|Thackeray]] est du même ordre : {{citation|On rit parce que les gens sont ridicules ; on pleure parce qu'ils ne changeront jamais ; on se remet à rire parce qu'on sait que ça ne sert à rien d'essayer de changer ce qui est à la fois immuable et divertissant}}.|group=N}}.


Les personnages sympathiques n'échappent pas davantage à la verve de Jane Austen, et Elizabeth, qui doit ''apprendre'', dans la tradition du « [[Roman d'apprentissage|''Conduct Novel'']] »<ref name="Martin 34">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=34-37}}</ref>, à revoir ses jugements et modérer ses expressions, en fait très souvent les frais<ref> Marvin Mudrick, ''Jane Austen: Irony as Defense and Discovery'', Princeton, NJ, 1952, Berkeley, Los Angeles et Londres, 1968), p. 219 cité par {{harvsp|Lydia Martin|2007|p=191}}</ref>. Elle lui fait dire, quand Mr Collins ne veut pas comprendre qu'elle le refuse : « Je ne suis point de ces jeunes filles - si tant est qu'il en existe - assez imprudentes pour risquer leur bonheur sur la chance de se voir demandée une seconde fois » ''I am not one of those young ladies (if such young ladies there are) who are so daring as to risk their happiness on the chance of being asked a second time ''»). C'est loin d'être la seule assertion d'Elizabeth qui prend une couleur ironique quand on connaît la suite des événements<ref group="N">Il y a sa remarque à Darcy à Netherfield : « Se laisser facilement ''persuader'' par un ami n'est donc pas méritoire à vos yeux ? » ({{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=43 }}) ; celle à Charlotte au bal : « Trouver aimable un homme qu'on est résolu à détester, Ce serait un malheur épouvantable ! » ({{harvsp|Jane Austen|1853|p=80}}) et celle à sa tante ({{harvsp|Jane Austen|1853|p=124}}-125) : « Mr Darcy a peut-être ''entendu parler'' d'une rue appelée Gracechurch Street, mais un mois d'ablutions lui semblerait à peine suffisant pour s'en purifier si jamais il y mettait les pieds », ainsi que ses réflexions, à Rosings, quand elle s’''amuse'' à imaginer quelle aurait été l'indignation de Lady Catherine si elle avait accepté la demande de Darcy ({{harvsp|Jane Austen|1853|p=184 }}), ou, en arrivant à Pemberley, quand elle pense combien il serait catastrophique (mais « ''dreadful'' » peut aussi vouloir dire « douloureux ») de l'y rencontrer ({{harvsp|Jane Austen|1853|p=211}})</ref>.
Les personnages sympathiques n'échappent pas davantage à la verve de Jane Austen, et Elizabeth, qui doit ''apprendre'', dans la tradition du « [[Roman d'apprentissage|''Conduct Novel'']] »<ref name="Lydia Martin_34">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=34-37}}</ref>, à revoir ses jugements et modérer ses expressions, en fait très souvent les frais<ref>{{en}} Marvin Mudrick, ''Jane Austen: Irony as Defense and Discovery'', Princeton, NJ, 1952, Berkeley, Los Angeles et Londres, 1968), {{p.|219}}, cité par {{harvsp|Lydia Martin|2007|p=191}}</ref>. Elle lui fait dire, quand Collins ne veut pas comprendre qu'elle le refuse : {{citation|Je ne suis point de ces jeunes filles si tant est qu'il en existe assez imprudentes pour risquer leur bonheur sur la chance de se voir demandée une seconde fois [en mariage]}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|I am not one of those young ladies (if such young ladies there are) who are so daring as to risk their happiness on the chance of being asked a second time}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=95}}.|group=C}}. C'est loin d'être la seule assertion d'Elizabeth qui prend une couleur ironique quand on connaît la suite des événements{{note|Il y a sa remarque à Darcy à Netherfield : {{citation|Se laisser facilement ''persuader'' par un ami n'est donc pas méritoire à vos yeux ?}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=43}} ; celle à Charlotte au bal : {{citation|Trouver aimable un homme qu'on est résolu à détester, ce serait un malheur épouvantable !}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=80}} ; celle à sa tante{{sfn|Jane Austen|1853|p=124-125}} : {{citation|Mr Darcy a peut-être ''entendu parler'' d'une rue appelée Gracechurch Street, mais un mois d'ablutions lui semblerait à peine suffisant pour s'en purifier si jamais il y mettait les pieds}}, ainsi que ses réflexions, à Rosings, quand elle s{{'}}''amuse'' à imaginer quelle aurait été l'indignation de Lady Catherine si elle avait accepté la demande de Darcy{{sfn|Jane Austen|1853|p=184}}, ou, en arrivant à Pemberley, quand elle pense combien il serait catastrophique (mais {{citation étrangère|langue=en|dreadful}} peut aussi vouloir dire « douloureux ») de l'y rencontrer{{sfn|Jane Austen|1853|p=211}}.|group=N}}.


==== Humour des situations ====
==== Humour des situations ====
Le comportement des personnages est souvent croqué avec une grande économie, qui pourrait, parfois, s'apparenter à des [[Didascalie (théâtre)|didascalies]] de théâtre. Ainsi, trois phrases suffisent à décrire la scène qui se joue à Longbourn, quand les Bingley apportent en personne l'invitation au bal<ref name="JA-76">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=76}}</ref>. {{citation bilingue bloc|lang=en
Le comportement des personnages est souvent croqué avec une grande économie, qui pourrait, parfois, s'apparenter à des [[didascalies]] de théâtre. Ainsi, trois phrases suffisent à décrire la scène qui se joue à Longbourn, quand les Bingley apportent en personne l'invitation au bal<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=76}}</ref>. « Les deux dames se montrèrent enchantées de retrouver leur chère amie, déclarant qu'il y avait des siècles qu'elles ne s'étaient vues, et lui demandant plusieurs fois ce qu'elle avait bien pu faire depuis qu'elles s'étaient quittées. Au reste de la famille, elles accordèrent peu d'attention : elles évitèrent autant que possible Mrs Bennet, dirent quelques mots à Elizabeth et rien du tout aux autres. Au bout de très peu de temps elles se levèrent avec un empressement<ref group="N">Miss Bingley et sa sœur, qui ont appris les bonnes manières, respectent les règles de « la visite de politesse », mais tout juste : ''The two ladies were delighted to see their dear friend again, called it an age since they had met, and repeatedly asked what she had been doing with herself since their separation. To the rest of the family they paid little attention; avoiding Mrs. Bennet as much as possible, saying not much to Elizabeth, and nothing at all to the others. They were soon gone again, rising from their seats with an activity which took their brother by surprise, and hurrying off as if eager to escape from Mrs. Bennet's civilities.'' Voir {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number10/nardin.htm|titre=Propriety vs Morality|site=JASNA, 1988}}</ref> qui déconcerta leur frère et firent rapidement leurs adieux, comme si elles étaient pressées d'échapper aux démonstrations de Mrs Bennet ».
|The two ladies were delighted to see their dear friend again, called it an age since they had met, and repeatedly asked what she had been doing with herself since their separation. To the rest of the family they paid little attention; avoiding Mrs. Bennet as much as possible, saying not much to Elizabeth, and nothing at all to the others. They were soon gone again, rising from their seats with an activity which took their brother by surprise, and hurrying off as if eager to escape from Mrs. Bennet's civilities{{note|Miss Bingley et sa sœur, qui ont appris les bonnes manières, respectent les règles de « la visite de politesse », (censée durer au moins un quart d'heure, mais pas plus d'une demi-heure) mais tout juste<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number10/nardin.htm|titre=''Propriety vs Morality''|site=JASNA|année=1988}}</ref>.|group=N}}.
|Les deux dames étaient ravies de revoir leur chère amie, déclarant qu'il y avait une éternité qu'elles ne s'étaient vues, et ne cessant de lui demander ce qu'elle avait fait depuis qu'elles s'étaient quittées. Au reste de la famille, elles accordèrent peu d'attention, évitant autant que possible Mrs Bennet, parlant peu à Elizabeth et pas du tout aux autres. Elles furent vite reparties, se levant avec un empressement qui déconcerta leur frère, et se hâtant de quitter les lieux comme si elles étaient pressées d'échapper aux civilités de Mrs Bennet.}}


Jane Austen s'amuse aussi à réunir ses personnages dans des occasions ratées. Quand Darcy vient déclarer sa flamme à Elizabeth<ref name="Inside P&P"/>, il est persuadé qu'elle attend sa demande, comme il le lui explique plus tard : « Voyez quelle était ma vanité ! Je croyais que vous espériez, que vous attendiez que je me déclare » (''What will you think of my vanity? I believed you to be wishing, expecting my addresses'')<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=323}}</ref>, alors qu'elle le déteste<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=190}}</ref> : venant d'apprendre son rôle dans le départ de Bingley, elle relit les lettres de Jane, « comme si elle avait pris à tâche de s'exaspérer encore davantage contre [lui] ». On ne saura jamais dans quel but il lui rend visite à l'auberge de Lambton, mais il tombe mal, Elizabeth est tellement bouleversée par ce qu'elle vient d'apprendre de Lydia, là encore par les lettres de Jane, qu'« elle perdit bientôt de vue tout le reste » et ne contrôle pas ses émotions<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=241}}</ref>.
Jane Austen s'amuse aussi à réunir ses personnages dans des occasions ratées. Quand Darcy vient déclarer sa flamme à Elizabeth<ref name="Inside P&P"/>, il est persuadé qu'elle attend sa demande, comme il le lui explique plus tard : {{citation|Voyez quelle était ma vanité ! Je croyais que vous espériez, que vous attendiez que je me déclare}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|What will you think of my vanity ? I believed you to be wishing, expecting my addresses}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=323}}.|group=C}}, alors qu'elle le déteste<ref name="Lydia Martin 190"/> et que, venant d'apprendre son rôle dans le départ de Bingley, elle relit les lettres de Jane, {{citation|comme si elle avait pris à tâche de s'exaspérer encore davantage contre [lui]}}. On ne saura jamais dans quel but il lui rend visite à l'auberge de Lambton, mais il tombe mal ; Elizabeth est tellement bouleversée par ce qu'elle vient d'apprendre à propos de Lydia, là encore par des lettres de Jane, qu'{{citation|elle perdit bientôt de vue tout le reste}} et ne peut contrôler ses émotions{{sfn|Jane Austen|1853|p=241}}.


=== Style et écriture ===
=== Style et écriture ===
Nourrie de préceptes néo-classiques, Jane Austen se méfie du lyrisme et du jargon, recherchant la précision et la concision<ref>{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=79}}</ref>. Elle est spirituelle et ne perd jamais le sens de l'humour<ref name="Inside P&P"/>, moquant le style outrancier de ses personnages ridicules ou notant les traits d'esprit parfois amers<ref group="N">Comme à Netherfield où « il semblait à Elizabeth que, si sa famille avait cherché à se mettre en valeur durant la soirée, il aurait été impossible de le faire avec plus d'esprit ou davantage de succès »</ref> de sa délicieuse (''delightful'')<ref>{{harvsp|Emily Auerbach|2004|p=129}}</ref> Elizabeth. Elle n'hésite pas à utiliser les figures de style qui relèvent de l'ironie, la montrant « animée de sentiments très peu cordiaux » (« ''no very cordial feelings'' ») envers Mr Darcy, « se livrant aux délices de remuer des souvenirs désagréables » (''indulg[ing] in all the delight of unpleasant recollections'') ou affirmant que « Lady Catherine ... adore rendre service »<ref group="N"> Mais elle ironise devant la métaphore : Darcy s'étant risqué à faire une [[comparaison]] poétique : « J'ai été habitué à considérer la poésie comme l'''aliment'' de l'amour », Elizabeth file la [[métaphore filée|métaphore]] pour mieux la dégonfler et se moquer d'un cliché romantique : « ''Every thing nourishes what is strong already. But if it be only a slight, thin sort of inclination, I am convinced that one good sonnet will starve it entirely away'' » (« Tout nourrit ce qui est déjà fort. Mais lorsqu'il s'agit d'une petite inclination toute maigrichonne, je suis persuadée qu'un bon sonnet la fera complètement dépérir ».) {{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=67}}</ref>. John Halperin pense que Jane Austen a un génie comique digne d'[[Oscar Wilde]]<ref name="Inside P&P"/>.
Nourrie de préceptes néo-classiques, Jane Austen se méfie du lyrisme et du jargon, recherchant la précision et la concision{{sfn|Pierre Goubert|1975|p=79}}. Elle est spirituelle et ne perd jamais le sens de l'humour<ref name="Inside P&P"/>, raillant les outrances de ses personnages ridicules ou notant les traits d'esprit parfois amers<ref group="N">Comme à Netherfield où {{citation|il semblait à Elizabeth que, si sa famille avait cherché à se mettre en valeur durant la soirée, il aurait été impossible de le faire avec plus d'esprit ou davantage de succès}}.</ref> de sa délicieuse (''{{langue|en|delightful}}'')<ref name="auerbach 129"/> Elizabeth. Elle n'hésite pas à utiliser les [[Figure de style|figures de style]] qui relèvent de l'[[ironie]], la montrant {{citation|animée de [[litote|sentiments très peu cordiaux]]}} (''{{langue|en|no very cordial feelings}}'') envers Darcy, {{citation|se livrant aux [[oxymore|délices de remuer des souvenirs désagréables]]}} (''{{langue|en|indulg[ing] in all the delight of unpleasant recollections}}'') ou affirmant que {{citation|Lady Catherine ... adore [[Euphémisme|rendre service]]}}{{note|Mais elle ironise devant la [[métaphore]] : Darcy s'étant risqué à faire une [[Comparaison (rhétorique)|comparaison]] poétique : {{citation|J'ai été habitué à considérer la poésie comme l{{'}}''aliment'' de l'amour}}, Elizabeth [[Métaphore filée|file la métaphore]] pour mieux la dégonfler et se moquer d'un cliché romantique : {{citation étrangère|langue=en|Every thing nourishes what is strong already. But if it be only a slight, thin sort of inclination, I am convinced that one good sonnet will starve it entirely away}} ({{citation|Tout nourrit ce qui est déjà fort. Mais lorsqu'il s'agit d'une petite inclination toute maigrichonne, je suis persuadée qu'un seul bon [[sonnet]] la fera complètement dépérir}}){{sfn|Pierre Goubert|1975|p=67}}.|group=N}}. John Halperin va même jusqu'à penser que Jane Austen possède un {{Citation|génie comique}} digne d'[[Oscar Wilde]]<ref name="Inside P&P"/>.


==== Langage des personnages ====
==== Langage des personnages ====


L'importance et la variété des dialogues, outre qu'elles rappellent le rôle que tenait la conversation dans les relations sociales et mondaines de la bonne société<ref name="Martin 34"/>, permettent de donner à chaque personnage un style correspondant à son caractère. Chacun est défini autant par ses manières que par son langage : Elizabeth, qui utilise l'ironie comme une parade contre l'hypocrisie et la bassesse des gens qui l'entourent<ref name="Lydia Martin 191">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=191}}</ref>, a la répartie facile mais n'est jamais volontairement blessante, contrairement à Miss Bingley, dont l'esprit est acide et méprisant : Caroline Bingley, qui a un esprit satirique, pratique la raillerie pour affirmer sa supériorité, et tenter d'influencer les autres, sans avoir l'élégance de s'arrêter quand ses moqueries sont devenues pénibles ou inexcusables<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/casal.html#3|titre=Laughing at Mr. Darcy: Wit and Sexuality in ''Pride and Prejudice''}}</ref>.
L'importance et la variété des dialogues, outre qu'elles rappellent le rôle que tenait l'[[art de la conversation]] dans les relations sociales et mondaines de la bonne société<ref name="Lydia Martin_34"/>, permettent de donner à chaque personnage un style correspondant à son caractère. Chacun est défini autant par ses manières que par son langage : Elizabeth, qui utilise l'ironie comme une parade contre l'hypocrisie et la bassesse des gens qui l'entourent<ref name="Lydia Martin 191">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=191}}</ref>, a la répartie facile mais n'est jamais volontairement blessante, contrairement à Miss Bingley, dont l'esprit est acide et méprisant : Caroline Bingley a un esprit satirique et pratique la raillerie, à la fois pour affirmer sa supériorité et tenter d'influencer les autres, sans avoir l'élégance de s'arrêter quand ses moqueries sont devenues pénibles ou inexcusables<ref name="Casal"/>.
Mr Bennet manie une ironie narquoise, voire cruelle, comme, par exemple, lorsqu'il dit de Jane<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=121}}</ref> : « ''[She] is crossed in love, I find. I congratulate her. [...] A girl likes to be crossed in love a little now and then. It is something to think of, and gives her a sort of distinction among her companions ''» (« J'ai appris que Jane a un chagrin d'amour, je l'en félicite. Une jeune fille aime avoir de temps à autre un petit chagrin d'amour, cela lui donne un sujet de réflexion, et la valorise auprès de ses amies »). Cet humour à froid à l'égard des membres de sa famille est, comme sa propension à se retirer dans sa bibliothèque, une manifestation de son détachement, de son refus des responsabilités<ref name="Inside P&P"/>.
Mr Bennet manie une ironie narquoise, voire cruelle, comme lorsqu'il fait cette réflexion sur Jane à Elizabeth : {{citation|Eh bien, Lizzy, j'ai appris que votre sœur a un chagrin d'amour, je l'en félicite. Une jeune fille aime avoir de temps à autre un petit chagrin d'amour, cela lui donne un sujet de réflexion, et la valorise auprès de ses amies}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|So, Lizzy, your sister is crossed in love, I find. I congratulate her. Next to being married, a girl likes to be crossed in love a little now and then. It is something to think of, and gives her a sort of distinction among her companions}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=121}}.|group=C}}. Cet humour à froid à l'égard des membres de sa famille est, comme sa propension à se retirer dans sa bibliothèque, une manifestation de son détachement, de son refus des responsabilités<ref name="Inside P&P"/>.


[[Fichier:PrideandPrejudiceCH60.jpg|thumb|left|Darcy put même écouter Sir William le féliciter d'avoir conquis le plus beau joyau du comté (C. E. Brock, 1895).]]
[[Fichier:PrideandPrejudiceCH60.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=Deux messieurs abordent un jeune couple, lui l'air hautain, elle l'air gêné|Darcy peut même écouter Sir William le féliciter d'avoir {{citation|conquis le plus beau joyau du comté}} ([[C. E. Brock]], 1895).]]


Darcy est sérieux et peu bavard, mais parfaitement capable de sous-entendus ironiques, dont Miss Bingley fait les frais. Ainsi, quand elle accuse Elizabeth d'un artifice méprisable (se faire valoir auprès de l'autre sexe en dénigrant le sien), il lui répond : « Il y a quelque chose de méprisable dans ''tous'' les artifices que les femmes s'abaissent parfois à utiliser pour nous séduire. »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=34}}</ref>. Il y a du cynisme dans sa remarque sur la « demi-douzaine (seulement) de femmes réellement accomplies » parmi ses connaissances<ref name="Inside P&P"/>. Ses joutes verbales avec Elizabeth sont brillantes, en particulier, celle, à la limite de la [[stichomythie]], où ils définissent ce dont on peut, ou non, rire<ref name="Lydia Martin 191"/>. Sa critique voilée de la propension d'Elizabeth à se moquer, « le plus sage et le meilleur des hommes peut être tourné en ridicule par quelqu'un qui ne songe qu'à plaisanter » (''The wisest and the best of men [...] may be rendered ridiculous by a person whose first object in life is a joke'') entraîne de la part de cette dernière une défense de la satire, où il est possible de voir le point de vue du narrateur<ref name="Lydia Martin 191"/> : « J'espère que ne tourne jamais en ridicule ce qui est sage ou ce qui est bien. Sottises et absurdités, caprices et inepties, voilà ce qui m'amuse » (''I hope I never ridicule what is wise or good. Follies and nonsense, whims and inconsistencies, ''do ''divert me'').
Darcy est sérieux et peu bavard, mais parfaitement capable de sous-entendus ironiques, dont Miss Bingley fait les frais. Ainsi, quand elle accuse Elizabeth d'un artifice méprisable (se faire valoir auprès de l'autre sexe en dénigrant le sien), il lui répond : {{citation|Il y a quelque chose de méprisable dans ''tous'' les artifices que les femmes s'abaissent parfois à utiliser pour nous séduire}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=34}}. Il y a du cynisme dans sa remarque sur la {{citation|demi-douzaine (seulement) de femmes réellement accomplies}} parmi ses connaissances<ref name="Inside P&P"/>. Ses joutes verbales avec Elizabeth sont brillantes, en particulier celle, à la limite de la [[stichomythie]], où ils définissent ce dont on peut, ou non, rire<ref name="Lydia Martin 191"/> : sa critique voilée de la propension d'Elizabeth à se moquer, lorsqu'il lui dit que {{citation|le plus sage et le meilleur des hommes peut être tourné en ridicule par quelqu'un qui ne songe qu'à plaisanter}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|The wisest and the best of men [] may be rendered ridiculous by a person whose first object in life is a joke}}<ref name="JA-49">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=49}}</ref>.|group=C}}, entraîne de la part de cette dernière une vive défense de la [[satire]], où il est possible de voir le point de vue de la narratrice<ref name="Lydia Martin 191"/> : {{citation|J'espère que ne tourne jamais en ridicule ce qui est sage ou ce qui est bien. Sottises et absurdités, caprices et inepties, voilà ce qui m'amuse}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|I hope I never ridicule what is wise or good. Follies and nonsense, whims and inconsistencies, ''do ''divert me}}<ref name="JA-49"/>.|group=C}}.


Les personnages ridicules le sont aussi dans leur langage : Mrs Bennet tient des discours redondants et répétitifs, des bavardages<ref>{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=60}}</ref> remplis d'absurdités. L'évocation de « Saint James » revient comme un [[leitmotiv]] chez Sir Williams, et Mr Collins emploie des clichés usés comme la [[métaphore]] de « la branche d'olivier ». Ses discours sont creux (« ''pompous nothings'' ») et son style ampoulé. Alors que, souvent, Jane Austen fait alterner avec souplesse [[récit]], [[discours indirect]], [[discours indirect libre|indirect libre]] et [[discours direct]]<ref group="N">Comme ici : {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=123}}. On a une phrase de [[récit]]: ''Mrs. Bennet had many grievances to relate, and much to complain of.''[puis un passage au [[discours indirect libre]] ] ''They had all been very ill-used since she last saw her sister. Two of her girls had been upon the point of marriage, and after all there was nothing in it''.[et enfin le passage au [[discours direct]]] « ''I do not blame Jane » she continued, « for Jane would have got Mr. Bingley if she could. But Lizzy!'' [...] » (Mrs Bennett avait beaucoup de griefs à raconter, et beaucoup de plaintes à exhaler. On s'était bien mal conduit avec eux depuis la dernière visite de sa belle-sœur. Deux de ses filles avaient été à la veille de se marier, et finalement cela n'avait rien donné. « Je ne blâme pas Jane » ajouta-t-elle, « elle aurait pris Mr Bingley si elle avait pu. Mais Lizzy... »)</ref>, le pompeux discours de Mr Collins, pour sa demande en mariage à Elizabeth, est donné in extenso : « emporté par le flot de [ses] sentiments », il est d'un parfait ridicule, car, à travers lui, l'auteur se moque du langage convenu et passionné des romans sentimentaux<ref name="Lydia Martin 190"/>.
Les personnages ridicules le sont aussi dans leur langage : Mrs Bennet tient des discours redondants et répétitifs, des bavardages remplis d'absurdités{{sfn|Pierre Goubert|1975|p=60}}. L'évocation de « [[Palais St. James|Saint James]] » revient comme un [[leitmotiv]] chez Sir William, et Mr Collins emploie des [[cliché]]s usés comme la [[métaphore]] de « la branche d'olivier ». Ses discours sont creux (''{{langue|en|pompous nothings}}'') et son style ampoulé. Alors que, souvent, Jane Austen fait alterner avec souplesse [[récit]], [[discours indirect]], [[discours indirect libre|indirect libre]] et [[discours direct]]<ref group="N">Comme ici : {{harvsp|Jane Austen|1853|p=123}}. On a une phrase de [[récit]]: ''{{langue|en|Mrs. Bennet had many grievances to relate, and much to complain of.}}''[puis un passage au [[discours indirect libre]]] ''{{langue|en|They had all been very ill-used since she last saw her sister. Two of her girls had been upon the point of marriage, and after all there was nothing in it}}''.[et enfin le passage au [[discours direct]]] « ''{{langue|en|I do not blame Jane » she continued, « for Jane would have got Mr Bingley if she could. But Lizzy!}}'' [...] » (Mrs Bennett avait beaucoup de griefs à raconter, et beaucoup de plaintes à exhaler. On s'était bien mal conduit avec eux depuis la dernière visite de sa belle-sœur. Deux de ses filles avaient été à la veille de se marier, et finalement cela n'avait rien donné. « Je ne blâme pas Jane » ajouta-t-elle, « elle aurait pris monsieur Bingley si elle avait pu. Mais Lizzy ! »)</ref>, le pompeux discours de Collins, pour sa demande en mariage à Elizabeth, est donné ''[[in extenso]]''. {{citation|Emporté par le flot de [ses] sentiments}}, il est d'un parfait ridicule, car, à travers lui, l'autrice se moque du langage convenu et passionné des romans sentimentaux<ref name="Lydia Martin 190"/>.


==== Expression des sentiments ====
==== Expression des sentiments ====


Jane Austen se refuse autant aux épanchements lyriques et sentimentaux qu'elle ironise à l'égard des lieux communs. « Elle avait toutes sortes de procédés pour éviter les scènes passionnées », écrit [[Virginia Woolf]] dans ''The Common Reader''. Si les mots « passion », ou ''ardent love'' sont employés par ses personnages, ils ne font pas partie de son vocabulaire personnel ; elle préfère « ''strongs feelings'' » (sentiments profonds) indiquant sa préférence plus pour la stabilité que pour la violence des sentiments<ref>{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=120-122}}</ref>. Elle laisse Mr Collins détailler à Elizabeth ses raisons de se marier, pour mieux le ridiculiser, mais elle ne cite pas le discours qu'il doit faire à Charlotte, elle le résume en une courte phrase : « ''In a short a time as Mr Collins's long speeches would allow, all was settled between them'' » (« En aussi peu de temps que le permirent les longs discours de Mr Collins, tout fut réglé entre eux »)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=108}}</ref>. Elle cite la première phrase de Darcy, à Hunsford, pour montrer son émotion (« En vain ai-je lutté, rien n'y fait. Je ne peux réprimer mes sentiments. Laissez-moi vous dire avec quelle ardeur je vous admire et je vous aime »), mais passe ensuite au récit : « Il s'engagea dans l'aveu... Il parlait bien... ». Elle ne lui redonne directement la parole que quand il demande à Elizabeth d'expliquer son refus<ref group="N">Ce qu'il lui reproche montre le malentendu de ses relations avec Elizabeth (voir {{harvsp|John Wiltshire|2001|p=113}} ch 5 ''Pride and Prejudice'') : il était persuadé qu'elle attendait sa déclaration, comme il le lui dira plus tard, mais une déclaration romantique et enflammée (« si [...] j'avais affirmé que j'étais poussé par une inclination pure et sans mélange... »)</ref>. Sa deuxième déclaration est toute en retenue : « ''Mes'' sentiments et mes vœux n'ont pas changé » (My ''affections and wishes are unchanged''). Il y a là un refus évident du pathos, une grande réserve devant les scènes d'émotion<ref>{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=68-69}}</ref>. Quand Darcy comprend que les sentiments d'Elizabeth pour lui « avaient subi un changement profond », il exprime son bonheur « avec toute l'ardeur et la tendresse qu'un homme passionnément épris est supposé manifester. » (''He expressed himself as sensibly and as warmly as a man violently in love can be supposed to do'')<ref group="N">Mrs Gardiner avait raillé cette expression « ''violently in love'' » précédemment employée par Elizabeth, mais, comme le souligne {{{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=71}}, il est bien difficile d'échapper au jargon amoureux</ref>. Mais Jane Austen n'en dit pas plus<ref group="N">Serena Hansen, dans {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/hansen.html|titre=Rhetorical Dynamics in Jane Austen’s Treatment of Marriage Proposals|site=JASNA, 2000}} dit que, finalement, les mots qu'échangent Darcy et Elizabeth pour exprimer leur amour n'ont aucun intérêt pour le lecteur. Ce qui est important, c'est qu'ils puissent ensuite réfléchir ensemble au type de relations conjugales qu'ils vont établir entre eux, d'où l'importance des longues conversations qu'ils ont dans les derniers chapitres.</ref>.
Jane Austen se refuse autant aux épanchements lyriques et sentimentaux qu'elle ironise à l'égard des lieux communs. {{citation|Elle avait toutes sortes de procédés pour éviter les scènes passionnées}}, écrit [[Virginia Woolf]] dans ''{{langue|en|The Common Reader}}''{{note|{{citation étrangère|langue=en|She had all sorts of devices for evading scenes of passion}}<ref name="CR"/>.|group=C}}. Si les mots « passion », ou ''{{langue|en|ardent love}}'' sont employés par ses personnages, ils ne font pas partie de son vocabulaire personnel ; elle préfère ''{{langue|en|strong feelings}}'' (sentiments profonds) indiquant sa préférence plus pour la stabilité que pour la violence des sentiments{{sfn|Pierre Goubert|1975|p=120-122}}. Elle laisse Collins détailler à Elizabeth ses raisons de se marier, pour mieux le ridiculiser, mais elle ne cite pas le discours similaire qu'il doit faire à Charlotte, elle le résume en une courte phrase : {{citation étrangère|lang=en|In as short a time as Mr Collins's long speeches would allow, all was settled between them}} ({{citation|En aussi peu de temps que le permirent les longs discours de Mr Collins, tout fut réglé entre eux}})<ref name="ReferenceB">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=108}}</ref>. Elle cite la première phrase de Darcy, à Hunsford, pour montrer son émotion ({{citation|En vain ai-je lutté, rien n'y fait. Je ne peux réprimer mes sentiments. Laissez-moi vous dire avec quelle ardeur je vous admire et je vous aime}}), mais passe ensuite au récit : {{citation|Il s'engagea dans l'aveu… Il parlait bien… }}. Elle ne lui redonne directement la parole que quand il demande à Elizabeth d'expliquer son refus{{note|Comme l'explique John Wiltshire, ce qu'il lui reproche montre le malentendu de ses relations avec Elizabeth{{sfn|John Wiltshire|2001|p=113|loc=ch. 5 : ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}''}} : il était persuadé qu'elle attendait sa déclaration, comme il le lui dira plus tard, mais une déclaration romantique et enflammée ({{citation|si [] j'avais affirmé que j'étais poussé par une inclination pure et sans mélange…}}).|group=N}}.
Sa deuxième déclaration est toute en retenue : {{citation|''Mes'' sentiments et ''mes'' vœux n'ont pas changé}} ({{langue|en|My ''affections and wishes are unchanged''}}). Il y a là un refus évident du [[pathos]], une grande réserve devant les scènes d'émotion{{sfn|Pierre Goubert|1975|p=68-69}}. Quand Darcy comprend que les sentiments d'Elizabeth pour lui {{citation|avaient subi un changement profond}}, il exprime son bonheur {{citation|avec toute l'ardeur et la tendresse qu'un homme passionnément épris est supposé manifester}}. (''{{langue|en|He expressed himself as sensibly and as warmly as a man violently in love can be supposed to do}}''){{note|Mrs Gardiner avait raillé cette expression « ''{{langue|en|violently in love}}'' » précédemment employée par Elizabeth, mais, comme le souligne Pierre Goubert{{sfn|Pierre Goubert|1975|p=71}}, il est bien difficile d'échapper au jargon amoureux.|group=N}}. Mais Jane Austen n'en dit pas plus{{note|En 2000, Serena Hansen<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/hansen.html|titre=Rhetorical Dynamics in Jane Austen’s Treatment of Marriage Proposals|site=JASNA}}</ref> dit que, finalement, les mots qu'échangent Darcy et Elizabeth pour exprimer leur amour n'ont aucun intérêt pour le lecteur. Ce qui compte, c'est qu'ils puissent ensuite réfléchir ensemble au type de relations conjugales qu'ils vont établir entre eux, d'où l'importance des longues conversations qu'ils ont dans les derniers chapitres.|group=N}}.


==== Expression des points de vue ====
==== Expression des points de vue ====
{{Article détaillé|Jane Austen#Discours indirect libre{{!}}Jane Austen (utilisation du discours indirect libre)}}
{{Article détaillé|Jane Austen#Discours indirect libre{{!}}Jane Austen (utilisation du discours indirect libre)}}


Elizabeth, dont le point de vue est privilégié, est la seule dont la voix intérieure, lorsqu'elle s'exprime en [[discours indirect libre]], peut être confondue avec celle de la voix narratrice. En temps qu'auteur, Jane Austen se manifeste peu ; elle intervient, par exemple, au début du dernier chapitre : « Je voudrai pouvoir affirmer pour le bonheur des siens que la réalisation inespérée de son plus cher désir [...] a eu l'heureux effet de rendre Mrs Bennet aimable, discrète et judicieuse pour le reste de sa vie... »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=337}}</ref>. Elle utilise parfois le point de vue [[Omniscience#Notion d'analyse littéraire|omniscient]], par exemple pour éclairer le lecteur sur la place que prend Elizabeth dans les pensées de Darcy, au cours de son séjour à Netherfied, mais présente en général ses personnages en [[Focalisation (littérature) # Focalisation externe|focalisation externe]], ou observés (plus ou moins ironiquement en [[Focalisation (littérature) #Focalisation interne|focalisation interne]]) par Elizabeth<ref group="N">Il est frappant de voir la fréquence des verbes de perception visuelle comme ''voir'', ''regarder'', ''observer'', ''fixer les yeux'', ''lancer un regard'', ''jeter un coup d'œil''. Tony Tanner rappelle, dans l'Appendice à ''Pride and Prejudice'', pages 395-396 de L'Édition Penguin classics (2003),{{isbn|9780141439518}} que dans cette société où les contacts physiques sont réduits, « ce sont plutôt les regards qui, en franchissant l'espace social, peuvent se rencontrer ». Voir aussi {{harvsp|Carol Shields|2002|p=11}}</ref>.
Elizabeth, dont le point de vue est privilégié, est la seule dont la voix intérieure, lorsqu'elle s'exprime en [[discours indirect libre]], peut être confondue avec celle de la voix narratrice. En tant qu'auteur, Jane Austen se manifeste peu ; elle intervient, par exemple, au début du dernier chapitre : {{citation|Je voudrai pouvoir affirmer pour le bonheur des siens que la réalisation inespérée de son plus cher désir [] a eu l'heureux effet de rendre Mrs Bennet aimable, discrète et judicieuse pour le reste de sa vie…}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=337}}. Elle utilise parfois le point de vue [[Focalisation (narratologie)#Point de vue omniscient|omniscient]], par exemple pour éclairer le lecteur sur la place que prend Elizabeth dans les pensées de Darcy, au cours de son séjour à Netherfied, mais présente en général ses personnages en [[Focalisation (littérature)#Point de vue externe|focalisation externe]], ou observés (plus ou moins ironiquement en [[Focalisation (littérature)#Point de vue interne|focalisation interne]]) par Elizabeth{{note|Tony Tanner, dans le chapitre consacré à ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'' de son ''Jane Austen'', souligne la fréquence des verbes de perception visuelle comme ''voir'', ''regarder'', ''observer'', ''fixer les yeux'', ''lancer un regard'', ''jeter un coup d'œil'' et rappelle que dans cette société où les contacts physiques sont réduits {{citation|ce sont plutôt les regards qui, en franchissant l'espace social, peuvent se rencontrer}}{{sfn|Tony Tanner|1975|p=131}}. Voir aussi ce qu'en dit Carol Shields{{sfn|Carol Shields|2002|p=10-11}}.|group=N}}.


[[Fichier:Thomson-PP01.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Jeune fille assise devant un secrétaire, lisant une lettre|Elizabeth et Jane s'écrivent beaucoup lorsqu'elles sont séparées. ([[Hugh Thomson]], 1894)]]
Les personnages expriment aussi leur point de vue à travers leur importante correspondance. Un certain nombre sont amenés à écrire : Jane à Elizabeth, Miss Bingley à Jane, Elizabeth à Mrs Gardiner, Mrs Gardiner à Elizabeth. Mais aussi Darcy à Elizabeth, Mr Gardiner à son beau-frère, Mr Collins à Mr Bennet et même Mr Bennet. Alors que Jane Austen s'interdit en général de rapporter les conversations masculines en dehors d'une présence féminine, il y a huit lettres écrites par les personnages masculins, ce qui leur donne plus de relief, car leur style épistolaire correspond parfaitement à leur caractère<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/essaycontest/2005/undergraduate.htm|titre=The Masculine Pen, Characters and Correspondence in ''Pride and Prejudice''|site=Jasna, 2005}}</ref>. On ne connaît pas la teneur des longues lettres que Darcy écrit à sa sœur, mais celle qu'il écrit à Elizabeth est étonnante, tant elle dévoile sa personnalité. Il la lui donne discrètement en main propre, preuve d'un comportement respectueux des conventions<ref group="N">La correspondance entre un homme et une femme obéissait à des règles très strictes de convenances (''decorum''). Darcy et Elizabeth n'ayant officiellement aucun lien, la lettre doit rester secrète, puisqu'ils ne peuvent, normalement, s'écrire. De même elle ne peut lui répondre.</ref>, et fait un exposé clair, logique et construit : il veut convaincre, mais on sent sa sincérité, sa confiance absolue dans la discrétion d'Elizabeth et la douleur qu'il ressent à réveiller le passé. Mr Gardiner, dont les lettres ne sont qu'en partie citées, s'y montre homme de bon sens et de cœur, avec les manières directes d'un homme d'action. Mr Collins révèle sa vanité, la faiblesse de son caractère, son égoïsme et son étroitesse d'esprit, tandis que Mr Bennet reste laconique et sarcastique.
Les personnages expriment aussi leur point de vue à travers leur importante correspondance. Un certain nombre de dames sont amenées à s'écrire : Jane et Elizabeth, Miss Bingley et Jane, Elizabeth et Mrs Gardiner. Mais les messieurs écrivent aussi : Darcy, Mr Gardiner, Mr Collins. Mr Bennet lui-même maintient un lien épistolaire avec Mr Collins, car {{citation|bien qu'[il] déteste écrire, pour rien au monde [il] n'interromprait sa correspondance avec Mr Collins}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|Much as I abominate writing, I would not give up Mr Collins's correspondence for any consideration}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=318}}.|group=C}}. Alors que Jane Austen s'interdit en général de rapporter les conversations masculines en dehors d'une présence féminine, il y a huit lettres écrites par les personnages masculins, ce qui leur donne plus de relief, car leur style épistolaire correspond parfaitement à leur caractère<ref name="Pen">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/essaycontest/2005/undergraduate.htm|titre=The Masculine Pen, Characters and Correspondence in ''Pride and Prejudice''|site=Jasna, 2005}}</ref>. On ne connaît pas la teneur des longues lettres que Darcy écrit à sa sœur, mais [[Fitzwilliam Darcy#La lettre à Elizabeth|la longue lettre]] qu'il écrit à Elizabeth est étonnante, tant elle dévoile sa personnalité. Il la lui donne discrètement en main propre, preuve d'un comportement respectueux des conventions<ref group="N">La correspondance entre un homme et une femme obéissait à des règles très strictes de convenances (''{{langue|en|decorum}}''). Darcy et Elizabeth n'ayant officiellement aucun lien, la lettre doit rester secrète, puisqu'ils ne peuvent, normalement, s'écrire. De même elle ne peut lui répondre.</ref>, et fait un exposé clair, logique et construit : il veut convaincre, mais on sent sa sincérité, sa confiance absolue dans la discrétion d'Elizabeth et la douleur qu'il ressent à réveiller le passé. Mr Gardiner, dont les lettres ne sont qu'en partie citées, s'y montre homme de bon sens et de cœur, avec les manières directes d'un homme d'action. Collins révèle sa vanité, la faiblesse de son caractère, son égoïsme et son étroitesse d'esprit, tandis que Mr Bennet reste laconique et sarcastique<ref name="Pen"/>.


== Thèmes développés dans l'œuvre ==
== Thèmes développés dans l'œuvre ==


De nombreux thèmes se croisent dans les œuvres de Jane Austen, qui donnent un aperçu réaliste de la vie et des préoccupations de la société qu'elle fréquentait, à cette époque charnière où l'aristocratie terrienne et la [[gentry]] commencent à perdre de leur influence au profit d'une nouvelle classe enrichie par le commerce, la finance et l'industrie.
De nombreux thèmes se croisent dans les œuvres de Jane Austen, qui donnent un aperçu réaliste de la vie et des préoccupations de la société qu'elle fréquentait, à cette époque charnière où l'aristocratie terrienne et la ''[[gentry]]'' commencent à perdre de leur influence au profit d'une nouvelle classe enrichie par le commerce, la finance et l'industrie.
Pourtant, les bouleversements induits par la [[Révolution française]] puis les [[guerres napoléoniennes]] ne semblent visiblement toucher l'Angleterre rurale décrite dans ''Orgueil et Préjugés'' que par la présence du régiment de l'[[Milice|armée territoriale]], cantonné pour l'hiver à Meryton<ref group="N">À l'époque, l'arrière plan ainsi suggéré était largement suffisant pour rappeler aux lecteurs le contexte de guerre dans lequel ils vivaient. Voir {{ouvrage|auteur=Fiona Stafford|titre=[http://books.google.fr/books?id=8cp-Z_G42g4C&printsec=frontcover&dq=%22Jane+Austen%22+Fiona+Stafford&cd=2#v=onepage&q=&f=false Introduction à Pride and Prejudice|éditeur=(Oxford World's Classic)]|année=2004}} p. xiv.</ref>, et pour l'été suivant à [[Brighton]]<ref group ="N">Pendant toute la vie adulte de Jane Austen (1793-1815), l'Angleterre fut en guerre avec la France et des forces mobiles (les milices, fortes de {{formatnum:82000}} hommes en 1799) levées dans la crainte d'une invasion, se déplaçaient dans tout le sud de l'Angleterre, logeant en hiver chez l'habitant, alors que l'armée régulière était cantonnée dans des camps ou des casernes fixes. Deirde Le Faye {{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=189}} précise que la Milice du Derbyshire stationna dans le Hertfordshire pendant l'hiver 1794-95, inspirant peut-être à Jane Austen l'idée d'en faire venir Wickham et Darcy</ref>. En effet, comme d'ailleurs dans la plupart des romans de [[Jane Austen]], deux thèmes essentiellement, le mariage et l'argent, s'entrecroisent, car le mariage est alors, pour les femmes de la classe sociale de Jane Austen<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number10/swords.htm|titre=« Woman's place » in Jane Austen England|site=JASNA, 1988}}</ref>, la façon normale, presque la seule, d'assurer leur situation financière : si une femme n'a pas de fortune personnelle capable d'intéresser un gentleman (éventuellement désargenté), il est impératif pour elle d'épouser un homme ayant des revenus confortables.
Pourtant, les bouleversements induits par la [[Révolution française]] puis les [[guerres napoléoniennes]] ne semblent visiblement toucher l'Angleterre rurale décrite dans ''Orgueil et Préjugés'' que par la présence du régiment de l'[[Milice|armée territoriale]], cantonné pour l'hiver à Meryton{{note|À l'époque, l'arrière plan ainsi suggéré était largement suffisant pour rappeler aux lecteurs le contexte de guerre dans lequel ils vivaient<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur=Fiona Stafford|url=https://books.google.fr/books?id=8cp-Z_G42g4C&printsec=frontcover&dq=%22Jane+Austen%22+Fiona+Stafford&cd=2#v=onepage&q=&f=false|titre= Pride and Prejudice (introduction)|éditeur=Oxford World's Classic|année=2004|page=xiv}}</ref>.|group=N}}, et pour l'été suivant à [[Brighton]]{{note|Pendant toute la vie adulte de Jane Austen (1793-1815), l'Angleterre fut en guerre avec la France et des forces mobiles (les milices, fortes de {{nombre|82000|hommes}} en 1799) levées dans la crainte d'une invasion, se déplaçaient dans tout le sud de l'Angleterre, logeant en hiver chez l'habitant, alors que l'armée régulière était cantonnée dans des camps ou des casernes fixes. Deirde Le Faye précise que la Milice du Derbyshire stationna dans le Hertfordshire pendant l'hiver 1794-1795, inspirant peut-être à Jane Austen l'idée d'en faire venir Wickham et Darcy<ref name="ref-5" />.|group=N}}. En effet, comme d'ailleurs dans la plupart des romans de [[Jane Austen]], deux thèmes essentiellement, le mariage et l'argent, s'entrecroisent, car le mariage est alors, pour les femmes de la classe sociale de Jane Austen<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number10/swords.htm|auteur=Barbara Swords|titre=« Woman's place » in Jane Austen's England|site=JASNA|année=1988}}</ref>, la façon normale, presque la seule, d'assurer leur situation financière : si une femme n'a pas de fortune personnelle capable d'intéresser un gentleman (éventuellement désargenté), il est impératif pour elle d'épouser un homme ayant des revenus confortables.


===Argent et statut social===
=== Argent et statut social ===


{{Article détaillé|Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen#Hiérarchies sociale et économique{{!}}Statut social et économique dans les romans de Jane Austen}}
{{Article détaillé|Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen#Hiérarchies sociale et économique{{!}}Statut social et économique dans les romans de Jane Austen}}


L'argent est en effet un des thèmes de prédilection de Jane Austen, qui présente de façon satirique les attitudes sociales de son temps devant l'argent, mais soulève aussi les problèmes que peuvent créer certaines situations, comme celle des filles Bennet, en grand danger de déchéance sociale à la mort de leur père<ref name="Flirting with ''Pride and Prejudice''34">{{harvsp|Jennifer Crusie|2005|p=34-38}} Gold Diggers of 1813</ref>.
L'argent est en effet un des thèmes de prédilection de Jane Austen, qui présente de façon satirique les attitudes sociales de son temps devant l'argent, mais soulève aussi les problèmes que peuvent créer certaines situations, comme celle des filles Bennet, en grand danger de déchéance sociale à la mort de leur père<ref name="Flirting with ''Pride and Prejudice''34">{{harvsp|Jennifer Crusie|2005|p=34-38}} Gold Diggers of 1813</ref>.


==== Mariage et argent ====
==== Mariage et argent ====


Pour nombre de personnages d'''Orgueil et Préjugés'', l'argent est une préoccupation majeure<ref name="Copeland 131">{{harvsp|Edward Copeland, Juliet McMaster|1997|p=131}}</ref>. Le célèbre [[postulat]] qui introduit le roman montre qu'il est considéré comme normal de vouloir faire un riche mariage. D'ailleurs, les habitants de Meryton ne s'intéressent aux locataires de Netherfield qu'en fonction de leur fortune et de leur célibat : en ironisant sur le revirement de l'opinion à propos de Darcy, qui devient même de la « rancune » chez Mrs Bennet, lorsqu'il est devenu évident que Mr Darcy n'est pas « en quête d'une épouse », Jane Austen souligne le côté superficiel des critères de cette assemblée<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=25-27}}</ref>. Mrs Bennet recommence à trouver Darcy « charmant », après l'avoir longtemps traité de « ''disagreeable'' », quand elle apprend qu'Elizabeth va l'épouser, et ne voit que l'aspect matériel de ce mariage et le luxe qu'il va procurer à sa fille : « Comme vous allez être riche et considérée ! Vous allez avoir tant d'argent, tant de bijoux, tant d'équipages ! Le mariage de Jane n'est rien à côté, rien du tout ! [...] Dix mille livres de rente, et plus encore, probablement. Cela vaut un titre<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=331-332}}</ref> ». Pour elle le bonheur se mesure exclusivement en termes financiers.
Pour nombre de personnages d{{'}}''Orgueil et Préjugés'', l'argent est une préoccupation majeure<ref name="Copeland 131">{{harvsp|Edward Copeland, Juliet McMaster|1997|p=131}}</ref>. Le célèbre [[postulat]] qui introduit le roman montre qu'il est considéré comme normal de vouloir faire un riche mariage. D'ailleurs, les habitants de Meryton ne s'intéressent aux locataires de Netherfield qu'en fonction de leur fortune et de leur célibat : en ironisant sur le revirement de l'opinion à propos de Darcy, qui devient même de la « rancune » chez Mrs Bennet, lorsqu'il est devenu évident que « Monsieur Darcy » n'est pas {{citation|en quête d'une épouse}}, Jane Austen souligne le côté superficiel des critères de cette assemblée{{sfn|Lydia Martin|2007|p=25-27}}. Mrs Bennet recommence à trouver Darcy « charmant », après l'avoir longtemps traité de {{citation étrangère|lang=en|disagreeable}}, quand elle apprend qu'Elizabeth va l'épouser, et ne voit que l'aspect matériel de ce mariage et le luxe qu'il va procurer à sa fille : {{citation|Comme vous allez être riche et considérée ! Vous allez avoir tant d'argent, tant de bijoux, tant d'équipages ! Le mariage de Jane n'est rien à côté, rien du tout ! [] Dix mille livres de rente, et plus encore, probablement. Cela vaut un titre{{sfn|Jane Austen|1853|p=331-332}}}}. Pour elle le bonheur se mesure exclusivement en termes financiers.


[[Fichier:1805-courtship-caricature.jpg|thumb|left|upright=1.3|''Une Recette pour faire sa cour'', gravure de 1805 détaillant ironiquement les étapes à suivre pour courtiser une jeune fille]]
[[Fichier:1805-courtship-caricature.jpg|vignette|gauche|upright=1.2|alt=Caricature en couleur. Un jeune gandin tend un billet doux à une demoiselle rougissante|''Une Recette pour faire sa cour'', gravure de 1805 détaillant ironiquement les étapes à suivre pour courtiser une jeune fille.]]


Dans cette société pragmatique beaucoup d'autres personnages raisonnent comme elle : Mr Collins ne peut comprendre le refus d'Elizabeth<ref name="Martin 64">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=64}}</ref>, dont il connaît parfaitement la pitoyable situation financière personnelle : {{formatnum:1000}} livres de dot, soit un revenu de 40 livres par an. Il insiste lourdement sur sa belle situation, ses relations avec les de Bourg, ajoutant assez grossièrement qu'elle aura du mal à trouver un parti plus intéressant que lui : « Votre dot est malheureusement si modeste qu'elle doit inévitablement contrebalancer l'effet de vos charmes et de vos aimables qualités »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=97}}</ref>. Charlotte ne cache pas qu'elle a pris la mesure de la situation sociale et des revenus de Mr Collins, et sa mère calcule, plutôt crûment, combien de temps peut se passer avant que Longbourn (qui rapporte tout de même {{formatnum:2000}} livres chaque année) n'appartienne à son gendre. Wickham s'intéresse brusquement à Miss King dont « la soudaine acquisition de dix mille livres était le charme le plus remarquable »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=129}}</ref>. Elizabeth explique à Jane, qui a peine à la croire, que les sœurs de Bingley « peuvent souhaiter bien autre chose que le bonheur [de leur frère] ; elles peuvent souhaiter pour lui plus de richesses et de considération, elles peuvent souhaiter qu'il épouse une jeune fille qui lui apporte fortune, hautes relations et honneurs. » Et même Darcy, pour qui le comportement des Bennet est un bien plus grand obstacle que le manque d'argent d'Elizabeth, est stupéfait du refus de celle-ci de répondre positivement à l'honneur extraordinaire qu'il lui fait<ref name="Martin 64"/>, avant d'en comprendre les motifs.
Dans cette société pragmatique beaucoup d'autres personnages raisonnent comme elle : Mr Collins ne peut comprendre le refus d'Elizabeth<ref name="Martin 64">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=64}}</ref>, dont il connaît parfaitement la pitoyable situation financière personnelle : {{nombre|1000|livres}} de dot, soit un revenu de {{nombre|40|livres}} par an. Il insiste lourdement sur sa belle situation, ses relations avec les de Bourgh, ajoutant assez grossièrement qu'elle aura du mal à trouver un parti plus intéressant que lui : {{citation|Votre dot est malheureusement si modeste qu'elle doit inévitablement contrebalancer l'effet de vos charmes et de vos aimables qualités}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=97}}. Charlotte ne cache pas qu'elle a pris la mesure de la situation sociale et des revenus de Mr Collins, et sa mère calcule, plutôt crûment, combien de temps peut se passer avant que Longbourn (qui rapporte tout de même {{nombre|2000|livres}} chaque année) n'appartienne à son gendre. Wickham s'intéresse brusquement à Miss King dont {{citation|la soudaine acquisition de dix mille livres était le charme le plus remarquable}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=129}}. Elizabeth explique à Jane, qui a peine à la croire, que les sœurs de Bingley {{citation|peuvent souhaiter bien autre chose que le bonheur [de leur frère] ; elles peuvent souhaiter pour lui plus de richesses et de considération, elles peuvent souhaiter qu'il épouse une jeune fille qui lui apporte fortune, hautes relations et honneurs}}. Et même Darcy{{incise|pour qui le comportement des Bennet est un bien plus grand obstacle que le manque d'argent d'Elizabeth}} est stupéfait du refus de celle-ci de répondre positivement à l'honneur extraordinaire qu'il lui fait en demandant sa main<ref name="Martin 64"/>, avant d'en comprendre les motifs.


==== Fortune et situation sociale ====
==== Fortune et situation sociale ====


À l'époque, la noblesse terrienne (''landed gentry'') est encore considérée comme au sommet de l'échelle sociale. Il n'est donc pas étonnant que Lady Catherine de Bourg, si chatouilleuse sur la notion de rang, de relations et de fortune, souhaite unir sa fille et son neveu pour réunir les biens et renforcer les liens ancestraux de leurs deux familles, et que Charles Bingley, dont la fortune est d'origine roturière, envisage d'acheter des terres et de construire un manoir pour achever sa promotion sociale<ref>{{ouvrage|titre=[http://books.google.fr/books?id=vUVblEvk8v0C&printsec=frontcover&dq=Ruth+Goode&cd=1#v=onepage&q=&f=false''A Guide to reading Pride and Prejudice''] Ruth Goode}} p.2-4</ref>. Les revenus (''income'') que le travail (''trade'') et les mérites personnels peuvent procurer, comme ceux des Gardiner, sont considérés comme moins respectables que la ''fortune'' assise sur des biens fonciers ou des rentes d'Etat. D'ailleurs le niveau des revenus des Gardiner n'est pas estimé (Jane et Elizabeth y font toutefois une allusion lorsqu'elles se demandent combien le mariage de Lydia va coûter à leur oncle<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=264-265}}</ref> qui doit se soucier de l'avenir de ses quatre enfants, et de ceux qui peuvent encore lui naître, ajoute Elizabeth). Sont abondamment évoqués, en revanche, les énormes revenus annuels de Darcy ({{formatnum:10000}} livres), ceux très confortables de Bingley ({{formatnum:4000}} ou {{formatnum:5000}} livres), ceux encore très aisés de Mr Bennet ({{formatnum:2000}} livres)<ref name="Copeland 136">{{harvsp|Edward Copeland, Juliet McMaster|1997|p=136}}</ref>. Le coût du mariage-replâtrage de Wickham et Lydia est aussi détaillé : paiement des dettes (beaucoup plus que {{formatnum:1000}} livres, selon Mrs Gardiner), achat de la charge d'Enseigne dans l'armée régulière (entre 500 et {{formatnum:1500}} livres selon les régiments) pour lui<ref name="Flirting with ''Pride and Prejudice''34"/>, un petit pécule pour elle (le tout payé par Mr Darcy) et les 100 livres annuelles à la charge de Mr Bennet, ce qui est à peine plus que ce qu'elle dépensait déjà à la maison, mais qui écorne sérieusement les {{formatnum:5000}} livres du capital réservé aux filles par le contrat de mariage<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=268}}</ref>.
À l'époque, la noblesse terrienne (''landed [[gentry]]'') est encore considérée comme au sommet de l'échelle sociale. Il n'est donc pas étonnant que Lady Catherine de Bourgh, si chatouilleuse sur la notion de rang, de relations et de fortune, souhaite unir sa fille et son neveu pour réunir les biens et renforcer les liens ancestraux de leurs deux familles, et que Charles Bingley, dont la fortune est d'origine roturière, envisage d'acheter des terres et de construire un manoir pour achever sa promotion sociale<ref>{{Ouvrage|langue=en|url=https://books.google.fr/books?id=vUVblEvk8v0C&printsec=frontcover&dq=Ruth+Goode&cd=1#v=onepage&q=&f=false|titre=A Guide to reading Pride and Prejudice|auteur=Ruth Goode|année=1984|éditeur=Barron's Educational Series|page=2-4}}</ref>. Les revenus ({{langue|en|''income''}}) que le travail ({{langue|en|''trade''}}) et les mérites personnels peuvent procurer, comme ceux des Gardiner, sont considérés comme moins respectables que la ''{{langue|en|fortune}}'' assise sur des biens fonciers ou des rentes d'État. D'ailleurs le niveau des revenus des Gardiner n'est pas estimé. Jane et Elizabeth y font seulement allusion lorsqu'elles se demandent combien le mariage de Lydia va coûter à leur oncle{{sfn|Jane Austen|1853|p=264-265}} qui doit se soucier de l'avenir de ses quatre enfants (et de ceux qui peuvent encore lui naître, ajoute Elizabeth). Sont abondamment évoqués, en revanche, les énormes revenus annuels de Darcy ({{nombre|10000|livres}}), ceux très confortables de Bingley ({{formatnum:4000}} ou {{nombre|5000|livres}}), ceux encore très aisés de Mr Bennet ({{nombre|2000|livres}})<ref name="Copeland 136">{{harvsp|Edward Copeland, Juliet McMaster|1997|p=136}}</ref>. Le coût du mariage-replâtrage de Wickham et Lydia est aussi détaillé : paiement des dettes (beaucoup plus que {{nombre|1000|livres}}, selon Mrs Gardiner), achat de la charge d'[[Sous-lieutenant|Enseigne]] dans l'armée régulière (entre 500 et {{nombre|1500|livres}} selon les régiments) pour lui<ref name="Flirting with ''Pride and Prejudice''34"/>, un petit pécule pour elle (le tout payé par Darcy) et les {{nombre|100|livres}} annuelles à la charge son père, ce qui est à peine plus que ce qu'elle dépensait déjà à la maison, mais qui écorne sérieusement les {{nombre|5000|livres}} du capital réservé aux filles par le contrat de mariage{{sfn|Jane Austen|1853|p=268}}.


Si Jane Austen insiste tellement sur l'importance de l'argent, c'est qu'il joue un rôle crucial dans la vie quotidienne de la société qu'elle fréquente et qu'elle décrit : l'existence du [[droit d'aînesse]] (seul l'aîné hérite du domaine) oblige les cadets de bonne famille à avoir une autre source de revenus, une profession cléricale ou militaire en général (comme le colonel Fitzwilliam) et à faire un ''bon'' mariage, ou rester célibataire<ref group="N">Mais l'obtention d'un revenu clérical dépend d'un protecteur, et une charge militaire s'achète, comme on le voit pour Mr Collins et Wickham. La solution dont a bénéficié [[Edward Austen]], être adopté par un parent riche et sans enfant, n'apparaît pas dans ''Orgueil et Préjugés''</ref>. Et l’''[[entail]]'' fait peser une menace supplémentaire, sur les filles en particulier<ref>{{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/pptopic2.html#entailpp|titre=Attitude to the entail in ''Pride and Prejudice''|site=Pemberley.com}}</ref> : en cas d'absence d'héritier mâle, les biens passent à un cousin plus ou moins éloigné. C'est la terrible menace qui pèse sur la famille Bennet, car son indolence naturelle a empêché Mr Bennet d'anticiper cette éventualité : il espérait toujours la venue d'un fils qui aurait pu l'aider à conserver l'héritage sous ''entail'' dans sa propre famille<ref>{{lien web|url=http://en.wikipedia.org/wiki/Entail|titre=Entail|site=Wikipedia anglais, consulté le 4 janvier 2010}}</ref>, et négligeait de mettre de l'argent de côté pour augmenter la dot (''dowry'') de ses filles. Il reconnaît lui-même qu'il dépense entièrement ses revenus (''his ''whole'' income'')<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=267}}</ref> : Mrs Bennet n'a aucun goût pour l'épargne, et par insouciance, autant que par faiblesse, son mari la laisse mener grand train. « Seule son aversion pour la dépendance les a empêchés de dépenser plus que leurs revenus ». À sa mort, Mr Collins, l'héritier mâle le plus proche, deviendra le propriétaire légitime de Longbourn. Il aura le droit d'en chasser la veuve et les filles, qui, dans le pire des cas, n'auraient plus, pour se nourrir et se loger, qu'une somme dérisoire : le revenu (à 4 %) des {{formatnum:5000}} livres que leur octroie globalement le contrat de mariage, soit 200 livres pour les cinq. Elles seraient nécessairement tributaires de la charité familiale<ref group="N">On peut y voir l'écho dramatisé de ce que Jane Austen, sa mère et sa sœur Cassandra ont vécu après la mort de leur père en janvier 1805 et jusqu'à leur installation à Chawton à l'été 1809 : {{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=29-33}}</ref>, celle des Philips ou plus certainement des Gardiner. Ce serait une véritable déchéance sociale<ref name="Flirting with ''Pride and Prejudice''34"/>, perspective qui affole Mrs Bennet, mais dont elle ne veut admettre la réalité, malgré les efforts d'explication de ses deux aînées.
Si Jane Austen insiste tellement sur l'importance de l'argent, c'est qu'il joue un rôle crucial dans la vie quotidienne de la société qu'elle fréquente et qu'elle décrit : l'existence du [[droit d'aînesse]] (seul l'aîné hérite du domaine) oblige les cadets de bonne famille à avoir une autre source de revenus, une profession cléricale ou militaire en général (comme le colonel Fitzwilliam) et à faire un ''bon'' mariage, ou rester célibataire<ref group="N">Mais l'obtention d'un revenu clérical dépend d'un protecteur, et une charge militaire s'achète, comme on le voit pour Collins et Wickham. La solution dont a bénéficié [[Edward Austen]], être adopté par un parent riche et sans enfant, n'apparaît pas dans ''Orgueil et Préjugés'', seulement dans ''[[Emma (roman)|Emma]]''.</ref>. Et l{{'}}''[[entail]]'' fait peser une menace supplémentaire, sur les filles en particulier<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/pptopic2.html#entailpp|titre=Attitude to the entail in ''Pride and Prejudice''|site=Pemberley.com}}</ref> : en cas d'absence d'héritier mâle direct, les biens passent à un cousin plus ou moins éloigné. Cette [[substitution héréditaire]] est une terrible menace qui pèse sur la famille Bennet, car son indolence naturelle a empêché Mr Bennet d'anticiper cette éventualité : il espérait toujours la venue d'un fils qui aurait pu l'aider à conserver l'héritage sous ''{{langue|en|entail}}'' dans sa propre famille, et négligeait de mettre de l'argent de côté pour augmenter la dot (''{{langue|en|dowry}}'') de ses filles. Il reconnaît lui-même qu'il dépense entièrement ses revenus (''{{langue|en|his ''whole'' income}}''){{sfn|Jane Austen|1853|p=267}} : Mrs Bennet n'a aucun goût pour l'épargne, et par insouciance, autant que par faiblesse, son mari la laisse mener grand train. {{citation|Seule son aversion pour la dépendance les a empêchés de dépenser plus que leurs revenus}}. À sa mort, Mr Collins, l'héritier mâle le plus proche, deviendra le propriétaire légitime de Longbourn. Il aura le droit d'en chasser la veuve et les filles, qui, dans le pire des cas, n'auraient plus pour se nourrir et se loger qu'une somme dérisoire : le revenu (à 4 %) des {{nombre|5000|livres}} que leur octroie globalement le contrat de mariage, soit {{nombre|200|livres}} pour les cinq. Elles seraient nécessairement tributaires de la charité familiale{{note|On peut y voir l'écho dramatisé de ce que Jane Austen, sa mère et sa sœur Cassandra ont elles-mêmes vécu après la mort de leur père en janvier 1805 et jusqu'à leur installation à Chawton à l'été 1809{{sfn|Deirdre Le Faye|2003|p=29-33}}.|group=N}}, celle des Philips ou plus certainement des Gardiner. Ce serait une véritable déchéance sociale<ref name="Flirting with ''Pride and Prejudice''34"/>, perspective qui affole Mrs Bennet, mais dont elle ne veut admettre la réalité, malgré les efforts d'explication de ses deux aînées.


Elizabeth et Jane sont parfaitement conscientes de ces réalités financières. Jane se sait capable de tenir la maison de son mari : « ''Imprudence or thoughtlessness in money matters, would be unpardonable in'' me » (« Si, ''moi'', j'étais imprudente ou insouciante en matière de dépenses, je serais impardonnable. »)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853) (première édition en 1813)|p=304}}</ref> répond-elle à son père qui l'imagine capable de se laisser gruger par les domestiques. Elizabeth, a « toujours été persuadée que des ressources aussi modestes que [celles des Wickham] seraient insuffisantes entre les mains de deux personnes aussi prodigues et aussi insouciantes de l'avenir »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=339}}</ref>. Cette lucidité rend son refus d'accepter la sécurité financière que lui offrent Mr Collins puis Mr Darcy particulièrement courageux et admirable. Lorsqu'elle visite le splendide domaine de Mr Darcy, elle se rend compte qu'« être maîtresse de Pemberley, ce n'est pas rien » (''To be mistress of Pemberley might be something''). Mais elle a clairement prouvé que l'intérêt qu'elle porte au propriétaire ne découle pas de sa situation financière. Certes, elle épouse un homme immensément riche qui va l'introduire dans le « ''first circle'' » pour parler comme Sir Williams. Mais, ce qui pour elle, comme pour l'auteur, a plus de valeur, c'est qu'il est « bon pour les malheureux » (''affable to the poor''), « le meilleur des propriétaires et le meilleur des maîtres » (''the best landlord and the best master'') et « un bon frère » (''a good brother''), ce qui laisse espérer qu'il sera aussi un bon mari<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol30no1/klenck.html.|titre=Why good brothers make good husbands|site=JASNA, 2009}}</ref>.
Elizabeth et Jane sont parfaitement conscientes de ces réalités financières. Jane se sait capable de tenir la maison de son mari : {{citation étrangère|lang=en|Imprudence or thoughtlessness in money matters, would be unpardonable in'' me''}} ({{citation|Si, ''moi'', j'étais imprudente ou insouciante en matière de dépenses, je serais impardonnable.}}) répond-elle à son père qui l'imagine capable de se laisser gruger par les domestiques{{sfn|Jane Austen|1853|p=304}}. Elizabeth a {{citation|toujours été persuadée que des ressources aussi modestes que [celles des Wickham] seraient insuffisantes entre les mains de deux personnes aussi prodigues et aussi insouciantes de l'avenir}}<ref name="Austen339"/>. Cette lucidité rend son refus d'accepter la sécurité financière que lui offrent Mr Collins puis Mr Darcy particulièrement courageux et admirable. Lorsqu'elle visite le splendide domaine de Darcy, elle se rend compte qu'{{citation|être maîtresse de Pemberley, cela doit être quelque chose}} (''{{langue|en|To be mistress of Pemberley might be something}}''). Mais elle a clairement prouvé que l'intérêt qu'elle porte au propriétaire ne découle pas de sa situation financière. Certes, elle épouse un homme immensément riche qui va l'introduire dans le {{citation étrangère|lang=en|first circle}} pour parler comme Sir William. Mais, ce qui pour elle, comme pour l'auteur, a plus de valeur, c'est qu'il est {{citation|bon pour les malheureux}} (''{{langue|en|affable to the poor}}''), {{citation|le meilleur des propriétaires et le meilleur des maîtres}} (''{{langue|en|the best landlord and the best master}}'') et {{citation|un bon frère}} (''{{langue|en|a good brother}}''), ce qui laisse espérer qu'il sera aussi un bon mari<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol30no1/klenck.html|auteur=Deborah Knuth Klenck|titre=Why Good Brothers Make Good Husbands|site=JASNA|année=2009}}</ref>.


=== Le mariage ===
=== Le mariage ===
[[Fichier:Thomson- For sale.JPG|vignette|upright=1.3|alt=gravure. Un monsieur dubitatif contemple 5 demoiselles assises dont l'une n'est « pas à vendre »|Présentation humoristique des demoiselles Bennet sur le marché du mariage. ([[Hugh Thomson]], 1894)]]
{{Article connexe|Jane Austen#Mariage et condition féminine{{!}}Jane Austen (mariage et condition féminine)|Mariage dans les romans de Jane Austen}}


Le mariage est traditionnellement la seule façon de se libérer de la tutelle parentale, et rester vieille fille est considéré comme un sort peu enviable, tant pour la fille, que pour la famille qui la garde à charge. La pression familiale pour « caser » les filles est donc forte : même si elle est comique, l'insistance de Mrs Bennet pour essayer d'obliger Elizabeth à accepter Mr Collins{{sfn|Jane Austen|1853|p=99}} et sa mauvaise humeur de la voir refuser cette occasion de faire un « bon » mariage, le montrent bien, ce qui dénote chez elle une certaine forme de réalisme.
{{Article connexe|Jane Austen#Mariage et condition féminine{{!}}Jane Austen (mariage et condition féminine)}}
Le mariage est traditionnellement la seule façon de se libérer de la tutelle parentale, et rester vieille fille est considéré comme un sort peu enviable, tant pour la fille, que pour la famille qui la garde à charge. La pression familiale pour « caser » les filles est donc forte : même si elle est comique, l'insistance de Mrs Bennet pour essayer d'obliger Elizabeth à accepter Mr Collins<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=99}}</ref> et sa mauvaise humeur de la voir refuser cette occasion de faire un « bon » mariage, le montrent bien, ce qui dénote chez elle une certaine forme de réalisme.


==== De la nécessité d'être mariée ====
==== De la nécessité d'être mariée ====
{{citation bilingue bloc|lang=en
|Single women have a dreadful propensity for being poor, which is one very strong argument in favour of matrimony<ref>Jane Austen, lettre du 13 mars 1816. {{Lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/brablt15.html#letter83|titre=Lettre à Fanny Knight|site=Pemberley.com}}</ref>.
|Les femmes célibataires ont une épouvantable propension à être pauvres, ce qui est un argument très sérieux en faveur du mariage.}}
[[Fichier:TheGovernessRebeccaSolomon.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=Tableau. À côté de la demoiselle riche courtisée, la gouvernante en noir s'occupe d'un enfant|''La Gouvernante'', [[Rebecca Solomon]], 1854.<br />À l'époque de Jane Austen, le métier de [[Gouvernantes dans l'Angleterre georgienne et victorienne|gouvernante]] est l'un des deux seuls ouverts en pratique à une jeune fille de bonne famille.]]
Malgré le développement très progressif de l'instruction pour les filles, il n'y a pas de métiers ouverts à une jeune fille de bonne famille, à deux exceptions près, celui de [[Gouvernantes dans l'Angleterre georgienne et victorienne|gouvernante]] et celui de [[Instituteur|maîtresse d'école]]. D'ailleurs, l'idée même qu'une ''{{langue|en|Proper Lady}}'' puisse avoir une profession, avec le statut et l'indépendance financière qui l'accompagnent, est, à cette époque, impensable<ref group="N">Jane Austen, elle-même célibataire, subit personnellement cette situation et cherche dans la vente de ses romans un moyen de contribuer à gagner sa vie par son travail, mais juge indispensable de rester anonyme.</ref>. Aussi Jane Austen décrit-elle une Mrs Bennet angoissée par l'avenir de ses cinq filles et obsédée par le désir de les voir faire un « bon mariage », fût-ce avec un mauvais mari, puisqu'à la mort de Mr Bennet, le domaine de Longbourn leur échappera.


Les bals, moments privilégiés pour espérer rencontrer un futur conjoint, jouent de ce fait un rôle essentiel<ref name="Dancing to the Altar">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number28/stovel.pdf|auteur=Nora Stovel|titre=Dancing to the Altar|site=JASNA|année=2006}}</ref>. Aussi ne sont-ils normalement autorisés par les familles qu'aux jeunes filles en âge d'être mariées, ce qui nécessite une réflexion particulière lorsqu'il y a plusieurs filles dans la famille, car si les cadettes « sortent » alors que l'aînée n'est pas encore mariée, elles peuvent attirer un prétendant qu'elle-même aurait pu souhaiter.
''« Single women have a dreadful propensity for being poor, which is one very strong argument in favour of matrimony »''<br /> « Les femmes célibataires ont une épouvantable propension à être pauvres, ce qui est un argument très sérieux en faveur du mariage »<ref>Jane Austen, lettre du 13 mars 1816. {{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/brablt15.html#letter83|titre=Lettre à Fanny Knight|site=Pemberley.com}}</ref>.
Il est donc naturel de ne laisser les plus jeunes fréquenter les bals qu'une fois leurs aînées mariées. Qu'il n'en soit pas ainsi chez les Bennet vaut à Elizabeth Bennet une remarque choquée de Lady Catherine, lors de l'interrogatoire qu'elle lui fait subir à Rosings{{sfn|Jane Austen|1853|p=145}}. Cela d'autant plus que la femme mariée a préséance sur ses sœurs encore célibataires, ainsi que Lydia ne manque pas de le rappeler avec impertinence à sa sœur aînée après son mariage avec Wickham{{note|{{citation étrangère|langue=en|Ah, Jane, I take your place now, and you must go lower, because I am a married woman}} ({{citation|Ah, Jane, je prends ta place maintenant, et tu ne viens plus qu'au second rang, car je suis une femme mariée}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=275}}.|group=N}} Mais Mrs Bennet, obsédée par son idée fixe, préfère encombrer « le marché du mariage » à Meryton en laissant ses cinq filles sortir dans le monde en même temps<ref name="Born to Diverge"/>.
[[Fichier:Gretna Green.jpg|vignette|upright=1.2|alt=Photo d'une maison basse, rénovée|La vieille échoppe du forgeron de [[Gretna Green]], où venaient se marier les jeunes couples n'ayant pas l'âge légal.]]
''Orgueil et Préjugés'' présente diverses façons, dans le cadre des strictes règles sociales qui régissent la bonne société<ref name="Lydia Martin_34"/>, de faire sa cour à une jeune fille, et comment celle-ci répond aux avances, les sollicite, les rejette ou les ignore, ce qui est une possible source de [[quiproquo]]. C'est toujours le prétendant qui demande sa main à la jeune fille qu'il courtise, puisqu'on attend de celle-ci une attitude réservée, avant d'aller demander le consentement des parents, qui est indispensable lorsque l'un des futurs époux n'a pas {{nombre|21|ans}}<ref group="N">Depuis mars 1754, date d'entrée en application du ''{{langue|en|Lord Hardwicke's Marriage Act}}'' (la « loi sur le mariage de Lord Hardwicke »), voté l'année précédente par le Parlement.</ref>. Aussi voit-on les prétendants à la main d'Elizabeth Bennet, qui ne les a pas encore, comme elle l'avoue à Lady Catherine, aller la demander à ses parents, c'est-à-dire à sa mère pour Mr Collins{{sfn|Jane Austen|1853|p=92-93}}, à son père{{sfn|Jane Austen|1853|p=329}} pour Darcy. Charles Bingley est aussi allé {{incise|par courtoisie dans son cas}} demander la main de Jane, au cours d'{{citation|une entrevue avec Mr Bennet courte mais satisfaisante}}.


La loi écossaise restant plus tolérante, puisque l'on peut s'y marier sans le consentement des parents dès quatorze ans pour les garçons et douze ans pour les filles<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.spiritus-temporis.com/gretna-green/marriage.html|titre=Gretna Green Marriage|site=spiritus-temporis.com|archiveurl=https://web.archive.org/web/20140116233908/http://www.spiritus-temporis.com/gretna-green/marriage.html|archivedate=16 janvier 2014}}</ref>, c'est à [[Gretna Green]], première ville écossaise rencontrée en venant d'Angleterre, que se rendent les couples trop jeunes désireux de se marier. C'est là que Lydia croit se rendre avec Wickham, comme elle l'écrit à Harriet Forster{{sfn|Jane Austen|1853|p=253}}.
[[Fichier:TheGovernessRebeccaSolomon.jpg|thumb|left|upright=1.3|''La Gouvernante'', [[Rebecca Solomon]], 1854.<br />À l'époque de Jane Austen, le métier de [[Gouvernante anglaise|gouvernante]] est l'un des deux seuls ouverts en pratique à une jeune fille de bonne famille.]]
Malgré le développement très progressif de l'instruction pour les filles, il n'y a pas de métiers ouverts à une jeune fille de bonne famille, à la seule exception d'un travail de gouvernante, ou de maîtresse d'école. D'ailleurs, l'idée même qu'une ''Proper Lady'' puisse avoir une profession, avec le statut et l'indépendance financière qui l'accompagnent, est, à cette époque, du domaine de l'impensable<ref group ="N">Jane Austen, elle même célibataire, subit personnellement cette situation et cherche dans la vente de ses romans un moyen de contribuer à gagner sa vie par son travail, mais juge indispensable de rester anonyme.</ref>. Aussi Jane Austen décrit-elle une Mrs Bennet angoissée par l'avenir de ses cinq filles et obsédée par le désir de les voir faire un « bon mariage », fut-ce avec un mauvais mari, puisque à la mort de Mr Bennet, le domaine de Longbourn leur échappera.

Les bals, moments privilégiés pour espérer rencontrer un futur conjoint<ref name="Dancing to the Altar">{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number28/stovel.pdf|titre=Dancing to the Altar|site=JASNA}}</ref>, jouent de ce fait un rôle essentiel. Aussi ne sont-ils normalement autorisés par les familles qu'aux jeunes filles en âge d'être mariées, ce qui nécessite une réflexion particulière lorsqu'il y a plusieurs filles dans la famille, car si les cadettes « sortent » alors que l'aînée n'est pas encore mariée, elles peuvent attirer un prétendant qu'elle-même aurait pu souhaiter.
Il est donc naturel de ne laisser les plus jeunes fréquenter les bals qu'une fois leurs aînées mariées. Qu'il n'en soit pas ainsi chez les Bennet vaut à Elizabeth Bennet une remarque choquée de Lady Catherine, lors de l'interrogatoire qu'elle lui fait subir à Rosings<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=145}}</ref>. Cela d'autant plus que la femme mariée a préséance sur ses sœurs encore célibataires, ainsi que Lydia ne manque pas de le rappeler avec impertinence<ref group="N">''« Ah, Jane, I take your place now, and you must go lower, because I am a married woman »'' (« Ah, Jane, je prends ta place maintenant, et tu ne viens plus qu'au second rang, car je suis une femme mariée »)</ref> à sa sœur aînée après son mariage avec Wickham<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=275}}</ref>. Mais Mrs Bennet, obsédée par son idée fixe, préfère encombrer « le marché du mariage » à Meryton en laissant ses cinq filles sortir dans le monde en même temps<ref name="Born to Diverge"/>.

[[Fichier:Grenta Green.jpg|thumb|upright=1.3|La vieille échoppe du forgeron de [[Gretna Green]], où venaient se marier les jeunes couples n'ayant pas l'âge légal.]]

''Orgueil et Préjugés'' présente diverses façons, dans le cadre des strictes règles sociales qui régissent la bonne société<ref name="Martin 34"/>, de faire sa cour à une jeune fille, et comment celle-ci répond aux avances, les sollicite, les rejette ou les ignore, ce qui est une possible source de [[quiproquo]]. C'est toujours le prétendant qui demande sa main à la jeune fille qu'il courtise, puisqu'on attend de celle-ci une attitude réservée, avant d'aller demander le consentement des parents, qui est indispensable lorsque l'un des futurs époux n'a pas 21 ans<ref group="N"> Depuis mars 1754, date d'entrée en application du ''Lord Hardwicke's Marriage Act'' (la « loi sur le mariage de Lord Hardwicke »), voté l'année précédente par le Parlement.</ref>. Aussi voit-on les prétendants à la main d'Elizabeth Bennet, qui ne les a pas encore, comme elle l'avoue à Lady Catherine, aller la demander à ses parents, c'est-à-dire à sa mère pour Mr Collins<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=92-93}}</ref>, à son père<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=329}}</ref>pour Darcy. Charles Bingley aussi est allé demander la main de Jane, au cours d'« une entrevue avec Mr Bennet courte mais satisfaisante ».
La loi écossaise restant plus tolérante, puisque l'on peut s'y marier sans le consentement des parents dès 14 ans pour les garçons et 12 ans pour les filles<ref>[http://www.spiritus-temporis.com/gretna-green/marriage.html Âge du mariage en Écosse] sur spiritus-temporis.com </ref>, c'est à [[Gretna Green]], première ville écossaise rencontrée en venant d'Angleterre, que se rendent les couples trop jeunes désireux de se marier. C'est là que Lydia croit se rendre avec Wickham, comme elle l'écrit à Harriet Forster<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=253}}</ref>.


==== De l'intérêt d'être mariée ====
==== De l'intérêt d'être mariée ====


L'[[incipit]] du roman en forme de maxime (« C’est une vérité universellement reconnue qu’un jeune homme qui a de la fortune doit chercher à se marier... ») semble annoncer les stratégies mises en place par les familles pour résoudre les difficultés pécuniaires de leurs filles désargentées en leur procurant un beau parti<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=64}}</ref>, mais dans ''Orgueil et Préjugés'' le thème du mariage est surtout traité sous l'angle du bonheur et de l'épanouissement personnel, celui de l'héroïne plus spécialement, qui, désireuse de faire « le bon choix »<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/hansen.html|titre=Rhetorical Dynamics in Jane Austen’s Treatment of Marriage Proposals}}</ref>, affirme à Lady Catherine : « Je suis résolue à agir de la manière qui me permettra d'assurer mon propre bonheur, sans tenir compte de vous ou de toute personne n'ayant aucun lien avec moi »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=313}}</ref>, montrant l'indépendance d'esprit d'une « créature rationnelle »<ref group="N">Cette expression, qu'elle emploie quand elle refuse Mr Collins, est de [[Mary Wollstonecraft]] : « les femmes m'excuseront si je les traite de créatures rationnelles au lieu de […] les considérer comme d'éternelles mineures » ([[Défense des droits de la femme]]'', 1792)</ref>, décidée à ne pas se laisser mettre à la place où voudrait la reléguer la noble Lady<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007 (première édition en 1813)|p=23}}</ref> très attachée au concept d'une société [[endogamie|endogame]]. Pour elle, le statut social est plus important que les mérites personnels : en épousant la fille d'un avoué et la sœur d'un négociant, Mr Bennet a, en quelque sorte, dérogé : « Oui, vous êtes la fille d'un gentleman, mais qu'était votre mère ? Et que sont vos oncles<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=311}}</ref> ? »
L'[[Incipit (livre)|incipit]] du roman en forme de maxime ({{citation|C’est une vérité universellement reconnue qu’un jeune homme qui a de la fortune doit chercher à se marier… }}) semble annoncer les stratégies mises en place par les familles pour résoudre les difficultés pécuniaires de leurs filles désargentées en leur procurant un beau parti<ref name="Martin 64"/>, mais dans ''Orgueil et Préjugés'' le thème du mariage est surtout traité sous l'angle du bonheur et de l'épanouissement personnel, celui de l'héroïne plus spécialement, qui, désireuse de faire « le bon choix »<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no2/hansen.html|auteur=Serena Hansen|titre=Rhetorical Dynamics in Jane Austen’s Treatment of Marriage Proposals|site=JASNA|année=2000}}</ref>, affirme à Lady Catherine : {{citation|Je suis résolue à agir de la manière qui me permettra d'assurer mon propre bonheur, sans tenir compte de vous ou de toute personne n'ayant aucun lien avec moi}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=313}}, montrant l'indépendance d'esprit d'une « créature rationnelle »<ref group="N">Cette expression, qu'elle emploie quand elle refuse Mr Collins, est empruntée à [[Mary Wollstonecraft]] : {{citation|les femmes m'excuseront si je les traite de créatures rationnelles au lieu de […] les considérer comme d'éternelles mineures}} (''[[Défense des droits de la femme]]'', 1792).</ref>, décidée à ne pas se laisser mettre à la place où voudrait la reléguer la noble Lady très attachée au concept d'une société [[endogamie|endogame]] et considérant que le statut social est plus important que les mérites personnels{{sfn|Lydia Martin|2007|p=23}} : en épousant la fille d'un avoué et la sœur d'un négociant, Mr Bennet a, en quelque sorte, dérogé : {{citation|Oui, vous êtes la fille d'un gentleman, mais qu'était votre mère ? Et que sont vos oncles{{sfn|Jane Austen|1853|p=311}} ? }}


==== Mariages imprudents ====
==== Mariages « imprudents » ====
Jane Austen se méfie du « coup de foudre » et présente les deux mariages fondés sur une « première impression » ou un coup de tête comme voués à l'échec<ref group="N"> Pour Paula Bennett, le thème central du roman concerne les misères du mariage et le prix que paient les enfants d'un mariage mal assorti : ''Family Plots: ''Pride and Prejudice'' as a Novel about Parenting. Approaches to Teaching Austen’s ''Pride and Prejudice''.'' Ed. Marcia McClintock Folsom, New York, MLA, 1993, p. 134-139.</ref> : Monsieur Bennet a épousé Miss Gardiner, « séduit par la jeunesse, la beauté et l'apparence d'une heureuse nature »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=206}}</ref> de cette femme qui s'est avérée avoir un esprit étroit et un total manque de jugement. Lydia éprouve une passion juvénile pour Wickham, dont elle est « follement éprise », et se laisse imprudemment enlever. Son mariage est « une nécessité qui s'impose », pour sauvegarder l'honneur de toute la famille, garantir l'ordre et la moralité, et respecter les contraintes sociales<ref>{{lien web|titre=Themes : reputation|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/themes.html|site=sparknote|consulté le 20/12/2009}}</ref> : elle n'a pas eu, comme Giorgiana, un grand frère, ni comme Miss King, un oncle, pour la protéger du séduisant mais dangereux Wickham.
Jane Austen se méfie du « coup de foudre » et présente les deux mariages fondés sur une « première impression » ou un coup de tête comme voués à l'échec{{note|Pour Paula Bennett, le thème central du roman concerne les misères du mariage et le prix que paient les enfants d'un mariage mal assorti<ref name="Paula Bennett 134-9">{{ouvrage|langue=en|titre=Family Plots: ''Pride and Prejudice'' as a Novel about Parenting. Approaches to Teaching Austen’s ''Pride and Prejudice''|éditeur=Marcia McClintock Folsom|lieu=New York|année=1993|page=134-139}}</ref>.|group=N}} : Monsieur Bennet a épousé Miss Gardiner, {{citation|séduit par sa jeunesse, sa beauté et l'apparence d'une heureuse nature}}<ref name="ref-1" />, mais elle s'est avérée disposer d'un esprit étroit et d'un total manque de jugement. Lydia éprouve une passion juvénile pour Wickham, dont elle est « follement éprise », et se fait imprudemment enlever. Son mariage est {{citation|une nécessité qui s'impose}}, pour sauvegarder l'honneur de toute la famille, garantir l'ordre et la moralité, et respecter les contraintes sociales<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Themes : reputation|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/themes.html|site=sparknote.com|consulté le=20 décembre 2009}}</ref> : elle n'a pas eu, comme Georgiana, un grand frère, ni comme Miss King, un oncle, pour la protéger du séduisant mais dangereux Wickham.


Ces mariages sont fragiles, voire conduisent à la catastrophe<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=71}}</ref>. Mr Bennet, trop indolent pour « chercher un réconfort dans ces plaisirs auxquels tant d'autres ont recours pour se consoler de déceptions causées par leur imprudence »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=206}}</ref>, reste fidèle à sa femme<ref group="N">Jane Austen a laissé des commentaires sur l'infidélité du régent, et de la princesse de Galles, ''« I am resolved at least always to think that she would have been respectable, if the Prince had behaved only tolerably by her at first. »'' Au fond, je pense qu'elle serait restée respectable, si le Prince s'était comporté convenablement envers elle en premier : lettre à Martha Lloyd du 16 février 1813</ref>, mais se réfugie dans sa bibliothèque, la laissant se débrouiller avec l'éducation de ses filles. Lydia se console en s'invitant chez ses sœurs, pendant que son mari, dont l'affection s'est muée en indifférence, s'amuse à Bath ou à Londres, mais « en dépit de sa jeunesse et de la liberté de ses manières, sa réputation ne donna plus sujet à la critique »<ref group="N">Lydia, par fidélité à son mari, ou parce qu'elle a compris que la faute d'une femme est sévèrement sanctionnée alors que celle d'un homme est excusée (à cause du « [[double standard]] ») n'a donc plus commis d'imprudences après son mariage</ref>.
Ces mariages sont fragiles, voire conduisent à la catastrophe{{sfn|Lydia Martin|2007|p=71}}. Mr Bennet, trop indolent pour {{citation|chercher un réconfort dans ces plaisirs auxquels tant d'autres ont recours pour se consoler de déceptions causées par leur imprudence}}<ref name="ref-1" />, reste fidèle à sa femme{{note|Jane Austen a laissé des commentaires sur l'infidélité du régent, et de la princesse de Galles : {{citation étrangère|langue=en|I am resolved at least always to think that she would have been respectable, if the Prince had behaved only tolerably by her at first}} (Au fond, je pense qu'elle serait restée respectable, si le Prince s'était comporté convenablement envers elle en premier<ref>Lettre à Martha Lloyd du 16 février 1813</ref>).|group=N}}, mais se réfugie dans sa bibliothèque, la laissant se débrouiller avec l'éducation de ses filles. Lydia se console en s'invitant chez ses sœurs, pendant que son mari, dont l'affection s'est muée en indifférence, va s'amuser à Bath ou à Londres, mais {{citation|en dépit de sa jeunesse et de la liberté de ses manières, sa réputation ne donna plus sujet à la critique}}<ref group="N">Lydia, par fidélité à son mari, ou parce qu'elle a compris que la faute d'une femme est sévèrement sanctionnée alors que celle d'un homme est excusée (à cause du « [[double standard]] ») n'a donc plus commis d'imprudences après son mariage.</ref>.


==== Mariages d'intérêt ====
==== Mariages d'intérêt ====


La fonction sociale du mariage reste essentielle à l'époque et justifie les « mariages de raison » <ref>{{lien web|url=http://austenette.wordpress.com/2009/06/12/loveless-marriage/|titre=Loveless Marriage|site=austenette.wordpress}}</ref>.
La fonction sociale du mariage reste essentielle à l'époque et justifie les « mariages de raison »<ref>{{Lien web|url=http://austenette.wordpress.com/2009/06/12/loveless-marriage/|titre=Loveless Marriage|site=austenette.wordpress|année=12 juin 2009}}</ref>.
[[Fichier:1815-regency-proposal-woodcut.gif|thumb|left|upright=1.3|Demande en mariage, vers 1815.]]
[[Fichier:1815-regency-proposal-woodcut.gif|alt=Gravure. Un homme, genou en terre, baise la main d'une jeune fille assise|vignette|gauche|upright=1.3|Demande en mariage, vers 1815.]]


Mr Collins se marie par devoir, car un clergyman doit donner l'exemple, et l'identité de sa future épouse importe peu. Mr Hurst, gentleman sans fortune, a épousé la riche mais très roturière Louise Bingley<ref group="N">Il ne faut pas oublier que, selon la législation de l'époque, la femme mariée n'a plus la libre disposition de ses biens, car elle cesse d'avoir une existence légale : pendant toute la durée de son mariage, elle est supposée être représentée par son mari (statut de ''feme coverte'', selon le terme d'ancien français utilisé par la loi anglaise.)</ref> et un certain nombre de mariages ''possibles'' sont évoqués : celui dont rêve Miss Bingley pour assurer l'ascension sociale de son frère, avec Miss Darcy, et ensuite la sienne, en épousant Mr Darcy et celui qu'a programmé Lady Catherine, entre sa fille et son neveu Darcy pour consolider leur fortune et leur position sociale, « car ils sont destinés l'un à l'autre depuis leur naissance » (le colonel Fitzwilliam, son autre neveu, n'étant pas un héritier, mais seulement un second fils, n'a pas le prestige du propriétaire de Pemberley). Le colonel, de son côté, fait comprendre à Elizabeth qu'elle lui plaît beaucoup, mais, étant cadet de famille, il ne peut guère se marier selon son choix. Wickham courtise Miss King lorsqu'elle hérite de {{formatnum:10000}} livres<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=66}}</ref>, et Mrs Bennet, enfin, aurait été ravie de voir Elizabeth devenir Mrs Collins, même si le mariage aurait été particulièrement mal assorti et probablement malheureux. Quoique son désir immodéré et caricatural de marier ses filles soit tourné en dérision, il « montre qu'elle se soucie davantage que son mari de les placer socialement »<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=67}}</ref>.
Collins se marie par devoir, car un [[clergyman]] doit donner l'exemple, et l'identité de sa future épouse importe peu. Hurst, gentleman sans fortune, a épousé la riche mais très roturière Louise Bingley ({{formatnum:20000}} £ de dot)<ref group="N">Selon la législation de l'époque, la femme mariée n'a plus la libre disposition de ses biens, que son époux peut donc dépenser à sa guise, car elle cesse d'avoir une existence légale : pendant toute la durée de son mariage, elle est supposée être représentée par son mari (statut de ''{{langue|la|feme coverte}}'', selon le terme d'ancien français utilisé par la loi anglaise).</ref>. Un certain nombre de mariages ''possibles'' sont évoqués : celui dont rêve Caroline Bingley pour assurer l'ascension sociale de son frère, avec Miss Darcy, et ensuite la sienne, en épousant Mr Darcy ; celui qu'a programmé Lady Catherine, entre sa fille et son neveu Darcy pour consolider leur fortune et leur position sociale, « car ils sont destinés l'un à l'autre depuis leur naissance » (le colonel Fitzwilliam, son autre neveu, n'étant pas un héritier, mais seulement un second fils, n'a pas le prestige du propriétaire de Pemberley) ; le colonel, de son côté, fait comprendre à Elizabeth qu'elle lui plaît beaucoup, mais, étant cadet de famille, il ne peut guère se marier selon son choix ; Wickham courtise Miss King lorsqu'elle hérite de {{nombre|10000|livres}}{{sfn|Lydia Martin|2007|p=66}}, et Mrs Bennet, enfin, aurait été ravie de voir Elizabeth devenir Mrs Collins, même si le mariage aurait été particulièrement mal assorti et probablement malheureux. Quoique son désir immodéré et caricatural de marier ses filles soit tourné en dérision, il {{citation|montre qu'elle se soucie davantage que son mari de les placer socialement}}{{sfn|Lydia Martin|2007|p=67}}.


Sous certaines conditions, ces mariages peuvent connaître une réussite relative, comme le montre la situation de Charlotte Lucas. L'intelligente, pragmatique et peu romanesque Charlotte, consciente de son manque de charme, de son âge et de la situation de sa famille, montre, en acceptant d'épouser Mr Collins, les limites du mariage de convention, du moins en ce qui concerne l'épanouissement personnel. Considérant le mariage comme « la seule situation convenable pour une femme distinguée et de fortune modeste», elle reconnaît n'en attendre qu'un foyer confortable et la sécurité financière<ref>« ''the pure and disinterested desire of an etablissement'' » dit ironiquement l'auteur, {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=108}}.</ref>. Elle pense que les relations et la situation sociale de Mr Collins lui apporteront des « chances de bonheur que tout le monde ne trouve pas dans le mariage »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=112}}</ref>. Elizabeth en doute, mais voit par elle-même, en lui rendant visite à Hunsford, comment Charlotte se satisfait de son mariage<ref group="N">Bien qu'elle-même n'ait pas pu se résoudre à suivre cette voie en acceptant d'épouser Harris Bigg-Wither en 1802, [[Jane Austen]] ne condamne pas complètement l'attitude de Charlotte, qui s'est construit un bonheur à sa portée, selon Ruth Perry : {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number22/perry.htm|titre=Sleeping with Mr Collins}}</ref> en « oubliant souvent » son mari<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=189}}</ref> et en se consacrant à « sa maison et son ménage, sa paroisse et sa basse-cour »<ref group="N">En anglais :'' her home and her housekeeping'', ''her parish and her poultry''. Les [[allitération|allitérations]] mettent en valeur les paires de mots, composées d'un premier valorisant, et d'un second trivial. L'[[antithèse]] entre les termes souligne implicitement la vulgarité des préoccupations de Charlotte (''Pride and Prejudice'', Martin et Laura Grey, York Notes Advanced, page 103, York Press, 2001, {{ISBN|0582329078}}.</ref>. Comme pour Louise Bingley, son mariage est une promotion sociale, et il représente « la voie normale » à l'époque<ref group="N"> « La vie n'est pas un merveilleux roman... mais une histoire vraie, dont maintes pages seront pénibles, obscures et sans intérêt » écrit [[Hannah More]] dans ''Strictures on the Modern System of Female Education'' (1799)</ref>.
Sous certaines conditions, ces mariages peuvent connaître une réussite relative, comme le montre la situation de Charlotte Lucas. L'intelligente, pragmatique et peu romanesque Charlotte, consciente de son manque de charme, de son âge et de la situation de sa famille, montre, en acceptant d'épouser Mr Collins, les limites du mariage de convention, du moins en ce qui concerne l'épanouissement personnel. Considérant le mariage comme « la seule situation convenable pour une jeune femme distinguée et de fortune modeste », elle reconnaît n'en attendre qu'un foyer confortable et la sécurité financière{{note|{{citation étrangère|langue=en|The pure and disinterested desire of an etablissement}} dit ironiquement l'auteur<ref name="ReferenceB"/>.|group=C}}. Elle pense que les relations et la situation sociale de Mr Collins lui apporteront des « chances de bonheur que tout le monde ne trouve pas dans le mariage »<ref name="Austen112"/>. Elizabeth en doute, mais voit par elle-même, en lui rendant visite à Hunsford, comment Charlotte se satisfait de son mariage{{note|Bien qu'elle-même n'ait pas pu se résoudre à suivre cette voie en acceptant d'épouser Harris Bigg-Wither en 1802, Jane Austen ne condamne pas complètement l'attitude de Charlotte, qui s'est construit un bonheur à sa portée, estime Ruth Perry<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number22/perry.htm|titre=Sleeping with Mr Collins|site=JASNA|année=2000}}</ref>.|group=N}}, en « oubliant souvent » son mari{{sfn|Jane Austen|1853|p=189}} et en se consacrant à {{citation|sa maison et son ménage, sa paroisse et son poulailler}}{{note|En anglais : {{citation étrangère|langue=en|her home and her housekeeping, her parish and her poultry}}. Les [[allitération]]s mettent en valeur les paires de mots, composées d'un premier valorisant, et d'un second trivial. L'[[antithèse]] entre les termes souligne implicitement la banalité des préoccupations de Charlotte<ref>{{en}} ''Pride and Prejudice'', Martin et Laura Grey, York Notes Advanced, page 103, York Press, 2001, {{ISBN|0-582-32907-8}}</ref>.|group=N}}. Comme pour Louise Bingley, son mariage est une promotion sociale, et il représente « la voie normale » à l'époque<ref group="N">{{citation|La vie n'est pas un merveilleux roman… mais une histoire vraie, dont maintes pages seront pénibles, obscures et sans intérêt}} écrit [[Hannah More]] dans ''{{langue|en|Strictures on the Modern System of Female Education}}'' (1799).</ref>.
[[Fichier:P&P60-Be sincere (BrockNB).JPG|vignette|upright=0.9|alt=Gravure.Une jeune femme s'adresse d'un ton faussement docte à l'homme attentif assis à côté d'elle|Dites-moi, est-ce pour mon impertinence que vous m'admiriez ? ([[C. E. Brock]], 1895).]]


==== Mariages réussis ====
[[File:Elisabeth et Darcy.png|thumb|Dites-moi, est-ce pour mon impertinence que vous m'admiriez ? (''Orgueil et Préjugés'', Ch 60).]]
'''ou {{Citation étrangère|langue=en|Marriage of true minds}}'''{{note|L'expression est extraite du [[Sonnets (Shakespeare)|sonnet 116]] de [[William Shakespeare]] que récite Marianne Dashwood, interprétée par [[Kate Winslet]], dans ''[[Raison et sentiments (film, 1995)|Raison et Sentiments]]'' de [[Ang Lee]] avec [[Emma Thompson]] et choisie par Lydia Martin{{sfn|Lydia Martin|2007|p=69}} pour qualifier l'union idéale selon Jane Austen.|group=N}}.


Ce sont les mariages fondés sur l'estime, la gratitude, l'affection, le respect mutuel, où les questions de fortune, de rang, de titre passent en second<ref name="Martin 69">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=69 et suiv.}}</ref> : {{citation|L'aimez-vous ''assez'' ? […] Êtes-vous certaine, ''vraiment certaine'' d'être ''heureuse'' avec lui ? […] Rien n'est pire que de se marier ''sans affection'' }} dit Jane en apprenant que sa sœur s'est fiancée à Darcy{{sfn|Jane Austen|1853|p=327}}. Mrs Gardiner les appelle des mariages « judicieux » (''{{langue|en|prudent}}''){{note|Elizabeth et sa tante ont plusieurs échanges à propos des mariages intéressés ({{citation étrangère|langue=en|mercenary marriage}}) et avisés ({{citation étrangère|langue=en|prudent marriage}}) et Mrs Gardiner reprend l'idée en évoquant la possibilité du mariage de Darcy et d'Elizabeth, à la fin de la lettre dévoilant le rôle de Darcy dans le mariage de Lydia{{sfn|Jane Austen|1853|p=283}} : {{Citation étrangère|langue=en|He wants nothing but a little more liveliness, and ''that'', if he marry ''prudently'', his wife may teach him}} ({{citation|Il ne lui manque qu'un peu de gaité, mais sa femme, s'il fait un choix ''judicieux'', pourra lui en donner}}).|group=N}}.
====Mariages réussis====
;''Marriage of true minds''<ref group="N">L'expression est extraite du sonnet 116 de [[William Shakespeare]] que récite [[Kate Winslet]] dans le rôle de Marianne Dashwood, dans ''[[Raison et sentiments (film, 1995)|Raison et sentiments]]'' de [[Ang Lee]] avec [[Emma Thompson]] et choisie par {{harvsp|Lydia Martin|2007|p=69}} pour qualifier l'union idéale selon Jane Austen</ref> :
Ce sont les mariages<ref name="Martin 69">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=69 et suiv.}}</ref> fondés sur l'estime, la gratitude, l'affection, le respect mutuel, où les questions de fortune, de rang, de titre passent en second : « L'aimez-vous ''assez'' ? [...] Êtes-vous certaine, ''vraiment certaine'' d'être ''heureuse'' avec lui ? » [...] « Rien n'est pire que de se marier ''sans affection'' » dit Jane en apprenant que sa sœur s'est fiancée à Darcy<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=327}}</ref>. Mrs Gardiner les appelle des mariages « judicieux » (''prudent'')<ref group="N"> Elizabeth et sa tante ont plusieurs échanges à propos des mariages intéressés (« ''mercenary marriage'' ») et avisés (« ''prudent marriage'' ») et Mrs Gardiner reprend l'idée en évoquant la possibilité du mariage de Darcy et d'Elizabeth, à la fin de la lettre dévoilant le rôle de Darcy dans le mariage de Lydia, {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=283}} : ''« He wants nothing but a little more liveliness, and ''that'', if he marry ''prudently'', his wife may teach him» '' (« Il ne lui manque qu'un peu de gaité, mais sa femme, s'il fait un choix ''judicieux'', pourra lui en donner »).</ref>.


On peut ranger dans cette catégorie le mariage des Gardiner. Les qualités personnelles d'Édouard Gardiner, sensible, agréable, cultivé, bien élevé (« ''gentleman like'' »), et de sa femme, aimable, intelligente et élégante<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=122}}</ref> ainsi que les relations affectueuses qu'ils ont avec leurs nièces, en font un couple heureux<ref group="N">Et aussi un modèle pour Jane et Elizabeth, qui voient que le bonheur dans le mariage est non seulement désirable, mais réalisable {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol29no1/sturrock.html|titre=''Mrs Bennet's legacy''|}}.</ref>.
On peut ranger dans cette catégorie le mariage des Gardiner. Les qualités personnelles d'Edward Gardiner, sensible, agréable, cultivé, bien élevé (« ''{{langue|en|gentleman like}}'' »), et de sa femme, aimable, intelligente et élégante{{sfn|Jane Austen|1853|p=122}}, ainsi que les relations affectueuses qu'ils ont avec leurs nièces, en font un couple heureux, et aussi un modèle pour Jane et Elizabeth, qui voient que le bonheur dans le mariage est non seulement désirable, mais réalisable<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol29no1/sturrock.html|auteur=June Sturrock|titre=''Mrs Bennet's legacy''|site=JASNA|année=2008}}.</ref>.


De même, la sage et sensible Jane Bennet trouve le bonheur en épousant l'aimable Charles Bingley. Elle est consciente que son mariage avec un homme qu'elle aime et qui l'aime est un immense bonheur « qu'[elle] ne mérite pas », et qu'elle répond aussi aux vœux de sa « chère famille » en assurant sa sécurité financière. Mais ce mariage est tout de même terni par le sentiment que la discrétion de Jane, et le caractère trop influençable de Bingley ont failli les séparer pour toujours<ref name="Martin 69"/>
De même, la sage et sensible Jane Bennet trouve le bonheur en épousant l'aimable Charles Bingley. Elle est consciente que son mariage avec un homme qu'elle aime et qui l'aime est un immense bonheur « qu'[elle] ne mérite pas », et qu'elle répond aussi aux vœux de sa « chère famille » en assurant sa sécurité financière. Mais ce mariage est tout de même terni par le sentiment que la discrétion de Jane et le caractère trop influençable de Bingley ont failli les séparer pour toujours<ref name="Martin 69"/>.


Le mariage d'Elizabeth et Darcy est le plus brillant. Romanesque, et d'apparence peu réaliste, il a des aspects paradoxaux. C'est « une union convenue, qui tout à la fois bouleverse les codes sociaux et conforte les conventions de la comédie sentimentale »<ref>Catherine Bernard, article ''Orgueil et Préjugés'', © ''Encyclopædia Universalis'' 2005 </ref>. Le choix d'Elizabeth est un choix libre, un « bon » choix, qui n'est pas « intéressé », dicté par des impératifs économiques (sinon elle aurait accepté d'épouser Darcy dès sa première demande) mais « judicieux »<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/wiesenfarth.html#1|titre=Jane Austen’s Family of Fiction: From Henry and Eliza to Darcy and Eliza|site=JASNA}}</ref>, parce qu'elle a appris à chérir un homme digne d'être aimé à cause de ses qualités morales et personnelles. Darcy éprouve pour elle un amour passionné qui le pousse à transcender les barrières sociales et le qu'en dira-t-on, et à réformer son comportement pour conquérir son affection. En épousant Elizabeth, il rompt avec les règles de la société traditionnelle, puisqu'il s'allie à la société commerçante représentée par les Gardiner, « pour qui, comme sa femme, il éprouvait une réelle affection »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=340}}</ref>, et Elizabeth, en l'épousant, transcende son dilemme : elle trouve son épanouissement personnel dans un mariage d'argent extraordinairement avantageux<ref>{{harvsp|Nicholas Marsh|1998|p=215 }} </ref>. Ce mariage a quelque chose de subversif, et en même temps de tout à fait conventionnel puisque, en dépit de son indépendance d'esprit, Elizabeth, en fille responsable, se marie au-dessus de sa condition, et assure sa sécurité financière et son ascension sociale<ref>Vivien Jones, Introduction à ''Pride and Prejudice'', Penguin Classics, 2003, p xxiii-xxix</ref>.
Le mariage d'Elizabeth et Darcy est le plus brillant. Romanesque, et d'apparence peu réaliste, il a des aspects paradoxaux. C'est {{citation|une union convenue, qui tout à la fois bouleverse les codes sociaux et conforte les conventions de la comédie sentimentale}}<ref name="Universalis"/>. Le choix d'Elizabeth est un choix libre, un « bon » choix, qui n'est pas « intéressé », dicté par des impératifs économiques (sinon elle aurait accepté d'épouser Darcy dès sa première demande) mais « judicieux »<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol22no1/wiesenfarth.html#1|auteur=Joseph Wiesenfarth|titre=Jane Austen’s Family of Fiction: From Henry and Eliza to Darcy and Eliza|site=JASNA|année=2001}}</ref>, parce qu'elle a appris à chérir un homme digne d'être aimé à cause de ses qualités morales et personnelles. Darcy éprouve pour elle un amour passionné qui le pousse à transcender les barrières sociales et le qu'en-dira-t-on, et à réformer son comportement pour conquérir son affection. En épousant Elizabeth, il rompt avec les règles de la société traditionnelle, puisqu'il s'allie à la société commerçante représentée par les Gardiner, {{citation|pour qui, comme sa femme, il éprouvait une réelle affection}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=340}}, et Elizabeth, en l'épousant, transcende son dilemme : elle trouve son épanouissement personnel dans un mariage d'argent extraordinairement avantageux{{sfn|Nicholas Marsh|1998|p=215}}. Ce mariage a quelque chose de subversif, et en même temps de tout à fait conventionnel puisque, en dépit de son indépendance d'esprit, Elizabeth, en fille responsable, se marie au-dessus de sa condition, et assure sa sécurité financière et son ascension sociale<ref>{{en}} Vivien Jones, Introduction à ''Pride and Prejudice'', Penguin Classics, 2003, p. xxiii-xxix</ref>.


En montrant sa préférence pour des mariages fondés avant tout sur l'affection mutuelle, Jane Austen<ref group="N">Julia Prewitt Brown estime que Jane Austen est le premier écrivain à parfaitement montrer l'importance sociale et culturelle du mariage et de la famille, et leur rôle dans le changement social et moral, la première aussi à noter la transformation d'une société soumise aux traditions en une société plus sensible aux aspirations individuelles (citée dans {{ouvrage|titre=[http://books.google.fr/books?id=Vx-ZPUzWnWYC&pg=PA27&dq=the+oppositional+reader&lr=&as_brr=3&cd=2#v=onepage&q=the%20oppositional%20reader&f=false A companion to Jane Austen studies]|éditeur=Robert T. Lambdin|année=2000|isbn=0313306621}}, p. 47</ref> affirme que les mariages heureux sont possibles, mais qu'ils demandent intelligence et maturité émotionnelle<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=72}}</ref>.
En montrant sa préférence pour des mariages fondés avant tout sur l'affection mutuelle, Jane Austen affirme que les mariages heureux sont possibles{{note|Julia Prewitt Brown estime que Jane Austen est le premier écrivain à parfaitement montrer l'importance sociale et culturelle du mariage et de la famille, et leur rôle dans le changement social et moral ; la première aussi à noter la transformation d'une société soumise aux traditions en une société plus sensible aux aspirations individuelles<ref>Citée dans {{Ouvrage|langue=en|url=https://books.google.fr/books?id=Vx-ZPUzWnWYC&pg=PA27&dq=the+oppositional+reader&lr=&as_brr=3&cd=2#v=onepage&q=the%20oppositional%20reader&f=false|titre= A companion to Jane Austen studies|éditeur=Robert T. Lambdin|année=2000|isbn=0-313-30662-1|page=47}}</ref>.|group=N}}, mais qu'ils demandent intelligence et maturité émotionnelle{{sfn|Lydia Martin|2007|p=72}}.


=== Les bals ===
=== Les bals ===
[[Fichier:La Trénis 1805.jpg|thumb|left|upright=1.3|Figure de contredanse, vers 1805.]]
[[Fichier:La Trénis 1805.jpg|vignette|gauche|upright=1.2|alt=Gravure. Deux couples dans une figure de contredanse très enlevée|Figure de contredanse, vers 1805.]]
Les différentes scènes de bal sont particulièrement développées, car elles jouent un rôle essentiel dans la [[diégèse]] : terrain neutre où les personnages se rencontrent, ce décor se prête à de multiples intrigues<ref name="Bury 21">''Orgueil et préjugés'', traduction et présentation par Laurent Bury, GF-Flammarion, {{p.|21}}</ref>.


==== Bals et vie sociale ====
On sait, par ses lettres<ref group ="N">Voir par exemple sa lettre à [[Cassandra Austen|Cassandra]] du 24 décembre 1798, où elle décrit « un tout petit bal de 31 personnes, dont 11 femmes seulement [...] I y eut 20 danses, et je les ai toutes dansées, et sans aucune fatigue. » (Jane Austen et Penelope Hugues-Hallen, ''Lettres illustrées'', Herscher, 1994, p. 26-24).</ref>, que Jane Austen adorait danser, et il y a des bals dans tous ses romans. L'intérêt pour les bals est de règle à son époque, où les bals sont une partie essentielle de la vie sociale et jouent un grand rôle dans la vie d'une jeune fille, dans la mesure où la danse participe à l'acte de faire sa cour<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=142}}</ref> : c'est un moment où elle peut échapper à la surveillance de son chaperon (en général sa mère) et engager librement la conversation avec son cavalier, surtout lorsque leur couple est immobile dans la succession des figures imposées<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no1/thompson.html|titre=Jane Austen in the Ballroom|site=JASNA, 2000}}</ref>. Même si les contacts physiques que permettent la [[contredanse]] ou plus tard le [[quadrille]]<ref group="N">Le quadrille, apparu en France dès les années 1760, est introduit en Angleterre en 1808.</ref> sont fort limités, la possibilité d'avoir un partenaire attitré, qui réserve plusieurs danses au cours du bal, est alors un prélude indispensable aux fiançailles. L'adage « ''To be fond of dancing was a certain step towards falling in love'' »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=6}}</ref>(« l'amour de la danse conduit immanquablement à tomber amoureux ») peut parfaitement s'appliquer à Charles Bingley qui « prit part à toutes les danses » à Meryton, et dont Darcy dit dans sa lettre à Elizabeth « l'avoir auparavant souvent vu amoureux ».
On sait, par ses lettres, que Jane Austen adorait danser{{note|Voir par exemple sa lettre à [[Cassandra Austen|Cassandra]] du 24 décembre 1798, où elle décrit {{citation|un tout petit bal de 31 personnes, dont 11 femmes seulement […] Il y eut 20 danses, et je les ai toutes dansées, et sans aucune fatigue.}}<ref>Jane Austen et Penelope Hugues-Hallen, ''Lettres illustrées'', Herscher, 1994, {{p.|26-24}}</ref>.|group=N}}, et il y a des bals dans tous ses romans. L'intérêt pour les bals est de règle à son époque, où les bals sont une partie essentielle de la vie sociale et jouent un grand rôle dans la vie d'une jeune fille, dans la mesure où la danse participe à l'acte de faire sa cour{{sfn|Lydia Martin|2007|p=142}} : c'est un moment où elle peut échapper à la surveillance de son chaperon (en général sa mère) et engager librement la conversation avec son cavalier, surtout lorsque leur couple est immobile dans la succession des figures imposées<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no1/thompson.html|auteur=Allison Thompson|titre=Jane Austen in the Ballroom|site=JASNA|année= 2000}}</ref>. Même si les contacts physiques que permettent la [[contredanse]], ou plus tard le [[quadrille (danse)|quadrille]]<ref group="N">Le quadrille, apparu en France dès les années 1760, est introduit en Angleterre en 1808.</ref>, sont fort limités, la possibilité d'avoir un partenaire attitré, qui réserve plusieurs danses au cours du bal, est alors un prélude indispensable aux fiançailles. L'adage {{citation étrangère|lang=en|To be fond of dancing was a certain step towards falling in love}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=6}} ({{citation|l'amour de la danse conduit immanquablement à tomber amoureux}}) peut parfaitement s'appliquer à Charles Bingley qui {{citation|prit part à toutes les danses}} à Meryton, et dont Darcy dit dans sa lettre à Elizabeth {{citation|l'avoir auparavant souvent vu amoureux}}.


Un homme peut inviter la dame de son choix pour deux danses successives et, selon le nombre de couples et la longueur de la salle, l'enchaînement de ces deux danses peut durer assez longtemps<ref group="N">Elizabeth ({{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=80}}) dit à Darcy pendant qu'ils dansent : « Il faut bien échanger quelques mots, vous savez. Si on restait silencieux pendant une demi-heure, cela paraîtrait bizarre »</ref>. Avec leur code de bonne conduite, les bals peuvent être considérés comme des allégories de la vie sociale<ref name="The Function Of Dance in ''Pride and Prejudice''">{{lien web|url=http://www.jasna.org/essaycontest/2001/graduate.html|titre=The Function Of Dance in ''Pride and Prejudice''|site=JASNA, 2001}}</ref>, et les figures imposées de la danse comme des symboles des relations qui se créent entre les personnages : on voit ainsi au bal de Meryton, Bingley choisir Jane comme partenaire privilégiée dès leur première rencontre ; à celui de Netherfield, Elizabeth regretter l'absence de Wickham avec qui elle espérait danser, et subir comme un véritable supplice les deux danses avec Mr Collins<ref name="Dancing to the Altar"/>.
Un gentleman peut inviter la dame de son choix pour deux danses successives et, selon le nombre de couples et la longueur de la salle, l'enchaînement de ces deux danses peut durer une demi-heure{{note|Elizabeth dit à Darcy pendant qu'ils dansent à Netherfield{{sfn|Jane Austen|1853|p=80}} : {{citation|Il faut bien échanger quelques mots, vous savez. Si on restait silencieux pendant une demi-heure, cela paraîtrait bizarre}}.|group=N}}. Avec leur code de bonne conduite, les bals peuvent être considérés comme des allégories de la vie sociale<ref name="Function Of Dance">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/essaycontest/2001/graduate.html|auteur=Laurie Lyda|titre=The Function Of Dance in ''Pride and Prejudice''|site=JASNA|année=2001}}</ref>, et les figures imposées de la danse comme des symboles des relations qui se créent entre les personnages : on voit ainsi au bal de Meryton, Bingley choisir Jane comme cavalière privilégiée dès leur première rencontre ; à celui de Netherfield, Elizabeth regretter l'absence de Wickham avec qui elle espérait danser, et subir comme un véritable supplice les deux danses avec Mr Collins<ref name="Dancing to the Altar"/>.


==== Fonction symbolique ====
[[Fichier:Five positions of dancing Wilson 1811.jpg|thumb|Les cinq positions du quadrille (Thomas Wilson, 1811)]]
[[Fichier:Five positions of dancing Wilson 1811.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure. 5 personnages sur deux niveaux, chacun représentant une position|Les cinq positions du quadrille (Thomas Wilson, 1811)]]
C'est cependant pour Darcy et Elizabeth que cette fonction symbolique est la plus marquée.
Leurs relations sont compliquées et montrent que tous les deux méprisent dans une certaine mesure les codes en usage. La [[narrateur|narratrice]] [[Diégèse|extradiégétique]] leur ménage quatre occasions de danser ensemble, toutes dans la première partie d’''Orgueil et Préjugés'', au cours de trois bals clairement identifiés, plus la surprenante invitation de Darcy à Elizabeth, pendant son séjour à Netherfield. Elles fonctionnent comme une [[métaphore]] et un modèle de leur situation relative et de leur devenir : Jane Austen utilise, d'ailleurs, pour parler d'invitation à danser, les mêmes mots que pour une demande en mariage : « demander la main », « engager » une partenaire<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol28no1/stovel-n.htm|auteur=Nora Stovel|titre=An Invitation to the Danse and a Proposal of Marriage|site=JASNA|année=2007}}</ref>.


Le premier bal, à Meryton<ref name="ref-3">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=9}}</ref>, est l'événement fondateur : Darcy, avec une extrême impolitesse, puisqu'il y a insuffisance de cavaliers, snobe superbement Elizabeth (dont toute l'attitude, par la suite, découle de sa première impression : elle est beaucoup plus vexée qu'elle veut bien se l'avouer), montrant par-là qu'il refuse de s'engager. Il n'est pas, contrairement à l'affirmation de l'[[Incipit (livre)|incipit]], {{citation|à la recherche d'une femme}}.
Cependant, ses relations avec Mr Darcy sont beaucoup plus compliquées et montrent que tous les deux méprisent dans une certaine mesure les codes en usage. L'auteur leur ménage quatre occasions de danser ensemble, toutes dans la première partie d’''Orgueil et Préjugés'', au cours de trois bals clairement identifiés, plus la surprenante invitation de Darcy à Elizabeth, pendant son séjour à Netherfield. Elles fonctionnent comme une métaphore et un modèle de leur situation relative et de leur devenir : Jane Austen utilise, d'ailleurs, pour parler d'invitation à danser, les même mots que pour une demande en mariage : « demander la main », « engager » une partenaire<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol28no1/stovel-n.htm|titre=Nora Stovel : An Invitation to the Danse and a Proposal of Marriage (2007)}}</ref>.


Il y a ensuite le bal plus ou moins improvisé à Lucas Lodge<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=21-22}}</ref>, où Darcy, bien qu'il ait auparavant affirmé détester danser {{citation|à moins de bien connaître sa cavalière}}, se laisse entraîner à inviter presque malgré lui Elizabeth<ref name="Function Of Dance"/>, qui a un mouvement de recul et refuse avec beaucoup de détermination, juste après avoir fait remarquer à Charlotte : {{citation|[Monsieur Darcy] a un œil très critique, et si je ne me mets pas à être impertinente moi-même, il va commencer à m'effrayer}}, tandis qu'il admire avec quel doigté elle refuse ses avances{{note|{{citation|C'est une préfiguration humoristique de sa réponse à sa première demande en mariage}} écrit Deborah Knuth<ref name="Sisterhood"/>.|group=N}}. Elle manifeste ainsi clairement à son tour son refus de se positionner sur le « marché du mariage ».
Le premier bal, à Meryton<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=9}}</ref>, est l'évènement fondateur : Darcy, avec une extrême impolitesse, puisqu'il y a insuffisance de cavaliers, snobe superbement Elizabeth (dont toute l'attitude, par la suite, découle de sa première impression : elle est beaucoup plus vexée qu'elle veut bien se l'avouer), montrant par-là qu'il refuse de s'engager. Il n'est pas, contrairement à l'affirmation de l'[[incipit]], « à la recherche d'une femme ».


À Netherfield{{sfn|Jane Austen|1853|p=44}}, pendant que Miss Bingley joue des airs écossais, Darcy s'approche d'Elizabeth, qui feuillette des partitions sur le piano, et lui demande si elle n'a pas envie de danser un ''{{langue|en|reel}}''<ref group="N">Le ''{{langue|en|reel}}'' est une danse écossaise très vive et très enlevée (un « [[branle]] », en français), qui se danse à un ou deux couples, et a de nettes connotations sexuelles : ''{{langue|en|to reel}}'' veut dire tournoyer, en anglais.</ref> ; elle ne répond pas, d'abord, puis questionnée à nouveau, explique qu'elle n'a pas envie qu'il se moque d'elle. S'il est surpris par sa réaction, elle est surprise par son amabilité.
Il y a ensuite<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=21-22}}</ref> le bal plus ou moins improvisé, à Lucas Lodge, où Darcy, bien qu'il ait auparavant affirmé détester danser « à moins de bien connaître sa cavalière », se laisse entraîner à inviter presque malgré lui Elizabeth<ref name="The Function Of Dance in ''Pride and Prejudice''"/>, qui a un mouvement de recul et refuse avec beaucoup de détermination, juste après avoir fait remarquer à Charlotte : « [Mr Darcy] a un œil très critique, et si je ne me mets pas à être impertinente moi-même, il va commencer à m'effrayer », tandis qu'il admire sa capacité à refuser ses avances<ref group="N"> « C'est une préfiguration humoristique de sa réponse à sa première demande en mariage » écrit Deborah Knuth, dans {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/knuth.htm|titre=Sisterhood and Friendship in ''Pride and Prejudice'' (1989)}}</ref>. Elle manifeste ainsi clairement à son tour son refus de se positionner sur le « marché du mariage ».


Il y a enfin le bal de Netherfield : Darcy a suffisamment dominé son préjugé pour décider de son propre chef de l'inviter<ref name="Function Of Dance"/> et Elizabeth, surprise par son abrupte invitation, ne trouve aucune excuse pour refuser de danser avec lui. Tout le monde, elle la première, est étonné de {{citation|la dignité à laquelle elle est parvenue}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=80}}. Même s'ils se séparent assez mécontents, le fait qu'Elizabeth ait enfin accepté de danser avec lui autorise la perspective d'une union<ref name="Dancing to the Altar"/>.
À Netherfield<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=44}}</ref>, pendant que Miss Bingley joue des airs écossais, Darcy s'approche d'Elizabeth, qui feuillette des partitions sur le piano, et lui demande si elle n'a pas envie de danser un ''reel''<ref group="N">Un ''reel'' est une danse écossaise très vive et très enlevée (un « branle », en français), qui se danse à un ou deux couples, et a de nettes connotations sexuelles : ''reel'' veut dire tournoyer, en anglais.</ref> ; elle ne répond pas, d'abord, puis questionnée à nouveau, explique qu'elle n'a pas envie qu'il se moque d'elle. S'il est surpris par sa réaction, elle est surprise par son amabilité.

Il y a enfin le bal de Netherfield : Darcy a suffisamment dominé son préjugé pour décider de son propre chef de l'inviter<ref name="The Function Of Dance in ''Pride and Prejudice''"/> et, surprise par son abrupte invitation, elle ne trouve aucune excuse pour refuser de danser avec lui. Tout le monde, elle la première, est étonné de « la dignité à laquelle elle est parvenue »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=80}}</ref>. Même s'ils se séparent assez mécontents, le fait qu'Elizabeth ait enfin accepté de danser avec lui autorise la perspective d'une union<ref name="Dancing to the Altar"/>.
Ainsi, après avoir refusé Darcy à Hunsford, Elizabeth a-t-elle des relations beaucoup plus aimables avec lui à Pemberley, et accepte finalement d'épouser l'homme qu'elle tenait au début en si grand mépris, trouvant désormais « parfaitement aimable »<ref>Elle le qualifie ainsi lorsque son père s'inquiète de la voir prête à épouser un homme qui lui paraissait naguère aussi odieux (voir {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=330}}).</ref> l'homme qu'elle avait « résolu de détester », comme le souligne ironiquement l'auteur<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=80}}</ref>.
Ainsi, après avoir fermement refusé Darcy à Hunsford, Elizabeth a-t-elle des relations beaucoup plus aimables avec lui à Pemberley, et accepte finalement d'épouser celui qu'elle tenait au début en si grand mépris, trouvant désormais {{citation|parfaitement aimable}}{{note|Elle le qualifie ainsi lorsque son père s'inquiète de la voir prête à épouser un homme qui lui paraissait naguère aussi odieux{{sfn|Jane Austen|1853|p=330}}.|group=N}} l'homme qu'elle avait {{citation|résolu de détester}}, comme le souligne ironiquement la narratrice{{sfn|Jane Austen|1853|p=80}}.


=== Education et « talents d'agrément » ===
=== Éducation et « talents d'agrément » ===
{{Article détaillé|Pensionnats pour jeunes filles dans l'Angleterre georgienne et victorienne{{!}}Pensionnats pour jeunes filles dans l'Angleterre georgienne|Gouvernantes dans l'Angleterre georgienne et victorienne{{!}}Gouvernantes dans l'Angleterre georgienne}}
{{Article détaillé|Pensionnats pour jeunes filles dans l'Angleterre georgienne et victorienne{{!}}Pensionnats pour jeunes filles dans l'Angleterre georgienne|Gouvernantes dans l'Angleterre georgienne et victorienne{{!}}Gouvernantes dans l'Angleterre georgienne}}
[[Fichier:Pride and Prejudice CH 19.jpg|thumb|left|Elizabeth brode pendant la déclaration de Mr Collins. C E Brock, 1895 ]]


[[Fichier:Pride and Prejudice CH 19.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=Gravure colorisée. Un clergyman debout déclame devant une jeune fille assise, tête baissée, en train de broder|Elizabeth brode pendant la déclaration de Mr Collins. C E Brock, 1895]]
L'éducation des garçons est évoquée seulement à propos de Wickham, à qui Mr Darcy, son parrain, paya les études au collège puis à Cambridge, ce qui lui permit d'acquérir une éducation de gentleman, et de Mr Collins, qui a fréquenté « une des universités », condition nécessaire pour devenir ''clergyman'', mais le roman revient souvent sur la forme et le contenu de l'éducation des filles.

L'éducation des garçons est évoquée seulement à propos de Wickham, à qui Mr Darcy père, son parrain, paya les études au collège puis à Cambridge, ce qui lui permit d'acquérir une éducation de gentleman, et de Mr Collins, qui a fréquenté « une des universités », condition nécessaire pour devenir ''[[clergyman]]'', mais le roman revient souvent sur la forme et le contenu de l'éducation des filles.


==== Une éducation féminine ====
==== Une éducation féminine ====
Le mariage étant le destin normal d'une jeune fille de bonne famille, son éducation est censée en faire une épouse « accomplie », qui fait honneur à son mari et tient sa maison : les sœurs Bingley ont fréquenté « un des meilleurs pensionnats de Londres », et Giorgiana, à quinze ans, après ses « études », est installée à Londres par ses deux tuteurs avec une dame de compagnie.
Le mariage étant le destin normal d'une jeune fille de bonne famille, son éducation est censée en faire une épouse « accomplie », qui fait honneur à son mari et tient sa maison : les sœurs Bingley ont fréquenté « un des meilleurs pensionnats de Londres », et Georgiana, à quinze ans, après ses « études », est installée à Londres par ses deux tuteurs avec une dame de compagnie.


Une conversation à Netherfield<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=31-34}}</ref> donne la mesure de ces « arts d'agrément » que doit pratiquer une jeune fille « accomplie ». Pour Charles Bingley, il s'agit seulement de « peindre de petites tables, broder des écrans<ref group="N">Il s'agit d'objets brodés ou peints (comme ceux qu'a faits Elinor dans ''[[Le Cœur et la Raison]]'') avec lesquels les dames protégeaient leur visage de la chaleur du feu, lorsqu'elles étaient assises près d'une cheminée.</ref> et tricoter des bourses ». Caroline, qui loue les talents de Giorgiana Darcy, si gracieuse et si bonne pianiste, fait la liste des arts qu'il convient d'étudier : musique, dessin, danse, langues étrangères (essentiellement le français, à l'époque) y ajoutant ce « je ne sais quoi » dans la démarche et les manières qui est la marque de la parfaite élégance. Mr Darcy y ajoute la nécessité de « cultiver son intelligence par de nombreuses lectures ». Elizabeth ne peut que rire de ce portrait de « ''perfect lady'' », tellement idéal qu'il lui semble impossible qu'une femme réunisse l'ensemble de ces qualités. Elle-même est, au sens littéral du terme, un personnage « extra-ordinaire » qui montre son indépendance, et refuse d'être parfaitement « accomplie »<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=55}}</ref> selon les critères en vigueur, par exemple en marchant seule trois miles à travers la campagne boueuse, ou en dédaignant de s'exercer au [[piano-forte|piano]].
Une conversation à Netherfield donne la mesure de ces « arts d'agrément » que doit pratiquer une jeune fille « accomplie »{{sfn|Jane Austen|1853|p=31-34}}. Pour Charles Bingley, il s'agit seulement de « peindre de petites tables, broder des écrans<ref group="N">Il s'agit d'objets brodés ou peints (comme ceux qu'a faits Elinor dans ''[[Sense and Sensibility]]'') avec lesquels les dames protégeaient leur visage de la chaleur du feu, lorsqu'elles étaient assises près d'une cheminée.</ref> et tricoter des bourses ». Caroline, qui loue les talents de Georgiana Darcy, si gracieuse et si bonne pianiste, fait la liste des arts qu'il convient d'étudier : musique, dessin, danse, langues étrangères (essentiellement le français, à l'époque) y ajoutant ce « je ne sais quoi » dans la démarche et les manières qui est la marque de la parfaite élégance. Darcy y ajoute la nécessité de {{citation|cultiver son intelligence par de nombreuses lectures}}. Elizabeth ne peut que rire de ce portrait de « ''{{langue|en|perfect lady}}'' », tellement idéal qu'il lui semble impossible qu'une femme réunisse l'ensemble de ces qualités. Elle-même est, au sens littéral du terme, un personnage « extra-ordinaire » qui montre son indépendance, et refuse d'être parfaitement « accomplie » selon les critères en vigueur{{sfn|Lydia Martin|2007|p=55}}, par exemple en marchant seule trois miles à travers la campagne boueuse, ou en dédaignant de s'exercer au [[piano-forte|piano]].
[[Fichier:Pianoforte.gif|vignette|upright=0.9|alt=Gravure. Jeune femme jouant, assise devant un piano droit|Jeune femme jouant du [[piano-forte]], à l'époque de la [[Régence anglaise|Régence]].]]


La notion d’''[[accomplishments]]'' est d'ailleurs toute relative. Mary, qui lit les ''Sermons aux jeunes femmes'' de [[James Fordyce]], « copie des citations » et aime se produire au piano-forte, est pédante et vaniteuse, mais est considérée comme très « accomplie » par la société locale. Mrs Bennet, qui ne connaît que la société de Meryton d'où elle est issue, se ridiculise en admirant Sir William, « si distingué » et qui {{citation|a toujours quelque chose à dire à chacun}}<ref name="ref-4">{{harvsp|Jane Austen|1853|p=37}}</ref>. Elle ne voit pas la distinction et l'élégance des manières de la classe sociale supérieure où elle rêve de voir entrer Jane, mais seulement ses avantages matériels et financiers<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/mcaleer.htm|auteur=John McAller|titre=The Comedy of social Distinctions in ''Pride and Prejudice''|site=JASNA|année=1989}}</ref>.
[[Fichier:Pianoforte.gif|thumb|Jeune femme jouant du [[piano-forte]], à l'époque de la [[Régence anglaise|Régence]].]]

La notion d’''accomplishments'' est d'ailleurs toute relative. Mary, qui lit les ''Sermons aux jeunes femmes'' de [[James Fordyce]], « copie des citations » et aime se produire au piano-forte, est pédante et vaniteuse, mais est considérée comme très « accomplie » par la société locale. Mrs Bennet, qui ne connaît que la société de Meryton d'où elle est issue, se ridiculise en admirant Sir William, « si distingué » et qui « a toujours quelque chose à dire à chacun »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=37}}</ref>. Elle ne voit pas la distinction et l'élégance des manières de la classe sociale supérieure où elle rêve de voir entrer Jane, mais seulement ses avantages matériels et financiers<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/mcaleer.htm|titre=John McAller : The Comedy of social Distinctions in ''Pride and Prejudice''|JASNA, 1989}}</ref>.


==== Dangers d'une éducation négligée ====
==== Dangers d'une éducation négligée ====
Jane Austen présente, à travers la famille Bennet, les dangers d'une éducation insuffisante ou négligée. Lady Catherine est choquée qu'Elizabeth et ses sœurs n'aient pas eu de gouvernante ou que les plus jeunes ait déjà la liberté de « sortir »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=144-145}}</ref>. Leur mère ne semble pas leur inculquer des principes d'économie domestique : elle se moque de Charlotte devant aller en cuisine superviser la confection de tartelettes<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=38}}</ref>. Elle ne leur inculque pas davantage de principes moraux, ne voyant pas le danger qu'il y a à laisser les plus jeunes flirter avec les officiers, se réjouissant sans vergogne d'avoir une fille « bien mariée ». Superficielle, vulgaire et égoïste, effrayée par la menace que l'[[entail]] fait peser sur elle, elle cherche à assurer sa sécurité matérielle et sa propre position sociale en mariant ses filles<ref>{{harvsp|Marvin Mudrick|1952|p=98-99}}</ref>.
Jane Austen présente, à travers la famille Bennet, les dangers d'une éducation insuffisante ou négligée. Lady Catherine est choquée qu'Elizabeth et ses sœurs n'aient pas eu de gouvernante ou que les plus jeunes ait déjà la liberté de « sortir »{{sfn|Jane Austen|1853|p=144-145}}. Leur mère ne semble pas leur inculquer des principes d'économie domestique : elle se moque de Charlotte devant aller en cuisine superviser la confection de tartelettes{{sfn|Jane Austen|1853|p=38}}. Elle ne leur inculque pas davantage de principes moraux, ne voyant pas le danger qu'il y a à laisser les plus jeunes flirter avec les officiers, se réjouissant sans vergogne d'avoir une fille « bien mariée ». Superficielle, vulgaire et égoïste, effrayée par la menace que l{{'}}''[[entail]]'' fait peser sur elle, elle cherche à assurer sa sécurité matérielle et sa propre position sociale en mariant ses filles{{sfn|Marvin Mudrick|1952|p=98-99}}.


Mr Bennet a renoncé à son autorité paternelle et ne s'occupe de ses filles que pour s'en moquer. Seule Elizabeth, parce qu'elle a une tournure d'esprit proche de la sienne, trouve grâce à ses yeux<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol25no1/morris.html|titre=''Elizabeth and Mr. Bennet'' (2004)}}.</ref>. Il laisse Lydia suivre le régiment pour avoir la paix à la maison, et est soulagé d'avoir eu si peu à faire pour sauver sa réputation. Parfaitement conscient que ce mariage est un replâtrage, « ''a patched-up business'' » comme dit Lady Catherine, il affirme cyniquement « être excessivement fier de » l'impudence de son gendre, alors que Jane est choquée et Elizabeth écœurée par le comportement du jeune couple<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=274}}</ref>.
Mr Bennet a renoncé à son autorité paternelle et ne s'occupe de ses filles que pour s'en moquer. Seule Elizabeth, parce qu'elle a une tournure d'esprit proche de la sienne, trouve grâce à ses yeux<ref name="Morris04"/>. Il laisse Lydia suivre le régiment pour avoir la paix à la maison, et est soulagé d'avoir eu si peu à faire pour sauver sa réputation. Parfaitement conscient que ce mariage est un replâtrage, {{citation étrangère|lang=en|a patched-up business}} comme dit Lady Catherine, il affirme cyniquement {{citation|être excessivement fier de}} l'impudence de son gendre, alors que Jane est choquée et Elizabeth écœurée par le comportement du jeune couple{{sfn|Jane Austen|1853|p=274}}.


Les filles Bennet ont été laissées à elles-mêmes<ref>Paula Bennett, “Family Plots: ''Pride and Prejudice'' as a Novel about Parenting. Approaches to Teaching Austen’s ''Pride and Prejudice'', Ed. Marcia McClintock Folsom, New York, MLA, 1993, p. 134-139.</ref>, et ont appris ce qu'elles voulaient, si elles voulaient. Les aînées ont assumé le rôle abandonné par leurs parents, et s'appuient l'une sur l'autre : « Jane s'est conditionnée » à ne jamais mal juger, « pour ne pas avoir à se confronter à des attitudes trop pénibles à affronter chez ses parents ». Elizabeth, assumant le rôle du père, essaie de contrôler ses plus jeunes sœurs, sans succès avec Lydia, et protège son aînée en lui cachant que le comportement de leurs parents et de leurs sœurs est responsable du départ de Bingley<ref name="Born to Diverge"></ref>.
Les filles Bennet ont été laissées à elles-mêmes<ref name="Paula Bennett 134-9"/>, et ont appris ce qu'elles voulaient, si elles voulaient. Les aînées, soucieuses de l'éducation de leurs jeunes sœurs<ref group="N">Souci constant des moralistes de l'époque, et particulièrement de [[Mary Wollstonecraft]] dans ''[[Thoughts on the Education of Daughters#Éducation des femmes|Thoughts on the Education of Daughters]]'' et ''[[A Vindication of the Rights of Woman]]''.</ref>, ont assumé le rôle abandonné par leurs parents, et s'appuient l'une sur l'autre : {{citation|Jane s'est conditionnée}} à ne jamais mal juger, {{citation|pour ne pas avoir à se confronter à des attitudes trop pénibles à affronter chez ses parents}}<ref name="Born to Diverge" />. Elizabeth, consciente des manquements de la famille et assumant le rôle du père, essaie, mais sans grand succès, de contrôler Lydia, et protège son aînée en lui cachant que le comportement de leurs parents et de leurs sœurs est responsable du départ de Bingley<ref name="Born to Diverge" />.


Si les deux aînées sont si bien élevées, c'est grâce aux Gardiner, plus particulièrement à Mrs Gardiner : « Il y avait beaucoup d'estime entre elle et les deux aînées qui avaient souvent séjourné chez elle, à Londres »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=123}}</ref>. Elle est un modèle, une sage amie dont les avis sont écoutés : elle prévient Elizabeth de l'« imprudence » de s'attacher à Wickham, et permet la réconciliation de Darcy et d'Elizabeth en amenant celle-ci à Pemberley<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/benson.htm|titre=Mothers, Substitute Mothers, and Daughters in the Novels of Jane Austen (1989)}}</ref>, tandis que Mr Gardiner se substitue à son beau-frère pour sauver la réputation de Lydia. Les Gardiner représentent des parents de substitution idéaux, et Mr Darcy découvre, avec surprise, dans leur rencontre inattendue à Pemberley, qu'ils sont parfaitement fréquentables (et Elizabeth montre sa bonne éducation en attendant qu'il lui demande de le présenter à ses amis). Ils sont récompensés en étant toujours accueillis « dans les termes les plus intimes » à Pemberley dans la famille recomposée, autour de Mr et Mrs Darcy<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number15/otoole.htm|titre=Tess O'Toole : Reconfiguring the Family in ''Persuasion'', note 2 (1993)}}</ref>.
Si les deux aînées sont si bien élevées, c'est grâce aux Gardiner, à Mrs Gardiner en particulier : {{citation|Il y avait beaucoup d'estime entre elle et les deux aînées qui avaient souvent séjourné chez elle, à Londres}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=123}}. Elle est un modèle, une sage amie dont les avis sont écoutés : elle prévient Elizabeth de l'« imprudence » de s'attacher à Wickham et permet la réconciliation de Darcy et d'Elizabeth en amenant celle-ci à Pemberley<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/benson.htm|auteur=Mary Margaret Benson|titre=Mothers, Substitute Mothers, and Daughters in the Novels of Jane Austen|site=JASNA|année=1989}}</ref>, tandis que Mr Gardiner se substitue à son beau-frère pour sauver la réputation de Lydia. Les Gardiner représentent des parents de substitution idéaux, et Darcy découvre, avec surprise, dans leur rencontre inattendue à Pemberley, qu'ils sont parfaitement fréquentables (et Elizabeth montre sa bonne éducation en attendant qu'il lui demande de le présenter à ses amis). Ils sont récompensés en étant toujours accueillis {{citation|dans les termes les plus intimes}} à Pemberley dans la famille recomposée, autour de Mr et Mrs Darcy<ref name="reconfiguring">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number15/otoole.htm|auteur=Tess O'Toole|titre=Reconfiguring the Family in ''Persuasion'', note 2|site=JASNA|année=1993}}</ref>.


=== Vie sociale et distractions ===
=== Vie sociale et distractions ===
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Le roman permet d'avoir un aperçu de la vie sociale et des distractions disponibles pour la classe moyenne d'un petit coin de la campagne anglaise.
Le roman permet d'avoir un aperçu de la vie sociale et des distractions disponibles pour la classe moyenne d'un petit coin de la campagne anglaise.


Longbourn, le village dont les Bennet sont les « principaux habitants »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=9}}</ref>, Lucas Lodge, la demeure toute proche des Lucas, la petite ville de Meryton qui n'est qu'à un mile : voilà le cadre étroit dans lequel évolue la famille Bennet, qui, comme le proclame fièrement Mrs Bennet, dîne « avec vingt-quatre familles »<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=37}}</ref>. Les demoiselles se déplacent à pied, pour aller à la ville voir la boutique de la modiste ou apprendre les derniers potins chez leur tante Philips, qui, en temps qu'épouse d'un ''attorney'' (avoué), jouit d'un certain statut social. On organise régulièrement des « assemblées »<ref group="N">Tous les mois (''monthly'') {{harvsp|Jane Austen|1853|p=192.}}, c'est à dire aux alentours de la pleine lune, pour pallier l'insuffisance d'éclairage nocturne.</ref>, on s'invite pour des dîners, ou simplement des soirées ; on y joue au loto ou aux cartes (quadrille, commerce, [[whist]])<ref>{{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/pptopics.html#cardgame|titre=Carts Games|site=Pemberley.com}}</ref>, on y bavarde, on y lance un bal<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=20}}</ref> improvisé quand Mary accepte de jouer des airs à danser. Les demoiselles se visitent pour prendre le thé, pour parler du dernier ou du prochain bal, les ''gentlemen'' chassent sur leurs terres et le soir lisent, jouent au [[piquet]] ou au tric-trac ([[backgammon]]).
Longbourn, le village dont les Bennet sont les « principaux habitants »<ref name="ref-3" />, Lucas Lodge, la demeure toute proche des Lucas, la petite ville de Meryton qui n'est qu'à un mile : voilà le cadre étroit dans lequel évolue la famille Bennet, qui, comme le proclame fièrement Mrs Bennet, dîne « avec vingt-quatre familles »<ref name="ref-4" />. Les demoiselles se déplacent à pied, pour aller à la ville voir la boutique de la modiste ou apprendre les derniers potins chez leur tante Philips, qui, en tant qu'épouse d'un ''[[Solicitor|attorney]]'' ([[Avoué (France)|avoué]]), jouit d'un certain statut social. On organise régulièrement des « assemblées »<ref group="N">Tous les mois (''{{langue|en|monthly}}'') ({{harvsp|Jane Austen|1853|p=192}}), c'est-à-dire aux alentours de la pleine lune, pour pallier l'insuffisance d'éclairage nocturne.</ref>, on s'invite pour des dîners, ou simplement des soirées ; on y joue au [[loto]] ou aux cartes (quadrille, commerce, [[whist]])<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/pptopics.html#cardgame|titre=Carts Games|site=Pemberley.com}}</ref>, on y bavarde, on y lance un bal improvisé quand Mary accepte de jouer des airs à danser<ref name="ref-2" />. Les demoiselles se visitent pour prendre le thé, pour parler du dernier ou du prochain bal, les ''gentlemen'' chassent sur leurs terres, jouent parfois au [[billard]], et le soir, lisent, jouent au [[Jeu de cartes|piquet]] ou au [[trictrac]] ([[backgammon]]).
[[Fichier:Officer and Private, 40th Foot, 1815.jpg|vignette|upright=0.9|alt=Gravure en couleur. Deux militaires en tunique rouge|Officier et soldat d'infanterie (« Habits rouges », en 1812).]]

L'arrivée des nouveaux occupants de Netherfield élargit un peu le cercle, mais ces jeunes gens riches et bien éduqués ne rendent visite qu'aux Bennet et aux Lucas, les seuls qui soient socialement fréquentables pour eux. Leurs distractions ne sont cependant pas très différentes : les messieurs chassent, on se promène dans les allées, le soir on joue aux cartes, et quand on n'y joue pas, certains lisent, font leur correspondance, les dames brodent en participant à la conversation<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=40}}</ref> ou jouent du piano. Le bal du 26 novembre, qui fait l'objet d'une invitation officielle, apportée en main propre chez les Bennet, est une manifestation exceptionnelle, la plus brillante de la saison.


L'arrivée des nouveaux occupants de Netherfield élargit un peu le cercle, mais ces jeunes gens riches et bien éduqués ne rendent visite qu'aux Bennet et aux Lucas, les seuls qui soient socialement fréquentables pour eux. Leurs distractions ne sont cependant pas très différentes : les messieurs chassent, on se promène dans les allées, le soir on joue aux cartes, et quand on n'y joue pas, certains lisent, font leur correspondance, les dames brodent en participant à la conversation ou jouent du piano{{sfn|Jane Austen|1853|p=40}}. Le bal du {{date-|26 novembre}}, qui fait l'objet d'une invitation officielle, apportée en main propre chez les Bennet, est une manifestation exceptionnelle, la plus brillante de la saison.
[[Fichier:Officer and a private 1812 40th.jpg|thumb|left|Officier et soldat d'infanterie (« Habits rouges », en 1812).]]


À Rosings, les distractions sont encore plus rares : s'il y a un billard pour les messieurs, Lady Catherine fait seule la conversation ; les dîners sont très formels, suivis de rituelles parties de cartes. Elizabeth y joue au moins une fois du piano.
À Rosings, les distractions sont encore plus rares : s'il y a un billard pour les messieurs, Lady Catherine fait seule la conversation ; les dîners sont très formels, suivis de rituelles parties de cartes. Elizabeth y joue, au moins une fois, du piano. Cela ne surprend donc pas trop Charlotte que Darcy et le colonel Fitzwilliam s'invitent souvent au presbytère, pour profiter de la conversation d'Elizabeth.


Comme on ne sait rien du recteur local, celui qui assure le service du matin, le dimanche<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=52}}</ref> où Elizabeth et Jane quittent Netherfield, le clergé est représenté seulement par Mr Collins, qui ne donne pas une image bien reluisante de la profession. Il ne brille pas en société : il danse mal et sa conversation est fastidieuse. Son discours sur les devoirs de l'homme d'Église<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=90}}</ref> insiste sur le respect dû à sa protectrice et aux membres de sa famille. Elizabeth s'étonne de voir Charlotte aussi empressée que lui auprès de Lady Catherine, avant de se faire assez cyniquement la remarque<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=148}}</ref> qu'il y avait peut-être d'autres bénéfices paroissiaux à espérer (« ''there might be other family living to be disposed of'' »).
Comme on ne sait rien du recteur local, celui qui assure le service du matin, le dimanche où Elizabeth et Jane quittent Netherfield{{sfn|Jane Austen|1853|p=52}}, le clergé est représenté seulement par Mr Collins, qui ne donne pas une image bien reluisante de la profession. Il ne brille pas en société : il danse mal et sa conversation est fastidieuse. Son discours sur les devoirs de l'homme d'Église insiste sur le respect dû à sa protectrice et aux membres de sa famille<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=90}}</ref>. Elizabeth s'étonne de voir Charlotte aussi empressée que lui auprès de Lady Catherine, avant de se faire assez cyniquement la remarque qu'{{citation|il y avait peut-être d'autres bénéfices paroissiaux à espérer}} ({{citation étrangère|lang=en|there might be other family living to be disposed of}})<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=148}}</ref>.


C'est la venue de la Milice pour ses quartiers d'hiver qui crée le plus de mouvements. Le régiment du colonel Forster est une de ces milices privées, levées pour renforcer l'armée régulière devant la menace d'invasion française. Jane Austen ne dit rien de la présence de la troupe,car seuls les officiers sont susceptibles de fréquenter la bonne société. Ils ont un statut social enviable : Wickham est le moins gradé (lieutenant) mais il a des manières aussi distinguées que les autres officiers<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=66}}</ref> et, comme eux, le prestige de l'uniforme. Ces capitaines sont en général des jeunes gens de bonne famille qui ont payé leur brevet. Leur présence bouleverse la vie locale : dîners au mess<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=25}}</ref>, bals, réceptions, invitations données et reçues, et comme certains sont mariés, thés et visites entre dames augmentent les occasions de sorties<ref group="N">Jane Austen connaissait le fonctionnement des milices par son frère [[Henry Austen|Henry]], qui avait rejoint la milice d'Oxford en 1793, d'abord lieutenant puis capitaine, intendant et enfin adjudant de 1797 à 1801, date à laquelle il démissionna. {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/opno1/grey.htm|titre=Henry Austen|site=JASNA, 1984}}</ref>. On peut comprendre que le départ du régiment ait causé un vide, et pas seulement pour Kitty et Lydia.
C'est la venue de la [[Milice]] pour ses quartiers d'hiver qui crée le plus de mouvements. Le régiment du colonel Forster est une de ces milices privées, levées pour renforcer l'armée régulière devant la menace d'invasion française. Jane Austen ne dit quasiment rien de la présence de la troupe{{note|Lydia évoque cependant la punition d'un soldat, condamné au fouet : {{citation étrangère|langue=en|a private had been flogged}}{{sfn|Jane Austen|1853|p=52}}.|group=N}}, car seuls les officiers sont susceptibles de fréquenter la bonne société. Ils ont un statut social enviable : Wickham est le moins gradé (il n'est que [[Lieutenant (grade militaire)|lieutenant]]), mais il a des manières aussi distinguées que les autres officiers{{sfn|Jane Austen|1853|p=66}} et, comme eux, le prestige de l'uniforme. Ces [[Captain (British Army et Royal Marines)|capitaines]] sont en général des cadets de bonne famille qui ont acheté leur brevet. Leur présence bouleverse la vie locale : dîners au [[mess (militaire)|mess]]<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=25}}</ref>, bals, réceptions, invitations données et reçues, et comme certains sont mariés, thés et visites entre dames augmentent les occasions de sorties{{note|Jane Austen connaissait bien le fonctionnement des milices par son frère [[Henry Austen|Henry]], qui avait rejoint la milice d'Oxford en 1793, d'abord lieutenant puis capitaine, intendant et enfin adjudant de 1797 à 1801, date à laquelle il démissionna<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/opno1/grey.htm|titre=Henry Austen|site=JASNA|année=1984}}</ref>.|group=N}}. On peut comprendre que le départ du régiment ait causé un grand vide, et pas seulement pour Kitty et Lydia.


=== Les lieux ===
== Les lieux ==
Les endroits où vivent les personnages, ceux d'où ils viennent et où ils vont<ref group="N">À consulter sur Pemberley.com, {{lien web|url=http://www.pemberley.com/images/landt/maps/pp/Cary-1812-Eng-map.html|titre=Guide to the Places in the Novel|}} pour situer tous les lieux réels cités dans le roman. Pour les autres, « seule Jane Austen sait où ils se trouvent, et elle ne l'a pas dit ».</ref>, bien qu'ils soient peu décrits, donnent une vision précise du monde de Jane Austen : le temps et l'espace ancrent le récit dans la réalité. Mais les déplacements ont aussi une valeur symbolique. Pemberley est le seul endroit dont la description est relativement détaillée, ce qui pose la question de la fonction symbolique de cette description<ref name="Martin 146">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=146-148}}</ref>.
Les endroits où vivent les personnages, ceux d'où ils viennent et où ils vont<ref group="N">À consulter sur Pemberley.com, {{Lien web|url=http://www.pemberley.com/images/landt/maps/pp/Cary-1812-Eng-map.html|titre=Guide to the Places in the Novel}} pour situer tous les lieux réels cités dans le roman. Pour les autres, {{citation|seule Jane Austen sait où ils se trouvent, et elle ne l'a pas dit}}.</ref>, bien qu'ils soient peu décrits, donnent une vision précise du monde de Jane Austen : le temps et l'espace ancrent le récit dans la réalité. Mais les déplacements ont aussi une valeur symbolique. [[Pemberley]] est le seul endroit dont la description est relativement détaillée, ce qui pose la question de la fonction symbolique de cette description<ref name="Martin 146">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=146-148}}</ref>.


==== Les lieux réels ====
=== Lieux réels ===


Les régions et les villes ne sont pas inventées. Le roman se passe essentiellement dans le Sud-Est de l'[[Angleterre]], que l'auteur connaît bien<ref name="Le Faye 18">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=18-33}}</ref> : le [[Hertfordshire]] au nord-ouest de Londres, et surtout le [[Kent]] où habitait son frère [[Edward Knight]], au sud-est. Pemberley est situé dans le [[Derbyshire]], dans les [[Midlands]]. Bingley vient des régions manufacturières du Nord<ref name="Le Faye 186"/>. Les Wickham seront exilés à [[Newcastle upon Tyne|Newcastle]].
Les régions et les villes ne sont pas inventées. Le roman se passe essentiellement dans le Sud-Est de l'[[Angleterre]], que l'auteur connaît bien<ref name="Le Faye 18">{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=18-33}}</ref> : le [[Hertfordshire]] au nord-ouest de Londres, et surtout le [[Kent]] où habitait son frère [[Edward Knight]], au sud-est. Pemberley est situé dans le [[Derbyshire]], dans les [[Midlands]]. Bingley vient des régions manufacturières du Nord, probablement Leeds<ref name="Le Faye 186"/>. Les Wickham seront exilés [[Northumberland (comté)|dans le nord minier]], à [[Newcastle upon Tyne|Newcastle]].
===== Les villes =====
==== Les villes ====
[[Fichier:Cheapside and Bow Church engraved by W.Albutt after T.H.Shepherd publ 1837 edited.jpg|thumb|upright=1.3|Cheapside vers 1837]]
[[Fichier:Cheapside and Bow Church engraved by W.Albutt after T.H.Shepherd publ 1837 edited.jpg|alt=Lithographie. Rue vaste et animée|vignette|upright=1.2|Cheapside vers 1837.]]


Les villes ont des connotations sociales<ref name="Martin 146"></ref>. [[Brighton]], mise à la mode par le Prince Régent, le futur [[George IV]], où Lydia accompagne la jeune femme du colonel Forster, et [[Ramsgate]], sur la côte sud du [[Kent]], où Wickham rejoint Giorgiana, sont présentées comme des lieux de perdition : loin de leur famille, avec des [[chaperon]]s incompétents ou mal intentionnés<ref group="N">Mrs Forster est une très jeune femme aussi évaporée que Lydia, {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=222}} et Mrs Younge connaissait Wickham, comme le précise Darcy dans sa lettre à Elizabeth (p. 177).</ref>, les jeunes filles nouent des liens dissimulés et socialement dangereux.
Les villes ont des connotations sociales négatives<ref name="Martin 146" />. [[Brighton]], mise à la mode par le Prince Régent, le futur [[George IV]], où Lydia accompagne la jeune épouse du colonel Forster, et [[Ramsgate]], sur la côte sud du [[Kent]], où Wickham rejoint Georgiana, sont présentées comme des lieux de perdition : loin de leur famille, avec des {{page h'|chaperon#Tradition sociale|chaperons}} incompétents ou mal intentionnés{{note|Mrs Forster est une très jeune femme aussi évaporée que Lydia<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=222}}</ref>, et Mrs Younge connait Wickham, comme le précise Darcy dans sa lettre à Elizabeth<ref name="Jane Austen 177"/>.|group=N}}, les jeunes filles nouent des liens dissimulés et socialement dangereux.


[[Londres]], souvent simplement appelée ''town'' (« la ville »), est le lieu où riches et pauvres, rentiers et commerçants habitent des quartiers différents et étanches : les Hurst habitent Grosvenor Street<ref group="N">À l'ouest, dans un quartier résidentiel, non loin de [[Hyde Park]]. Il est à noter que la résidence londonienne des Darcy n'est pas localisée.</ref>, et Miss Bingley parle avec dédain du quartier « du côté de [[Cheapside]] » où habitent les Gardiner<ref group="N">Gracechurchstreet se trouve à l'Est du grand quartier d'affaires, la [[City of London]], non loin du [[London Bridge]], près de cette rue très commerçante. Le quartier de la City est le quartier des affaires, mais non loin au nord il y a des usines, des manufactures et des activités artisanales polluantes : {{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=69}}</ref>. C'est pourtant une demeure à l'atmosphère joyeuse et aimable<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=134}}(« ''All was joy and kindness'' »)</ref>, où Jane passe l'hiver et Elizabeth fait étape en revenant du Kent.
[[Londres]], souvent simplement appelée ''{{langue|en|town}}'' (« la ville »), est le lieu où riches et pauvres, rentiers et commerçants habitent des quartiers différents et étanches : les Hurst habitent la très huppée Grosvenor Street<ref group="N">À l'ouest, dans la partie la plus élégante du quartier résidentiel de [[Mayfair]], non loin de [[Hyde Park]]. La résidence londonienne des Darcy n'est pas localisée.</ref>, et Miss Bingley parle avec dédain du quartier « du côté de [[Cheapside]] » où Mr Gardiner a ses entrepôts (''{{langue|en|warehouse}}'') et son domicile{{note|Gracechurch Street se trouve à l'Est du grand quartier d'affaires, la [[City of London]], non loin du [[London Bridge]], près de cette rue très commerçante. Le quartier de la City est le quartier des affaires, mais non loin au nord il y a des usines, des manufactures et des activités artisanales polluantes et particulièrement nauséabondes<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=69}}</ref>.|group=N}}. C'est pourtant une demeure à l'atmosphère joyeuse et aimable<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=134}}</ref>, où Jane passe l'hiver et Elizabeth fait étape en allant dans le Kent et en en revenant.


Sir Williams a caressé le projet d'avoir une maison en ville, Darcy et les Hurst en ont une dans un quartier à la mode, où ils passent la « saison »<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=67}}</ref>, en général de janvier à avril, car Londres est le lieu idéal pour rencontrer les gens élégants et importants. La capitale est présentée comme le lieu des confusions, où les personnages se croisent sans se rencontrer<ref name="Martin 146"></ref>, mais aussi comme un lieu de perdition : Lydia et Wickham s'y cachent.
Sir William a caressé le projet d'avoir une maison en ville, Darcy et les Hurst en ont une dans un quartier résidentiel à la mode, où ils passent la « Saison »<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=67}}</ref>, en général de janvier à avril, car Londres est le lieu idéal pour rencontrer les gens élégants et importants, et pour les jeunes filles de la bonne société de faire leur entrée dans le monde. La capitale, cependant, est présentée comme le lieu des confusions, où les personnages se croisent sans se rencontrer<ref name="Martin 146" />, mais aussi comme un lieu de perdition : Lydia et Wickham s'y cachent.


===== Les paysages =====
==== Les paysages ====
Les paysages ont des connotations symboliques ou esthétiques<ref name="Martin 148">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=148-152}}</ref>.
Les paysages ont des connotations symboliques ou esthétiques<ref name="Martin 148">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=148-152}}</ref>.


[[Fichier:Winnats Pass.jpg|thumb|left|Winnats Pass, dans le Peak District, dans le Nord du Derbyshire.]]
[[Fichier:Winnats Pass.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=Photo. Paysage de montagnes, pittoresque et assez sauvage|Winnats Pass, dans le Peak District, dans le Nord du Derbyshire.]]


Voyager était habituel chez la ''gentry'' oisive ; on visitait amis ou parents : Jane Austen va voir son frère [[Edward Knight|Edward]] à Godmersham dans le Kent, elle est hébergée chez plusieurs membres de la famille avant de pouvoir se fixer à [[Jane Austen's House Museum|Chawton]], à 50 miles de Londres (la distance exacte qui sépare Hunsford, dans le Kent, de Lucas Lodge, dans le [[Hertfordshire]]).
Voyager était habituel chez la ''gentry'' oisive ; on visitait amis ou parents : Jane Austen va voir son frère [[Edward Knight|Edward]] à [[Godmersham Park]] dans le Kent, elle est hébergée chez plusieurs membres de la famille avant de pouvoir se fixer à [[Jane Austen's House Museum|Chawton]], à {{unité|50|miles}} de Londres, sur la route entre Winchester et Londres (la distance exacte qui, dans le roman, sépare Hunsford, dans le [[Kent]], de Lucas Lodge, dans le [[Hertfordshire]]).


Mais le tourisme aussi était à la mode<ref group="N">Comme la guerre empêchait le traditionnel [[Grand Tour|Tour d'Europe]], le [[Pays de Galles]], le Nord de l'Angleterre, et l'[[Écosse]] étaient devenus à la mode, avec la visite des châteaux ou des villes d'eaux : {{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=62-63}}</ref>. Le goût du [[pittoresque]]<ref name="Martin 148"/>, véhiculé par des guides de voyages comme ceux du Révérend [[William Gilpin]]<ref name="Gilpin">Gilpin, William (1786), ''Observations, Relative Chiefly to Picturesque Beauty, Made in the Year 1772 on several parts of England, particularly the Mountains, and Lakes of Cumberland & Westmoreland.'' Pub. R.Blamire, Londres.</ref> est partagé par Elizabeth, dont Jane Austen souligne avec ironie l'enthousiasme débordant à l'idée de visiter la [[Lake District|région des Lacs]]<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=136}}</ref>, de façon plus intelligente toutefois, espère-t-elle, que les touristes ordinaires.
Mais le tourisme aussi était à la mode{{note|Comme la guerre empêchait le traditionnel [[Grand Tour|Tour d'Europe]], le [[Pays de Galles]], le [[Cumbria|Nord de l'Angleterre]], et l'[[Écosse]] étaient devenus à la mode, avec la visite des châteaux ou des villes d'eaux<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=62-63}}</ref>.|group=N}}. Le goût du [[pittoresque]]<ref name="Martin 148"/>, véhiculé par des guides de voyages comme ceux du Révérend [[William Gilpin]]<ref name="Gilpin">{{en}} Gilpin, William (1786), ''Observations, Relative Chiefly to Picturesque Beauty, Made in the Year 1772 on several parts of England, particularly the Mountains, and Lakes of Cumberland & Westmoreland.'' Pub. R.Blamire, Londres.</ref>, est partagé par Elizabeth, dont Jane Austen souligne avec ironie l'enthousiasme débordant à l'idée de visiter la [[Lake District|région des Lacs]]<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=136}}</ref>, de façon plus intelligente toutefois, espère-t-elle, que les touristes ordinaires.


Cependant Jane Austen ne s'attarde pas plus à décrire le Derbyshire qu'elle n'a décrit la région des Lacs, car ce ne sont pas « les célèbres beautés de Matlock, Chatsworth, Dovedale ou des [[Peak District |Peaks]] » qui attirent Mrs Gardiner, mais la toute petite partie (« ''small part'' ») du Derbyshire où se trouve « la petite ville (''little town'') de Lambton » où elle a vécu avant son mariage, et par extension, Pemberley, le domaine tout proche. Les lieux touristiques traversés visités<ref group="N">{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number1/litz.htm|titre=A. Walton Litz }} fait remarquer que la route suivie par Elizabeth et les Gardiner est exactement celle qu'a suivie Gilpin dans les quatre premiers chapitres de ses ''Observations''.</ref> sont tout juste cités, car ils « sont suffisamment connus ». L'auteur reste fidèle à ses principes : le voyage d'Elizabeth dans le Derbyshire ne doit pas devenir un prétexte pour décrire des paysages pittoresques, que d'autres ont assez abondamment détaillés par ailleurs pour que le lecteur puisse les imaginer<ref>{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=78-80}}</ref>. Il a une valeur initiatique : elle doit apprendre à ne pas se contenter d'admirer la surface des choses, leur aspect esthétique, leur pittoresque en un mot. La découverte de Pemberley, un domaine « ''without any artificial appearance'' » (sans rien d'artificiel)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=212}}</ref>, va lui révéler la vraie nature de son propriétaire<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number1/litz.htm|titre=A. Walton Litz ''The Picturesque in Pride and Prejudice''|site=JASNA, 1979|consulté le 18-12-2009}}</ref>.
Cependant Jane Austen ne s'attarde pas plus à décrire le Derbyshire qu'elle n'a décrit la région des Lacs, car ce ne sont pas {{citation|les célèbres beautés de [[Matlock (Royaume-Uni)|Matlock]], [[Chatsworth House|Chatsworth]], [[Dovedale (site)|Dovedale]] ou des [[Peak District|Peaks]]}} qui attirent Mrs Gardiner, mais la minuscule partie ({{Citation étrangère|langue=en|small part}}) du Derbyshire où se trouvent {{citation|la petite ville (''{{langue|en|little town}}'') de Lambton}} où elle a vécu avant son mariage, et, par extension, [[Pemberley]], le grand domaine tout proche. Les lieux touristiques traversés ou visités sont tout juste cités, car ils {{citation|sont suffisamment connus}}{{note|A. Walton Litz fait d'ailleurs remarquer que la route suivie par Elizabeth et les Gardiner est exactement celle qu'a suivie Gilpin dans les quatre premiers chapitres de ses ''Observations''<ref name="A. Walton Litz-79">{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number1/litz.htm|titre=The Picturesque in ''Pride and Prejudice''|auteur=A. Walton Litz|site=JASNA|année=1979}}</ref>.|group=N}}. L'auteur reste fidèle à ses principes : le voyage d'Elizabeth dans le Derbyshire ne doit pas devenir un prétexte pour décrire des paysages pittoresques, que d'autres ont assez abondamment détaillés par ailleurs pour que le lecteur puisse les imaginer<ref>{{harvsp|Pierre Goubert|1975|p=78-80}}</ref>. Il a une valeur initiatique : elle doit apprendre à ne pas se contenter d'admirer la surface des choses, leur aspect [[esthétique]], leur [[pittoresque]] en un mot. La découverte de Pemberley, un domaine {{Citation étrangère|langue=en|without any artificial appearance}} sans rien d'artificiel »)<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=212}}</ref>, va lui révéler la vraie nature de son propriétaire<ref name="A. Walton Litz-79"/>.


==== Les lieux imaginaires ====
=== Lieux imaginaires ===
===== Parcs et jardins =====
==== Parcs et jardins ====
{{Article détaillé|Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen#Châtelains, châteaux et parcs{{!}}Châteaux et parcs dans les romans de Jane Austen}}
{{Article détaillé|Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen#Châtelains, châteaux et parcs{{!}}Châteaux et parcs dans les romans de Jane Austen}}
Si Jane Austen reste très sommaire dans la description des lieux que fréquente son héroïne, elle en dit suffisamment pour planter le cadre sans brider l'imagination de son lecteur.
Si Jane Austen reste très sommaire dans la description des lieux que fréquente son héroïne, elle en dit suffisamment pour planter le cadre sans brider l'imagination de son lecteur.


Du Hertfordshire, ne sont cités que la rue principale de Meryton, le bosquet, la pelouse, le petit bois et l'oratoire de Longbourn, les allées plus ou moins larges de Netherfield, et les distances entre ces divers lieux<ref group="N">Il faut ajouter le chemin qui mène de Longbourn à Lucas Lodge, où Elizabeth avoue à Darcy que ses sentiments pour lui ont totalement changé.</ref>. Cela suffit à montrer le goût d'Elizabeth pour les promenades solitaires, et son besoin viscéral de grand air et d'espace.
Du Hertfordshire, ne sont cités que la rue principale de Meryton, le bosquet, la pelouse, le petit bois et l'oratoire de Longbourn, les allées plus ou moins larges de Netherfield, et les distances entre ces divers lieux<ref group="N">Il faut ajouter le chemin qui mène de Longbourn à Lucas Lodge, où Elizabeth avoue à Darcy que ses sentiments pour lui ont totalement changé.</ref>. Cela suffit à montrer le goût d'Elizabeth pour les promenades solitaires, et son besoin viscéral de grand air et d'espace.
[[Fichier:Broadlands Morris edited.jpg|vignette|upright=1.2|alt=Lithographie en couleur. Château apparaissant dans une perspective|Broadlands, près de [[Romsey]], (Hampshire), remodelé par Lancelot Brown (« [[Capability Brown]] ») en 1767 (gravure de 1880).]]

[[Fichier:Broadlands Morris edited.jpg|thumb|upright=1.3|Broadlands (Hampshire), remodelé par Lancelot Brown (« [[Capability Brown]] ») en 1767 (gravure de 1880).]]


Cela est confirmé par ses longues promenades dans le parc de Rosings qui l'enchante, et où elle se réfugie souvent pour échapper à l'étouffante Lady Catherine, parc où Darcy la rejoint plusieurs fois - ce qui anticipe leurs rencontres de Pemberley - parc aussi où le colonel Fitzwilliam lui dévoile le rôle de Darcy dans la défection de Bingley, et où elle passe deux heures à décrypter la lettre que ce dernier est venu lui remettre.
Cela est confirmé par ses longues promenades dans le parc de Rosings qui l'enchante, et où elle se réfugie souvent pour échapper à l'étouffante Lady Catherine, parc où Darcy la rejoint plusieurs fois - ce qui anticipe leurs rencontres de Pemberley - parc aussi où le colonel Fitzwilliam lui dévoile le rôle de Darcy dans la défection de Bingley, et où elle passe deux heures à décrypter la lettre que ce dernier est venu lui remettre.


Le domaine de Pemberley bénéficie de deux descriptions. La première est la vue, ou plutôt la succession des points de vue qui s'offrent aux visiteurs empruntant la route<ref group="N">Kelly M. McDonald compare le voyage d'Elizabeth dans le Derbyshire avec celui des Austen-Leigh en 1833, et rappelle que les visiteurs de Chatsworth laissaient leur voiture à l'auberge d'Edinsor et continuaient à pied ; tandis qu'Elizbeth, arrivant en voiture à Pemberley, est accueillie plus comme une invitée que comme une touriste. {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number30/mcdonald.pdf|titre=Derbyshires Corresponding}}</ref> qui, au terme d'une montée à travers bois, révèle brusquement à une Elizabeth émerveillée (''delighted'') le château dans son écrin de collines boisées<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=211-212}}</ref>. L'autre décrit de façon assez détaillée (mais Elizabeth, troublée, regarde sans voir) la promenade selon le circuit<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=219-220}}</ref>permettant d'apprécier la beauté du parc et la variété de ses paysages<ref group="N"> Lydia Martin ({{harvsp|Lydia Martin|2007|p=148}}) rapproche cela du tour dit ''[[pittoresque|picturesque]]'' de Gilpin, adapté à un jardin paysager. C'est le cas du domaine de [[Stourhead]], dont les jardins doivent être visités selon un itinéraire précis.</ref>. Pemberley s'inscrit ainsi dans la tradition esthétique préconisée par Lancelot [[Capability Brown]]<ref name="Martin 148"/> : de vastes ondulations d'étendues herbeuses, des bosquets, des rideaux d'arbres, des lacs aux contours irréguliers, d'aspect le plus naturel possible, avec des points de vue et des perspectives variées<ref group="N">Pemberley=Chatsworth ? Donald Greene dans {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number1/greene.htm|titre=Pemberley Revisited|}} affirme que la description du domaine de Pemberley correspond parfaitement au Parc de Chatsworth, que Jane Austen a vu en 1811, lorqu'elle réécrivait ''Pride and Prejudice'', mais elle brouille les pistes : le parc de Pemberley est plus vaste que celui de Chatsworth, le château se dresse avantageusement sur une petite éminence, et elle ne parle ni de statues ni de cascades, insistant sur le naturel et la simplicité.</ref>.
Le domaine de [[Pemberley]], en revanche, bénéficie de deux descriptions. La première est la vue, ou plutôt la succession des points de vue qui s'offrent aux visiteurs empruntant la route qui, au terme d'une montée à travers bois, révèle brusquement à une Elizabeth émerveillée (''{{langue|en|delighted}}'') le château dans son écrin de collines boisées<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=211-212}}</ref>{{,}}{{note|Kelly M. McDonald compare le voyage d'Elizabeth dans le Derbyshire avec celui bien réel des Austen-Leigh en 1833, et rappelle que les visiteurs de Chatsworth laissaient leur voiture à l'auberge d'Edinsor et continuaient à pied ; tandis qu'Elizabeth, arrivant en voiture à Pemberley, est accueillie plus comme une invitée que comme une touriste<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number30/mcdonald.pdf|titre=Derbyshires Corresponding}}</ref>.|group=N}}. L'autre décrit de façon assez détaillée (mais Elizabeth, troublée, regarde sans voir) la promenade selon le circuit permettant d'apprécier la beauté du parc et la variété de ses paysages<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=219-220}}</ref>{{,}}{{note|Lydia Martin rapproche cela du tour dit ''[[pittoresque|picturesque]]'' de Gilpin, adapté à un jardin paysager<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=148}}</ref>. C'est le cas du domaine de [[Stourhead]], dont les jardins doivent être visités selon un itinéraire précis.|group=N}}. Pemberley s'inscrit ainsi dans la tradition esthétique préconisée par Lancelot [[Capability Brown]]<ref name="Martin 148"/> : de vastes ondulations d'étendues herbeuses, des bosquets, des rideaux d'arbres, des lacs aux contours irréguliers, d'aspect le plus naturel possible, avec des points de vue et des perspectives variées{{note|group=N|Pemberley {{=}} [[Chatsworth House|Chatsworth]] ? Pour Donald Greene la description du domaine de Pemberley correspond parfaitement au Parc de Chatsworth, que Jane Austen a vu en 1811, lorsqu’elle réécrivait ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}''<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number1/greene.htm|titre=Pemberley Revisited|site=JASNA|année=1979}}</ref>, mais elle brouille les pistes : le parc de Pemberley est plus vaste que celui de Chatsworth, le château se dresse avantageusement sur une petite éminence, et elle ne parle ni de statues ni de cascades, insistant sur le naturel et la simplicité.}}.


===== Les habitations =====
==== Habitations ====
{{Article détaillé|Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen#Maisons et intérieurs{{!}}Maisons et intérieurs dans les romans de Jane Austen}}
{{Article détaillé|Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen#Maisons et intérieurs{{!}}Maisons et intérieurs dans les romans de Jane Austen}}


Bien que ces lieux soient imaginaires, ils sont localisés de façon précise : Longbourn, Lucas Lodge et Meryton dans le [[Hertfordshire]]<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number27/smith.pdf[|titre=''Probable Location of Longbourn, Meryton, Netherfield''}}</ref>, à environ 50 miles<ref group="N">[[Jane Austen's House Museum|Chawton]], sur la route entre Winchester et Londres, est à 50 miles de Londres</ref> de Rosings dans le [[Kent]]<ref group="N">Pour John Halperin il ne fait aucun doute que Rosings est Chevening Park, dont le presbytère était occupé en 1813 par le Révérend John Austen {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/halperin.htm#4 |titre=''Rosings Park''|site=JASNA, 1989}}</ref>.
Bien que les demeures des personnages soient imaginaires, elles sont localisées de façon précise : Longbourn, Lucas Lodge et Meryton dans le [[Hertfordshire]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number27/smith.pdf|titre=''Probable Location of Longbourn, Meryton, Netherfield''|site=JASNA}} [PDF]</ref>, à environ {{unité|50|miles}} de Rosings Park dans le [[Kent]]{{note|Pour John Halperin il ne fait aucun doute que Rosings Park est [[Chevening]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://theweald.org/m13.asp?PicIdto=9901246|titre=Chevening Place, gravure de George Virtue - 1830}}</ref>, dont le presbytère était occupé en 1813 par le Révérend John Austen ({{7e}} du nom)<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/halperin.htm#4 |titre=''Rosings Park''|site=JASNA|année=1989}}</ref>.|group=N}}.


Ils sont importants dans la mesure où Elizabeth y passe ou y séjourne.
Ces lieux sont importants dans la mesure où Elizabeth y passe ou y séjourne.
À l'exception de Hunsford, le presbytère de Mr Collins, ce sont des demeures de la ''[[gentry]]'', avec des pelouses, des bosquets, un parc. Mais il y a une gradation, en fonction de la richesse ou de la position sociale du propriétaire.
À l'exception de Hunsford, le presbytère de Mr Collins, ce sont des demeures de la ''[[gentry]]'', avec des pelouses, des bosquets, un parc. Mais il y a une gradation, en fonction de la richesse ou de la position sociale du propriétaire.
De Longbourn, le foyer familial, qu'Elizabeth n'a quitté, jusqu'à présent, que pour des séjours chez sa tante à Londres, de Netherfield, le domaine loué par Bingley, où elle passe trois jours, d'Hunsford, que Charlotte rend confortable, le lecteur ne sait que ce qui est nécessaire à l'intrigue. Mais Rosings, qui n'a droit qu'à une ligne de la part de l'auteur une belle construction moderne, bien située sur une éminence ») et une réflexion d'Elizabeth (« il n'y avait [à Pemberley] rien de voyant ou d'inutilement somptueux comme à Rosings ») est abondamment loué par Mr Collins, qui fait preuve de son manque de goût par ses descriptions minutieuses et triviales des nombreuses fenêtres, de la cheminée monumentale<ref group="N">Pour lui noblesse rime avec richesse, et la valeur des objets se mesure à leur prix : 800 livres est une somme énorme : cette cheminée doit au moins être l'œuvre du grand concepteur de cheminées Carter (Note 1 du Chapitre 16, dans l'édition Penguin Classics 2003, p. 426) ; voir {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=66}}</ref>, ou des divers points de vue.
De Longbourn, le foyer familial, qu'Elizabeth n'a quitté, jusqu'à présent, que pour des séjours chez sa tante à Londres, de Netherfield, le domaine loué par Bingley, où elle passe trois jours, d'Hunsford, que Charlotte rend confortable, le lecteur ne sait que ce qui est nécessaire à l'intrigue. Mais Rosings Park<ref name="Rosings-Jasa">{{lien web|langue=en|auteur=Marlene Arditto|url=http://jasa.com.au/country-houses-rosings/|titre=''Rosings Park''|site=JASA|année=2000}}</ref>, qui n'a droit qu'à une ligne de la part de la [[narrateur|narratrice extradiégétique]] ({{citation|une belle construction moderne, bien située sur une éminence}}) et une réflexion d'Elizabeth ({{citation|il n'y avait [à Pemberley] rien de voyant ou d'inutilement somptueux comme à Rosings}}), est abondamment loué par Mr Collins, qui fait preuve de son manque de goût par ses descriptions minutieuses et triviales des nombreuses fenêtres<ref group="N">Or, il y avait jusqu'en 1851 un [[Impôt sur les portes et fenêtres#L'impôt britannique sur les fenêtres|impôt sur les fenêtres]].</ref>, de la cheminée monumentale{{note|Pour lui noblesse rime avec richesse, et la valeur des objets se mesure à leur prix : 800 livres est une somme énorme : cette cheminée doit au moins être l'œuvre du grand concepteur de cheminées Carter<ref>Note 1 du Chapitre 16, dans l'édition Penguin Classics 2003, p. 426</ref>|group=N}}, ou des divers points de vue{{sfn|Jane Austen|1853|p=66}} .


La visite de ''Pemberley House'', dont l'auteur souligne le confort, l'élégance, la beauté sans ostentation, permet à Elizabeth de découvrir que Darcy est un homme de goût, plein de sollicitude pour sa sœur et de respect filial, au point d'avoir laissé en place une miniature de Wickham que son père aimait beaucoup<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=214}}</ref>. Il est significatif qu'elle s'intéresse plus à ce que dit l'intendante du ''caractère'' du propriétaire que de la ''valeur'' du mobilier, et que, dans la galerie de portraits de famille, elle aille regarder le seul qu'elle pût reconnaître. La contemplation du portrait souriant, « de ce sourire qu'elle se souvenait lui avoir vu quelquefois quand il la regardait », prépare Elizabeth à rencontrer Darcy en personne dans le cadre naturel et sans artifices du parc<ref>{{lien web|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/themes.html|titre=Pemberley, a Symbol|}}</ref>.
La visite de ''Pemberley House'', dont l'auteur souligne le confort, l'élégance, la beauté sans ostentation, permet à Elizabeth de découvrir « en creux » le véritable caractère de Darcy<ref name="Bury 21"/> : un homme de goût, plein de sollicitude pour sa sœur et de respect filial, au point d'avoir laissé en place une miniature de [[George Wickham|Wickham]] que son père aimait beaucoup{{sfn|Jane Austen|1853|p=214}}. Il est significatif qu'elle s'intéresse plus à ce que dit l'intendante du ''caractère'' du propriétaire que de la ''valeur'' du mobilier, et que, dans la galerie remplie de portraits de famille, elle aille regarder le seul qu'elle pût reconnaître. La contemplation du portrait souriant{{note|En général les personnages sur les portraits sont peu souriants au {{s-|XVIII|e}}, ce qui accentue la valeur du sourire de Darcy<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://jasa.com.au/the-country-house-pride-and-prejudice-pemberley/|titre=''Pemberley''|site=JASA|année=2000}}</ref>.|group=N}}, {{citation|de ce sourire qu'elle se souvenait lui avoir vu quelquefois quand il la regardait}}, prépare Elizabeth à rencontrer Darcy en personne dans le cadre naturel et sans artifice du parc<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.sparknotes.com/lit/pride/themes.html|titre=Pemberley, a Symbol}}</ref>.


====De Longbourn à Pemberley====
=== De Longbourn à Pemberley ===
[[Fichier:Pride and Préjudice CH 43.jpg|thumb|left|Présentation des Gardiner, les parents de cœur, dans le parc de Pemberley. C E Brock 1895.]]


[[Fichier:Pride and Préjudice CH 43.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=Gravure colorisée : un homme et un couple se saluent, sous le regard d'une personne tenant une ombrelle|Présentation des Gardiner, les parents de cœur, dans le parc de Pemberley, (C. E. Brock 1895).]]
Comme les autres héroïnes de Jane Austen, à part, dans une certaine mesure, [[Emma (roman)|Emma]], Elizabeth accomplit un voyage à la fois géographique, sentimental, social et moral<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no1/morgan.html|titre=Quitter sa maison, Géographie dans les romans de Jane Austen|JASNA, 2000}}</ref>. Elle a passé toute sa vie à Longbourn. Mais, soumis à l'''[[entail]]'', le domaine de son enfance n'appartient à la famille Bennet que jusqu'à la mort de Mr Bennet, et passera ensuite aux mains de Mr Collins. En attendant de le quitter définitivement, elle entreprend une série de voyages qui lui permettent d'échapper peu à peu aux valeurs superficielles et aux trivialités de Longbourn et Meryton pour découvrir les vraies valeurs dont Pemberley est le symbole et le domaine<ref>{{harvsp|Nicholas Marsh|1998|p=165}} The Theme of change</ref>.
{{Article détaillé|Pemberley}}
Comme toutes les héroïnes de Jane Austen, à part, dans une certaine mesure, [[Emma (roman)#Vie sociale et nœuds de l'intrigue|Emma]] (qui ne quitte pas le [[Surrey (comté)|Surrey]]), Elizabeth accomplit un voyage à la fois géographique, sentimental, social et moral<ref name="Morgan">{{Lien web|langue=en|auteur=Susan Morgan|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol21no1/morgan.html|titre=''Adoring the Girl Next Door: Geography in Austen's Novels''|site=jasna.org}}</ref>. Elle a passé toute sa vie à Longbourn. Mais, soumis à l{{'}}''[[entail]]'', le domaine de son enfance n'appartient à la famille Bennet que jusqu'à la mort de Mr Bennet, et passera ensuite aux mains de Mr Collins. En attendant de le quitter définitivement, elle entreprend une série de voyages qui lui permettent d'échapper peu à peu aux valeurs superficielles et aux trivialités de Longbourn et Meryton pour découvrir les vraies valeurs dont Pemberley est le symbole et le domaine<ref>{{harvsp|Nicholas Marsh|1998|p=165}}, ''The Theme of Change''</ref>.


La première étape de son ascension sociale commence timidement à Netherfield, le domaine loué par Bingley, où sa sœur et elle se montrent parfaitement fréquentables par la société élégante, malgré les critiques jalouses de Miss Bingley.
La première étape de son ascension sociale commence timidement à Netherfield<ref group="N">Le nom même évoque des terres basses, voire les régions inférieures (''{{langue|en|Nether world}}'' signifie les Enfers ou le royaume des ténèbres).</ref>, le domaine loué par Bingley, où sa sœur et elle se montrent parfaitement fréquentables par la société élégante, malgré les critiques jalouses de Miss Bingley.


Mais ce sont les deux voyages, dans le Kent puis dans le Derbyshire qui sont essentiels. Pendant son séjour à Hunsford, elle découvre l'aristocratie sous son aspect le plus négatif. Lady Catherine est orgueilleuse et imbue de son importance, et Darcy la demande en mariage avec condescendance : Rosings House est prétentieux comme sa propriétaire, et la demande de Darcy est hautaine et inélégante. Cependant, l'évolution de la végétation dans le parc et l'attitude aimable du colonel Fitzwilliam (qui n'est pas influencé par le comportement de la famille « infréquentable » que Darcy a du mal à oublier<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=174}}</ref>) durant les quelques semaines de son séjour, préludent à d'autres transformations.
Mais ce sont les deux voyages, dans le Kent puis dans le Derbyshire qui sont essentiels<ref name="Morgan"/>. Pendant son séjour à Hunsford, elle découvre l'aristocratie sous son aspect le plus négatif. Lady Catherine est orgueilleuse et imbue de son importance, et Darcy la demande en mariage avec condescendance : Rosings House est prétentieux comme sa propriétaire, et la demande de Darcy est hautaine et inélégante<ref name="Rosings-Jasa"/>. Cependant, l'évolution de la végétation dans le parc et l'attitude aimable du colonel Fitzwilliam (qui n'est pas influencé par le comportement de la famille « infréquentable » que Darcy a du mal à oublier<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=174}}</ref>) durant les quelques semaines de son séjour, préludent à d'autres transformations.


Son voyage dans le Derbyshire avec les Gardiner lui fait découvrir Pemberley<ref group="N">L'importance donnée à cette visite se manifeste par une tournure stylistique particulière ; un paragraphe composé d'une seule phrase isolée, aux [[allitération|sonorités]] poétiques : un [[décasyllabe]] ou plutôt un [[pentamètre]] [[iambique]], clôturant le second volume de l'édition originale, {{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=211}} : ''To Pemberley, therefore, they were to go.''</ref> et la véritable personnalité de son propriétaire<ref name="Martin 148"/>. Lorsque Jane lui demande quand elle a commencé à aimer Darcy, Elizabeth lui répond : « Depuis que j'ai visité son beau domaine de Pemberley ». Cette remarque n'est pas mercantile, Elizabeth ayant prouvé, en repoussant Darcy à Hunsford, qu'elle n'est pas éblouie par sa fortune. Simplement, elle est tombée amoureuse de son domaine, au point d'éprouver « quelque chose qui ressemble à du regret » de l'avoir rejeté<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853 (première édition en 1813)|p=213}}</ref>, lui, et l'amour qu'elle ressent pour Pemberley lui révèle celui qu'elle ignore porter à son propriétaire. Elle découvre l'accord parfait qui existe entre le maître et son domaine<ref name="Martin 148"/>, et qu'il partage son goût pour une nature « dont le pittoresque naturel est parfaitement conservé ».
Son voyage dans le Derbyshire avec les Gardiner lui fait découvrir Pemberley<ref group="N">L'importance donnée à cette visite se manifeste par une tournure stylistique particulière ; un paragraphe composé d'une seule phrase isolée, aux [[allitération|sonorités]] poétiques : un [[décasyllabe]] ou plutôt un [[pentamètre]] [[iambique]], clôturant le second volume de l'édition originale : ''{{langue|en|To Pemberley, therefore, they were to go.}}''</ref> et la véritable personnalité de son propriétaire<ref name="Martin 148"/>. Lorsque Jane lui demande quand elle a commencé à aimer Darcy, Elizabeth lui répond : {{citation|Depuis que j'ai visité son beau domaine de Pemberley}}. Cette remarque n'est pas mercantile, Elizabeth ayant prouvé, en repoussant Darcy à Hunsford, qu'elle n'est pas éblouie par sa fortune. Simplement, elle est tombée amoureuse de son domaine, au point d'éprouver {{citation|quelque chose qui ressemble à du regret}} de l'avoir rejeté, lui<ref>{{harvsp|Jane Austen|1853|p=213}}</ref>. En quelque sorte, l'amour qu'elle ressent pour Pemberley lui révèle celui qu'elle ignore porter à son propriétaire. Elle découvre l'accord parfait qui existe entre le maître et son domaine<ref name="Martin 148"/>, et réalise qu'il partage son goût pour une nature {{citation|dont le pittoresque naturel est parfaitement conservé}}.
[[Fichier:Chatsworth House, Dining room.jpg|vignette|upright=1.2|alt=Photo. Salle à manger d'apparat|Un intérieur somptueusement meublé : la grande salle à manger de ''[[Chatsworth House]]'', le modèle possible de ''Pemberley House''.]]

[[Fichier:Chatsworth House, Dining room.jpg|thumb|upright=1.3|Un intérieur somptueusement meublé : la grande salle à manger de ''[[Chatsworth House]]'', le modèle possible de ''Pemberley House''.]]
Pemberley House n'est pas seulement une belle maison richement meublée, mais le nouveau foyer<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol26no1/kaleque.htm|titre=Jane Austen's Idea of a Home (2005)}}</ref> où Elizabeth va trouver le « confort, l'élégance et l'intimité de la vie familiale », le lieu utopique (le contraire de Longbourn/Meryton) où il sera possible de vivre loin des mesquineries, de la bassesse, de la vanité du monde. L'envie qu'elle ressent d'y accueillir son oncle et sa tante et la politesse avec laquelle Darcy se comporte envers son oncle, un homme d'une véritable élégance, anticipent ce qui sera la réalité finale : Pemberley va devenir le nouveau centre où, « image fidèle de la félicité conjugale » Darcy et elle accueilleront ceux qui seront jugés dignes de faire partie de leur famille, reconstituant autour d'eux une famille de cœur<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number15/otoole.htm|titre=''Reconfiguring the Family in '' Persuasion, note 2}}</ref> : Giorgiana s'y épanouira aux côtés d'Elizabeth, Catherine s'y cultivera, Jane et Charles Bingley y seront souvent fraternellement invités (lorsqu'ils auront, eux aussi, quitté le Hertfordshire)<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/knuth.htm|titre=''Sisterhood and Friendship''|}}</ref>, Mr Bennet s'y invitera à l'occasion, et les Gardiner y seront reçus comme des parents très aimés. Lady Catherine acceptera d'y revenir, mais, si Lydia peut parfois y séjourner, Wickham, parce qu'il s'en est montré indigne, et ne s'est pas amendé, a définitivement perdu le droit d'y revenir<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol26no1/kaplan.htm|titre=''The Two Gentlemen of Derbyshire:Nature ''vs'' Culture''}}</ref>.
Pemberley est l'étalon à l'aune duquel se mesurent tous les autres espaces<ref>{{harvsp|Massei-Chamayou|2012|p=105}}</ref>. Pemberley House n'est pas seulement une belle maison richement meublée, mais le nouveau foyer où Elizabeth va trouver le {{citation|confort, l'élégance et l'intimité de la vie familiale}}, le lieu utopique (le contraire de Longbourn/Meryton) où il sera possible de vivre loin des mesquineries, de la bassesse, de la vanité du monde<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol26no1/kaleque.htm|titre=Jane Austen's Idea of a Home (2005)}}</ref>. L'envie qu'elle ressent d'y accueillir son oncle et sa tante et la politesse avec laquelle Darcy se comporte envers son oncle, un homme d'une véritable élégance, anticipent ce qui sera la [[dénouement|réalité finale]] : Pemberley va devenir le nouveau centre où, {{citation|image fidèle de la félicité conjugale}} Darcy et elle accueilleront ceux qui seront jugés dignes de faire partie de leur famille, reconstituant autour d'eux une famille de cœur<ref name="reconfiguring"/> : Georgiana s'y épanouira aux côtés d'Elizabeth, Catherine s'y cultivera, Jane et Charles Bingley y seront souvent fraternellement invités (lorsqu'ils auront, eux aussi, quitté le Hertfordshire)<ref name="Sisterhood"/>, Mr Bennet s'y invitera à l'occasion, les Gardiner y seront reçus comme des parents très aimés, et Lady Catherine acceptera d'y revenir. Ainsi, les trois classes sociales du monde de Jane Austen, l'aristocratie, la ''{{langue|en|gentry}}'' et le commerce se réconcilient à Pemberley<ref>Alistair M. Duckworth : ''The Improvement of the Estate: A Study of Jane Austen's Novels'' (1994), {{p.|335-336}}, {{ISBN|978-0-8018-4972-5}}</ref>. Cependant, si Lydia peut parfois y séjourner, Wickham, parce qu'il s'en est montré indigne, et ne s'est pas amendé, a définitivement perdu le droit d'y revenir<ref name="Kaplan05"/>.


== Postérité du roman ==
== Postérité du roman ==
[[Fichier:Portrait-woman-Henri-Francois-Mulard-ca1810.jpg|thumb|left|Portrait d'une dame inconnue, par Henri Mulard, vers 1810 : <br />''Elizabeth's face was "rendered uncommonly intelligent by the beautiful expression of her dark eyes<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=187}}</ref>"''.]]


[[Fichier:William Blake Mrs Q 1820 engraving after Francois Huet Villiers The British Museum.jpg|gauche|alt=gravure d'une jolie jeune femme assise|vignette|upright=0.8|Pour Deirdre le Faye<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=201-203}}</ref>, ce portrait de Mrs Q. (Harriet Quentin) par François Huet Villiers (1772-1813) est le « petit portrait de Mrs Bingley » qu'évoque Jane Austen dans la lettre du 24 mai 1813.]]
=== Avenir des personnages===


=== Avenir des personnages ===
Les personnages de ''Pride and Prejudice'' ont continué à vivre dans l'imagination de Jane Austen, et [[James Edward Austen-Leigh]] raconte, dans ses [[A Memoir of Jane Austen|''Souvenirs de Jane Austen'']], qu'elle donnait, si on le lui demandait, des renseignements sur l'avenir de certains personnages. Ainsi, pour les deux sœurs Bennet non mariées<ref group="N">''Kitty Bennet was satisfactorily married to a clergyman near Pemberley, while Mary obtained nothing higher than one of her uncle Philips' clerks, and was content to be considered a star in the society of Meryton'', cité dans {{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/austseql.html|titre=Bibliography of Jane Austen Sequels|site=Pemberley.com}}</ref> : elle envisage un mariage ''satisfaisant'' pour Catherine, avec un clergyman installé près de Pemberley, tandis que la pauvre Mary se contente d'épouser un des clercs de son oncle Philips, parfaitement satisfaite d'être un objet d'admiration à Meryton<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/glancy.htm|titre=What happened next ?|site=JASNA}}</ref>. En ce qui concerne Jane et Elizabeth, on sait qu'elle s'en faisait une idée très précise, et, dans la lettre du 24 mai 1813<ref>{{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/brablt11.html#letter61|titre=Lettre du lundi 24 mai 1813 à Cassandra}}</ref>, adressée à sa sœur [[Cassandra Austen|Cassandra]], elle raconte sa visite de l'exposition de peinture de Spring Gardens, où elle a eu le plaisir de voir « ''a small portrait of Mrs Bingley, excessively like her'' » (« un petit portrait de Mrs Bingley, extraordinairement ressemblant »). Mais ses espoirs d'en voir un de Mrs Darcy furent déçus. Elle n'en vit pas non plus à Pall Mall, à l'exposition des œuvres de [[Sir Joshua Reynolds]].
« ''Mrs Bingley's is exactly herself -- size, shaped face, features, and sweetness [...]. She is dressed in a white gown, with green ornaments, which convinces me of what I had always supposed, that green was a favourite colour with her. I dare say Mrs. D. will be in yellow'' » (« le portrait de Mrs Bingley, c'est tout à fait elle : la taille, la courbe du visage, les traits, et la douceur [...] Elle porte une robe blanche, avec des ornements verts, ce qui me convainc de ce que j'ai toujours supposé, que le vert est sa couleur préférée. Je parie que Mrs Darcy sera en jaune »). Le soir même, elle poursuit sa lettre et revient sur sa déception de ne rien avoir vu qui ressemble à Elizabeth. « ''I can only imagine that Mr. D. prizes any picture of her too much to like it should be exposed to the public eye. I can imagine he would have that sort of feeling -- that mixture of love, pride, and delicacy.'' » (« J'imagine que Mr Darcy accorde trop de valeur à n'importe quel portrait d'elle pour aimer l'idée d'en exposer un à la vue du public. Il pourrait éprouver, j'imagine, un sentiment de ce genre, un mélange d'amour, de fierté et de pudeur »).


Les personnages de ''Pride and Prejudice'' ont continué à vivre dans l'imagination de Jane Austen, et [[James Edward Austen-Leigh]] raconte, dans ses [[A Memoir of Jane Austen|''Souvenirs de Jane Austen'']], qu'elle donnait, si on le lui demandait, des renseignements sur l'avenir de certains personnages. Ainsi, pour les deux sœurs Bennet non mariées, elle envisage un mariage ''satisfaisant'' pour Catherine, avec un clergyman installé près de Pemberley, tandis que la pauvre Mary se contente d'épouser un des clercs de son oncle Philips, parfaitement satisfaite d'être un objet d'admiration à Meryton{{note|{{citation étrangère|langue=en|Kitty Bennet was satisfactorily married to a clergyman near Pemberley, while Mary obtained nothing higher than one of her uncle Philips' clerks, and was content to be considered a star in the society of Meryton}}<ref>Cité dans {{Lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/austseql.html|titre=Bibliography of Jane Austen Sequels|site=Pemberley.com}}</ref>|group=C}}{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/glancy.htm|titre=What Happened Next ?|site=JASNA}}</ref>.
C'est le {{s|XX|e}} qui, à partir de [[1938]], a donné un visage aux personnages d'''Orgueil et Préjugés'', à travers de multiples adaptations, au théâtre, au cinéma et surtout à la télévision. Et, depuis les années [[1990 en littérature|1990]] essentiellement, de nombreux auteurs de langue anglaise (féminins pour la plupart) ont imaginé des suites au roman. Il existe un relevé (non exhaustif, mais très complet cependant) de toutes ces œuvres sur la [[:en:List of artistic depictions of and related to Pride and Prejudice|Liste des œuvres liées à ''Orgueil et Préjugés'']] (en anglais).


En ce qui concerne Jane et Elizabeth, on sait qu'elle s'en faisait une idée très précise, et, dans la lettre du {{date-|24 mai 1813}}<ref name="Lettre 24 mai">{{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/brablt11.html#letter61|titre=Lettre du lundi 24 mai 1813 à Cassandra}}</ref>, adressée à sa sœur [[Cassandra Austen|Cassandra]], elle raconte sa visite de l'exposition de peinture de [[Spring Gardens]], où elle a eu le plaisir de voir {{citation étrangère|lang=en|a small portrait of Mrs Bingley, excessively like her}} ({{citation|un petit portrait de Mrs Bingley, extraordinairement ressemblant}}) :
=== Adaptations au cinéma ===
{{Citation bilingue bloc|lang=en
|Mrs Bingley's is exactly herself — size, shaped face, features, and sweetness […] She is dressed in a white gown, with green ornaments, which convinces me of what I had always supposed, that green was a favourite colour with her. I dare say Mrs D. will be in yellow<ref name="Lettre 24 mai"/>.
|Le portrait de Mrs Bingley, c'est tout à fait elle : la taille, la courbe du visage, les traits, et la douceur […] Elle porte une robe blanche, avec des ornements verts, ce qui me convainc de ce que j'ai toujours supposé, que le vert est sa couleur préférée. Je parie que Mrs Darcy sera en jaune.}}
[[Fichier:Portrait-woman-Henri-Francois-Mulard-ca1810.jpg|vignette|upright=0.8|alt=Peinture. Portrait d'une jeune femme brune assise en robe empire blanche|Portrait d'une dame inconnue, par Henri Mulard, vers 1810 : <br />''{{langue|en|Elizabeth's face « was rendered uncommonly intelligent by the beautiful expression of her dark eyes}}<ref>{{harvsp|Deirdre Le Faye|2003|p=187}}</ref> »''.]]
Mais ses espoirs d'en voir un de Mrs Darcy furent déçus. Elle n'en vit pas non plus dans [[Pall Mall]], à l'exposition des œuvres de [[Sir Joshua Reynolds]]. Le soir même, elle poursuit sa lettre et revient sur sa déception de ne rien avoir vu qui ressemble à Elizabeth. {{citation|J'imagine que Monsieur Darcy accorde trop de valeur à n'importe quel portrait d'elle pour aimer l'idée d'en exposer un à la vue du public. Il pourrait éprouver, j'imagine, un sentiment de ce genre, un mélange d'amour, de fierté et de pudeur}}{{note|{{citation étrangère|langue=en|I can only imagine that Mr D. prizes any picture of her too much to like it should be exposed tothe public eye. I can imagine he would have that sort of feeling — that mixture of love, pride, and delicacy}}<ref name="Lettre 24 mai"/>.|group=C}}.


C'est le {{s-|XX}} qui, à partir de [[1938]], a donné un visage aux personnages d’''Orgueil et Préjugés'', à travers de multiples adaptations, au théâtre, au cinéma et surtout à la [[#À la télévision|télévision]].
Les adaptations se rangent en différentes catégories.


=== Célébration du bicentenaire ===
[[Fichier:Keira Knightley 2005.jpg|thumb|left|[[Keira Knightley]] au Festival du Film de Toronto, en 2005, lors de la sortie de ''Pride & Prejudice'', où elle tient le rôle d'Elizabeth Bennet.]]
{{Citation étrangère|lang=en|It is a truth universally acknowledged…}} {{Citation|C'est une vérité universellement reconnue que le bicentenaire de ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'' sera accompagné par une déferlante d'événements et de produits commerciaux liés à Jane Austen}}, affirme ''[[BBC News]]'' en {{date-|janvier 2013}}, en parodiant le célèbre incipit du roman<ref>{{lien web|langue=en|url=https://www.bbc.co.uk/news/entertainment-arts-21078941|titre=''Pride and Prejudice'': Jane Austen fans celebrate novel's 200th anniversary|auteur=Tim Masters|date=25 janvier 2013}}</ref>. De nombreux événements jalonnent en effet l'année 2013<ref>{{Lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk|titre=Calendrier 2013|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref> en Grande-Bretagne mais aussi ailleurs.


==== Calendrier des manifestations ====
==== « Films d'époque » (''costume dramas)'' ====
* En janvier, une soirée culturelle à [[Brno]], en [[République tchèque]]<ref>{{Lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/01/pride-prejudice-1813-2013-a-cultural-evening/|titre=''Pride & Prejudice'' 1813-2013 : a cultural evening|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref>, une projection commentée du film de Joe Wright à New York<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/01/pride-and-prejudice-screening-event-time/|titre=''Pride and Prejudice'' screning|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref>.
* [[1940 au cinéma|1940]] : ''[[Orgueil et Préjugés (film, 1940)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Robert Z. Leonard]] avec [[Greer Garson]] et [[Laurence Olivier]]
* En février, une soirée {{citation étrangère|lang=it|faccia a faccia con ''Orgoglio e pregiudizio''}} à Rome<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/02/faccia-a-faccia-con-orgoglio-e-pregiudizio/|titre=faccia a faccia con ''Orgoglio e pregiudizio'' à Rome|consulté le=12 juillet 2013}}</ref>
[[Fichier:Greer Garson in Pride and Prejudice.JPG|thumb|upright=1.3|[[Greer Garson]] dans ''Pride and Prejudice'' (1940), où elle tient le rôle d'Elizabeth Bennet.]]
* Une soirée-débat avec [[Simon Langton]], à Chawton en avril, à Bath en mai
* [[2005 au cinéma|2006]] : ''[[Orgueil et Préjugés (film, 2005)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride & Prejudice'') de [[Joe Wright]], avec [[Keira Knightley]] et [[Matthew Macfadyen]]
* Mais aussi : des conférences (à Omaha, Halifax, Chawton House, Canberra) ; des expositions (autour de l'œuvre elle-même au [[Jane Austen's House Museum]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/01/the-story-of-pride-and-prejudice-exhibition/|titre=''The Story of Pride & Prejudice''|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref>, de costumes ''Regence'' à Alton) ; des bals ''Regence'' ; des concerts ([[Adélaïde (Australie)|Adélaïde]], Jane Austen's House Museum), des festivals ([[Canberra]], [[Cambridge]], [[Louisville (Kentucky)|Louisville]]) ; des ateliers d'écriture (à Chawton) ; des comparaisons de traductions (entre portugais et brésilien)<ref>{{Lien web|langue=pt|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/01/comparative-literature-reading-pride-and-prejudice-in-brazil-portugal/|titre=Littérature comparée : lire ''Orgulho e preconceito'' en portugais et en brésilien|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref> ; un colloque interdisciplinaire « Jane Austen: ''{{langue|es|Orgullos y Prejuicios}}'' » à l'université de Mexico<ref>{{Lien web|langue=es|url=http://coloquioausten.wordpress.com|titre=Coloquio Interdisciplinario. Jane Austen: ''Orgullos y Prejuicios''|site=coloquioausten.wordpress.com|consulté le=12 juillet 2013}}</ref>.
* Sont organisés des circuits (Bath, Lacock, Luckington Court), des lectures publiques (''{{langue|en|Readaton}}'' à Bath<ref>{{lien web|url=http://www.janeausten.co.uk/readathon/|titre=''Pride and Prejudice'' Readaton|site=Jane Austen.co.uk|consulté le=12 juillet 2013}}</ref>, à Hinton Ampner dans le Hampshire, à Alton) et, tout l'été, des représentations en plein air d'adaptations théâtrales de ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'', en Grande-Bretagne et ailleurs (Nouvelle-Zélande).


==== Transpositions proximisantes ====
==== Divers ====
* Le [[Salon du livre de Paris]] 2013 avait un stand Jane Austen, exclusivement consacré, à défaut de la présence de l'écrivain pour une séance de dédicace, à des réécritures romanesques de son œuvre, et présentait sur écran des projections des adaptations de la BBC qui ont largement contribué à la faire (re)découvrir<ref>{{ouvrage|titre=Revue des deux mondes|auteur=Jean-Pierre Naugrette|titre chapitre=Lire Jane Austen aujourd'hui ?|page=97}}.</ref>.
* [[2003 au cinéma|2004]] : ''[[Orgueil et Préjugés (film, 2003)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride & Prejudice: A Latter Day Comedy'') de [[Andrew Black (cinéaste)|Andrew Black]], Transposition dans une université américaine.
* Le numéro de {{date-|mai 2013}} de ''La [[Revue des deux Mondes]]'', qui a pour titre : ''Pourquoi Jane Austen est la meilleure''<ref>{{lien web|url=http://www.scopalto.com/revue-des-deux-mondes/60/pourquoi-jane-austen-est-la-meilleure|titre=numéro de mai de la ''Revue des deux mondes''}}, sommaire.</ref>, présente un article intitulé ''Chacune cherche son Darcy''<ref>{{ouvrage|titre=Revue des deux mondes|auteur=Camille Fort|titre chapitre=Chacune cherche son Darcy|page=114-120}}.</ref>.
* [[2004 au cinéma|2005]] : ''[[Coup de foudre à Bollywood]]'' (''Bride & Prejudice'') de [[Gurinder Chadha]], Transposition dans l'Inde contemporaine<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=126}}</ref>.
* La '' Jane Austen Society of the Netherlands'' a présenté le {{date-|23 juin}} une rose anglaise spécialement créée pour le bicentenaire<ref>{{Lien web|url= http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/06/celebrating-pride-prejudice-a-rose-for-jane-austen-amsterdamnl/|titre=Une rose pour Jane Austen|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=12 juillet 2013}}</ref>.


=== ''Orgueil et Préjugés'' sur les écrans ===
==== Adaptations libres ====
Depuis 1938, le roman ne cesse d'être adapté ou transposé, surtout à la télévision, mais aussi au cinéma et même, en 2012-2013, sous forme d'une [[web-série]], chaque adaptation reflétant la [[Univers de Jane Austen#Un cas particulier : Orgueil et Préjugés|sensibilité de l'époque de sa création]].
* [[2001 au cinéma|2001]] : ''[[Le Journal de Bridget Jones (film)|Le Journal de Bridget Jones]]'' (''Bridget Jones's diary''). Tiré du livre à succès d'[[Helen Fielding]], dont la trame principale est un hommage délibéré au roman, et les personnages de Daniel Cleaver et Mark Darcy librement inspirés des personnages de Wickham et Darcy dans la version [[BBC]] de [[Simon Langton]] d'''[[Orgueil et Préjugés (télésuite, 1995)|Orgueil et Préjugés]]''. Le metteur en scène attend donc du spectateur qu'il ait vu la télésuite, non qu'il ait lu le roman. D'où la présence de [[Colin Firth]] dans le rôle de Mark Darcy et le plongeon de [[Hugh Grant]] dans un lac. Et la maison d'édition où travaille Bridget s'appelle ''Pemberley Publishing''<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=85}}</ref>.
[[Fichier:Greer Garson in Pride and Prejudice.JPG|vignette|upright=1.3|alt=Photo noir et blanc tirée de la scène du bal|[[Greer Garson]] dans ''Orgueil et Préjugés'' (1940), où elle tient le rôle d'Elizabeth Bennet.]]


====Œuvre liée====
==== Adaptations au cinéma ====
*[[2007 au cinéma|2007]] : [[Becoming Jane]] de [[Julian Jarrold]], qui imagine, à partir d'''Orgueil et Préjugés'', les relations de [[Jane Austen]] ([[Anne Hathaway]]) et [[Tom Lefroy]] ([[James McAvoy]])


Il est possible de classer les nombreuses adaptations en différentes catégories.
=== À la télévision ===
[[Fichier:Keira Knightley 2005.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=Photo. Tête de l'actrice, de face, yeux fardée, longue chevelure souple |[[Keira Knightley]] au [[Festival du film de Toronto]], en 2005, lors de la sortie de ''[[Orgueil et Préjugés (film, 2005)|Pride & Prejudice]]'', où elle tient le rôle d'Elizabeth Bennet.]]
==== Adaptations ====
[[File:Colin Firth 66ème Festival de Venise.jpg|thumb|upright=0.9|Colin Firth (ici à la [[Mostra]] de Venise en 2009), le Mr Darcy de 1995]]
[[Fichier:Matthew Macfadyen 2007.jpg|vignette|upright=0.9|gauche|alt=Photo couleur. Portrait de face|Matthew Macfadyen (ici au [[Royal Court Theatre]] de Londres en 2007), Mr Darcy en 2005, au cinéma.]]
* 1938 : ''[[Orgueil et Préjugés (télévision, 1938)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Michael Barry]]
* 1949 : ''[[Orgueil et Préjugés (télévision, 1949)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Fred Coe]]
* 1952 : ''[[Orgueil et Préjugés (télésuite, 1952)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Campbell Logan]]
* 1956 : ''Pride and Prejudice'', épisode de l'Anthologie ''Matinee Theater'', diffusé en direct sur [[NBC]] (USA) 1{{er}} octobre 1956
* 1957 : ''[[Orgoglio e Pregiudizio]]'' (Italie) de Daniele D'Anza avec [[Virna Lisi]] et [[Franco Volpi]]
* 1958 : ''[[Orgueil et Préjugés (télésuite, 1958)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Barbara Burnham]].
* 1961 : ''De vier dochters Bennet'', adaptation en [[néerlandais]] par Cedric Wallis et Lo van Hensbergen, avec Lies Franken et Ramnes Shaffy
* 1966 : ''[[Orgullo y Prejuicio]]'' (Espagne) de Alberto Gonzalez Vergel
* 1967 : ''[[Orgueil et Préjugés (télésuite, 1967)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Joan Craft]] et [[Campbell Logan]].
* 1980 : ''[[Orgueil et Préjugés (télésuite, 1980)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Cyril Coke]] et [[Jonathan Leslie Powell|Jonathan Powell]]. Avec [[Elizabeth Garvie]] et [[David Rintoul]] (226 min)
* 1995 : ''[[Orgueil et Préjugés (télésuite, 1995)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride and Prejudice'') de [[Sue Birtwistle]] et [[Simon Langton]], avec [[Colin Firth]] et [[Jennifer Ehle]] (301 min).


'''« Films d'époque » (''{{langue|en|costume dramas}})'''''
==== Œuvres liées ====
* [[1940 au cinéma|1940]] : ''[[Orgueil et Préjugés (film, 1940)|Orgueil et Préjugés]]'' de [[Robert Z. Leonard]] avec [[Greer Garson]] et [[Laurence Olivier]] (117 min).
* [[2005 au cinéma|2005]] : ''[[Orgueil et Préjugés (film, 2005)|Orgueil et Préjugés]]'' (''Pride & Prejudice'') de [[Joe Wright]], avec [[Keira Knightley]], [[Matthew Macfadyen]], [[Donald Sutherland]], [[Judi Dench]] et [[Rosamund Pike]] (127 min){{note|La sortie de ce film en France en janvier 2006<ref>{{ouvrage|auteur=Lydia Martin|url=https://books.google.fr/books?id=uuH-JC0MBzsC&printsec=frontcover&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false|titre=''Pride and Prejudice'' (Joe Wright)|éditeur=Editions du CEFAL|collection=Analyse de film|année=2006|pages=96|isbn=2871302472}}</ref> a occasionné l'inscription de ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'' (et de son interprétation cinématographique par [[Joe Wright]])<ref>{{lien web|url=http://web.univ-pau.fr/saes/pb/progconcours/conc07/agext07.html|titre=Programme de la cession 2007 de l'agrégation externe d'anglais|archiveurl=https://web.archive.org/web/20131113170131/http://web.univ-pau.fr/saes/pb/progconcours/conc07/agext07.html|archivedate=13 novembre 2013}}</ref> à l'[[Agrégation d'anglais#Épreuves du concours externe|agrégation externe d'anglais]] en 2007.|group=N}}


'''Transpositions proximisantes'''
* 2008 : [[Lost in Austen]] de [[Dan Zeff]] avec [[Jemima Rooper]]
* [[2003 au cinéma|2003]] : ''[[Orgueil et Préjugés (film, 2003)|Pride & Prejudice: A Latter Day Comedy]]'' de [[Andrew Black (cinéaste)|Andrew Black]], transposition au {{s|XX|e}} dans une [[université Brigham Young|université américaine]] de l'[[Utah]].
* [[2004 au cinéma|2004]] : ''[[Coup de foudre à Bollywood]]'' (''Bride & Prejudice'') de [[Gurinder Chadha]], transposition dans l'Inde contemporaine<ref>{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=126}}</ref>.
* [[2011 au cinéma|2011]] : ''A Modern Pride and Prejudice'' de Bonny Mae<ref>{{Lien web|langue=en|url=https://akas.imdb.com/title/tt1790623/|titre=''A Modern Pride and Prejudice''|site=IMdB|consulté le=20-02-2012}}</ref>, tourné dans le [[Colorado]].
* [[2018 à la télévision|2018]] : ''Noël à Pemberley'' (''Christmas at Pemberley Manor''), téléfilm de Colin Theys<ref>[https://www.cineserie.com/movies/2021975/ Fiche du film du ''Cineserie'']</ref> se déroulant à notre époque.


'''Adaptations libres'''
=== Autres œuvres inspirées par ''Orgueil et Préjugés'' ===
* [[2001 au cinéma|2001]] : ''[[Le Journal de Bridget Jones (film)|Le Journal de Bridget Jones]]'' (''Bridget Jones's diary'') est tiré du [[Le Journal de Bridget Jones (roman)|livre à succès]] d'[[Helen Fielding]], dont la trame principale est un hommage délibéré au roman<ref name="Lydia Martin85">{{harvsp|Lydia Martin|2007|p=85}}</ref>. Les personnages de Daniel Cleaver et Mark Darcy sont librement inspirés des personnages de Wickham et Darcy dans la version [[BBC]] de [[Simon Langton]] d’''[[Orgueil et Préjugés (mini-série, 1995)|Orgueil et Préjugés]]''. Le metteur en scène attend donc du spectateur qu'il ait vu la série télévisée, non qu'il ait lu le roman. D'où la présence de [[Colin Firth]] dans le rôle de Mark Darcy et le plongeon de [[Hugh Grant]] dans un lac. Et la maison d'édition où travaille Bridget s'appelle ''Pemberley Publishing''<ref name="Lydia Martin85"/>.
==== Sur scène ====
*[[2016 au cinéma|2016]] : ''[[Orgueil et Préjugés et Zombies (film)|Orgueil et Préjugés et Zombies]]'', [[film d'horreur]] de [[Burr Steers]], adapté du [[parodie (littérature)|roman parodique]] ''[[Orgueil et Préjugés et Zombies]]'' de [[Seth Grahame-Smith]].
* [[1935]] ''Pride and Prejudice'' : pièce sous-titrée ''A sentimental comedy in three acts'' sur un scenario de Helen Jerome, créée le 28 octobre 1935 à [[Philadelphie]]<ref>{{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/turan.htm|titre=An Informal History...|site=Jasna (1989)}}</ref>
* [[1949]] ''Wedding at Pemberley'' : pièce en un acte de Anne et Arthur Russel
* [[1959]] [[First Impressions (1959)|''First Impressions'']] Comédie musicale de [[Broadway]], créée le 19 mars 1959 à l'Alvin Theater à [[New York]].
* [[2009]] ''Pride and Prejudice'' Comédie musicale, donnée du 11 au 14 mars 2009 a l'Elgiva Theatre, à Chesham, [[Buckinghamshire]].


''' Œuvres liées '''
==== En littérature ====
* [[2007 au cinéma|2007]] : ''[[Becoming Jane]]'' de [[Julian Jarrold]], qui imagine, à partir d’''Orgueil et Préjugés'', les relations de [[Jane Austen]] ([[Anne Hathaway (actrice)|Anne Hathaway]]) et [[Tom Lefroy]] ([[James McAvoy]])
* [[2013 au cinéma|2013]] : ''[[Austenland]]'' de [[Jerusha Hess]] où, de nos jours, une jeune femme voyage jusqu'à un [[parc à thème]] consacré à [[Jane Austen]] dans l'espoir d'y rencontrer son [[Fitzwilliam Darcy|Mr Darcy]]<ref>{{lien web|url=http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Video/VIDEO-Stephenie-Meyer-s-attaque-a-Jane-Austen-dans-Austenland-3794857|titre=Stephenie Meyer s’attaque à Jane Austen dans ''Austenland''|site=Première|consulté le=12 juillet 2013}}</ref>.


==== À la télévision ====
* [[1996 en littérature|1996]] : ''[[Le Journal de Bridget Jones (roman)|Le Journal de Bridget Jones]]'' (''Bridget Jones's Diary'') de [[Helen Fielding]], hommage multiple à ''Orgueil et Préjugés''<ref>{{harvsp|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=xviii}}</ref>.
* Le roman a aussi inspiré de très nombreux auteurs de langue anglaise qui ont écrit des suites ou des pastiches, de qualité souvent fort inégale<ref>Voir sur le site de The Republic of Pemberley une liste de titres depuis 1996, avec des commentaires : {{lien web|url=http://www.pemberley.com/bin/sequels/sequels.cgi?category=pandp|titre=Suites à Pride and Prejudice|}}</ref>.
* Le roman inspira aussi des œuvres de science-fiction et d'horreur, comme en [[2009 en littérature|2009]] : ''[[Orgueil et préjugés et zombies]]'' (''Pride and Prejudice and Zombies''), une parodie d'''Orgueil et Préjugés'' de [[Seth Grahame-Smith]], dont une version cinématographique doit sortir en 2011.
* [[Marvel]], l'éditeur de « Comics » américain a lancé une courte série de cinq épisodes, très fidèle au roman. Le premier épisode est sorti en Avril 2009 sur un scénario de Nancy Hajeski<ref>{{lien web|url=http://marvel.com/catalog/?writer=Nancy%20Hajeski|titre=Catalogue|site=Marvel.com}}</ref>.
* Les « ''Bits of Ivory'' », textes écrits de 1997 à 2008 sur le site de « The Republic of Pemberley »<ref>{{lien web|url=http://www.pemberley.com/bin/boiarchive/archive.cgi?category=PandP|titre=Bits of Ivory|site=Pemberley.com}}</ref>, par allusion à l'expression de Jane Austen elle-même<ref group="N">Jane Austen explique son approche littéraire dans ses lettres (dont une lettre de 1814 à sa nièce [[Anna Austen]]) : ''three or four families in a Country Village [is] the little bit (two Inches wide) of Ivory on which I work'' (« trois ou quatre familles dans un village campagnard, c'est là le petit morceau d'ivoire (cinq centimètres de large) sur lequel je travaille »).</ref>pour décrire son propre travail.
* Dans la série littéraire en forme d'[[uchronie]] de [[Jasper Fforde]], ''[[Thursday Next]]'', publiée à partir de 2001, ''[[Pride and Prejudice]]'' est devenu ''The Bennets'', et court le risque de devenir un ''reality book'', support littéraire d'un ''[[reality show]]''<ref>{{lien web|auteur=Jasper Fforde|url=http://books.google.fr/books?id=4-bM2w-36vQC&dq=Thursday+Next+In+First+Among+Sequels:+A+Novel&cd=1|titre=Thursday Next in first among sequels: a novel|consulté le=1{{er}} mars 2010}}</ref>.


[[Fichier:NCRV-televisiespel De vier dochters Bennet Mien Duymaer van Twist en Ab Absp…, Bestanddeelnr 913-1416.jpg|alt=Photo noir et blanc.Homme en noir assis aux pieds d'une dame, un bras sur ses genoux, la regardant.|vignette|Pièce télévisée de la NCRV : ''De vier dochters Bennet'', avec [[Mien Duymaer van Twist]] (Mrs Bennet) et {{Lien|langue=nl|fr=Ab Abspoel}}<ref>La mention des acteurs, bien que ceux-ci soient bien reconnaissables sur le cliché issu du site des [[Archives nationales (Pays-Bas)|archives nationales des Pays-Bas]], est suivie d'un point d'interrogation sur la notice le légendant. Mien Duymaer van Twist jouait bien Mrs Bennet, mais AB Abspoel n'avait qu'un petit rôle : Lieutenant Denny. Le cliché, malgré son titre, n'est probablement pas directement lié à cette série.</ref>, adaptation [[Pays-Bas|néerlandaise]] du roman ''Orgueil et Préjugés''.]]
== Annexes ==


=== Notes ===
===== Adaptations =====
[[Fichier:Colin Firth 66ème Festival de Venise.jpg|alt=Photo noir et blanc. Tête de 3/4 gauche|vignette|upright=0.9|[[Colin Firth]] (ici à la [[Mostra de Venise 2009|Mostra de Venise en 2009]]), Mr Darcy en 1995, à la télévision.]]
{{références|colonnes = 2|groupe = N}}
On peut considérer que ce sont toutes des ''{{Langue|en|costume dramas}}''.
* [[1938]] : ''Pride and Prejudice'' de [[Michael Barry (producteur)|Michael Barry]], première adaptation britannique, de 55 min, en noir et blanc et en direct<ref>{{Imdb titre|id=0414386|titre=Orgueil et Préjugés}}</ref>
* [[1949 à la télévision|1949]] : ''[[Orgueil et Préjugés (télévision, 1949)|Pride and Prejudice]]'' de [[Fred Coe]] ({{17e|épisode}} de la première saison de ''The Philco Television Playhouse'').
* [[1952 à la télévision|1952]] : ''[[Orgueil et Préjugés (mini-série, 1952)|Pride and Prejudice]]'' de [[Campbell Logan]]
* [[1956 à la télévision|1956]] : ''Pride and Prejudice'', épisode de l'Anthologie ''Matinee Theater'', diffusé en direct sur [[National Broadcasting Company|NBC]] (États-Unis) {{date-|1 octobre 1956}}
* [[1957 à la télévision|1957]] : ''[[Orgoglio e pregiudizio]]'', adaptation en [[italien]] de Daniele D'Anza avec [[Virna Lisi]] et [[Franco Volpi (acteur)|Franco Volpi]]<ref>En cinq épisodes en noir et blanc, visibles sur YouTube {{lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v=gEUtC3uX3GQ|titre=''Orgoglio e pregiudizio'' (épisode 1)}}</ref>
* [[1958 à la télévision|1958]] : ''[[Orgueil et Préjugés (mini-série, 1958)|Pride and Prejudice]]'' de [[Barbara Burnham]]
* [[1961 à la télévision|1961]] : ''{{langue|nl|De vier dochters Bennet}}'' (ce qui signifie, en français, « Les Quatre Filles Bennet »), adaptation en [[néerlandais]] par Cedric Wallis et Lo van Hensbergen, avec Lies Franken et Ramnes Shaffy<ref>En six épisodes en noir et blanc, visibles sur YouTube {{lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v=bOqBwyPY4qE|titre=''De vier dochters Bennet'' (épisode 1)}}</ref>
* [[1966 à la télévision|1966]] : ''[[Orgullo y Prejuicio]]'', adaptation en [[espagnol]] de Alberto Gonzalez Vergel
* [[1967 à la télévision|1967]] : ''[[Orgueil et Préjugés (mini-série, 1967)|Pride and Prejudice]]'' de [[Joan Craft]] et [[Campbell Logan]], première adaptation partiellement en couleurs, premières scènes en extérieurs, pour le cent-cinquantenaire de la mort de l'auteur
* [[1980 à la télévision|1980]] : ''[[Orgueil et Préjugés (mini-série, 1980)|Orgueil et Préjugés]]'' de [[Cyril Coke]] et [[Jonathan Leslie Powell|Jonathan Powell]]. Avec [[Elizabeth Garvie]] et [[David Rintoul]] (226 min)
* [[1995 à la télévision|1995]] : ''[[Orgueil et Préjugés (mini-série, 1995)|Orgueil et Préjugés]]'' de [[Sue Birtwistle]] et [[Simon Langton]], avec [[Colin Firth]] et [[Jennifer Ehle]] (301 min)


=== Références ===
===== Œuvres liées =====
{{Références|colonnes=2}}
<!--Pour le référencement Harvard (qui créé un lien bleu directement vers la Bibliographie), utiliser :<br />
<ref>{{harvsp|nom de l'auteur|date|p=xx}}</ref>
-->


* [[1995 à la télévision|1995]] : Wishbone, le [[Jack Russell Terrier]], héros de cette série télévisée américaine pour enfants, est Darcy dans l'épisode intitulé ''Furst Impressions'' diffusé le {{date-|1 janvier 1995}}<ref>{{Lien web|url=https://www.imdb.com/title/tt0954527/|titre=Wishbone (saison 1)|site=IMdB}}</ref>.
=== Bibliographie ===
* [[2008 à la télévision|2008]] : ''[[Orgueil et Quiproquos]]'' (''{{langue|en|Lost in Austen}}'') de [[Dan Zeff]] avec [[Jemima Rooper]], est une version [[fantastique]], [[parodie (littérature)|parodique]] et [[humour|humoristique]] du roman et de ses principales adaptations pour grand et petit écran, écrite par [[Guy Andrews]].
* [[2013]] : ''[[La mort s'invite à Pemberley (mini-série)|La mort s'invite à Pemberley]]'', mini-série de Ben Stephenson, est l'adaptation du [[La mort s'invite à Pemberley|roman policier éponyme]] de [[P. D. James]] dans lequel on retrouve Elizabeth et Darcy six ans plus tard, vivant à Pemberley avec leur garçon. Lorsque George et Lydia Wickham s'invitent à Pemberley, un meurtre étrange est commis.


==== Sur la Toile ====
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Jane Austen|titre=[http://books.google.fr/books?id=kQ0mAAAAMAAJ&printsec=frontcover&dq=%22Pride+and+Prejudice%22+%22Jane+Austen%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q=&f=false Pride and Prejudice]|lieu=|éditeur=R. Bentley|année=1853 (première édition en 1813)|pages=340|isbn=}}
''[[The Lizzie Bennet Diaries]]'', [[Web-série]] en cent épisodes parue sur [[YouTube]] du {{date-|9 avril 2012}} au {{date-|28 mars 2013}}, qui transpose l'intrigue au {{s|XXI|e}}, se présente comme le [[blog vidéo]] personnel de Lizzie Bennet, étudiante californienne préparant un diplôme en [[communication de masse]]. Elle y raconte avec humour ses relations conflictuelles avec sa mère et sa petite sœur Lydia, puis ses rapports compliqués et houleux avec le mystérieux William Darcy, propriétaire d'une entreprise du numérique ''Pemberley Digital''.


=== Autres transpositions d’''Orgueil et Préjugés'' ===
* {{ouvrage|lang=en|auteur= Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|titre=Pride and Prejudice|url=http://books.google.fr/books?id=8cp-Z_G42g4C&printsec=frontcover&dq=%22Pride+and+prejudice%22+funny+OR+rounded+OR+well-organized+OR+plot+OR+humour&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=3&cd=1#v=onepage&q=%22Pride%20and%20prejudice%22%20funny%20OR%20rounded%20OR%20well-organized%20OR%20plot%20OR%20humour&f=false|éditeur=Oxford University Press|année=2004|isbn=9780192802385}}
==== Sur scène ====
Les adaptations pour la scène sont nombreuses et régulièrement montées :
* [[1922]] ''Pride and Prejudice'' : adaptation de Mary Steele MacKaye<ref>{{Ouvrage|auteur=Mary Steele MacKaye|titre=Pride & Prejudice, A Play Founded on Jane Austen's Novel|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=7PLpn1CaOZkC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false|éditeur=BoD|année=2010|isbn=9783867414227}}</ref>
* [[1935]] ''Pride and Prejudice'' : pièce sous-titrée ''A Sentimental Comedy in Three Acts'' adaptation de [[Helen Jerome]], créée le {{date-|28 octobre 1935}} à [[Philadelphie]]<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/number11/turan.htm|titre=''An Informal History...''|site=Jasna|année=1989}}</ref>
* [[1949]] ''Wedding at Pemberley'' : pièce en un acte de Anne et Arthur Russel
* [[2008]] Adaptation de John Jory
* [[2013]], pour le bicentenaire : ''Pride and Prejudice'', adaptation de Laura Turner, montée par ''Chapterhouse Theatre Company'', jouée tout l'été en tournée dans des parcs de demeures classées, comme Pentillie Castle (Cornouaille)<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/06/pride-prejudice-outdoor-theatre-cornwall-uk/|titre=''Pride & Prejudice'' outdoor theatre (Cornwall, UK)|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref> ou Enniskillen Castle (Irlande du Nord)<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/07/pride-prejudice-outdoor-theatre-enniskillen-ni/|titre=''Pride and Prejudice'' outdoor theatre|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref> ; adaptation de Simon Reade au ''[[Regent's Park]] [[Open Air Theatre]]'' à Londres<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/06/pride-prejudice-open-air-production-regents-park|titre=''Pride & Prejudice'', Open Air Production|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref> ; adaptation nouvelle d'Amy Whiterod et Joy Hellyer, créée en juin à [[Wellington]], en [[Nouvelle-Zélande]]<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/06/pride-and-prejudice-a-new-stage-adaptation-wellington-new-zealand/|titre=''A new stage adaptation''}}</ref>{{,}}<ref>{{lien web|url=http://www.stagecraft.co.nz/current-production.html|titre=''Pride and Prejudice'' by Amy Whiterod and Joy Hellyer|site=Stagecraft|date=9 juin 2013|consulté le=11 juillet 2013}}</ref>, nouvelle adaptation de Wendy Reynolds présentée à Chawton le {{date-|7 septembre}}<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/09/pride-prejudice-a-play-reading-chawton-uk/|titre=A play reading|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=12 juillet 2013}}</ref>.
Des comédies musicales ont aussi été tirées du roman :
* [[1959]] [[First Impressions (1959)|''First Impressions'']] : [[Comédie musicale]] de [[Théâtre de Broadway|Broadway]], créée le {{date-|19 mars 1959}} à l'Alvin Theater à [[New York]].
* [[1995]] ''Pride and Prejudice'' : comédie musicale de Bernard J. Taylor, créée en 1995 à [[Peoria (Illinois)|Peoria]], dans l'[[Illinois]], et donnée du 11 au {{date|14 mars 2009}} à l'Elgiva Theatre, à Chesham, [[Buckinghamshire]].
* [[2009]] ''Jane Austen’s PRIDE AND PREJUDICE, A Musical'', comédie musicale de Lyndsay Warren Backer et Amanda Jacobs<ref>{{lien web|langue=en|url=http://www.janeaustensprideandprejudiceamusical.com/|titre=Présentation|consulté le=18 mars 2015}}</ref>, plusieurs fois récompensée et rejouée.
* Pour le bi-centenaire, en [[2013]], ''Pride & Prejudice - The Musical'', de Richard Croxford et Mark Dougherty, joué au [[Everyman Palace Theatre]] de [[Cork]] du 14 au {{date-|31 août}} et au ''Lyric Theatre'' de [[Belfast]] du {{date-|5 septembre}} au {{date-|6 octobre}}<ref>{{lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v1HzKiftPtp4|titre=Présentation|consulté le=18 mars 2015}}</ref> ; et ''Pride & Prejudice: A New Musical'', de Sam Balzac et Kathleen Recchia, créée pour ''Book & Blanket Players Youth Theatre'', 10 et {{date-|11 août 2013}} à New York<ref>{{lien web|url=http://www.prideandprejudice200.org.uk/2013/08/pride-prejudice-a-new-musical/|titre=''Pride & Prejudice: A New Musical''|site=Pride and Prejudice 200|consulté le=11 juillet 2013}}</ref>.


==== En littérature ====
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Jane Austen, Pat Rogers|titre=Pride and Prejudice|url=http://books.google.fr/books?id=f6nm4OqyEdMC&printsec=frontcover&dq=Pride+and+prejudice+Pat+rogers&cd=1#v=onepage&q=&f=false|éditeur=Cambridge University Press|année=2006|isbn=9780521825146}}
Une première suite, par Sybil Brinton (''{{langue|en|Old friends and New fancies}}'') est publiée en 1913, une deuxième, par Dorothy Bonavia-Hunt (''{{langue|en|Pemberley Shades}}'') est publiée en 1949 et rééditée en 1977, une autre par Emma Tennant (''{{langue|en|Pemberley, or, Pride and Prejudice Continued}}'') en 1993.


En 1928-1930, la femme de lettres japonaise [[Nogami Yaeko]] (1885-1985) s'inspire fortement d{{'}}''Orgueil et Préjugés'', qu'elle a découvert en 1907 et admire beaucoup (elle a même aidé son mari à le traduire), pour écrire ''Machiko'', un roman feuilleton contemporain paru dans les journaux ''[[Kaizō]]'' (''Reconstruction''), pour les épisodes un à sept, puis [[Chūōkōron|''Chuō Kōron'']] (''Central Review''), pour le dernier. L'ensemble est sorti en librairie en 1931<ref>{{Lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol30no2/hisamori.html|titre=Elizabeth Bennet Turns Socialist: Nogami Yaeko’s Machiko|site=JASNA|année=2010}}</ref>. Entre {{date-|janvier 1935}} et {{date-|avril 1936}} elle publie, dans ''Fujin Kōron'', une revue féminine, {{langue|ja|虹 の 花}} (''{{langue|ja-la|Niji no hana}})'' « Fleurs de l'arc-en-ciel », présenté comme une traduction libre de ''{{langue|en|Pride and Prejudice}}'', qui condense l'histoire d'« Erizabesu » et de « Daashi »<ref>{{lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/vol28no2/brodey-hogan.htm#20|titre=Jane Austen in Japan: “Good Mother” or “New Woman”? (chapitre : A “spiritual awakening”: Nogami’s Austen)|site=JASNA|année=2008}}</ref>.
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Frank W. Bradbrook|titre=Jane Austen and her Predecessors|lieu=Cambridge|éditeur=Cambridge University Press|année=1967|isbn=}}


Mais c'est le succès de la [[Orgueil et Préjugés (mini-série, 1995)|série télévisée de 1995]] qui a vraiment lancé toute une industrie paralittéraire autour de Jane Austen ; de nombreux auteurs de langue anglaise (féminins pour la plupart) imaginent des réécritures de qualités souvent fort inégales<ref>Voir sur le site de ''The Republic of Pemberley'' une liste de titres depuis 1996, avec des commentaires : {{Lien web|url=http://www.pemberley.com/bin/sequels/sequels.cgi?category=pandp|titre=Suites à ''Pride and Prejudice''|consulté le=22 décembre 2009}}</ref> : [[préquelle]]s ou [[pastiche]]s, [[suite d'une œuvre|suites]], voire transpositions proximisantes, parfois traduites en français<ref>{{Lien web|url=http://janeausten.hautetfort.com/archive/2011/01/19/jane-austen-et-les-traductions-francaises.html|titre=Jane Austen et les traductions françaises|année=20 janvier 2011|site=Janeausten.hautefort.com}}</ref>, comme :
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Jennifer Crusie|titre=Flirting with Pride & prejudice: fresh perspectives on the original chick-lit masterpiece
* En [[1996 en littérature|1996]] : ''[[Le Journal de Bridget Jones (roman)|Le Journal de Bridget Jones]]'' (''Bridget Jones's Diary'') de [[Helen Fielding]], hommage multiple à ''Orgueil et Préjugés''<ref>{{harvsp|Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|2004|p=xviii}}</ref>.
|url=http://books.google.fr/books?id=35c_Z9EYn5gC&printsec=frontcover&dq+with+Pride+and+Prejudice&cd=1#v=onepage&q=&f=false|éditeur=BenBella Books, Inc.|année=2005|isbn= 9781932100723}}
* Dans la série littéraire en forme d'[[uchronie]] de [[Jasper Fforde]], ''[[Thursday Next]]'', publiée à partir de 2001, ''Pride and Prejudice'' est devenu ''The Bennets'', et court le risque de devenir un ''reality book'', support littéraire d'un ''[[reality show]]''<ref>{{Lien web|auteur=Jasper Fforde|url=https://books.google.fr/books?id=4-bM2w-36vQC&dq=Thursday+Next+In+First+Among+Sequels:+A+Novel&cd=1|titre=Thursday Next in first among sequels: a novel|consulté le={{1er}} mars 2010}}</ref>.
* En [[2009 en littérature|2009]] : ''[[Orgueil et préjugés et zombies]]'' (''Pride and Prejudice and Zombies''), une parodie de [[Seth Grahame-Smith]], dont une [[Orgueil et Préjugés et Zombies (film)|version cinématographique]] est sortie en 2016.
* En [[2011 en littérature|2011]] : ''[[La mort s'invite à Pemberley]]'' (''{{langue|en|Death Comes to Pemberley}}'') roman policier de [[P. D. James]], dont l'action se situe en 1803, six années après le mariage de Darcy et Elizabeth, dans lequel les personnages se trouvent impliqués dans une intrigue policière.
* À la rentrée 2013 paraît ''Amour, Orgueil et Préjugés''<ref>{{ouvrage|auteur=Jess Swann|titre=Amour, Orgueil et Préjugés|isbn=978-2-9700834-6-7|année=2013|éditeur=Les Roses Bleues|collection=Indigo}}</ref>, qui reprend la [[trame narrative]] du roman original, transposée au {{s-|XXI|e}} à [[Limerick (Irlande)|Limerick]], en [[Irlande (pays)|Irlande]]. Ce roman de Jess Swann<ref>{{lien web|url=http://www.les-roses-bleues.ch/blog/entretien-avec-jess-swann-par-anne-rossi.html|titre=Entretien avec l'auteur|site=Les roses bleues|date=15 mai 2013}}</ref>, écrit en langue française, a été retenu à la suite d'un « appel à texte » lancé par la maison d'édition suisse Les Roses Bleues.
* En {{date-|octobre 2013}}, la romancière [[Lancashire|anglaise]] [[Jo Baker]] publie ''Longbourn'' chez l'éditeur [[Alfred A. Knopf]]. Le roman se place du point de vue de Sarah, une des domestiques de Longbourn, pour raconter l'histoire des Bennet. Une traduction française est sortie dès 2014 chez [[éditions Stock|Stock]]<ref>{{lien web|url=http://www.editions-stock.fr/une-saison-longbourn-9782234075597|titre=''Une saison à Longbourn''|site=Éditions Stock|consulté le=15 mai 2016}}.</ref>, sous le titre ''Une saison à Longbourn''<ref>{{lien web|url=http://www.senscritique.com/livre/Une_saison_a_Longbourn/critique/63747868|titre=Une saison à Longbourn|site=senscritique.com|consulté le=22 juin 2016}}</ref>.


Sur le Web, divers sites proposent des textes en ligne, variations sur ''Orgueil et Préjugés'' :
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Peter Knox-Shaw|titre=Jane Austen and the Enlightenment|url=http://books.google.fr/books?id=aGuVSlkxvOUC&pg=PA90&dq=%22Pride+and+prejudice%22+unexpected+OR+surprising&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=3&cd=5#v=onepage&q=%22Pride%20and%20prejudice%22%20unexpected%20OR%20surprising&f=false|éditeur=Cambridge University Press|année=2004|isbn=9780521843461}}
* Les ''{{langue|en|Bits of Ivory}}'', textes écrits de 1997 à 2008 sur le site de « The [[Republic of Pemberley]] »<ref>{{lien web|url=http://pemberley.com/?page_id=5270|titre=Bits of Ivory Archive}}</ref>, par allusion à l'expression de Jane Austen elle-même<ref group="N">Jane Austen explique son approche littéraire dans ses lettres (dont une lettre de 1814 à sa nièce [[Anna Austen]]) : {{citation étrangère|lang=en|three or four families in a Country Village [is] the little bit (two Inches wide) of Ivory on which I work}} (« trois ou quatre familles dans un village campagnard, c'est là le petit morceau d'ivoire (cinq centimètres de large) sur lequel je travaille »).</ref> pour décrire son propre travail.
* D'autres sites anglophones continuent à présenter de nouvelles [[fanfiction]]s, par exemple : {{Lien web|url=http://austen.com/derby/|titre=Derbyshire Writers Guild}}, créé en 1997, {{Lien web|url=http://scotch-and-sirens.waw.pl/index.php|titre=50 Miles of Good Road}}, {{Lien web|url=http://mrsdarcy.mrsdarcy.com/stories.html|titre=Mrs Darcy Storysite}} ou {{Lien web|url=http://www.fanfiction.net/book/Pride_and_Prejudice/|titre=Fanfiction.net}} présentant des textes en anglais essentiellement, mais aussi en d'autre langues.


==== Manga/Bande-dessinée ====
*{{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Marvin Mudrick|titre=[http://books.google.fr/books?id=5dOKOEjRIUMC&printsec=frontcover&dq=Marvin+Mudrick++Irony+Defence&lr=&cd=1#v=onepage&q=&f=false ''Jane Austen: Irony as Defense and Discovery'']|Edition=Princeton University Press|année=1952}}


* [[Marvel]], l'éditeur de « Comics » américain a lancé une courte série de cinq épisodes, dont premier épisode est sorti en {{date-|avril 2009}} sur un scénario de Nancy Hajeski<ref>{{Lien web|url=http://marvel.com/digital_comics/issue/12468/pride_prejudice_2009_1|titre=''Pride and Prejudice'' (2009)|site=Marvel.com}}</ref> et le dernier en août de la même année, avant de l'éditer en un seul volume<ref>{{lien web|url=http://janeausten.hautetfort.com/archive/2010/12/10/comics-pride-and-prejudice.html|titre=Comic ''Pride and Prejudice''|date=30 décembre 2010|site=Jane Austen is my Wonderland}}</ref>.
*{{ouvrage|lang=en|auteur=Nicholas Marsh|titre=Jane Austen : The Novels|url=http://books.google.fr/books?id=X0wgNAoBUKsC&printsec=frontcover&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false|éditeur=St. Martin's Press|lieu=New-York|année=1998|isbn=0312213719}}
* ''Pride and Prejudice'', un manga anglophone des éditions Udon et de la collection Manga Classics, collection adaptant les classiques de la littérature en manga.
*Orgueil & Préjugés, en album BD aux [[Soleil Productions|éditions Soleil]], et adapté par [[Aurore (auteur)|Aurore]]. [https://www.soleilprod.com/serie/orgueil-et-prejuges-01-les-cinq-filles-de-mrs-bennet.html Le premier tome] est sorti en {{date-|septembre 2019}}. Deux autres sont à venir.


== Notes et références ==
*{{ouvrage|lang=en|auteur=Laura et Robert Lambdin|titre=A companion to Jane Austen studies|url=http://books.google.com/books?id=Vx-ZPUzWnWYC&dq=jane+austen%27s+art+of+allusion&lr=&hl=fr&source=gbs_navlinks_s|éditeur=Greenwood Publishing Group|année=2000|
=== Citations en anglais ===
isbn=9780313306624|p=315}}
{{Références|taille=24|groupe=C}}
=== Notes ===
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Deirdre Le Faye|titre=[http://books.google.fr/books?id=EFooE6ILe28C&pg=PA7&dq=Georgian+society+%22Jane+Austen%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q=Georgian%20society%20%22Jane%20Austen%22&f=false Jane Austen: The World of Her Novels]|lieu=Londres|éditeur=Frances Lincoln|année=2003|isbn=9780711222786}}
{{Références|taille=24|groupe=N}}
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Robert Morrison|titre=[http://books.google.fr/books?id=LEvhqYTbyUoC&pg=&as_brr=3&cd=4#v=onepage&q=&f=false Jane Austen's ''Pride and Prejudice'' : A Sourcebook]|éditeur=Routledge|lieu=New York|année=2005|isbn=0415268494}}


=== Références ===
*{{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=John Wiltshire|titre=[http://books.google.fr/books?id=XdUUNDO0NUIC&printsec=frontcover&dq=Recreating+Jane+Austen&cd=1#v=onepage&q=&f=false Recreating Jane Austen, ch 5 ''Pride and Prejudice'']|éditeur=Cambridge University Press|année=2001|isbn=0521002826}}
{{Références nombreuses|taille=20}}


== Bibliographie ==
* {{ouvrage|lien langue={{en}}|auteur=Emily Auerbach|titre=[http://books.google.fr/books?id=ainXQ5ljQcEC&printsec=frontcover&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false Searching for Jane Austen]|éditeur=The University of Wisconsin Press|lieu=Madison|année=2004|isbn=0299201848}}
=== Bibliographie primaire ===
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Jane Austen|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=kQ0mAAAAMAAJ&printsec=frontcover&dq=%22Pride+and+Prejudice%22+%22Jane+Austen%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q&f=false|titre= Pride and Prejudice|éditeur=R. Bentley|année=1853|pages totales=340|isbn=}}
* {{Ouvrage|auteur=Jane Austen|lien auteur=Jane Austen|langue=en|url=https://books.google.fr/books?id=innaVyyy0UEC&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false|titre=Pride and Prejudice|éditeur=JM Dent and Cie|année=1907| pages = 295|isbn=}}, avec vingt-quatre illustrations en couleur de [[C. E. Brock]]. (Réédition par BompaCrazy.com, 1981)
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Jane Austen|titre=Jane Austen, Illustrated by Hugh Thomson|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=biUy9hUQNFsC&printsec=frontcover&dq=Emma+jane+austen&lr=&as_brr=3&cd=19#v=onepage&q=&f=false|éditeur=Shoes and Ships and Sealing Wax Ltd|année=2006|isbn=9780954840198|pages=792|titre chapitre=''Pride and Prejudice'', (intégral) p. 132-290}}
* {{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/etext/PandP/index.html|titre=''Pride and Prejudice''|auteur=Jane Austen|site=The Republic of Pemberley}} (recherche personnalisée possible par mots-clés)


=== Bibliographie secondaire ===
* {{ouvrage|lang=en|auteur=Edward Copeland, Juliet McMaster|titre=[http://books.google.fr/books?id=nEJLmGqYKcoC&pg=PA131&dq=edward+copeland+austen+money&lr=&cd=1#v=onepage&q=edward%20copeland%20austen%20money&f=false The Cambridge companion to Jane Austen]|éditeur=Cambridge University Press|année=1997|isbn=9780521498678}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=David M. Shapard|titre=The annotated edition of Pride and Prejudice

* {{ouvrage|lang=en|auteur=Valerie Grosvenor Myer|titre=Jane Austen, obstinate heart: a biography|url=http://books.google.fr/books?id=KC4hPCXf2jwC&printsec=frontcover&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false|éditeur=Arcade Publishing|année=1997|isbn=9781559703871}}
|année=2012|éditeur=Anchor Books|isbn=978-0-307-95100-7|pages totales=800|url=https://books.google.fr/books?id=xjbLrlz1_LsC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Marie-Laure|nom1=Massei-Chamayou|titre=La Représentation de l'argent dans les romans de Jane Austen |sous-titre=L'être et l'avoir|éditeur=[[Éditions L'Harmattan]]|collection=Des idées et des femmes|lieu=Paris|année=2012|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=hXm0gNdeXGAC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false|pages totales=410|isbn=978-2-296-99341-9}}

* {{ouvrage|lang=fr|auteur=Lydia Martin|titre= [http://books.google.fr/books?id=b1lUqr55GU4C&printsec=frontcover&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false Les adaptations à l'écran des romans de Jane Austen: esthétique et idéologie]|éditeur=Editions L'Harmattan|pages=270|année=2007|isbn=9782296039018}}
* {{ouvrage|langue=fr|auteur=Lydia Martin|url=https://books.google.fr/books?id=Iih9DbdBmUUC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false|titre=Les Adaptations à l'écran des romans de Jane Austen|sous-titre=esthétique et idéologie|éditeur=[[Éditions L'Harmattan]]|collection=Champs visuels |pages=270|lieu=Paris|année=2007|isbn=978-2-296-03901-8}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Jane Austen, Pat Rogers|titre=Pride and Prejudice|url=https://books.google.fr/books?id=f6nm4OqyEdMC&printsec=frontcover&dq=Pride+and+prejudice+Pat+rogers&cd=1#v=onepage&q=&f=false|éditeur=Cambridge University Press|année=2006|isbn=978-0-521-82514-6}}

* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Jennifer Crusie|titre=Flirting with Pride & Prejudice: Fresh Perspectives on The Original Chick-lit Masterpiece
*{{ouvrage|auteur=Carol Shields|titre=[http://books.google.fr/books?id=qurv7JKgmLsC&printsec=frontcover&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false Jane Austen]|éditeur=Les Editions Fides|année=2002|pages=234|isbn=9782762123722}}
|url=https://books.google.fr/books?id=855L0tfSgsQC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false|éditeur=BenBella Books, Inc.|année=2005|isbn= 978-1-932-10072-3}}

* {{ouvrage |langue=en|auteur=Janet M. Todd|titre=[http://books.google.fr/books?id=TVcNgW5uH5oC&dq=Janet+Todd+%22Jane+Austen+in+context%22&printsec=frontcover&source=bl&ots=_cHapUCAz4&sig=_At1ksXIaHnciTarm0YWGTf6VOU&hl=fr&ei=swvuSpKOOdWZjAfzp6CaDQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CAsQ6AEwAA#v=onepage&q=&f=false Jane Austen in context]|lieu=|éditeur= Cambridge University Press|année= 2005|isbn= 9780521826440}}
* {{Ouvrage |langue=en|auteur=Janet M. Todd|lien auteur=Janet M. Todd|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=TVcNgW5uH5oC&dq=Janet+Todd+%22Jane+Austen+in+context%22&printsec=frontcover&source=bl&ots=_cHapUCAz4&sig=_At1ksXIaHnciTarm0YWGTf6VOU&hl=fr&ei=swvuSpKOOdWZjAfzp6CaDQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CAsQ6AEwAA#v=onepage&q=&f=false|titre= Jane Austen in context|éditeur= Cambridge University Press|année= 2005|isbn= 978-0-521-82644-0}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Robert Morrison|titre=[https://books.google.fr/books?id=LEvhqYTbyUoC&pg=&as_brr=3&cd=4#v=onepage&q=&f=false Jane Austen's ''Pride and Prejudice'' : A Sourcebook]|éditeur=Routledge|lieu=New York|année=2005|isbn=0-415-26849-4}}

* {{ouvrage|lang=fr|auteur=Pierre Goubert|titre=[http://books.google.fr/books?id=Qqe0B58gTY0C&printsec=frontcover&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false Jane Austen : étude psychologique de la romancière]|éditeur=PUF (Publications de l'Université de Rouen)|année=1975|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Emily Auerbach|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=ainXQ5ljQcEC&printsec=frontcover&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false|titre= Searching for Jane Austen|éditeur=The University of Wisconsin Press|lieu=Madison|année=2004|isbn=0-299-20184-8}}* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Peter Knox-Shaw|titre=Jane Austen and The Enlightenment|url=https://books.google.fr/books?id=aGuVSlkxvOUC&pg=PA90&dq=%22Pride+and+prejudice%22+unexpected+OR+surprising&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=3&cd=5#v=onepage&q=%22Pride%20and%20prejudice%22%20unexpected%20OR%20surprising&f=false|éditeur=Cambridge University Press|année=2004|isbn=978-0-521-84346-1}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur= Jane Austen, James Kinsley, Fiona Stafford|titre=Pride and Prejudice|url=https://books.google.fr/books?id=8cp-Z_G42g4C&printsec=frontcover&dq=%22Pride+and+prejudice%22+funny+OR+rounded+OR+well-organized+OR+plot+OR+humour&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=3&cd=1#v=onepage&q=%22Pride%20and%20prejudice%22%20funny%20OR%20rounded%20OR%20well-organized%20OR%20plot%20OR%20humour&f=false|éditeur=Oxford University Press|année=2004|isbn=978-0-19-280238-5}}* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Deirdre Le Faye|lien auteur=Deirdre Le Faye|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=EFooE6ILe28C&pg=PA7&dq=Georgian+society+%22Jane+Austen%22&lr=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_brr=0#v=onepage&q=Georgian%20society%20%22Jane%20Austen%22&f=false|titre= Jane Austen: The World of Her Novels|lieu=Londres|éditeur=Frances Lincoln|année=2003|isbn=978-0-7112-2278-6}}
* {{Ouvrage|auteur=[[Carol Shields]]|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=qurv7JKgmLsC&printsec=frontcover&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false|titre= Jane Austen|éditeur=[[Éditions Fides]]|année=2002|pages=234|isbn=978-2-7621-2372-2}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=John Wiltshire|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=XdUUNDO0NUIC&printsec=frontcover&dq=Recreating+Jane+Austen&cd=1#v=onepage&q=&f=false|titre= Recreating Jane Austen|titre chapitre=Ch 5: ''Pride and Prejudice''|éditeur=Cambridge University Press|année=2001|isbn=0-521-00282-6}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Laura et Robert Lambdin|titre=A companion to Jane Austen studies|url=https://books.google.com/books?id=Vx-ZPUzWnWYC&dq=jane+austen%27s+art+of+allusion&lr=&hl=fr&source=gbs_navlinks_s|éditeur=Greenwood Publishing Group|année=2000|isbn=978-0-313-30662-4|passage=315}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Nicholas Marsh|titre=Jane Austen : The Novels|url=https://books.google.fr/books?id=X0wgNAoBUKsC&printsec=frontcover&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false|éditeur=St. Martin's Press|lieu=New-York|année=1998|isbn=0-312-21371-9}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Valerie Grosvenor Myer|titre=Jane Austen, obstinate heart: a biography|url=https://books.google.fr/books?id=KC4hPCXf2jwC&printsec=frontcover&source=gbs_navlinks_s#v=onepage&q=&f=false|éditeur=Arcade Publishing|année=1997|isbn=978-1-55970-387-1}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Edward Copeland, Juliet McMaster|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=nEJLmGqYKcoC&pg=PA131&dq=edward+copeland+austen+money&lr=&cd=1#v=onepage&q=edward%20copeland%20austen%20money&f=false|titre= The Cambridge companion to Jane Austen|éditeur=Cambridge University Press|année=1997|isbn=978-0-521-49867-8}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur=Pierre Goubert|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=Qqe0B58gTY0C&printsec=frontcover&source=gbs_v2_summary_r&cad=0#v=onepage&q=&f=false|titre= Jane Austen : étude psychologique de la romancière|éditeur=PUF (Publications de l'Université de Rouen)|année=1975|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Tony Tanner|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=khvEXPSIOYgC&printsec=frontcover&dq=Jane+Austen+Tony+Tanner&lr=&cd=1#v=onepage&q=&f=false|titre= Jane Austen|année=1975|titre chapitre=Knowledge and Opinions: ''Pride and Prejudice''|éditeur=Harvard University Press|pages=291|isbn=978-0-674-47174-0}} (réédition 1986)
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Frank W. Bradbrook|titre=Jane Austen and her Predecessors|lieu=Cambridge|éditeur=Cambridge University Press|année=1967|isbn=}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Marvin Mudrick|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=5dOKOEjRIUMC&printsec=frontcover&dq=Marvin+Mudrick++Irony+Defence&lr=&cd=1#v=onepage&q=&f=false|titre=Jane Austen: Irony as Defense and Discovery|éditeur=Princeton University Press|année=1952}}


== Annexes ==
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Jane Austen]]
* [[Jane Austen]]
* [[Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen]]
* [[Représentation de l'Angleterre georgienne chez Jane Austen]]
* [[Univers de Jane Austen]]
* ''[[Cecilia (roman)|Cecilia]]'', roman de [[Fanny Burney]]
* ''[[Cecilia (roman)|Cecilia]]'', roman de [[Fanny Burney]]


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
* {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/index.html|titre=Persuasions|site=JASNA}}
* {{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/printed/index.html|titre=''Persuasions''|site=Jane Austen Society of North America}} (JASNA)
* {{lien web|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/index.html|titre=Persuasions On-Line|site=JASNA}}
* {{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/persuasions/on-line/index.html|titre=''Persuasions On-Line''|site=JASNA}}
* {{lien web|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/pridprej.html|titre=Pride and Prejudice|site=Pemberley.com}}
* {{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/janeinfo/pridprej.html|titre=''Pride and Prejudice''|site=Pemberley.com}}
* {{lien web|url=http://www.pemberley.com/images/landt/maps/pp/Cary-1812-Eng-map.html |titre=Cartes et Guide touristique|site=Pemberley.com}}
* {{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/images/landt/maps/pp/Cary-1812-Eng-map.html |titre=Cartes et Guide touristique|site=Pemberley.com}}
*{{lien web|url=http://www.jasna.org/info/images/map-pp-1466h.jpg|titre=Carte générale|site=JASNA|auteur=Patrick Wilson}}
* {{Lien web|langue=en|url=http://www.jasna.org/info/images/map-pp-1466h.jpg|titre=Carte générale|site=JASNA|auteur=Patrick Wilson}}
* {{lien web|url=http://www.pemberley.com/bin/regency/janames/janames.cgi?category=PandP|titre=Liste de tous les personnages|site=Pemberley.com}}
* {{Lien web|langue=en|url=http://www.pemberley.com/bin/regency/janames/janames.cgi?category=PandP|titre=Liste de tous les personnages|site=Pemberley.com}}
* {{en}} {{Lien|langue=en|trad=List of literary adaptations of Pride and Prejudice|fr=Liste des adaptations littéraires d'Orgueil et préjugés|texte=Liste des adaptations littéraires d{{'}}''Orgueil et préjugés''}}
* [[:en:List of artistic depictions of and related to Pride and Prejudice]]
* [http://www.classicistranieri.com/jane-austen-pride-and-prejudice-general-concordances-by-valerio-di-stefano.html Concordances complètes de ''Pride and Prejudice'']
* {{Autorité}}


=== Wikisource ===
=== Wikisource ===
{{Autres projets|commons=Category:Pride and Prejudice|q=Orgueil et Préjugés|s=Orgueil et Préjugé}}
{{Autres projets|commons=Category:Pride and Prejudice|wikiquote=Orgueil et Préjugés|wikisource=Orgueil et Préjugés}}
* {{en}} [[s:en:Pride and Prejudice|''Pride and Prejudice'']]
* {{en}} [[s:en:Pride and Prejudice|''Pride and Prejudice'']]
* {{fr}} [[s:fr:Orgueil et Prévention|''Orgueil et Prévention'' (1822)]]
* {{fr}} [[s:fr:Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen|Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen]]
* {{fr}} [[s:fr:Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen|Le Roman classique en Angleterre - Jane Austen]]
* {{fr}} [[s:fr:Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen| Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen]]
* {{fr}} [[s:fr:Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen|Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen]]
* {{fr}} [[s:fr:Jane Austen (Rague)|Jane Austen, par Kate et Paul Rague (1914)]]


{{Jane Austen}}
{{Palette|Jane Austen|Orgueil et Préjugés}}
{{Portail|littérature|Royaume-Uni}}
{{Article potentiellement de qualité|oldid=49470830|date=1 février 2010}}


{{Portail|littérature britannique|Jane Austen|humour|années 1810}}

{{Article de qualité|oldid=50659079|date={{1er}} mars 2010}}

{{Wikipédia:Thèmes de qualité/Propositions/Jane Austen : les six grands romans}}
{{Wikipédia:Thèmes de qualité/Propositions/Orgueil et Préjugés}}

[[Catégorie:Orgueil et Préjugés| ]]
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[[Catégorie:Roman britannique adapté à la télévision]]
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[[Catégorie:Roman paru en 1813]]
[[Catégorie:Roman de Jane Austen]]
[[Catégorie:Roman de Jane Austen]]
[[Catégorie:Régence anglaise]]
[[Catégorie:Roman psychologique]]
[[Catégorie:Mariage dans la littérature]]

[[ar:كبرياء وتحامل]]
[[bg:Гордост и предразсъдъци]]
[[ca:Orgull i prejudici (novel·la)]]
[[cdo:Ngô̤-mâng gâe̤ng Piĕng-giéng]]
[[cs:Pýcha a předsudek]]
[[cy:Pride and Prejudice]]
[[da:Stolthed og fordom]]
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Pride and Prejudice

Orgueil et Préjugés[N 1]
Image illustrative de l’article Orgueil et Préjugés
Page de titre d'une édition illustrée par Hugh Thomson, 1894

Auteur Jane Austen
Pays Drapeau du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande Royaume-Uni
Genre Roman
Version originale
Langue Anglais
Titre Pride and Prejudice
Éditeur Thomas Egerton
Lieu de parution Londres
Date de parution 1813
Version française
Traducteur Pierre Goubert
Éditeur Gallimard
Date de parution 2007
ISBN 978-2-07-033866-5
Chronologie

Orgueil et Préjugés (Pride and Prejudice) est un roman de la femme de lettres anglaise Jane Austen paru en 1813. Il est considéré comme l'une de ses œuvres les plus significatives et est aussi la plus connue du grand public.

Rédigé entre 1796 et 1797, le texte, alors dans sa première version (First Impressions), figurait au nombre des grands favoris des lectures en famille que l'on faisait le soir à la veillée dans la famille Austen. Révisé en 1811, il est finalement édité deux ans plus tard, en janvier 1813. Son succès en librairie est immédiat, mais bien que la première édition en soit rapidement épuisée, Jane Austen n'en tire aucune notoriété : le roman est en effet publié sans mention de son nom (« par l'auteur de Sense and Sensibility ») car sa condition de « femme de la bonne société » lui interdit de revendiquer le statut d'écrivain à part entière.

Drôle et romanesque, le chef-d'œuvre de Jane Austen continue à jouir d'une popularité considérable, par ses personnages bien campés, son intrigue soigneusement construite et prenante, ses rebondissements nombreux, et son humour plein d'imprévu. Derrière les aventures sentimentales des cinq filles Bennet, Jane Austen dépeint fidèlement les rigidités de la société anglaise au tournant des XVIIIe et XIXe siècles. À travers le comportement et les réflexions d'Elizabeth Bennet, son personnage principal, elle soulève les problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la petite gentry campagnarde pour s'assurer sécurité économique et statut social. À cette époque et dans ce milieu, la solution passe en effet presque obligatoirement par le mariage : cela explique que les deux thèmes majeurs d'Orgueil et Préjugés soient l'argent et le mariage, lesquels servent de base au développement des thèmes secondaires.

Grand classique de la littérature anglaise, Orgueil et Préjugés est à l'origine du plus grand nombre d'adaptations fondées sur une œuvre austenienne, tant au cinéma qu'à la télévision. Depuis Orgueil et Préjugés de Robert Z. Leonard en 1940, il a inspiré quantité d'œuvres ultérieures : des romans, des films, et même une bande dessinée parue chez Marvel Comics.

Dans son essai de 1954, Ten Novels and Their Authors, William Somerset Maugham le cite en seconde position parmi les dix romans qu'il considére comme les plus grands. En 2013, Le Nouvel Observateur, dans un hors-série consacré à la littérature des XIXe et XXe siècles, le cite parmi les seize titres retenus pour le XIXe siècle, le considérant comme « peut-être le premier chef-d'œuvre de la littérature au féminin »[1].

Choix du titre

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Première de couverture de 1813
Page de titre de l'édition originale de Pride and Prejudice, 1813. Le nom de Jane Austen n'y apparait pas, car le roman y est annoncé comme écrit « par l'auteur de Sense and Sensibility ».

De First Impressions à Pride and Prejudice

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"Pride and Prejudice" n'est pas le titre initial ; le premier jet d' (Jane Austen a alors 21 ans) s'intitule First Impressions (Premières impressions), mais en le roman est publié par l'éditeur Egerton sous son nom définitif.

Même si l'expression « Pride and Prejudice » apparaît pour la première fois sous la plume d'Edward Gibbon, dans son ouvrage Decline and Fall of the Roman Empire[2], et est employée assez couramment à l'époque[3] c'est en hommage à Cecilia de Fanny Burney (publié en 1782) que Jane Austen aurait finalement retenu ce titre : l'expression pride and prejudice apparaît en effet textuellement dans la conclusion morale du roman de Fanny Burney[4] où l'on peut lire ça :

« The whole of this unfortunate business, said Dr. Lyster, has been the result of PRIDE and PREJUDICE[5].
Toute cette malheureuse affaire, déclara le Dr Lyster, a été le résultat de l'orgueil et des préjugés. »

— Fanny Burney, Cecilia, chapter X, A Termination[6].

De nombreuses ressemblances existent entre les personnages de Pride and Prejudice et ceux de Cecilia : Darcy, sa tante Lady Catherine de Bourgh et Elizabeth Bennet dans le premier roman font penser respectivement à Delvile, son père, et Cecilia Beverley dans le second, dont l'intrigue même offre aussi quelques similitudes avec celle de Pride and Prejudice[4].

Comme pour Sense and Sensibility (Raison et Sentiments), publié deux ans auparavant, Jane Austen trouve plaisant dans ce titre l'allitération créée par les consonnes initiales communes, qui renforce cette expression dont les deux mots sont, à l'époque, toujours associés et non, comme on pourrait le croire, mis en balance[3].

Traductions en français

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Les traductions françaises, depuis celle - très incomplète et infidèle[N 2] - établie par la Bibliothèque britannique de Genève entre juillet et [7] sous le titre Orgueil et Préjugé, nombreuses (plus d'une douzaine à ce jour), prouvent l'intérêt précoce pour Jane Austen en France, et le défi qu'elle représente pour le traducteur[8],[9]. D'ailleurs, en dehors des différentes traductions françaises, seule la traduction allemande de 1830, Stolz und Vorurtheil (sic), a été effectuée au XIXe siècle, toutes les autres étant plus tardives[10].

Évolution des traductions et de la typographie du titre en français :

  • Orgueil et Prévention : par l'auteur de « Raison et Sensibilité », traduit de l'anglais par Mlle E…*** (Eloïse Perks[11], « jeune anglaise élevée à Londres »[10]) en 1821, chez Pigoreau[12]. Il s'agit là de la première traduction complète de l'œuvre (celle de 1813 ayant simplement résumé de très nombreux passages[13]) ;
  • Orgueil et Préjugé : par l'auteur de « Raison et sensibilité », Paris, chez J.-J. Paschoud, en 1822 (sans nom de traducteur) ;
  • Les Cinq Filles de Mrs Bennet[N 3], à Paris, chez Plon en 1932. Cette traduction de Valentine Leconte et Charlotte Pressoir, élégante mais non intégrale, est régulièrement rééditée en 10/18, mais avec le titre Orgueil et Préjugés[14] ;
  • Orgueil et préjugés, pour la traduction d'Eugène Rocart en 1945 (Éditions La Boétie, Bruxelles) et celle de Jean Privat en 1946 (aux Éditions des Loisirs, reprise par Archipoche en 2010)[15] ;
  • Orgueil et Préventions, traduction de R. Shops et A.-V. Séverac en 1946 à Bruxelles (« Le Carrefour ») illustrée par Charles Smets ;
  • L'Orgueil et le Préjugé, traduction de Jules Castier, aux éditions Stock, en 1947[16] ;
  • Orgueil et préjugés, traduction pour la jeunesse de Germaine Lalande, avec des illustrations de M. L. Blondi, chez Hazar à Paris, en 1948 ;
  • Orgueil et préjugés, traduction de Luce Clarence en 1954, chez Tallandier, à Paris, collection « Les Heures Bleues » ;
  • Jean Paul Pichardie, en 2000, reprend le titre Orgueil et préjugé, pour sa traduction dans La Pléiade[17] comme Béatrice Vierne, en 2004 aux Éditions du Serpent à plumes[18] (rééditée en 2006 par les Éditions du Rocher dans la série Motifs) ;
  • Les traductions plus récentes, celle de Pierre Goubert[19] en 2007 pour Folio Classique[20], celle de Laurent Bury en 2010 pour GF-Flammarion[21], et celle de Sophie Chiari en 2011 pour Le Livre de poche[22], reprennent toutes le titre Orgueil et préjugés.
  • La traduction de Michel Laporte, pour le Livre de Poche jeunesse (édition condensée, 2011)[23], garde aussi ce titre, mais en remettant une majuscule à Préjugés[N 4].

Publication et accueil de l'œuvre

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Le manuscrit

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Écrit entre et , dans une période d'intenses débats d'idées, First Impressions devient très vite le favori de la famille Austen lors des lectures du soir. Le , George Austen, le père de Jane, adresse un courrier à l'éditeur londonien bien connu Thomas Candell, lui proposant de lui envoyer le manuscrit pour publication. Sans doute cependant sa description de l'ouvrage est-elle trop succincte et peu convaincante, puisque sa lettre lui revient avec la mention « refusé par retour du courrier » (declined by Return of Post)[24].

On continue après ce refus à relire souvent le manuscrit en famille, puis il reste en sommeil pendant une quinzaine d'années jusqu'à la publication et au succès d'estime de Sense and Sensibility (Raisons et Sentiments), en 1811. Jane Austen reprend son roman entre et l'automne 1812[N 5], et change son titre, First Impressions en Pride and Prejudice, car en 1801 est sorti un roman de Mrs Holford, lui-même intitulé First Impressions[24].

Comme rien ne subsiste du manuscrit originel, on en est réduit aux conjectures. Le grand nombre de lettres dans le roman définitif fait supposer que First Impressions était un roman épistolaire[N 6]. La présentation en trois tomes et l'abondance des dialogues et des coups de théâtre évoquent la comédie[N 7], et de nombreux passages sont construits comme de vraies scènes de théâtre[N 8].

Jane Austen fait simplement remarquer à sa sœur Cassandra, dans la lettre datée du , qui contient ses premières réactions sur l'ouvrage imprimé, qu'elle a « si bien réussi à élaguer et tailler » son manuscrit (selon son expression « I have lop't and crop't so successfully »)[24] qu'elle « pense qu'il doit être plutôt plus court que Sense and Sensibility ».

Parution et accueil

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Première page de revue, précisant le n°, l'année, et qu'elle contient des extraits littéraires
Première traduction française (d'extraits) 1813

Premiers succès

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Elle propose le manuscrit à un autre éditeur londonien, Thomas Egerton, de Whitehall. Elle en demandait 150 livres sterling, il l'accepte pour 110 livres. Publié anonymement (« par l'auteur de Sense and Sensibility »[N 9], le roman sort à la fin du mois de , en trois volumes (three-decker, roman « à trois-ponts »), pour un prix total de 18 shillings[28]. Jane Austen suit de près la parution de son « cher enfant » dont elle a reçu un exemplaire le [N 10].

Le succès est plus grand que celui de Sense and Sensibility et la première édition de 1 500 exemplaires est épuisée au bout de six mois. Une deuxième sort en novembre, en même temps qu'une seconde de Sense and Sensibility. Il y en aura une troisième en 1817. Ce succès est cependant relatif : les mille exemplaires de la première édition du roman historique de Walter Scott Waverley sont épuisés en deux jours, et il est réédité quatre fois dans la seule année 1814 et Rob Roy, du même auteur, se vend à dix mille exemplaires en quinze jours en 1817[29].

Les amateurs de romans « réalistes » apprécient. En mai, Annabella Milbanke (la future Lady Byron) en fait une critique élogieuse, et conseille le livre à sa mère. Mary Russell Mitford est beaucoup plus réservée[N 11]. Un article publié en octobre 1815 dans la Quarterly Review, qui est aussi le premier article à paraître dans cette revue concernant l'œuvre de Jane Austen, loue la profondeur de la connaissance du cœur humain et la « dextérité dans l'exécution »[31], de cet auteur anonyme dont certains se demandent s'il s'agit vraiment d'une femme, compte tenu de ses qualités de style, et malgré sa bonne connaissance de la psychologie féminine[29]. Sir Walter Scott, fervent admirateur de Jane Austen, dont il louait la faculté d'étudier une réalité banale et d'en faire ressortir la véritable nature, note le dans son journal : « Ai relu, au moins pour la troisième fois, le roman si finement écrit de Miss Austen »[32] ajoutant : « Cette jeune dame a, pour décrire les complications, les sentiments et les caractères de la vie commune, un talent qui, à mon goût, est le plus admirable que j'ai rencontré. Car le style à grand fracas, j'y réussis moi-même aussi bien que quiconque, mais cette touche exquise qui rend intéressantes des choses et des personnes quelconques ou triviales, par la seule vérité de la description et du sentiment m'est refusé. Quel dommage qu'une créature aussi douée soit morte si tôt ! »[31].

La première traduction en français (abrégée et anonyme), Orgueil et Préjugé, paraît à Genève à la Bibliothèque britannique dès , suivie en 1822 de celle d'E. Perks, Orgueil et Prévention[33]. La réédition anglaise de 1817, la traduction allemande de 1830 (Stolz und Vorurteil) et la première édition américaine de 1832[N 12] ne comportent toujours pas de nom d'auteur. Il faut attendre 1833 pour qu'apparaisse le nom de l'auteur en Angleterre, dans l'édition en deux volumes des Standard Novels Series de Richard Bentley. Sa discrétion[N 13] et celle de sa famille, ainsi que sa mort prématurée, l'ont desservie, et la période romantique l'a quelque peu méprisée.

En gros, sous le nom de l'auteur, le titre français, en plus petit, le titre anglais, puis le nom des traductrices
Page de titre de l'édition française de 1932.

L'éclipse romantique

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Ainsi Charlotte Brontë ne comprend pas pourquoi George Lewes[N 14] aime tant cet auteur et ce roman. Elle-même n'y a vu que « la photographie exacte d'une figure banale, un jardin parfaitement entretenu, soigneusement clôturé, aux bordures nettes, avec des fleurs fragiles ; mais pas l'once d'une physionomie lumineuse et enjouée, pas de campagne ni d'air frais, ni de collines bleues, ni de plaisant ruisseau ». Elle n'aimerait pas trop « vivre avec ses personnages dans leurs maisons élégantes mais confinées »[34].

La « traversée du désert » continue une partie du siècle : ses détracteurs sont souvent féroces[35]. D.H. Lawrence la considère comme une vieille fille mesquine et snob, et Mark Twain écrit le  : « Chaque fois que je lis Pride and Prejudice, je n'ai qu'une envie : la déterrer et lui frapper le crâne avec son propre tibia » ou encore, le , que la prose de Jane Austin (sic) est « illisible » [36]. L'écrivain britannique Arthur Machen est aussi sévère, affirmant dans Hieroglyphics: A Note upon Ecstasy in Literature, publié en 1902, que « Jane Austen est à Sophocle ce qu'une porcherie est à une cathédrale »[37].

En 1870 cependant A Memoir of Jane Austen, publié par son neveu James Edward Austen-Leigh, relance l'intérêt pour l'œuvre comme pour l'auteur. La critique française la découvre alors et s'intéresse à son œuvre : Léon Boucher, en 1878, écrit dans la Revue des deux Mondes[38] : « Si ses contemporains autrefois célèbres eurent du talent, elle seule eut du génie », et n'hésite pas à la comparer à Flaubert. En 1908, M. Clément[39] la compare à Anatole France et « évoque son charme si subtil qu'on ne le goûte qu'en la lisant et la relisant ». Il fait une brève analyse de Orgueil et Parti Pris dont « les personnages n'ont rien d'exceptionnel, sinon la puissance avec laquelle ils sont créés par l'artiste qui s'en amuse ».

Le succès grandissant

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Le XXe siècle lui rend finalement justice. William Dean Howells, Henry James et Rudyard Kipling l'admirent beaucoup. Virginia Woolf la compare à Shakespeare. Dans le monde anglo-saxon le chef-d'œuvre de Jane Austen, continue à jouir d'une popularité considérable par son intrigue romanesque[40] aux rebondissements nombreux, soigneusement construite et prenante[41], mais aussi par la vivacité du style, l'ironie mordante ou malicieuse de l'auteur[42] et son humour plein d'imprévu[43], que les traductions peinent à rendre.

Les personnages sont bien campés (rounded characters[44],[45]), en particulier Elizabeth dont la force de caractère, la vivacité d'esprit et l'énergie parlent aux lecteurs modernes. D'abord ceux qui, comme elle, ont vécu une période de guerre[N 15] puis, plus récemment, ceux qui ont découvert Orgueil et Préjugés à travers ses nombreuses rééditions, ou ses adaptations au cinéma et à la télévision[46]. On ne compte plus les études[47] sur l'auteur et sur son roman le plus célèbre[N 16]. Aujourd'hui où « Austen est devenue une industrie mondiale »[48], la notoriété de son roman le plus connu[49], le plus réédité, le plus traduit (dans 35 langues), le plus souvent adapté, et le mieux aimé[N 17], a désormais largement débordé le monde anglo-saxon[50].

Roman de « développement personnel » (conduct novel), roman didactique (contrast novel), roman psychologique, roman sentimental (romance novel), il se présente en trois parties, trois actes pourrait-on dire[51], correspondant aux trois tomes de l'édition originale, et suivant la trame de la comédie romantique, comme Beaucoup de bruit pour rien, de William Shakespeare[52].

Tome I (22 chapitres)

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À Longbourn, petit bourg du Hertfordshire, sous le règne du roi George III, Mrs Bennet est déterminée à marier ses cinq filles afin d'assurer leur avenir[53], compromis par certaines dispositions testamentaires. Lorsqu'un riche jeune homme, Mr Bingley, loue Netherfield, le domaine voisin, elle espère vivement qu'une de ses filles saura lui plaire assez pour qu'il l'épouse. Malheureusement il est accompagné de ses deux sœurs, Caroline et Louisa, plutôt imbues d'elles-mêmes, et d'un ami très proche, Mr Darcy, jeune homme immensément riche, propriétaire d'un grand domaine dans le Derbyshire, mais très dédaigneux et méprisant envers la société locale.

gravure colorisée. Une jeune fille assise seule, est regardée de haut par un homme au second plan
« Elle est passable, mais pas assez belle pour me tenter », dit Mr. Darcy. C. E. Brock (Pride and Prejudice, 1895).

Elizabeth observe avec amusement ce petit monde. Si elle apprécie le charmant Mr Bingley, elle est irritée par le fier Mr Darcy qui à leur première rencontre, au cours du bal organisé dans le bourg voisin de Meryton, a refusé assez impoliment de danser avec elle, même si elle en plaisante en disant : « Je pourrais facilement lui pardonner son orgueil s'il n'avait mortifié le mien » (I could easily forgive his pride, if he had not mortified mine[54]). De là naît le « préjugé » qu'elle nourrit contre lui ; préjugé que le séduisant Wickham, officier récemment arrivé qui connaît Darcy depuis l'enfance, entretient soigneusement par ses fausses confidences.

Ayant donc des motifs personnels pour détester Darcy, elle se montre à la limite de l'insolence lorsque celui-ci, qui apprécie de plus en plus sa vivacité et son intelligence, cherche à mieux la connaître. Elle observe avec plaisir l'évolution des sentiments de sa sœur préférée pour Bingley, et prête une oreille attentive au beau Wickham qui ne la laisse pas indifférente. Il lui faut aussi garder son sang froid devant le ridicule Mr Collins, ce cousin qui héritera de leur propriété de Longbourn à la mort de Mr Bennet, selon le principe de l’entail. Récemment nommé recteur de Hunsford, dans le Kent, il cherche à prendre femme, comme le lui a conseillé Lady Catherine de Bourgh, sa protectrice, et a jeté son dévolu sur Elizabeth, à la grande satisfaction de Mrs Bennet, qui voit déjà ses deux aînées mariées.

Au cours du bal organisé à Netherfield où il invite Elizabeth à danser, Darcy se rend compte que le mariage de Bingley avec Jane Bennet est considéré comme pratiquement acquis par la société locale, et avec l'aide de Miss Bingley qui, comme lui, le considère comme une mésalliance, convainc Charles Bingley de passer l'hiver à Londres. Mrs Bennet voit donc s'écrouler tous ses projets matrimoniaux : Bingley est parti et Mr Collins, refusé par Elizabeth, a demandé la main de sa meilleure amie, Charlotte Lucas.

Tome II (19 chapitres)

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Caroline Bingley, dans une lettre à sa « chère Jane » anéantit tout espoir : elle lui confirme qu'ils ne retourneront pas à Netherfield et avoue perfidement son souhait de voir son frère épouser la jeune sœur de Darcy. Wickham dénigre ouvertement Darcy maintenant que ce dernier est parti. Collins épouse Charlotte et l'emmène dans le Kent. Les Gardiner viennent passer Noël chez les Bennet et repartent avec leur nièce Jane à Londres où ils habitent[53]. La rancœur d'Elizabeth augmente au cours de l'hiver, car Jane, à Londres, n'a aucune nouvelle de Bingley, et elle est persuadée que Darcy en est responsable. Elle le rencontre sans plaisir à Pâques, chez Lady Catherine de Bourgh (qui se trouve être sa tante), Charlotte l'ayant invitée à passer quelques semaines au presbytère. Aussi, lorsque Darcy — qui, à sa grande surprise, est tombé amoureux d'elle — la demande en mariage (avec hauteur et condescendance, car il a le sentiment de déchoir en s'alliant à une famille de condition si inférieure à la sienne, et il ne s'en cache pas), elle le refuse tout net, lui reprochant son orgueil et sa vanité, affirmant qu'elle n'épousera jamais l'homme qui a empêché le bonheur de Jane et a honteusement traité Wickham.

Illustration en frontispice du tome 2
Elizabeth apprend à son père ce que Mr Darcy a fait pour Lydia (illustration de l'éd. Bentley, 1833).

Darcy choisit alors de se justifier et explique dans une longue lettre les motifs de son ingérence dans l'idylle de Jane et Bingley : il reconnaît qu'il n'a pas hésité à écarter son ami de Miss Bennet et lui a caché qu'elle était à Londres. Il a pris sa réserve pour de l'indifférence, mais l'obstacle essentiel est, à ses yeux, le comportement et les relations de sa famille. Il détaille ensuite longuement les motifs de son attitude à l'égard de Wickham : ce compagnon d'enfance, joueur, fourbe et dépravé, coureur de dot, a failli réussir l'été précédent à persuader sa sœur Georgiana, âgée de quinze ans, de s'enfuir avec lui.

Elizabeth découvre ainsi avec consternation que Jane, pourtant irréprochable elle-même, a fait les frais de la vulgarité de sa mère et de ses jeunes sœurs et qu'elle-même s'est laissé aveugler par sa vanité blessée. À la lumière de ces révélations, elle est forcée de revoir son opinion et ses sentiments pour Darcy. Mais ces confidences, qu'elle ne peut pas entièrement partager avec Jane, pèsent sur son moral ; et elle ne peut pas davantage expliquer à son père pourquoi il lui paraît si peu judicieux que Lydia accompagne le régiment dans ses quartiers d'été à Brighton. Néanmoins elle se réjouit de faire un voyage au cours de l'été avec les Gardiner dans le Derbyshire et se laisse convaincre par sa tante de visiter Pemberley.

Tome III (19 chapitres)

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La visite du beau domaine de Pemberley[53] l'enchante et lui présente Darcy sous un jour très différent, car il y est connu et aimé comme étant un maître généreux et bienveillant. Au cours d'une rencontre imprévue, il se montre aimable avec les Gardiner et lui présente sa sœur. Mais Elizabeth reçoit des nouvelles alarmantes de Longbourn : Lydia s'est enfuie avec Wickham. Il faut rentrer sans délai. Elle est persuadée que cette dernière épreuve va amener Darcy à définitivement renoncer à son attirance pour elle. Or elle apprend qu'il est intervenu pour sauver Lydia et obliger Wickham à l'épouser, puis découvre qu'il « a permis » à Bingley de renouer avec Jane ; elle accepte alors ses sentiments pour lui et finit par accueillir avec joie le renouvellement de sa demande en mariage.

Le dernier chapitre traite de l'avenir des protagonistes : Lydia et Wickham vivent au jour le jour, toujours endettés, quémandant sans cesse de l'argent à Jane et Elizabeth qui ouvrent leur bourse personnelle ; à Pemberley, les Darcy vivent heureux avec Georgiana ; Darcy pardonne à Lady Catherine le mal qu'elle a dit d'Elizabeth ; les Bingley, pour échapper à Mrs Bennet et aux commérages oppressants de Meryton, achètent un domaine proche du Derbyshire, à la grande joie d'Elizabeth ; Kitty passe le plus clair de son temps chez ses aînées où elle côtoie une société plus distinguée ; Mr Bennet s'invite à l'improviste et les Gardiner sont toujours les bienvenus.

Personnages

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La société décrite par Jane Austen est un microcosme étriqué : cela est inévitable dans la mesure où les relations sociales sont tributaires des difficultés de transport dans l'Angleterre rurale d'alors[N 18]. La plupart des personnages sont liés à la famille Bennet de Longbourn par des liens familiaux ou de voisinage. La venue des Bingley et de Darcy et la présence de la Milice vont cependant introduire des protagonistes extérieurs à ce milieu ; et l'amitié qui lie Elizabeth Bennet à Charlotte Lucas va élargir le cercle à Lady Catherine de Bourgh, la tante de Darcy, et créer des occasions de nouvelles interférences[55].

Les personnages principaux

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Elizabeth Bennet

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Elizabeth, Lizzy pour sa famille, est le personnage principal d'Orgueil et Préjugés, celle dont le point de vue est privilégié, et la seconde des cinq filles. Elle est gracieuse, intelligente, spirituelle et la favorite de son père[56].

Sa mère la considère comme « beaucoup moins belle que Jane »[57] mais Mr Darcy admire « la profondeur et l'intelligence de ses yeux sombres »[58]. Elle se fait aussi remarquer par son énergie et son goût pour les longues promenades solitaires, notamment dans le parc de Rosings. Elle partage avec Jane, son aînée de deux ans, des affinités de caractère qui tissent entre les deux sœurs des liens profonds d'affection et de dévouement[59], et fait preuve, comme elle, d'une distinction qui manque complètement au reste de la famille Bennet.

Elizabeth paraît sûre de son jugement sur les autres et n'est guère intimidée par le rang social des personnes qu'elle rencontre, qu'il s'agisse de la hautaine et prétentieuse Lady Catherine de Bourgh ou de l'orgueilleux et dédaigneux Monsieur Darcy. Elle prend le risque de refuser deux offres de mariage qui assureraient son avenir matériel, car elle attend du mariage non pas la sécurité mais « un vrai et solide bonheur »[60]. Elle commence à douter d'elle-même lorsqu'elle découvre combien elle s'est trompée sur Darcy et sur Wickham et ne retrouve tout son entrain et sa joie de vivre que le jour où son père donne son consentement à son mariage avec l'homme qu'elle a appris à aimer et estimer.

Photo. Château avec rivière, larges pelouses et colline boisée
Chatsworth House. Pour un certain nombre de critiques, c'est le modèle du château de Pemberley[61].

Le second protagoniste du roman est Fitzwilliam Darcy, que l'on nomme généralement Mr Darcy[62],[N 19]. Jeune homme de 27 ans, fier, voire hautain, peu loquace et cassant, il suscite l'animosité d'Elizabeth dès leur première rencontre à Meryton. Apprendre qu'il aurait lésé George Wickham, découvrir qu'il a éloigné Charles Bingley de Jane, cela ne fait qu'attiser l'hostilité d'Elizabeth, sans la surprendre tant elle est prévenue contre lui.

Monsieur Darcy est le maître du splendide domaine de Pemberley[N 20] dans le Derbyshire et le neveu préféré de Lady Catherine de Bourgh, la protectrice de Mr Collins. Il est obligé de revenir peu à peu sur les jugements peu charitables qu'il a portés sur Elizabeth et se sent très attiré par elle ; elle est la seule personne étrangère à son cercle d'amis avec qui il sort de sa réserve[64] et aborde des sujets sérieux. L'amour grandissant qu'il lui porte l'amène à la demander en mariage malgré toutes les préventions qu'il a contre sa famille et, au lieu d'être découragé par son refus déterminé, à expliquer ses actes, prendre sérieusement en compte ses critiques, au point de réformer son comportement, lutter contre ses préjugés et même prendre le risque d'un second refus[65]. C'est le personnage masculin le plus complexe et le plus élaboré de tous les romans de Jane Austen[66].

La famille Bennet

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Gravure. Un couple âgé assis et cinq jeunes filles, dont une debout
La famille Bennet au complet.
Illustration de Hugh Thomson, 1894.

Propriétaire du petit domaine de Longbourn, donc membre de la petite gentry provinciale et gentleman, Mr Bennet[N 21] est un pince-sans-rire doté d'un incontestable sens de l'humour, qui ne manque jamais de plaisanter sur la sottise de ses trois plus jeunes filles[67]. Il souffre de l'inconséquence et de la vulgarité de sa femme, et n'en apprécie que plus les bonnes manières de ses deux aînées et l'esprit affûté de Lizzy. Parfaitement conscient des insuffisances du reste de sa famille, par négligence, indolence ou désir égoïste d'avoir la paix et d'éviter tout conflit avec sa femme, il se dérobe à ses responsabilités paternelles. Ayant épousé une femme apparemment dotée d'une heureuse nature, mais dont il a rapidement découvert l'esprit étroit et le manque de jugement, il a pris l'habitude de se réfugier dans sa bibliothèque, au milieu de ses livres[68],[62].

Mère de cinq filles, jolies certes, mais sans aucun héritage à espérer, elle est obsédée par l'impérieuse nécessité de les marier, en leur trouvant de préférence un prétendant fortuné. Elle ne manque d'ailleurs pas d'une certaine habileté pratique pour parvenir à ses fins. Mais sa vulgarité, sa prétention et sa sottise[69] la poussent à se vanter publiquement des mariages avantageux qu'elle espère pour ses filles et à ne pas tenir compte des remarques de bon sens d'Elizabeth… ce qui entraîne le mépris de Darcy, et par voie de conséquence, l'effondrement de ses projets matrimoniaux pour sa fille Jane. Frivole, égoïste, facilement rancunière, elle n'aime pas beaucoup Elizabeth, adore sa benjamine, Lydia, qui lui ressemble beaucoup, au point de tout lui passer, invoque, en cas de difficultés, le prétexte de ses « pauvres nerfs » et parle beaucoup pour ne rien dire[62].

Jane Bennet

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Miss Bennet[N 22] a vingt-deux ans. D'une grande beauté, de manières irréprochables, raisonnable, toujours prête à juger en bien autrui (elle est la seule à ne pas avoir de préjugés), elle assume avec sérieux son rôle d'aînée[70]. Elle tombe amoureuse de Charles Bingley, qui semble l'apprécier beaucoup et dont les deux sœurs se montrent très amicales, mais comme elle est discrète et peu expansive, son attachement naissant n'est pas reconnu pour ce qu'il est par Mr Darcy, et Caroline Bingley fait tout pour la décourager. Seule Elizabeth, qui connaît parfaitement sa sœur « très aimée » et partage ses soucis et ses responsabilités[70], a conscience de la profondeur de ses sentiments et de sa souffrance[N 23],[62] lorsque le jeune homme s'éloigne d'elle.

Mary Bennet

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Bien que l'on ne sache pas son âge, on peut l'estimer entre dix-huit et dix-neuf ans. C'est la troisième des filles de Mr et Mrs Bennet, et la seule à n'être pas jolie. Elle a donc cherché d'autres façons de se faire remarquer. Si elle lit beaucoup, elle n'a guère tiré parti de ses lectures[67], car elle a l'esprit étroit, et aime asséner à ses proches des vérités profondes, qui ne sont souvent que des lieux communs. Elle travaille beaucoup son piano, mais, n'ayant « ni génie ni goût », joue comme elle parle, de façon pédante et ampoulée[72].

Catherine (Kitty) Bennet

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Catherine, l'avant-dernière des cinq filles Bennet, a dix-sept ans au début du roman. Elle est frivole, superficielle et ignorante. D'un caractère faible, elle se laisse entraîner par Lydia, sa jeune sœur, dont elle est jalouse, mais dont elle admire l'aisance et l'assurance, sans voir l'impropriété de ses manières. Une fois séparée de Lydia et fréquemment invitée par ses deux aînées après leur mariage, elle évolue favorablement[70].

Lydia Bennet

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La benjamine des sœurs Bennet a quinze ans au début du roman. Frivole et superficielle, enjouée, impulsive et déterminée, peu intelligente et égoïste, elle est le parfait portrait de sa mère au même âge ; elle rit facilement aux éclats, ce qui n'est pas un signe de bonne éducation[64]. Sa seule préoccupation est de flirter avec les jeunes officiers de la milice (dans l'espoir d'obtenir le statut envié de femme mariée avant ses aînées[73]) et de profiter de tous les plaisirs qu'offrent les bals, les loteries ou les parties de cartes. Elle n'écoute personne, n'a aucun sens des convenances, et s'enfuit avec Wickham, dont elle s'est entichée, persuadée qu'il va l'épouser, sans se soucier des conséquences de son acte, ni pour elle-même ni pour la bonne réputation de ses sœurs. Caricature de l'héroïne romantique, elle a un comportement qui met en danger le reste de sa famille.

Mr et Mrs Gardiner

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Gravure colorisée. Un clergyman s'incline gravement devant un homme dédaigneux
Mr Collins se présente à Mr Darcy au bal de Netherfield. C. E. Brock, 1895.

Edward Gardiner est le frère de Mrs Bennet et Mrs Philips[69]. Il est cultivé, intelligent, et d'une distinction de manières (« gentlemanlike manners »)[N 24] qui surprend agréablement Darcy, eu égard à la vulgarité de ses sœurs. Sa femme est fine, élégante, discrète, raisonnable, observatrice, suffisamment jeune pour avoir encore des enfants[74], et a vécu à Lambton, non loin de Pemberley, avant son mariage. Personnages-clés dans les relations entre Darcy et Elizabeth, dans le schéma actantiel, ce sont des adjuvants.

Les activités professionnelles de Mr Gardiner, qui travaille et habite dans la City, leur procurent des revenus confortables, mais ils habitent un quartier considéré comme infréquentable par les sœurs de Bingley. Ils ont quatre enfants (deux filles de huit et six ans et deux garçons plus jeunes) et sont proches des deux aînées Bennet, qui viennent souvent chez eux à Londres : Jane passe l'hiver chez eux, et ils emmènent Elizabeth dans leur voyage d'agrément dans le Derbyshire.

Mrs Phillips (ou Philips)

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Sœur d'Édouard Gardiner et de Mrs Bennet[69], elle a épousé l'ancien clerc et successeur de leur père comme avoué à Meryton. Sa situation et son goût immodéré pour les commérages font d'elle une source précieuse d'informations pour ses plus jeunes nièces.

Ce cousin éloigné de Mr Bennet doit hériter de Longbourn à sa mort, puisque, soumise à l'entail, la propriété n'est pas transmissible aux filles, ce qui lui vaut l'inimitié de Mrs Bennet. Mr Collins est un jeune clergyman peu séduisant, peu intelligent, mais sûr de lui, pompeux et prétentieux. Sommé par sa patronne et protectrice, Lady Catherine de Bourgh, à laquelle il est tout dévoué, de se marier rapidement, il arrive à Longbourn avec l'intention d'épouser l'une de ses cousines, pour, en quelque sorte, atténuer le préjudice qu'il doit leur causer. Il jette d'abord son dévolu sur Jane, puis réoriente son choix sur Elizabeth, qui refuse, mi-irritée, mi-amusée par sa déclaration, et enfin s'imagine amoureux de Charlotte Lucas. Jane Austen en fait un personnage très caricatural[N 25].

Les Bingley

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Ces trois personnages, Mr Bingley et ses deux sœurs, Mrs Hurst et Miss Bingley, font partie de l'entourage de Mr Darcy.

Charles Bingley

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Fils d'un homme qui a fait fortune dans le commerce mais n'a pas vécu assez longtemps pour investir sa fortune dans une propriété et ainsi monter dans la hiérarchie sociale, Bingley loue Netherfield, en attendant de trouver un domaine à acheter. Bingley étant un nom du Yorkshire[N 26], il est à présumer que la fortune familiale s'est faite dans le textile ; soit dans le commerce de la laine, peut-être dans la Maison du tissu (Cloth Hall) à Leeds[76], soit dans la florissante industrie du coton[77].

Grand ami de Darcy, mais plus jeune que lui[N 27], il est gai, expansif, toujours de charmante humeur, assez insouciant, modeste, et il tombe facilement amoureux. Il est immédiatement conquis par la beauté et la douceur de Jane Bennet. D'une nature influençable cependant, il fait confiance à son ami, qui réussit à l'en éloigner, persuadé que Jane ne l'aime pas véritablement et surtout qu'il serait déplorable de s'allier aux Bennet. Mais Bingley n'arrive pas à oublier Jane, et lorsqu'il revient à Netherfield, officiellement pour la saison de la chasse, il en profite pour renouer avec elle[62].

Caroline Bingley

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Miss Bingley est la plus jeune des deux sœurs, et probablement la plus jeune de la famille[N 28]. Élevée, comme sa sœur ainée, dans une pension huppée et prestigieuse de Londres[N 29], elle espère se marier dans la bonne société et cherche à faire oublier que la fortune familiale a été acquise dans le commerce, ce qui explique son mépris pour la parenté de Jane Bennet : un oncle avoué à Meryton, un oncle négociant à Londres. Dans le schéma actanciel, elle joue le rôle d'un opposant.

Elle a soif de statut et un caractère intéressé[81] : elle aimerait que son frère épouse Georgiana Darcy, ce qui faciliterait le mariage dont elle rêve avec Mr Darcy, et sacrifie volontiers l'amitié condescendante qu'elle éprouve pour Jane, afin d'empêcher son frère de la revoir lorsqu'elle séjourne à Londres. Elle découvre avec étonnement et inquiétude que, malgré la verve moqueuse qu'elle déploie à l'encontre d'Elizabeth, Darcy montre beaucoup d'intérêt pour cette dernière ; sa jalousie la pousse alors à se montrer très impolie avec elle et à la dénigrer systématiquement.

Mais, comme elle ne voulait pas se fermer la porte de Pemberley, elle « liquida tout son arriéré de politesse vis-à-vis d'Elizabeth » (paid of every arear of civility to Elizabeth) après son mariage avec Darcy, ironise Jane Austen[82].

Louisa Hurst, née Bingley, l'aînée de la fratrie, est un personnage assez effacé, dans l'ombre de sa cadette. Bien dotée (20 000 £), elle a pu épouser un homme de la bonne société. Ce gentleman, peu fortuné mais propriétaire d'une résidence londonienne, a des centres d'intérêt particulièrement limités : les cartes, la chasse, la bonne chère… et les siestes sur le sofa[83], quand aucune des autres activités n'est possible.

Gravure. Un clergyman ridicule tient la main d'une jeune fille rougissante
Mr Collins demande la main de Charlotte. (Dessin de Hugh Thomson, 1894)

Les Lucas sont une famille relativement nombreuse, ce qui peut expliquer le peu de fortune laissé à Charlotte[84]. Jane Austen, outre Charlotte et Maria, cite des sœurs plus jeunes et des garçons dont l'âge et le nombre ne sont pas mentionnés.

Charlotte Lucas

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Grande amie d'Elizabeth Bennet, elle est la fille aînée de Sir William Lucas. Charlotte est une fille sensée et intelligente, mais sans charme (« plain »). Âgée de 27 ans, elle craint de rester vieille fille et de devenir « une charge bien lourde pour ses parents ». Elle se voit sans avenir, et profite habilement du dépit de Mr Collins, vexé du refus d'Elizabeth, pour détourner vers elle son désir de mariage. Elizabeth est stupéfaite de sa décision car elle n'a jamais voulu voir ce côté calculateur et matérialiste de son amie[85]. Charlotte a une conception assez cynique du mariage : pragmatique, elle n'en attend que la sécurité financière et une maison confortable ; elle se satisfait de vivre au presbytère de Hunsford, près de Rosings Park, et de s'occuper de son propre foyer[86], en dirigeant adroitement son mari. Mais, fille de commerçant ayant épousé un pasteur assuré d'hériter d'un domaine, elle bénéficie, à un échelon moindre, d'une ascension sociale semblable à celle d'Elizabeth[87].

Sir William Lucas

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Ayant été élevé à la dignité de chevalier par le roi à l'époque où il était maire de Meryton, cet ancien commerçant a pris des idées de grandeur : il a quitté les affaires et s'est retiré dans une petite propriété près de Longbourn qu'il a pompeusement baptisée Lucas Lodge[88]. Il fait allusion chaque fois qu'il le peut à sa réception à la Cour. Il fait partie de la galerie de personnages dont Jane Austen souligne le ridicule, mais il n'est ni méchant ni arrogant.

Maria Lucas

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Maria Lucas est une des sœurs cadettes de Charlotte. Elle est décrite au chapitre 27 comme une adolescente de caractère enjoué, mais aussi « écervelée » que son père (a good-humored girl, but as empty-headed as himself[89]). Elle accompagne Sir Lucas et Elizabeth lors de la visite qu'ils rendent à Charlotte, récemment mariée, à Hunsford dans le Kent. Durant le voyage, sa conversation, comme celle de son père, se révèle sans intérêt et même « aussi pénible que le grincement des roues de la voiture » (« [they] had nothing to say that could be worth hearing, and were listened to with about as much delight as the rattle of the chaise »[89]). On peut donc faire le parallèle entre le caractère de ce personnage et celui de ses amies Catherine et Lydia Bennet.

L'épouse de Sir William, devenue « Lady Lucas » depuis que son époux est « Sir William », est une brave femme sans prétention, « aux facultés suffisamment limitées pour être une voisine appréciée par Mrs Bennet » (« Not too clever to be an agreable neighbour to Mrs Bennet »)[90].

Autres personnages

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Gravure colorisée. Un homme élégant s'incline devant un groupe de jeunes filles
Mr Denny demande la permission de présenter son ami, Mr Wickham. (C. E. Brock, 1895).

Les autres personnages ont un lien plus ou moins direct avec Darcy et/ou avec Pemberley.

George Wickham

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D'un charme indiscutable, auréolé du prestige de l'uniforme, il est prompt à se faire des amis, car, habile menteur et enjôleur, il n'hésite pas à utiliser sa prestance et les atouts que lui donne la bonne éducation qu'il a reçue pour abuser son entourage. Elizabeth est sensible à son charme, dès leur première rencontre[91], et compatit sans réserve à ses malheurs, lorsqu'il lui décrit complaisamment la dureté et l'injustice dont Darcy aurait fait preuve à son égard. La vérité, comme elle l'apprend plus tard, est fort différente : débauché et joueur[N 30], il a échoué, l'été précédent, à enlever la riche Georgiana Darcy et, pressé financièrement, il s'est engagé dans la milice, ce qui explique sa venue à Meryton.

L'intrigue développée autour du personnage de George Wickham a été inspirée à Jane Austen par le Tom Jones d'Henry Fielding[92].

Georgiana Darcy

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Georgiana[93] a onze ou douze ans environ de moins que son frère (« She is more than ten years my junior », écrit-il)[94]. Mineure, elle est sous sa responsabilité et celle de son cousin, le colonel Fitzwilliam, depuis le décès de leur père, quelque cinq ans plus tôt[95]. Elle a, semble-t-il, perdu sa mère, Lady Anne, depuis un certain temps aussi, puisqu'elle était en pension, puis, à quinze ans, installée à Londres avec une dame de compagnie[94]. C'est une jeune fille très timide qui joue fort bien du piano et semble bien solitaire ; il n'est pas étonnant qu'elle ait cru aimer Wickham qu'elle connaît depuis l'enfance et qui sait se montrer si charmant. Elle est prête à aimer Elizabeth de tout son cœur, et il est certain que son frère a beaucoup d'affection pour elle, même s'il en fait peu étalage : « Il n'y a rien qu'il ne ferait pour elle » dit Mrs Reynolds, l'intendante de Pemberley[96],[97].

Lady Catherine de Bourgh

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Gravure. Une dame très hautaine est introduite par un valet de pied
Lady Catherine de Bourgh vient se confronter à Elizabeth à Longbourn. Hugh Thomson, 1894.

« Sa Seigneurie » (Her Ladyship), maîtresse majestueuse de Rosings Park[N 31], est la veuve de Lord Lewis et la mère d'Anne, la fille malingre et souffreteuse qu'elle a l'intention de marier à Darcy, afin d'unir leurs deux fortunes. C'est la sœur de Lady Anne (mère de Darcy et Georgiana) et de Lord***, père du colonel Fitzwilliam. Cette aristocrate habituée à tout régenter d'une voix impérieuse et donnant son avis sur tout d'un ton qui ne supporte pas la contradiction, est un personnage assez caricatural. Elizabeth s'amuse au début de sa « majestueuse impertinence »[99], mais sait aussi défendre avec beaucoup de courage sa conception du bonheur, quand la grande dame vient, de façon assez insultante, essayer de lui arracher la promesse de ne jamais accepter une demande en mariage de la part de Darcy[100].

Le colonel Fitzwilliam

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Fils cadet d'un comte, Lord***[N 32], un peu plus âgé que son cousin Darcy, il tombe sous le charme d'Elizabeth lorsqu'il fait sa connaissance à Rosings Park, pendant le séjour qu'elle fait chez son amie Charlotte, après le mariage de cette dernière. Elizabeth, qui le trouve moins séduisant que Wickham, mais plus cultivé[102], sait bien qu'elle n'a pas assez de fortune pour sérieusement intéresser un cadet de famille.

Mrs Reynolds

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L'intendante de Pemberley est une vieille dame respectable qui porte à son jeune maître, qu'elle a vu grandir, une profonde admiration teintée d'affection. Ses affirmations concernant les qualités du propriétaire du domaine et l'opinion qu'en ont ses tenanciers et ses serviteurs ébranlent les convictions d'Elizabeth lorsqu'elle visite Pemberley avec les Gardiner[N 33].

Structure narrative

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Construction

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Un souci de vraisemblance

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Le soin extrême apporté par Jane Austen pour rendre crédibles ses romans au travers de notations contextuelles précises est connu[103]. Elle précise les distances et même le temps nécessaire pour les parcourir : entre Lucas Lodge et Hunsford, par exemple, il y a « presque cinquante miles », ce qui représente « un peu plus qu'une demi-journée de voyage »[104], mais il faut presque deux jours pour revenir d'une traite de Lambton à Longbourn[105]. Elle est attentive aux dates, précise souvent le jour de la semaine où se passe tel ou tel événement majeur, comme le bal de Netherfield, qui a lieu un mardi, le [106], et elle ne décrit que ce dont elle est sûre, ce qui explique qu'elle se contente d'évoquer ce que peuvent faire les messieurs (par exemple chasser, jouer au billard), lorsqu'ils sont entre hommes.

Le roman est parfaitement construit[107] : chaque action induit la suivante, même si les personnages en sont souvent inconscients. Si le lecteur sait dès le sixième chapitre que Darcy s'intéresse à Elizabeth, elle ne s'en rend absolument pas compte[108]. Il n'est alors pas surprenant qu'elle trouve « bizarre » de le rencontrer « de façon inattendue » dans le parc de Rosings[109], mais le lecteur a le plaisir de voir l'action rebondir sans temps morts ni digressions.

De même, l'intrigue obéit à une logique interne[110], liée au caractère des personnages et non à des événements extérieurs. Ainsi leurs déplacements, leurs rencontres, comme celles d'Elizabeth et Darcy à Netherfield, à Rosings et enfin à Pemberley, sont planifiés et savamment préparés, par une utilisation soignée et maîtrisée de la convention romanesque, même si le lecteur croit assister à un coup de théâtre[110].

Dans le même souci de vraisemblance, Jane Austen prend la peine de justifier le changement dans les sentiments d'Elizabeth envers Darcy, qu'elle juge « ni improbable ni fautif »[111], ou de préciser les étapes successives du changement de jugement de Darcy envers Elizabeth, depuis l'indifférence hautaine jusqu'à la passion irrépressible[112], parce qu'elle n'écrit pas un de ces romans à la mode si décriés par les moralistes de son temps, mais une histoire qu'elle veut rendre réaliste et crédible[110].

Construction en deux parties

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La réédition de 1853, en deux tomes, met en lumière la construction en deux parties autour de la première demande en mariage de Darcy[113], qui se trouve presque exactement au centre du roman : la déclaration de Darcy, sa lettre explicative, et les réflexions que se fait ensuite Elizabeth sont le pivot autour duquel se reconstruit progressivement leur relation. Dans la première partie, après la désastreuse première rencontre au bal de Meryton[114], leurs rencontres successives (dont les trois invitations à danser puis les trois rencontres « fortuites » dans les bois de Rosings Park) montrent au lecteur les tentatives d'approche de Darcy, incompréhensibles, déroutantes, parfois humiliantes pour une Elizabeth aveuglée par son préjugé[113]. Par la suite, les retrouvailles imprévues à Pemberley, où Darcy se montre « on ne peut plus courtois, poli et simple » (« perfectly well behaved, polite and unassuming »)[115], sont le prélude de visites et de rencontres qui font enfin avancer de façon satisfaisante leurs relations[113].

Avant ce moment essentiel, chacun des deux protagonistes connaissait un ou plusieurs éléments que l'autre ignorait : ainsi, Darcy connaissait le caractère de Wickham, et Elizabeth les sentiments de sa sœur. Mais chacun se méprenait sur les sentiments de l'autre : lui était persuadé qu'elle « attendait sa déclaration », et elle, contrairement au lecteur, ignorait totalement les sentiments qu'elle lui inspirait. Après ce renversement aristotélicien[113], ils partagent un certain nombre de secrets : la demande en mariage de Darcy en elle-même, et tout ce que révèle sa lettre à Elizabeth. Malgré la sécheresse et la froideur du style, Darcy y montre l'estime qu'il lui porte et sa confiance en sa discrétion en choisissant de dévoiler la teneur de ses relations avec Wickham et de s'expliquer honnêtement. Lorsqu'elle le découvre si chaleureux à Pemberley, elle peut lui retourner cette confiance en lui dévoilant la fugue de Lydia avec Wickham[113], ce qui le pousse à agir pour en annuler les conséquences catastrophiques. Jane Austen montre ainsi comment chacun apprend, grâce à l'autre, à mieux se connaître, et à vaincre son orgueil et ses préjugés[N 34].

Saisons et saisons du cœur

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Photo. Bord de rivière paisible
Dovedale, paysage paisible du Peak District, dans le Derbyshire.

Les événements sont clairement inscrits dans le passage des saisons[117] et le cycle saisonnier rythme l'action et l'évolution des personnages.

Le roman dure quinze mois[118],[119]. Il débute en automne avec successivement l'arrivée de Bingley à la Saint Michel (le ), celle du régiment qui prend ses quartiers d'hiver à Meryton début octobre, celle de Mr Collins, qui s'annonce d'abord par une lettre, puis arrive en personne le , comme Wickham[120]. La pluie cause le rhume de Jane, et la venue d'Elizabeth à Netherfield, ce qui donne à l'auteur l'occasion d'éclairer les relations conflictuelles entre Elizabeth et Darcy. Tous les espoirs sont permis à Mrs Bennet, qui voit déjà Mr Bingley épouser Jane et trouve Mr Collins « assez bon » pour Elizabeth[121], mais la fin de l'automne voit s'évanouir ces espoirs, ce qu'a en quelque sorte annoncé la pluie persistante qui a précédé le bal de Netherfield[117].

L'hiver est la saison où tout se fige : Bingley parti, Jane a le cœur brisé[C 1] ; et Collins est fiancé à Charlotte Lucas. Cependant l'arrivée des Gardiner pour Noël permet d'évoquer Pemberley avec Wickham, et le mariage de Charlotte en janvier entraîne l'invitation d'Elizabeth à Hunsford, au printemps[N 35].

Le printemps, même s'il voit fleurir l'amour de Darcy pour Elizabeth, n'amène pas d'espoir : Jane, toujours à Londres, est sans nouvelles de Charles Bingley, Elizabeth, à Hunsford, s'ennuie et n'apprécie que le parc, où elle peut échapper à la curiosité de Lady Catherine, mais où elle rencontre trois fois Darcy, de façon totalement inattendue pour elle[109], ce qui annonce les rencontres de Pemberley[N 36]. Avril voit Elizabeth vivement rejeter l'amour de Darcy, mais, sous « le charme d'une matinée printanière », se plonger dans la lettre qui l'amène à réviser ses « premières impressions ».

Gravure colorisée. Jeune fille surprenant un couple conversant tendrement
Elizabeth aperçoit sa sœur et Bingley, debout, en grande conversation. C. E. Brock 1895.

L'été est la saison des retournements de situation[117] : Elizabeth a pris conscience des manquements de sa famille, mais ne peut empêcher le départ de Lydia pour Brighton ; elle espérait une excursion dans les splendeurs romantiques du Lake District, elle découvre finalement le charme paisible du Derbyshire et de son Peak District ; alors qu'elle craignait de rencontrer Darcy si elle visitait son domaine, elle découvre sa généreuse hospitalité envers son oncle, qu'il invite à venir pêcher « aussi souvent qu'il veut », et elle-même, à qui il offre la possibilité de rencontrer sa sœur Georgiana[124]. Mais la fuite de Lydia avec Wickham l'empêche d'approfondir ces découvertes, et l'enfonce dans le silence, la douleur et la solitude à son retour à Longbourn.

L'histoire s'achève dans la même saison qu'elle a commencé, avec un « retour cyclique » des personnages à Meryton en automne, mais ils ont subtilement évolué[125]. La scène d'introduction se reproduit quasiment à l'identique dans le tome III[N 37]. Wickham revient, mais, marié à Lydia et ayant perdu toute son aura aux yeux des personnages principaux, il s'en va aussitôt avec elle loin dans le Nord ; Collins se manifeste par une lettre, puis par son retour, mais avec Charlotte, « en attendant que la tempête soit calmée »[126].

Bingley et Darcy reviennent, eux aussi, officiellement pour quelques semaines de chasse[N 38]. Ce deuxième automne est comme un recommencement : Bingley fait la demande qu'il aurait dû faire un an plus tôt, et Darcy récolte les fruits de son changement d'attitude sur le chemin de Lucas Lodge : Elizabeth et lui rejouent la scène de la demande en mariage, mais dans un tout autre contexte : ils ont tous les deux psychologiquement grandi et leur amour a mûri. La fin d'automne voit des départs sans larmes, et un mouvement important vers le nouveau centre d'intérêt, Pemberley[117].

Style et ironie

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Le style de Jane Austen est vif, élégant et sans maniérisme. Les descriptions sont brèves, les passages narratifs réduits, et rares les interventions de l'auteur, qui, en outre, manie avec subtilité la litote : c'est une prose du non-dit, tout en réticence et retenue[127]. Virginia Woolf admire ses « merveilleux petits discours qui résument en une conversation tout ce qu'il faut savoir pour connaître définitivement [un personnage] »[C 2],[129]. Et un lecteur moderne, même s'il est peu au fait des règles et conventions qu'elle critique et dont elle se moque[130], peut goûter la saveur du récit.

Ironie et satire

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À ce titre, la première phrase du roman est « universellement connue »[N 39] : « It is a truth universally acknowledged, that a single man in possession of a good fortune, must be in want of a wife » (« c'est une vérité universellement reconnue qu'un célibataire pourvu d'une belle fortune doit forcément être en quête d'une épouse »), par la façon incisive et ironique à la fois dont Jane Austen entre immédiatement dans le vif du sujet. Les premiers mots parodient le raisonnement philosophique, mais appliqué à une réalité banale à l'époque : le lecteur est invité à comprendre, par antiphrase, que ce sont les jeunes filles sans fortune qui sont désespérément à la recherche d'un mari fortuné, et doit s'attendre à une satire des conventions sociales. La suite : « si peu que l'on sache de ses intentions, […] cette vérité est si bien ancrée dans l'esprit de ses voisins qu'ils le considèrent comme la propriété légitime de l'une ou l'autre de leurs filles », l'invite en outre à se moquer du conformisme provincial[131]. Mais le déroulement et l'épilogue de l'intrigue confirment, ironiquement, la vérité de cette sentence.

Ironie à l'égard des personnages

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Gravure. Un clergyman assis regarde d'un air offusqué le titre du livre qu'il tient
Mr Collins se défend de lire des romans (Hugh Thomson, 1894).

Jane Austen est impitoyable envers les sots, qui ne peuvent échapper à sa plume acérée : une phrase cinglante les décrit[132]. Mrs Bennet est « une femme d'intelligence médiocre, peu cultivée et de caractère inégal »[C 3] ; Mary est d'une vanité qui lui donne « un air pédant et des manières prétentieuses qui auraient gâché un talent plus grand que le sien »[C 4], Mr Hurst est un « indolent qui vivait seulement pour manger, boire et jouer aux cartes »[C 5].

Certains font l'objet d'une caricature plus détaillée, comme Lady Catherine « qui donnait son avis sur tout d'un ton qui montrait qu'elle n'avait pas l'habitude d'être contredite »[C 6], ou Sir William qui « pouvait, [à Lucas Lodge], méditer agréablement sur son importance et […] s'appliquer uniquement à être courtois envers tout le monde »[C 7].

Le personnage de Collins, le clergyman, est traité de façon particulière. L'auteur en fait une marionnette aussi ridicule dans son comportement que dans son langage[N 40] : « Mr Collins était dépourvu d'intelligence, et ni l'éducation ni l'expérience ne l'avaient aidé à combler cette lacune de la nature »[C 8]. Ce plat courtisan vénère jusqu'à l'abjection sa patronne, « tout en ayant une très haute opinion de lui-même, de son autorité pastorale et de ses droits paroissiaux, ce qui le rendait à la fois vaniteux et servile, orgueilleux et obséquieux »[C 9]. En outre, il manque complètement de sensibilité, de tact et de délicatesse, voire de charité chrétienne, comme le prouve ce qu'il écrit dans ses lettres concernant Lydia. Si le personnage ne prêtait pas tant à rire, sa solennelle bêtise pourrait inquiéter[136].

Gravure colorisée. Une femme imposante pérore, assise dans un fauteuil
Après le départ de ses neveux, Lady Catherine s'ennuie assez pour inviter les Collins et Elizabeth. C. E. Brock, 1895.

À travers ces personnages caricaturaux se profile la satire d'une société hypocrite où le rang, la richesse, l'apparence ont plus d'importance que les vraies valeurs morales[98]. Elizabeth et Darcy se font tous les deux l'écho de cette vision un peu amère du monde ; il lui avoue qu'il ne peut « oublier les sottises et les faiblesses d'autrui autant qu'il faudrait » (« I cannot forget the follies and vices of others so soon I ought »), elle confie à sa sœur : « Plus je vais, et moins le monde me satisfait ; chaque jour me montre l'instabilité de tous les êtres humains. » (« The more I see of the world, the more I am dissatisfied with it, and every day confirms my belief of the inconsistency of all human caracters »)[98]. Mais Darcy se reconnaît d'« humeur vindicative » (« resentful temper »[N 41]), alors qu'Elizabeth, à l'image de sa créatrice, préfère en rire. Car Jane Austen ne se veut pas moraliste et ne cherche pas à réformer le monde[138] : comme le Figaro du Barbier de Séville de Beaumarchais, elle « se presse de rire de tout, de peur d'être obligée d'en pleurer »[N 42].

Les personnages sympathiques n'échappent pas davantage à la verve de Jane Austen, et Elizabeth, qui doit apprendre, dans la tradition du « Conduct Novel »[139], à revoir ses jugements et modérer ses expressions, en fait très souvent les frais[140]. Elle lui fait dire, quand Collins ne veut pas comprendre qu'elle le refuse : « Je ne suis point de ces jeunes filles − si tant est qu'il en existe − assez imprudentes pour risquer leur bonheur sur la chance de se voir demandée une seconde fois [en mariage] »[C 10]. C'est loin d'être la seule assertion d'Elizabeth qui prend une couleur ironique quand on connaît la suite des événements[N 43].

Humour des situations

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Le comportement des personnages est souvent croqué avec une grande économie, qui pourrait, parfois, s'apparenter à des didascalies de théâtre. Ainsi, trois phrases suffisent à décrire la scène qui se joue à Longbourn, quand les Bingley apportent en personne l'invitation au bal[147].

« The two ladies were delighted to see their dear friend again, called it an age since they had met, and repeatedly asked what she had been doing with herself since their separation. To the rest of the family they paid little attention; avoiding Mrs. Bennet as much as possible, saying not much to Elizabeth, and nothing at all to the others. They were soon gone again, rising from their seats with an activity which took their brother by surprise, and hurrying off as if eager to escape from Mrs. Bennet's civilities[N 44]. »

« Les deux dames étaient ravies de revoir leur chère amie, déclarant qu'il y avait une éternité qu'elles ne s'étaient vues, et ne cessant de lui demander ce qu'elle avait fait depuis qu'elles s'étaient quittées. Au reste de la famille, elles accordèrent peu d'attention, évitant autant que possible Mrs Bennet, parlant peu à Elizabeth et pas du tout aux autres. Elles furent vite reparties, se levant avec un empressement qui déconcerta leur frère, et se hâtant de quitter les lieux comme si elles étaient pressées d'échapper aux civilités de Mrs Bennet. »

Jane Austen s'amuse aussi à réunir ses personnages dans des occasions ratées. Quand Darcy vient déclarer sa flamme à Elizabeth[98], il est persuadé qu'elle attend sa demande, comme il le lui explique plus tard : « Voyez quelle était ma vanité ! Je croyais que vous espériez, que vous attendiez que je me déclare »[C 11], alors qu'elle le déteste[130] et que, venant d'apprendre son rôle dans le départ de Bingley, elle relit les lettres de Jane, « comme si elle avait pris à tâche de s'exaspérer encore davantage contre [lui] ». On ne saura jamais dans quel but il lui rend visite à l'auberge de Lambton, mais il tombe mal ; Elizabeth est tellement bouleversée par ce qu'elle vient d'apprendre à propos de Lydia, là encore par des lettres de Jane, qu'« elle perdit bientôt de vue tout le reste » et ne peut contrôler ses émotions[150].

Style et écriture

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Nourrie de préceptes néo-classiques, Jane Austen se méfie du lyrisme et du jargon, recherchant la précision et la concision[151]. Elle est spirituelle et ne perd jamais le sens de l'humour[98], raillant les outrances de ses personnages ridicules ou notant les traits d'esprit parfois amers[N 45] de sa délicieuse (delightful)[131] Elizabeth. Elle n'hésite pas à utiliser les figures de style qui relèvent de l'ironie, la montrant « animée de sentiments très peu cordiaux » (no very cordial feelings) envers Darcy, « se livrant aux délices de remuer des souvenirs désagréables » (indulg[ing] in all the delight of unpleasant recollections) ou affirmant que « Lady Catherine ... adore rendre service »[N 46]. John Halperin va même jusqu'à penser que Jane Austen possède un « génie comique » digne d'Oscar Wilde[98].

Langage des personnages

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L'importance et la variété des dialogues, outre qu'elles rappellent le rôle que tenait l'art de la conversation dans les relations sociales et mondaines de la bonne société[139], permettent de donner à chaque personnage un style correspondant à son caractère. Chacun est défini autant par ses manières que par son langage : Elizabeth, qui utilise l'ironie comme une parade contre l'hypocrisie et la bassesse des gens qui l'entourent[153], a la répartie facile mais n'est jamais volontairement blessante, contrairement à Miss Bingley, dont l'esprit est acide et méprisant : Caroline Bingley a un esprit satirique et pratique la raillerie, à la fois pour affirmer sa supériorité et tenter d'influencer les autres, sans avoir l'élégance de s'arrêter quand ses moqueries sont devenues pénibles ou inexcusables[64].

Mr Bennet manie une ironie narquoise, voire cruelle, comme lorsqu'il fait cette réflexion sur Jane à Elizabeth : « Eh bien, Lizzy, j'ai appris que votre sœur a un chagrin d'amour, je l'en félicite. Une jeune fille aime avoir de temps à autre un petit chagrin d'amour, cela lui donne un sujet de réflexion, et la valorise auprès de ses amies »[C 12]. Cet humour à froid à l'égard des membres de sa famille est, comme sa propension à se retirer dans sa bibliothèque, une manifestation de son détachement, de son refus des responsabilités[98].

Deux messieurs abordent un jeune couple, lui l'air hautain, elle l'air gêné
Darcy peut même écouter Sir William le féliciter d'avoir « conquis le plus beau joyau du comté » (C. E. Brock, 1895).

Darcy est sérieux et peu bavard, mais parfaitement capable de sous-entendus ironiques, dont Miss Bingley fait les frais. Ainsi, quand elle accuse Elizabeth d'un artifice méprisable (se faire valoir auprès de l'autre sexe en dénigrant le sien), il lui répond : « Il y a quelque chose de méprisable dans tous les artifices que les femmes s'abaissent parfois à utiliser pour nous séduire »[155]. Il y a du cynisme dans sa remarque sur la « demi-douzaine (seulement) de femmes réellement accomplies » parmi ses connaissances[98]. Ses joutes verbales avec Elizabeth sont brillantes, en particulier celle, à la limite de la stichomythie, où ils définissent ce dont on peut, ou non, rire[153] : sa critique voilée de la propension d'Elizabeth à se moquer, lorsqu'il lui dit que « le plus sage et le meilleur des hommes peut être tourné en ridicule par quelqu'un qui ne songe qu'à plaisanter »[C 13], entraîne de la part de cette dernière une vive défense de la satire, où il est possible de voir le point de vue de la narratrice[153] : « J'espère que ne tourne jamais en ridicule ce qui est sage ou ce qui est bien. Sottises et absurdités, caprices et inepties, voilà ce qui m'amuse »[C 14].

Les personnages ridicules le sont aussi dans leur langage : Mrs Bennet tient des discours redondants et répétitifs, des bavardages remplis d'absurdités[157]. L'évocation de « Saint James » revient comme un leitmotiv chez Sir William, et Mr Collins emploie des clichés usés comme la métaphore de « la branche d'olivier ». Ses discours sont creux (pompous nothings) et son style ampoulé. Alors que, souvent, Jane Austen fait alterner avec souplesse récit, discours indirect, indirect libre et discours direct[N 47], le pompeux discours de Collins, pour sa demande en mariage à Elizabeth, est donné in extenso. « Emporté par le flot de [ses] sentiments », il est d'un parfait ridicule, car, à travers lui, l'autrice se moque du langage convenu et passionné des romans sentimentaux[130].

Expression des sentiments

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Jane Austen se refuse autant aux épanchements lyriques et sentimentaux qu'elle ironise à l'égard des lieux communs. « Elle avait toutes sortes de procédés pour éviter les scènes passionnées », écrit Virginia Woolf dans The Common Reader[C 15]. Si les mots « passion », ou ardent love sont employés par ses personnages, ils ne font pas partie de son vocabulaire personnel ; elle préfère strong feelings (sentiments profonds) indiquant sa préférence plus pour la stabilité que pour la violence des sentiments[158]. Elle laisse Collins détailler à Elizabeth ses raisons de se marier, pour mieux le ridiculiser, mais elle ne cite pas le discours similaire qu'il doit faire à Charlotte, elle le résume en une courte phrase : « In as short a time as Mr Collins's long speeches would allow, all was settled between them » (« En aussi peu de temps que le permirent les longs discours de Mr Collins, tout fut réglé entre eux »)[159]. Elle cite la première phrase de Darcy, à Hunsford, pour montrer son émotion (« En vain ai-je lutté, rien n'y fait. Je ne peux réprimer mes sentiments. Laissez-moi vous dire avec quelle ardeur je vous admire et je vous aime »), mais passe ensuite au récit : « Il s'engagea dans l'aveu… Il parlait bien… ». Elle ne lui redonne directement la parole que quand il demande à Elizabeth d'expliquer son refus[N 48]. Sa deuxième déclaration est toute en retenue : « Mes sentiments et mes vœux n'ont pas changé » (My affections and wishes are unchanged). Il y a là un refus évident du pathos, une grande réserve devant les scènes d'émotion[161]. Quand Darcy comprend que les sentiments d'Elizabeth pour lui « avaient subi un changement profond », il exprime son bonheur « avec toute l'ardeur et la tendresse qu'un homme passionnément épris est supposé manifester ». (He expressed himself as sensibly and as warmly as a man violently in love can be supposed to do)[N 49]. Mais Jane Austen n'en dit pas plus[N 50].

Expression des points de vue

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Elizabeth, dont le point de vue est privilégié, est la seule dont la voix intérieure, lorsqu'elle s'exprime en discours indirect libre, peut être confondue avec celle de la voix narratrice. En tant qu'auteur, Jane Austen se manifeste peu ; elle intervient, par exemple, au début du dernier chapitre : « Je voudrai pouvoir affirmer pour le bonheur des siens que la réalisation inespérée de son plus cher désir […] a eu l'heureux effet de rendre Mrs Bennet aimable, discrète et judicieuse pour le reste de sa vie… »[164]. Elle utilise parfois le point de vue omniscient, par exemple pour éclairer le lecteur sur la place que prend Elizabeth dans les pensées de Darcy, au cours de son séjour à Netherfied, mais présente en général ses personnages en focalisation externe, ou observés (plus ou moins ironiquement en focalisation interne) par Elizabeth[N 51].

Jeune fille assise devant un secrétaire, lisant une lettre
Elizabeth et Jane s'écrivent beaucoup lorsqu'elles sont séparées. (Hugh Thomson, 1894)

Les personnages expriment aussi leur point de vue à travers leur importante correspondance. Un certain nombre de dames sont amenées à s'écrire : Jane et Elizabeth, Miss Bingley et Jane, Elizabeth et Mrs Gardiner. Mais les messieurs écrivent aussi : Darcy, Mr Gardiner, Mr Collins. Mr Bennet lui-même maintient un lien épistolaire avec Mr Collins, car « bien qu'[il] déteste écrire, pour rien au monde [il] n'interromprait sa correspondance avec Mr Collins »[C 16]. Alors que Jane Austen s'interdit en général de rapporter les conversations masculines en dehors d'une présence féminine, il y a huit lettres écrites par les personnages masculins, ce qui leur donne plus de relief, car leur style épistolaire correspond parfaitement à leur caractère[168]. On ne connaît pas la teneur des longues lettres que Darcy écrit à sa sœur, mais la longue lettre qu'il écrit à Elizabeth est étonnante, tant elle dévoile sa personnalité. Il la lui donne discrètement en main propre, preuve d'un comportement respectueux des conventions[N 52], et fait un exposé clair, logique et construit : il veut convaincre, mais on sent sa sincérité, sa confiance absolue dans la discrétion d'Elizabeth et la douleur qu'il ressent à réveiller le passé. Mr Gardiner, dont les lettres ne sont qu'en partie citées, s'y montre homme de bon sens et de cœur, avec les manières directes d'un homme d'action. Collins révèle sa vanité, la faiblesse de son caractère, son égoïsme et son étroitesse d'esprit, tandis que Mr Bennet reste laconique et sarcastique[168].

Thèmes développés dans l'œuvre

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De nombreux thèmes se croisent dans les œuvres de Jane Austen, qui donnent un aperçu réaliste de la vie et des préoccupations de la société qu'elle fréquentait, à cette époque charnière où l'aristocratie terrienne et la gentry commencent à perdre de leur influence au profit d'une nouvelle classe enrichie par le commerce, la finance et l'industrie. Pourtant, les bouleversements induits par la Révolution française puis les guerres napoléoniennes ne semblent visiblement toucher l'Angleterre rurale décrite dans Orgueil et Préjugés que par la présence du régiment de l'armée territoriale, cantonné pour l'hiver à Meryton[N 53], et pour l'été suivant à Brighton[N 54]. En effet, comme d'ailleurs dans la plupart des romans de Jane Austen, deux thèmes essentiellement, le mariage et l'argent, s'entrecroisent, car le mariage est alors, pour les femmes de la classe sociale de Jane Austen[170], la façon normale, presque la seule, d'assurer leur situation financière : si une femme n'a pas de fortune personnelle capable d'intéresser un gentleman (éventuellement désargenté), il est impératif pour elle d'épouser un homme ayant des revenus confortables.

Argent et statut social

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L'argent est en effet un des thèmes de prédilection de Jane Austen, qui présente de façon satirique les attitudes sociales de son temps devant l'argent, mais soulève aussi les problèmes que peuvent créer certaines situations, comme celle des filles Bennet, en grand danger de déchéance sociale à la mort de leur père[171].

Mariage et argent

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Pour nombre de personnages d'Orgueil et Préjugés, l'argent est une préoccupation majeure[172]. Le célèbre postulat qui introduit le roman montre qu'il est considéré comme normal de vouloir faire un riche mariage. D'ailleurs, les habitants de Meryton ne s'intéressent aux locataires de Netherfield qu'en fonction de leur fortune et de leur célibat : en ironisant sur le revirement de l'opinion à propos de Darcy, qui devient même de la « rancune » chez Mrs Bennet, lorsqu'il est devenu évident que « Monsieur Darcy » n'est pas « en quête d'une épouse », Jane Austen souligne le côté superficiel des critères de cette assemblée[173]. Mrs Bennet recommence à trouver Darcy « charmant », après l'avoir longtemps traité de « disagreeable », quand elle apprend qu'Elizabeth va l'épouser, et ne voit que l'aspect matériel de ce mariage et le luxe qu'il va procurer à sa fille : « Comme vous allez être riche et considérée ! Vous allez avoir tant d'argent, tant de bijoux, tant d'équipages ! Le mariage de Jane n'est rien à côté, rien du tout ! […] Dix mille livres de rente, et plus encore, probablement. Cela vaut un titre[174] ». Pour elle le bonheur se mesure exclusivement en termes financiers.

Caricature en couleur. Un jeune gandin tend un billet doux à une demoiselle rougissante
Une Recette pour faire sa cour, gravure de 1805 détaillant ironiquement les étapes à suivre pour courtiser une jeune fille.

Dans cette société pragmatique beaucoup d'autres personnages raisonnent comme elle : Mr Collins ne peut comprendre le refus d'Elizabeth[175], dont il connaît parfaitement la pitoyable situation financière personnelle : 1 000 livres de dot, soit un revenu de 40 livres par an. Il insiste lourdement sur sa belle situation, ses relations avec les de Bourgh, ajoutant assez grossièrement qu'elle aura du mal à trouver un parti plus intéressant que lui : « Votre dot est malheureusement si modeste qu'elle doit inévitablement contrebalancer l'effet de vos charmes et de vos aimables qualités »[176]. Charlotte ne cache pas qu'elle a pris la mesure de la situation sociale et des revenus de Mr Collins, et sa mère calcule, plutôt crûment, combien de temps peut se passer avant que Longbourn (qui rapporte tout de même 2 000 livres chaque année) n'appartienne à son gendre. Wickham s'intéresse brusquement à Miss King dont « la soudaine acquisition de dix mille livres était le charme le plus remarquable »[177]. Elizabeth explique à Jane, qui a peine à la croire, que les sœurs de Bingley « peuvent souhaiter bien autre chose que le bonheur [de leur frère] ; elles peuvent souhaiter pour lui plus de richesses et de considération, elles peuvent souhaiter qu'il épouse une jeune fille qui lui apporte fortune, hautes relations et honneurs ». Et même Darcy— pour qui le comportement des Bennet est un bien plus grand obstacle que le manque d'argent d'Elizabeth — est stupéfait du refus de celle-ci de répondre positivement à l'honneur extraordinaire qu'il lui fait en demandant sa main[175], avant d'en comprendre les motifs.

Fortune et situation sociale

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À l'époque, la noblesse terrienne (landed gentry) est encore considérée comme au sommet de l'échelle sociale. Il n'est donc pas étonnant que Lady Catherine de Bourgh, si chatouilleuse sur la notion de rang, de relations et de fortune, souhaite unir sa fille et son neveu pour réunir les biens et renforcer les liens ancestraux de leurs deux familles, et que Charles Bingley, dont la fortune est d'origine roturière, envisage d'acheter des terres et de construire un manoir pour achever sa promotion sociale[178]. Les revenus (income) que le travail (trade) et les mérites personnels peuvent procurer, comme ceux des Gardiner, sont considérés comme moins respectables que la fortune assise sur des biens fonciers ou des rentes d'État. D'ailleurs le niveau des revenus des Gardiner n'est pas estimé. Jane et Elizabeth y font seulement allusion lorsqu'elles se demandent combien le mariage de Lydia va coûter à leur oncle[179] qui doit se soucier de l'avenir de ses quatre enfants (et de ceux qui peuvent encore lui naître, ajoute Elizabeth). Sont abondamment évoqués, en revanche, les énormes revenus annuels de Darcy (10 000 livres), ceux très confortables de Bingley (4 000 ou 5 000 livres), ceux encore très aisés de Mr Bennet (2 000 livres)[180]. Le coût du mariage-replâtrage de Wickham et Lydia est aussi détaillé : paiement des dettes (beaucoup plus que 1 000 livres, selon Mrs Gardiner), achat de la charge d'Enseigne dans l'armée régulière (entre 500 et 1 500 livres selon les régiments) pour lui[171], un petit pécule pour elle (le tout payé par Darcy) et les 100 livres annuelles à la charge son père, ce qui est à peine plus que ce qu'elle dépensait déjà à la maison, mais qui écorne sérieusement les 5 000 livres du capital réservé aux filles par le contrat de mariage[181].

Si Jane Austen insiste tellement sur l'importance de l'argent, c'est qu'il joue un rôle crucial dans la vie quotidienne de la société qu'elle fréquente et qu'elle décrit : l'existence du droit d'aînesse (seul l'aîné hérite du domaine) oblige les cadets de bonne famille à avoir une autre source de revenus, une profession cléricale ou militaire en général (comme le colonel Fitzwilliam) et à faire un bon mariage, ou rester célibataire[N 55]. Et l'entail fait peser une menace supplémentaire, sur les filles en particulier[182] : en cas d'absence d'héritier mâle direct, les biens passent à un cousin plus ou moins éloigné. Cette substitution héréditaire est une terrible menace qui pèse sur la famille Bennet, car son indolence naturelle a empêché Mr Bennet d'anticiper cette éventualité : il espérait toujours la venue d'un fils qui aurait pu l'aider à conserver l'héritage sous entail dans sa propre famille, et négligeait de mettre de l'argent de côté pour augmenter la dot (dowry) de ses filles. Il reconnaît lui-même qu'il dépense entièrement ses revenus (his whole income)[183] : Mrs Bennet n'a aucun goût pour l'épargne, et par insouciance, autant que par faiblesse, son mari la laisse mener grand train. « Seule son aversion pour la dépendance les a empêchés de dépenser plus que leurs revenus ». À sa mort, Mr Collins, l'héritier mâle le plus proche, deviendra le propriétaire légitime de Longbourn. Il aura le droit d'en chasser la veuve et les filles, qui, dans le pire des cas, n'auraient plus pour se nourrir et se loger qu'une somme dérisoire : le revenu (à 4 %) des 5 000 livres que leur octroie globalement le contrat de mariage, soit 200 livres pour les cinq. Elles seraient nécessairement tributaires de la charité familiale[N 56], celle des Philips ou plus certainement des Gardiner. Ce serait une véritable déchéance sociale[171], perspective qui affole Mrs Bennet, mais dont elle ne veut admettre la réalité, malgré les efforts d'explication de ses deux aînées.

Elizabeth et Jane sont parfaitement conscientes de ces réalités financières. Jane se sait capable de tenir la maison de son mari : « Imprudence or thoughtlessness in money matters, would be unpardonable in me » (« Si, moi, j'étais imprudente ou insouciante en matière de dépenses, je serais impardonnable. ») répond-elle à son père qui l'imagine capable de se laisser gruger par les domestiques[185]. Elizabeth a « toujours été persuadée que des ressources aussi modestes que [celles des Wickham] seraient insuffisantes entre les mains de deux personnes aussi prodigues et aussi insouciantes de l'avenir »[82]. Cette lucidité rend son refus d'accepter la sécurité financière que lui offrent Mr Collins puis Mr Darcy particulièrement courageux et admirable. Lorsqu'elle visite le splendide domaine de Darcy, elle se rend compte qu'« être maîtresse de Pemberley, cela doit être quelque chose » (To be mistress of Pemberley might be something). Mais elle a clairement prouvé que l'intérêt qu'elle porte au propriétaire ne découle pas de sa situation financière. Certes, elle épouse un homme immensément riche qui va l'introduire dans le « first circle » pour parler comme Sir William. Mais, ce qui pour elle, comme pour l'auteur, a plus de valeur, c'est qu'il est « bon pour les malheureux » (affable to the poor), « le meilleur des propriétaires et le meilleur des maîtres » (the best landlord and the best master) et « un bon frère » (a good brother), ce qui laisse espérer qu'il sera aussi un bon mari[186].

gravure. Un monsieur dubitatif contemple 5 demoiselles assises dont l'une n'est « pas à vendre »
Présentation humoristique des demoiselles Bennet sur le marché du mariage. (Hugh Thomson, 1894)

Le mariage est traditionnellement la seule façon de se libérer de la tutelle parentale, et rester vieille fille est considéré comme un sort peu enviable, tant pour la fille, que pour la famille qui la garde à charge. La pression familiale pour « caser » les filles est donc forte : même si elle est comique, l'insistance de Mrs Bennet pour essayer d'obliger Elizabeth à accepter Mr Collins[187] et sa mauvaise humeur de la voir refuser cette occasion de faire un « bon » mariage, le montrent bien, ce qui dénote chez elle une certaine forme de réalisme.

De la nécessité d'être mariée

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« Single women have a dreadful propensity for being poor, which is one very strong argument in favour of matrimony[188]. »

« Les femmes célibataires ont une épouvantable propension à être pauvres, ce qui est un argument très sérieux en faveur du mariage. »

Tableau. À côté de la demoiselle riche courtisée, la gouvernante en noir s'occupe d'un enfant
La Gouvernante, Rebecca Solomon, 1854.
À l'époque de Jane Austen, le métier de gouvernante est l'un des deux seuls ouverts en pratique à une jeune fille de bonne famille.

Malgré le développement très progressif de l'instruction pour les filles, il n'y a pas de métiers ouverts à une jeune fille de bonne famille, à deux exceptions près, celui de gouvernante et celui de maîtresse d'école. D'ailleurs, l'idée même qu'une Proper Lady puisse avoir une profession, avec le statut et l'indépendance financière qui l'accompagnent, est, à cette époque, impensable[N 57]. Aussi Jane Austen décrit-elle une Mrs Bennet angoissée par l'avenir de ses cinq filles et obsédée par le désir de les voir faire un « bon mariage », fût-ce avec un mauvais mari, puisqu'à la mort de Mr Bennet, le domaine de Longbourn leur échappera.

Les bals, moments privilégiés pour espérer rencontrer un futur conjoint, jouent de ce fait un rôle essentiel[189]. Aussi ne sont-ils normalement autorisés par les familles qu'aux jeunes filles en âge d'être mariées, ce qui nécessite une réflexion particulière lorsqu'il y a plusieurs filles dans la famille, car si les cadettes « sortent » alors que l'aînée n'est pas encore mariée, elles peuvent attirer un prétendant qu'elle-même aurait pu souhaiter. Il est donc naturel de ne laisser les plus jeunes fréquenter les bals qu'une fois leurs aînées mariées. Qu'il n'en soit pas ainsi chez les Bennet vaut à Elizabeth Bennet une remarque choquée de Lady Catherine, lors de l'interrogatoire qu'elle lui fait subir à Rosings[190]. Cela d'autant plus que la femme mariée a préséance sur ses sœurs encore célibataires, ainsi que Lydia ne manque pas de le rappeler avec impertinence à sa sœur aînée après son mariage avec Wickham[N 58] Mais Mrs Bennet, obsédée par son idée fixe, préfère encombrer « le marché du mariage » à Meryton en laissant ses cinq filles sortir dans le monde en même temps[70].

Photo d'une maison basse, rénovée
La vieille échoppe du forgeron de Gretna Green, où venaient se marier les jeunes couples n'ayant pas l'âge légal.

Orgueil et Préjugés présente diverses façons, dans le cadre des strictes règles sociales qui régissent la bonne société[139], de faire sa cour à une jeune fille, et comment celle-ci répond aux avances, les sollicite, les rejette ou les ignore, ce qui est une possible source de quiproquo. C'est toujours le prétendant qui demande sa main à la jeune fille qu'il courtise, puisqu'on attend de celle-ci une attitude réservée, avant d'aller demander le consentement des parents, qui est indispensable lorsque l'un des futurs époux n'a pas 21 ans[N 59]. Aussi voit-on les prétendants à la main d'Elizabeth Bennet, qui ne les a pas encore, comme elle l'avoue à Lady Catherine, aller la demander à ses parents, c'est-à-dire à sa mère pour Mr Collins[192], à son père[193] pour Darcy. Charles Bingley est aussi allé — par courtoisie dans son cas — demander la main de Jane, au cours d'« une entrevue avec Mr Bennet courte mais satisfaisante ».

La loi écossaise restant plus tolérante, puisque l'on peut s'y marier sans le consentement des parents dès quatorze ans pour les garçons et douze ans pour les filles[194], c'est à Gretna Green, première ville écossaise rencontrée en venant d'Angleterre, que se rendent les couples trop jeunes désireux de se marier. C'est là que Lydia croit se rendre avec Wickham, comme elle l'écrit à Harriet Forster[195].

De l'intérêt d'être mariée

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L'incipit du roman en forme de maxime (« C’est une vérité universellement reconnue qu’un jeune homme qui a de la fortune doit chercher à se marier… ») semble annoncer les stratégies mises en place par les familles pour résoudre les difficultés pécuniaires de leurs filles désargentées en leur procurant un beau parti[175], mais dans Orgueil et Préjugés le thème du mariage est surtout traité sous l'angle du bonheur et de l'épanouissement personnel, celui de l'héroïne plus spécialement, qui, désireuse de faire « le bon choix »[196], affirme à Lady Catherine : « Je suis résolue à agir de la manière qui me permettra d'assurer mon propre bonheur, sans tenir compte de vous ou de toute personne n'ayant aucun lien avec moi »[197], montrant l'indépendance d'esprit d'une « créature rationnelle »[N 60], décidée à ne pas se laisser mettre à la place où voudrait la reléguer la noble Lady très attachée au concept d'une société endogame et considérant que le statut social est plus important que les mérites personnels[198] : en épousant la fille d'un avoué et la sœur d'un négociant, Mr Bennet a, en quelque sorte, dérogé : « Oui, vous êtes la fille d'un gentleman, mais qu'était votre mère ? Et que sont vos oncles[199] ? »

Mariages « imprudents »

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Jane Austen se méfie du « coup de foudre » et présente les deux mariages fondés sur une « première impression » ou un coup de tête comme voués à l'échec[N 61] : Monsieur Bennet a épousé Miss Gardiner, « séduit par sa jeunesse, sa beauté et l'apparence d'une heureuse nature »[68], mais elle s'est avérée disposer d'un esprit étroit et d'un total manque de jugement. Lydia éprouve une passion juvénile pour Wickham, dont elle est « follement éprise », et se fait imprudemment enlever. Son mariage est « une nécessité qui s'impose », pour sauvegarder l'honneur de toute la famille, garantir l'ordre et la moralité, et respecter les contraintes sociales[201] : elle n'a pas eu, comme Georgiana, un grand frère, ni comme Miss King, un oncle, pour la protéger du séduisant mais dangereux Wickham.

Ces mariages sont fragiles, voire conduisent à la catastrophe[202]. Mr Bennet, trop indolent pour « chercher un réconfort dans ces plaisirs auxquels tant d'autres ont recours pour se consoler de déceptions causées par leur imprudence »[68], reste fidèle à sa femme[N 62], mais se réfugie dans sa bibliothèque, la laissant se débrouiller avec l'éducation de ses filles. Lydia se console en s'invitant chez ses sœurs, pendant que son mari, dont l'affection s'est muée en indifférence, va s'amuser à Bath ou à Londres, mais « en dépit de sa jeunesse et de la liberté de ses manières, sa réputation ne donna plus sujet à la critique »[N 63].

Mariages d'intérêt

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La fonction sociale du mariage reste essentielle à l'époque et justifie les « mariages de raison »[204].

Gravure. Un homme, genou en terre, baise la main d'une jeune fille assise
Demande en mariage, vers 1815.

Collins se marie par devoir, car un clergyman doit donner l'exemple, et l'identité de sa future épouse importe peu. Hurst, gentleman sans fortune, a épousé la riche mais très roturière Louise Bingley (20 000 £ de dot)[N 64]. Un certain nombre de mariages possibles sont évoqués : celui dont rêve Caroline Bingley pour assurer l'ascension sociale de son frère, avec Miss Darcy, et ensuite la sienne, en épousant Mr Darcy ; celui qu'a programmé Lady Catherine, entre sa fille et son neveu Darcy pour consolider leur fortune et leur position sociale, « car ils sont destinés l'un à l'autre depuis leur naissance » (le colonel Fitzwilliam, son autre neveu, n'étant pas un héritier, mais seulement un second fils, n'a pas le prestige du propriétaire de Pemberley) ; le colonel, de son côté, fait comprendre à Elizabeth qu'elle lui plaît beaucoup, mais, étant cadet de famille, il ne peut guère se marier selon son choix ; Wickham courtise Miss King lorsqu'elle hérite de 10 000 livres[205], et Mrs Bennet, enfin, aurait été ravie de voir Elizabeth devenir Mrs Collins, même si le mariage aurait été particulièrement mal assorti et probablement malheureux. Quoique son désir immodéré et caricatural de marier ses filles soit tourné en dérision, il « montre qu'elle se soucie davantage que son mari de les placer socialement »[206].

Sous certaines conditions, ces mariages peuvent connaître une réussite relative, comme le montre la situation de Charlotte Lucas. L'intelligente, pragmatique et peu romanesque Charlotte, consciente de son manque de charme, de son âge et de la situation de sa famille, montre, en acceptant d'épouser Mr Collins, les limites du mariage de convention, du moins en ce qui concerne l'épanouissement personnel. Considérant le mariage comme « la seule situation convenable pour une jeune femme distinguée et de fortune modeste », elle reconnaît n'en attendre qu'un foyer confortable et la sécurité financière[C 17]. Elle pense que les relations et la situation sociale de Mr Collins lui apporteront des « chances de bonheur que tout le monde ne trouve pas dans le mariage »[89]. Elizabeth en doute, mais voit par elle-même, en lui rendant visite à Hunsford, comment Charlotte se satisfait de son mariage[N 65], en « oubliant souvent » son mari[208] et en se consacrant à « sa maison et son ménage, sa paroisse et son poulailler »[N 66]. Comme pour Louise Bingley, son mariage est une promotion sociale, et il représente « la voie normale » à l'époque[N 67].

Gravure.Une jeune femme s'adresse d'un ton faussement docte à l'homme attentif assis à côté d'elle
Dites-moi, est-ce pour mon impertinence que vous m'admiriez ? (C. E. Brock, 1895).

Mariages réussis

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ou « Marriage of true minds »[N 68].

Ce sont les mariages fondés sur l'estime, la gratitude, l'affection, le respect mutuel, où les questions de fortune, de rang, de titre passent en second[211] : « L'aimez-vous assez ? […] Êtes-vous certaine, vraiment certaine d'être heureuse avec lui ? […] Rien n'est pire que de se marier sans affection » dit Jane en apprenant que sa sœur s'est fiancée à Darcy[212]. Mrs Gardiner les appelle des mariages « judicieux » (prudent)[N 69].

On peut ranger dans cette catégorie le mariage des Gardiner. Les qualités personnelles d'Edward Gardiner, sensible, agréable, cultivé, bien élevé (« gentleman like »), et de sa femme, aimable, intelligente et élégante[214], ainsi que les relations affectueuses qu'ils ont avec leurs nièces, en font un couple heureux, et aussi un modèle pour Jane et Elizabeth, qui voient que le bonheur dans le mariage est non seulement désirable, mais réalisable[215].

De même, la sage et sensible Jane Bennet trouve le bonheur en épousant l'aimable Charles Bingley. Elle est consciente que son mariage avec un homme qu'elle aime et qui l'aime est un immense bonheur « qu'[elle] ne mérite pas », et qu'elle répond aussi aux vœux de sa « chère famille » en assurant sa sécurité financière. Mais ce mariage est tout de même terni par le sentiment que la discrétion de Jane et le caractère trop influençable de Bingley ont failli les séparer pour toujours[211].

Le mariage d'Elizabeth et Darcy est le plus brillant. Romanesque, et d'apparence peu réaliste, il a des aspects paradoxaux. C'est « une union convenue, qui tout à la fois bouleverse les codes sociaux et conforte les conventions de la comédie sentimentale »[52]. Le choix d'Elizabeth est un choix libre, un « bon » choix, qui n'est pas « intéressé », dicté par des impératifs économiques (sinon elle aurait accepté d'épouser Darcy dès sa première demande) mais « judicieux »[216], parce qu'elle a appris à chérir un homme digne d'être aimé à cause de ses qualités morales et personnelles. Darcy éprouve pour elle un amour passionné qui le pousse à transcender les barrières sociales et le qu'en-dira-t-on, et à réformer son comportement pour conquérir son affection. En épousant Elizabeth, il rompt avec les règles de la société traditionnelle, puisqu'il s'allie à la société commerçante représentée par les Gardiner, « pour qui, comme sa femme, il éprouvait une réelle affection »[217], et Elizabeth, en l'épousant, transcende son dilemme : elle trouve son épanouissement personnel dans un mariage d'argent extraordinairement avantageux[218]. Ce mariage a quelque chose de subversif, et en même temps de tout à fait conventionnel puisque, en dépit de son indépendance d'esprit, Elizabeth, en fille responsable, se marie au-dessus de sa condition, et assure sa sécurité financière et son ascension sociale[219].

En montrant sa préférence pour des mariages fondés avant tout sur l'affection mutuelle, Jane Austen affirme que les mariages heureux sont possibles[N 70], mais qu'ils demandent intelligence et maturité émotionnelle[221].

Gravure. Deux couples dans une figure de contredanse très enlevée
Figure de contredanse, vers 1805.

Les différentes scènes de bal sont particulièrement développées, car elles jouent un rôle essentiel dans la diégèse : terrain neutre où les personnages se rencontrent, ce décor se prête à de multiples intrigues[222].

Bals et vie sociale

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On sait, par ses lettres, que Jane Austen adorait danser[N 71], et il y a des bals dans tous ses romans. L'intérêt pour les bals est de règle à son époque, où les bals sont une partie essentielle de la vie sociale et jouent un grand rôle dans la vie d'une jeune fille, dans la mesure où la danse participe à l'acte de faire sa cour[224] : c'est un moment où elle peut échapper à la surveillance de son chaperon (en général sa mère) et engager librement la conversation avec son cavalier, surtout lorsque leur couple est immobile dans la succession des figures imposées[225]. Même si les contacts physiques que permettent la contredanse, ou plus tard le quadrille[N 72], sont fort limités, la possibilité d'avoir un partenaire attitré, qui réserve plusieurs danses au cours du bal, est alors un prélude indispensable aux fiançailles. L'adage « To be fond of dancing was a certain step towards falling in love »[226] (« l'amour de la danse conduit immanquablement à tomber amoureux ») peut parfaitement s'appliquer à Charles Bingley qui « prit part à toutes les danses » à Meryton, et dont Darcy dit dans sa lettre à Elizabeth « l'avoir auparavant souvent vu amoureux ».

Un gentleman peut inviter la dame de son choix pour deux danses successives et, selon le nombre de couples et la longueur de la salle, l'enchaînement de ces deux danses peut durer une demi-heure[N 73]. Avec leur code de bonne conduite, les bals peuvent être considérés comme des allégories de la vie sociale[227], et les figures imposées de la danse comme des symboles des relations qui se créent entre les personnages : on voit ainsi au bal de Meryton, Bingley choisir Jane comme cavalière privilégiée dès leur première rencontre ; à celui de Netherfield, Elizabeth regretter l'absence de Wickham avec qui elle espérait danser, et subir comme un véritable supplice les deux danses avec Mr Collins[189].

Fonction symbolique

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Gravure. 5 personnages sur deux niveaux, chacun représentant une position
Les cinq positions du quadrille (Thomas Wilson, 1811)

C'est cependant pour Darcy et Elizabeth que cette fonction symbolique est la plus marquée. Leurs relations sont compliquées et montrent que tous les deux méprisent dans une certaine mesure les codes en usage. La narratrice extradiégétique leur ménage quatre occasions de danser ensemble, toutes dans la première partie d’Orgueil et Préjugés, au cours de trois bals clairement identifiés, plus la surprenante invitation de Darcy à Elizabeth, pendant son séjour à Netherfield. Elles fonctionnent comme une métaphore et un modèle de leur situation relative et de leur devenir : Jane Austen utilise, d'ailleurs, pour parler d'invitation à danser, les mêmes mots que pour une demande en mariage : « demander la main », « engager » une partenaire[228].

Le premier bal, à Meryton[114], est l'événement fondateur : Darcy, avec une extrême impolitesse, puisqu'il y a insuffisance de cavaliers, snobe superbement Elizabeth (dont toute l'attitude, par la suite, découle de sa première impression : elle est beaucoup plus vexée qu'elle veut bien se l'avouer), montrant par-là qu'il refuse de s'engager. Il n'est pas, contrairement à l'affirmation de l'incipit, « à la recherche d'une femme ».

Il y a ensuite le bal plus ou moins improvisé à Lucas Lodge[229], où Darcy, bien qu'il ait auparavant affirmé détester danser « à moins de bien connaître sa cavalière », se laisse entraîner à inviter presque malgré lui Elizabeth[227], qui a un mouvement de recul et refuse avec beaucoup de détermination, juste après avoir fait remarquer à Charlotte : « [Monsieur Darcy] a un œil très critique, et si je ne me mets pas à être impertinente moi-même, il va commencer à m'effrayer », tandis qu'il admire avec quel doigté elle refuse ses avances[N 74]. Elle manifeste ainsi clairement à son tour son refus de se positionner sur le « marché du mariage ».

À Netherfield[230], pendant que Miss Bingley joue des airs écossais, Darcy s'approche d'Elizabeth, qui feuillette des partitions sur le piano, et lui demande si elle n'a pas envie de danser un reel[N 75] ; elle ne répond pas, d'abord, puis questionnée à nouveau, explique qu'elle n'a pas envie qu'il se moque d'elle. S'il est surpris par sa réaction, elle est surprise par son amabilité.

Il y a enfin le bal de Netherfield : Darcy a suffisamment dominé son préjugé pour décider de son propre chef de l'inviter[227] et Elizabeth, surprise par son abrupte invitation, ne trouve aucune excuse pour refuser de danser avec lui. Tout le monde, elle la première, est étonné de « la dignité à laquelle elle est parvenue »[143]. Même s'ils se séparent assez mécontents, le fait qu'Elizabeth ait enfin accepté de danser avec lui autorise la perspective d'une union[189].

Ainsi, après avoir fermement refusé Darcy à Hunsford, Elizabeth a-t-elle des relations beaucoup plus aimables avec lui à Pemberley, et accepte finalement d'épouser celui qu'elle tenait au début en si grand mépris, trouvant désormais « parfaitement aimable »[N 76] l'homme qu'elle avait « résolu de détester », comme le souligne ironiquement la narratrice[143].

Éducation et « talents d'agrément »

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Gravure colorisée. Un clergyman debout déclame devant une jeune fille assise, tête baissée, en train de broder
Elizabeth brode pendant la déclaration de Mr Collins. C E Brock, 1895

L'éducation des garçons est évoquée seulement à propos de Wickham, à qui Mr Darcy père, son parrain, paya les études au collège puis à Cambridge, ce qui lui permit d'acquérir une éducation de gentleman, et de Mr Collins, qui a fréquenté « une des universités », condition nécessaire pour devenir clergyman, mais le roman revient souvent sur la forme et le contenu de l'éducation des filles.

Une éducation féminine

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Le mariage étant le destin normal d'une jeune fille de bonne famille, son éducation est censée en faire une épouse « accomplie », qui fait honneur à son mari et tient sa maison : les sœurs Bingley ont fréquenté « un des meilleurs pensionnats de Londres », et Georgiana, à quinze ans, après ses « études », est installée à Londres par ses deux tuteurs avec une dame de compagnie.

Une conversation à Netherfield donne la mesure de ces « arts d'agrément » que doit pratiquer une jeune fille « accomplie »[232]. Pour Charles Bingley, il s'agit seulement de « peindre de petites tables, broder des écrans[N 77] et tricoter des bourses ». Caroline, qui loue les talents de Georgiana Darcy, si gracieuse et si bonne pianiste, fait la liste des arts qu'il convient d'étudier : musique, dessin, danse, langues étrangères (essentiellement le français, à l'époque) y ajoutant ce « je ne sais quoi » dans la démarche et les manières qui est la marque de la parfaite élégance. Darcy y ajoute la nécessité de « cultiver son intelligence par de nombreuses lectures ». Elizabeth ne peut que rire de ce portrait de « perfect lady », tellement idéal qu'il lui semble impossible qu'une femme réunisse l'ensemble de ces qualités. Elle-même est, au sens littéral du terme, un personnage « extra-ordinaire » qui montre son indépendance, et refuse d'être parfaitement « accomplie » selon les critères en vigueur[233], par exemple en marchant seule trois miles à travers la campagne boueuse, ou en dédaignant de s'exercer au piano.

Gravure. Jeune femme jouant, assise devant un piano droit
Jeune femme jouant du piano-forte, à l'époque de la Régence.

La notion d’accomplishments est d'ailleurs toute relative. Mary, qui lit les Sermons aux jeunes femmes de James Fordyce, « copie des citations » et aime se produire au piano-forte, est pédante et vaniteuse, mais est considérée comme très « accomplie » par la société locale. Mrs Bennet, qui ne connaît que la société de Meryton d'où elle est issue, se ridiculise en admirant Sir William, « si distingué » et qui « a toujours quelque chose à dire à chacun »[234]. Elle ne voit pas la distinction et l'élégance des manières de la classe sociale supérieure où elle rêve de voir entrer Jane, mais seulement ses avantages matériels et financiers[235].

Dangers d'une éducation négligée

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Jane Austen présente, à travers la famille Bennet, les dangers d'une éducation insuffisante ou négligée. Lady Catherine est choquée qu'Elizabeth et ses sœurs n'aient pas eu de gouvernante ou que les plus jeunes ait déjà la liberté de « sortir »[236]. Leur mère ne semble pas leur inculquer des principes d'économie domestique : elle se moque de Charlotte devant aller en cuisine superviser la confection de tartelettes[237]. Elle ne leur inculque pas davantage de principes moraux, ne voyant pas le danger qu'il y a à laisser les plus jeunes flirter avec les officiers, se réjouissant sans vergogne d'avoir une fille « bien mariée ». Superficielle, vulgaire et égoïste, effrayée par la menace que l'entail fait peser sur elle, elle cherche à assurer sa sécurité matérielle et sa propre position sociale en mariant ses filles[238].

Mr Bennet a renoncé à son autorité paternelle et ne s'occupe de ses filles que pour s'en moquer. Seule Elizabeth, parce qu'elle a une tournure d'esprit proche de la sienne, trouve grâce à ses yeux[56]. Il laisse Lydia suivre le régiment pour avoir la paix à la maison, et est soulagé d'avoir eu si peu à faire pour sauver sa réputation. Parfaitement conscient que ce mariage est un replâtrage, « a patched-up business » comme dit Lady Catherine, il affirme cyniquement « être excessivement fier de » l'impudence de son gendre, alors que Jane est choquée et Elizabeth écœurée par le comportement du jeune couple[239].

Les filles Bennet ont été laissées à elles-mêmes[200], et ont appris ce qu'elles voulaient, si elles voulaient. Les aînées, soucieuses de l'éducation de leurs jeunes sœurs[N 78], ont assumé le rôle abandonné par leurs parents, et s'appuient l'une sur l'autre : « Jane s'est conditionnée » à ne jamais mal juger, « pour ne pas avoir à se confronter à des attitudes trop pénibles à affronter chez ses parents »[70]. Elizabeth, consciente des manquements de la famille et assumant le rôle du père, essaie, mais sans grand succès, de contrôler Lydia, et protège son aînée en lui cachant que le comportement de leurs parents et de leurs sœurs est responsable du départ de Bingley[70].

Si les deux aînées sont si bien élevées, c'est grâce aux Gardiner, à Mrs Gardiner en particulier : « Il y avait beaucoup d'estime entre elle et les deux aînées qui avaient souvent séjourné chez elle, à Londres »[240]. Elle est un modèle, une sage amie dont les avis sont écoutés : elle prévient Elizabeth de l'« imprudence » de s'attacher à Wickham et permet la réconciliation de Darcy et d'Elizabeth en amenant celle-ci à Pemberley[241], tandis que Mr Gardiner se substitue à son beau-frère pour sauver la réputation de Lydia. Les Gardiner représentent des parents de substitution idéaux, et Darcy découvre, avec surprise, dans leur rencontre inattendue à Pemberley, qu'ils sont parfaitement fréquentables (et Elizabeth montre sa bonne éducation en attendant qu'il lui demande de le présenter à ses amis). Ils sont récompensés en étant toujours accueillis « dans les termes les plus intimes » à Pemberley dans la famille recomposée, autour de Mr et Mrs Darcy[242].

Vie sociale et distractions

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Le roman permet d'avoir un aperçu de la vie sociale et des distractions disponibles pour la classe moyenne d'un petit coin de la campagne anglaise.

Longbourn, le village dont les Bennet sont les « principaux habitants »[114], Lucas Lodge, la demeure toute proche des Lucas, la petite ville de Meryton qui n'est qu'à un mile : voilà le cadre étroit dans lequel évolue la famille Bennet, qui, comme le proclame fièrement Mrs Bennet, dîne « avec vingt-quatre familles »[234]. Les demoiselles se déplacent à pied, pour aller à la ville voir la boutique de la modiste ou apprendre les derniers potins chez leur tante Philips, qui, en tant qu'épouse d'un attorney (avoué), jouit d'un certain statut social. On organise régulièrement des « assemblées »[N 79], on s'invite pour des dîners, ou simplement des soirées ; on y joue au loto ou aux cartes (quadrille, commerce, whist)[243], on y bavarde, on y lance un bal improvisé quand Mary accepte de jouer des airs à danser[72]. Les demoiselles se visitent pour prendre le thé, pour parler du dernier ou du prochain bal, les gentlemen chassent sur leurs terres, jouent parfois au billard, et le soir, lisent, jouent au piquet ou au trictrac (backgammon).

Gravure en couleur. Deux militaires en tunique rouge
Officier et soldat d'infanterie (« Habits rouges », en 1812).

L'arrivée des nouveaux occupants de Netherfield élargit un peu le cercle, mais ces jeunes gens riches et bien éduqués ne rendent visite qu'aux Bennet et aux Lucas, les seuls qui soient socialement fréquentables pour eux. Leurs distractions ne sont cependant pas très différentes : les messieurs chassent, on se promène dans les allées, le soir on joue aux cartes, et quand on n'y joue pas, certains lisent, font leur correspondance, les dames brodent en participant à la conversation ou jouent du piano[244]. Le bal du , qui fait l'objet d'une invitation officielle, apportée en main propre chez les Bennet, est une manifestation exceptionnelle, la plus brillante de la saison.

À Rosings, les distractions sont encore plus rares : s'il y a un billard pour les messieurs, Lady Catherine fait seule la conversation ; les dîners sont très formels, suivis de rituelles parties de cartes. Elizabeth y joue, au moins une fois, du piano. Cela ne surprend donc pas trop Charlotte que Darcy et le colonel Fitzwilliam s'invitent souvent au presbytère, pour profiter de la conversation d'Elizabeth.

Comme on ne sait rien du recteur local, celui qui assure le service du matin, le dimanche où Elizabeth et Jane quittent Netherfield[245], le clergé est représenté seulement par Mr Collins, qui ne donne pas une image bien reluisante de la profession. Il ne brille pas en société : il danse mal et sa conversation est fastidieuse. Son discours sur les devoirs de l'homme d'Église insiste sur le respect dû à sa protectrice et aux membres de sa famille[246]. Elizabeth s'étonne de voir Charlotte aussi empressée que lui auprès de Lady Catherine, avant de se faire assez cyniquement la remarque qu'« il y avait peut-être d'autres bénéfices paroissiaux à espérer » (« there might be other family living to be disposed of »)[247].

C'est la venue de la Milice pour ses quartiers d'hiver qui crée le plus de mouvements. Le régiment du colonel Forster est une de ces milices privées, levées pour renforcer l'armée régulière devant la menace d'invasion française. Jane Austen ne dit quasiment rien de la présence de la troupe[N 80], car seuls les officiers sont susceptibles de fréquenter la bonne société. Ils ont un statut social enviable : Wickham est le moins gradé (il n'est que lieutenant), mais il a des manières aussi distinguées que les autres officiers[248] et, comme eux, le prestige de l'uniforme. Ces capitaines sont en général des cadets de bonne famille qui ont acheté leur brevet. Leur présence bouleverse la vie locale : dîners au mess[249], bals, réceptions, invitations données et reçues, et comme certains sont mariés, thés et visites entre dames augmentent les occasions de sorties[N 81]. On peut comprendre que le départ du régiment ait causé un grand vide, et pas seulement pour Kitty et Lydia.

Les endroits où vivent les personnages, ceux d'où ils viennent et où ils vont[N 82], bien qu'ils soient peu décrits, donnent une vision précise du monde de Jane Austen : le temps et l'espace ancrent le récit dans la réalité. Mais les déplacements ont aussi une valeur symbolique. Pemberley est le seul endroit dont la description est relativement détaillée, ce qui pose la question de la fonction symbolique de cette description[251].

Lieux réels

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Les régions et les villes ne sont pas inventées. Le roman se passe essentiellement dans le Sud-Est de l'Angleterre, que l'auteur connaît bien[252] : le Hertfordshire au nord-ouest de Londres, et surtout le Kent où habitait son frère Edward Knight, au sud-est. Pemberley est situé dans le Derbyshire, dans les Midlands. Bingley vient des régions manufacturières du Nord, probablement Leeds[76]. Les Wickham seront exilés dans le nord minier, à Newcastle.

Lithographie. Rue vaste et animée
Cheapside vers 1837.

Les villes ont des connotations sociales négatives[251]. Brighton, mise à la mode par le Prince Régent, le futur George IV, où Lydia accompagne la jeune épouse du colonel Forster, et Ramsgate, sur la côte sud du Kent, où Wickham rejoint Georgiana, sont présentées comme des lieux de perdition : loin de leur famille, avec des chaperons incompétents ou mal intentionnés[N 83], les jeunes filles nouent des liens dissimulés et socialement dangereux.

Londres, souvent simplement appelée town (« la ville »), est le lieu où riches et pauvres, rentiers et commerçants habitent des quartiers différents et étanches : les Hurst habitent la très huppée Grosvenor Street[N 84], et Miss Bingley parle avec dédain du quartier « du côté de Cheapside » où Mr Gardiner a ses entrepôts (warehouse) et son domicile[N 85]. C'est pourtant une demeure à l'atmosphère joyeuse et aimable[255], où Jane passe l'hiver et Elizabeth fait étape en allant dans le Kent et en en revenant.

Sir William a caressé le projet d'avoir une maison en ville, Darcy et les Hurst en ont une dans un quartier résidentiel à la mode, où ils passent la « Saison »[256], en général de janvier à avril, car Londres est le lieu idéal pour rencontrer les gens élégants et importants, et pour les jeunes filles de la bonne société de faire leur entrée dans le monde. La capitale, cependant, est présentée comme le lieu des confusions, où les personnages se croisent sans se rencontrer[251], mais aussi comme un lieu de perdition : Lydia et Wickham s'y cachent.

Les paysages

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Les paysages ont des connotations symboliques ou esthétiques[257].

Photo. Paysage de montagnes, pittoresque et assez sauvage
Winnats Pass, dans le Peak District, dans le Nord du Derbyshire.

Voyager était habituel chez la gentry oisive ; on visitait amis ou parents : Jane Austen va voir son frère Edward à Godmersham Park dans le Kent, elle est hébergée chez plusieurs membres de la famille avant de pouvoir se fixer à Chawton, à 50 miles de Londres, sur la route entre Winchester et Londres (la distance exacte qui, dans le roman, sépare Hunsford, dans le Kent, de Lucas Lodge, dans le Hertfordshire).

Mais le tourisme aussi était à la mode[N 86]. Le goût du pittoresque[257], véhiculé par des guides de voyages comme ceux du Révérend William Gilpin[259], est partagé par Elizabeth, dont Jane Austen souligne avec ironie l'enthousiasme débordant à l'idée de visiter la région des Lacs[260], de façon plus intelligente toutefois, espère-t-elle, que les touristes ordinaires.

Cependant Jane Austen ne s'attarde pas plus à décrire le Derbyshire qu'elle n'a décrit la région des Lacs, car ce ne sont pas « les célèbres beautés de Matlock, Chatsworth, Dovedale ou des Peaks » qui attirent Mrs Gardiner, mais la minuscule partie (« small part ») du Derbyshire où se trouvent « la petite ville (little town) de Lambton » où elle a vécu avant son mariage, et, par extension, Pemberley, le grand domaine tout proche. Les lieux touristiques traversés ou visités sont tout juste cités, car ils « sont suffisamment connus »[N 87]. L'auteur reste fidèle à ses principes : le voyage d'Elizabeth dans le Derbyshire ne doit pas devenir un prétexte pour décrire des paysages pittoresques, que d'autres ont assez abondamment détaillés par ailleurs pour que le lecteur puisse les imaginer[262]. Il a une valeur initiatique : elle doit apprendre à ne pas se contenter d'admirer la surface des choses, leur aspect esthétique, leur pittoresque en un mot. La découverte de Pemberley, un domaine « without any artificial appearance » (« sans rien d'artificiel »)[263], va lui révéler la vraie nature de son propriétaire[261].

Lieux imaginaires

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Parcs et jardins

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Si Jane Austen reste très sommaire dans la description des lieux que fréquente son héroïne, elle en dit suffisamment pour planter le cadre sans brider l'imagination de son lecteur.

Du Hertfordshire, ne sont cités que la rue principale de Meryton, le bosquet, la pelouse, le petit bois et l'oratoire de Longbourn, les allées plus ou moins larges de Netherfield, et les distances entre ces divers lieux[N 88]. Cela suffit à montrer le goût d'Elizabeth pour les promenades solitaires, et son besoin viscéral de grand air et d'espace.

Lithographie en couleur. Château apparaissant dans une perspective
Broadlands, près de Romsey, (Hampshire), remodelé par Lancelot Brown (« Capability Brown ») en 1767 (gravure de 1880).

Cela est confirmé par ses longues promenades dans le parc de Rosings qui l'enchante, et où elle se réfugie souvent pour échapper à l'étouffante Lady Catherine, parc où Darcy la rejoint plusieurs fois - ce qui anticipe leurs rencontres de Pemberley - parc aussi où le colonel Fitzwilliam lui dévoile le rôle de Darcy dans la défection de Bingley, et où elle passe deux heures à décrypter la lettre que ce dernier est venu lui remettre.

Le domaine de Pemberley, en revanche, bénéficie de deux descriptions. La première est la vue, ou plutôt la succession des points de vue qui s'offrent aux visiteurs empruntant la route qui, au terme d'une montée à travers bois, révèle brusquement à une Elizabeth émerveillée (delighted) le château dans son écrin de collines boisées[264],[N 89]. L'autre décrit de façon assez détaillée (mais Elizabeth, troublée, regarde sans voir) la promenade selon le circuit permettant d'apprécier la beauté du parc et la variété de ses paysages[266],[N 90]. Pemberley s'inscrit ainsi dans la tradition esthétique préconisée par Lancelot Capability Brown[257] : de vastes ondulations d'étendues herbeuses, des bosquets, des rideaux d'arbres, des lacs aux contours irréguliers, d'aspect le plus naturel possible, avec des points de vue et des perspectives variées[N 91].

Habitations

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Bien que les demeures des personnages soient imaginaires, elles sont localisées de façon précise : Longbourn, Lucas Lodge et Meryton dans le Hertfordshire[269], à environ 50 miles de Rosings Park dans le Kent[N 92].

Ces lieux sont importants dans la mesure où Elizabeth y passe ou y séjourne. À l'exception de Hunsford, le presbytère de Mr Collins, ce sont des demeures de la gentry, avec des pelouses, des bosquets, un parc. Mais il y a une gradation, en fonction de la richesse ou de la position sociale du propriétaire. De Longbourn, le foyer familial, qu'Elizabeth n'a quitté, jusqu'à présent, que pour des séjours chez sa tante à Londres, de Netherfield, le domaine loué par Bingley, où elle passe trois jours, d'Hunsford, que Charlotte rend confortable, le lecteur ne sait que ce qui est nécessaire à l'intrigue. Mais Rosings Park[272], qui n'a droit qu'à une ligne de la part de la narratrice extradiégétique (« une belle construction moderne, bien située sur une éminence ») et une réflexion d'Elizabeth (« il n'y avait [à Pemberley] rien de voyant ou d'inutilement somptueux comme à Rosings »), est abondamment loué par Mr Collins, qui fait preuve de son manque de goût par ses descriptions minutieuses et triviales des nombreuses fenêtres[N 93], de la cheminée monumentale[N 94], ou des divers points de vue[248] .

La visite de Pemberley House, dont l'auteur souligne le confort, l'élégance, la beauté sans ostentation, permet à Elizabeth de découvrir « en creux » le véritable caractère de Darcy[222] : un homme de goût, plein de sollicitude pour sa sœur et de respect filial, au point d'avoir laissé en place une miniature de Wickham que son père aimait beaucoup[274]. Il est significatif qu'elle s'intéresse plus à ce que dit l'intendante du caractère du propriétaire que de la valeur du mobilier, et que, dans la galerie remplie de portraits de famille, elle aille regarder le seul qu'elle pût reconnaître. La contemplation du portrait souriant[N 95], « de ce sourire qu'elle se souvenait lui avoir vu quelquefois quand il la regardait », prépare Elizabeth à rencontrer Darcy en personne dans le cadre naturel et sans artifice du parc[276].

De Longbourn à Pemberley

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Gravure colorisée : un homme et un couple se saluent, sous le regard d'une personne tenant une ombrelle
Présentation des Gardiner, les parents de cœur, dans le parc de Pemberley, (C. E. Brock 1895).

Comme toutes les héroïnes de Jane Austen, à part, dans une certaine mesure, Emma (qui ne quitte pas le Surrey), Elizabeth accomplit un voyage à la fois géographique, sentimental, social et moral[277]. Elle a passé toute sa vie à Longbourn. Mais, soumis à l'entail, le domaine de son enfance n'appartient à la famille Bennet que jusqu'à la mort de Mr Bennet, et passera ensuite aux mains de Mr Collins. En attendant de le quitter définitivement, elle entreprend une série de voyages qui lui permettent d'échapper peu à peu aux valeurs superficielles et aux trivialités de Longbourn et Meryton pour découvrir les vraies valeurs dont Pemberley est le symbole et le domaine[278].

La première étape de son ascension sociale commence timidement à Netherfield[N 96], le domaine loué par Bingley, où sa sœur et elle se montrent parfaitement fréquentables par la société élégante, malgré les critiques jalouses de Miss Bingley.

Mais ce sont les deux voyages, dans le Kent puis dans le Derbyshire qui sont essentiels[277]. Pendant son séjour à Hunsford, elle découvre l'aristocratie sous son aspect le plus négatif. Lady Catherine est orgueilleuse et imbue de son importance, et Darcy la demande en mariage avec condescendance : Rosings House est prétentieux comme sa propriétaire, et la demande de Darcy est hautaine et inélégante[272]. Cependant, l'évolution de la végétation dans le parc et l'attitude aimable du colonel Fitzwilliam (qui n'est pas influencé par le comportement de la famille « infréquentable » que Darcy a du mal à oublier[279]) durant les quelques semaines de son séjour, préludent à d'autres transformations.

Son voyage dans le Derbyshire avec les Gardiner lui fait découvrir Pemberley[N 97] et la véritable personnalité de son propriétaire[257]. Lorsque Jane lui demande quand elle a commencé à aimer Darcy, Elizabeth lui répond : « Depuis que j'ai visité son beau domaine de Pemberley ». Cette remarque n'est pas mercantile, Elizabeth ayant prouvé, en repoussant Darcy à Hunsford, qu'elle n'est pas éblouie par sa fortune. Simplement, elle est tombée amoureuse de son domaine, au point d'éprouver « quelque chose qui ressemble à du regret » de l'avoir rejeté, lui[280]. En quelque sorte, l'amour qu'elle ressent pour Pemberley lui révèle celui qu'elle ignore porter à son propriétaire. Elle découvre l'accord parfait qui existe entre le maître et son domaine[257], et réalise qu'il partage son goût pour une nature « dont le pittoresque naturel est parfaitement conservé ».

Photo. Salle à manger d'apparat
Un intérieur somptueusement meublé : la grande salle à manger de Chatsworth House, le modèle possible de Pemberley House.

Pemberley est l'étalon à l'aune duquel se mesurent tous les autres espaces[281]. Pemberley House n'est pas seulement une belle maison richement meublée, mais le nouveau foyer où Elizabeth va trouver le « confort, l'élégance et l'intimité de la vie familiale », le lieu utopique (le contraire de Longbourn/Meryton) où il sera possible de vivre loin des mesquineries, de la bassesse, de la vanité du monde[282]. L'envie qu'elle ressent d'y accueillir son oncle et sa tante et la politesse avec laquelle Darcy se comporte envers son oncle, un homme d'une véritable élégance, anticipent ce qui sera la réalité finale : Pemberley va devenir le nouveau centre où, « image fidèle de la félicité conjugale » Darcy et elle accueilleront ceux qui seront jugés dignes de faire partie de leur famille, reconstituant autour d'eux une famille de cœur[242] : Georgiana s'y épanouira aux côtés d'Elizabeth, Catherine s'y cultivera, Jane et Charles Bingley y seront souvent fraternellement invités (lorsqu'ils auront, eux aussi, quitté le Hertfordshire)[71], Mr Bennet s'y invitera à l'occasion, les Gardiner y seront reçus comme des parents très aimés, et Lady Catherine acceptera d'y revenir. Ainsi, les trois classes sociales du monde de Jane Austen, l'aristocratie, la gentry et le commerce se réconcilient à Pemberley[283]. Cependant, si Lydia peut parfois y séjourner, Wickham, parce qu'il s'en est montré indigne, et ne s'est pas amendé, a définitivement perdu le droit d'y revenir[25].

Postérité du roman

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gravure d'une jolie jeune femme assise
Pour Deirdre le Faye[284], ce portrait de Mrs Q. (Harriet Quentin) par François Huet Villiers (1772-1813) est le « petit portrait de Mrs Bingley » qu'évoque Jane Austen dans la lettre du 24 mai 1813.

Avenir des personnages

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Les personnages de Pride and Prejudice ont continué à vivre dans l'imagination de Jane Austen, et James Edward Austen-Leigh raconte, dans ses Souvenirs de Jane Austen, qu'elle donnait, si on le lui demandait, des renseignements sur l'avenir de certains personnages. Ainsi, pour les deux sœurs Bennet non mariées, elle envisage un mariage satisfaisant pour Catherine, avec un clergyman installé près de Pemberley, tandis que la pauvre Mary se contente d'épouser un des clercs de son oncle Philips, parfaitement satisfaite d'être un objet d'admiration à Meryton[C 18],[286].

En ce qui concerne Jane et Elizabeth, on sait qu'elle s'en faisait une idée très précise, et, dans la lettre du [287], adressée à sa sœur Cassandra, elle raconte sa visite de l'exposition de peinture de Spring Gardens, où elle a eu le plaisir de voir « a small portrait of Mrs Bingley, excessively like her » (« un petit portrait de Mrs Bingley, extraordinairement ressemblant ») :

« Mrs Bingley's is exactly herself — size, shaped face, features, and sweetness […] She is dressed in a white gown, with green ornaments, which convinces me of what I had always supposed, that green was a favourite colour with her. I dare say Mrs D. will be in yellow[287]. »

« Le portrait de Mrs Bingley, c'est tout à fait elle : la taille, la courbe du visage, les traits, et la douceur […] Elle porte une robe blanche, avec des ornements verts, ce qui me convainc de ce que j'ai toujours supposé, que le vert est sa couleur préférée. Je parie que Mrs Darcy sera en jaune. »

Peinture. Portrait d'une jeune femme brune assise en robe empire blanche
Portrait d'une dame inconnue, par Henri Mulard, vers 1810 :
Elizabeth's face « was rendered uncommonly intelligent by the beautiful expression of her dark eyes[288] ».

Mais ses espoirs d'en voir un de Mrs Darcy furent déçus. Elle n'en vit pas non plus dans Pall Mall, à l'exposition des œuvres de Sir Joshua Reynolds. Le soir même, elle poursuit sa lettre et revient sur sa déception de ne rien avoir vu qui ressemble à Elizabeth. « J'imagine que Monsieur Darcy accorde trop de valeur à n'importe quel portrait d'elle pour aimer l'idée d'en exposer un à la vue du public. Il pourrait éprouver, j'imagine, un sentiment de ce genre, un mélange d'amour, de fierté et de pudeur »[C 19].

C'est le XXe siècle qui, à partir de 1938, a donné un visage aux personnages d’Orgueil et Préjugés, à travers de multiples adaptations, au théâtre, au cinéma et surtout à la télévision.

Célébration du bicentenaire

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« It is a truth universally acknowledged… » « C'est une vérité universellement reconnue que le bicentenaire de Pride and Prejudice sera accompagné par une déferlante d'événements et de produits commerciaux liés à Jane Austen », affirme BBC News en , en parodiant le célèbre incipit du roman[289]. De nombreux événements jalonnent en effet l'année 2013[290] en Grande-Bretagne mais aussi ailleurs.

Calendrier des manifestations

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  • En janvier, une soirée culturelle à Brno, en République tchèque[291], une projection commentée du film de Joe Wright à New York[292].
  • En février, une soirée « faccia a faccia con Orgoglio e pregiudizio » à Rome[293]
  • Une soirée-débat avec Simon Langton, à Chawton en avril, à Bath en mai
  • Mais aussi : des conférences (à Omaha, Halifax, Chawton House, Canberra) ; des expositions (autour de l'œuvre elle-même au Jane Austen's House Museum[294], de costumes Regence à Alton) ; des bals Regence ; des concerts (Adélaïde, Jane Austen's House Museum), des festivals (Canberra, Cambridge, Louisville) ; des ateliers d'écriture (à Chawton) ; des comparaisons de traductions (entre portugais et brésilien)[295] ; un colloque interdisciplinaire « Jane Austen: Orgullos y Prejuicios » à l'université de Mexico[296].
  • Sont organisés des circuits (Bath, Lacock, Luckington Court), des lectures publiques (Readaton à Bath[297], à Hinton Ampner dans le Hampshire, à Alton) et, tout l'été, des représentations en plein air d'adaptations théâtrales de Pride and Prejudice, en Grande-Bretagne et ailleurs (Nouvelle-Zélande).
  • Le Salon du livre de Paris 2013 avait un stand Jane Austen, exclusivement consacré, à défaut de la présence de l'écrivain pour une séance de dédicace, à des réécritures romanesques de son œuvre, et présentait sur écran des projections des adaptations de la BBC qui ont largement contribué à la faire (re)découvrir[298].
  • Le numéro de de La Revue des deux Mondes, qui a pour titre : Pourquoi Jane Austen est la meilleure[299], présente un article intitulé Chacune cherche son Darcy[300].
  • La Jane Austen Society of the Netherlands a présenté le une rose anglaise spécialement créée pour le bicentenaire[301].

Orgueil et Préjugés sur les écrans

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Depuis 1938, le roman ne cesse d'être adapté ou transposé, surtout à la télévision, mais aussi au cinéma et même, en 2012-2013, sous forme d'une web-série, chaque adaptation reflétant la sensibilité de l'époque de sa création.

Photo noir et blanc tirée de la scène du bal
Greer Garson dans Orgueil et Préjugés (1940), où elle tient le rôle d'Elizabeth Bennet.

Adaptations au cinéma

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Il est possible de classer les nombreuses adaptations en différentes catégories.

Photo. Tête de l'actrice, de face, yeux fardée, longue chevelure souple
Keira Knightley au Festival du film de Toronto, en 2005, lors de la sortie de Pride & Prejudice, où elle tient le rôle d'Elizabeth Bennet.
Photo couleur. Portrait de face
Matthew Macfadyen (ici au Royal Court Theatre de Londres en 2007), Mr Darcy en 2005, au cinéma.

« Films d'époque » (costume dramas)

Transpositions proximisantes

Adaptations libres

Œuvres liées

À la télévision

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Photo noir et blanc.Homme en noir assis aux pieds d'une dame, un bras sur ses genoux, la regardant.
Pièce télévisée de la NCRV : De vier dochters Bennet, avec Mien Duymaer van Twist (Mrs Bennet) et Ab Abspoel (nl)[309], adaptation néerlandaise du roman Orgueil et Préjugés.
Adaptations
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Photo noir et blanc. Tête de 3/4 gauche
Colin Firth (ici à la Mostra de Venise en 2009), Mr Darcy en 1995, à la télévision.

On peut considérer que ce sont toutes des costume dramas.

Œuvres liées
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Sur la Toile

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The Lizzie Bennet Diaries, Web-série en cent épisodes parue sur YouTube du au , qui transpose l'intrigue au XXIe siècle, se présente comme le blog vidéo personnel de Lizzie Bennet, étudiante californienne préparant un diplôme en communication de masse. Elle y raconte avec humour ses relations conflictuelles avec sa mère et sa petite sœur Lydia, puis ses rapports compliqués et houleux avec le mystérieux William Darcy, propriétaire d'une entreprise du numérique Pemberley Digital.

Autres transpositions d’Orgueil et Préjugés

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Les adaptations pour la scène sont nombreuses et régulièrement montées :

  • 1922 Pride and Prejudice : adaptation de Mary Steele MacKaye[314]
  • 1935 Pride and Prejudice : pièce sous-titrée A Sentimental Comedy in Three Acts adaptation de Helen Jerome, créée le à Philadelphie[315]
  • 1949 Wedding at Pemberley : pièce en un acte de Anne et Arthur Russel
  • 2008 Adaptation de John Jory
  • 2013, pour le bicentenaire : Pride and Prejudice, adaptation de Laura Turner, montée par Chapterhouse Theatre Company, jouée tout l'été en tournée dans des parcs de demeures classées, comme Pentillie Castle (Cornouaille)[316] ou Enniskillen Castle (Irlande du Nord)[317] ; adaptation de Simon Reade au Regent's Park Open Air Theatre à Londres[318] ; adaptation nouvelle d'Amy Whiterod et Joy Hellyer, créée en juin à Wellington, en Nouvelle-Zélande[319],[320], nouvelle adaptation de Wendy Reynolds présentée à Chawton le [321].

Des comédies musicales ont aussi été tirées du roman :

  • 1959 First Impressions : Comédie musicale de Broadway, créée le à l'Alvin Theater à New York.
  • 1995 Pride and Prejudice : comédie musicale de Bernard J. Taylor, créée en 1995 à Peoria, dans l'Illinois, et donnée du 11 au à l'Elgiva Theatre, à Chesham, Buckinghamshire.
  • 2009 Jane Austen’s PRIDE AND PREJUDICE, A Musical, comédie musicale de Lyndsay Warren Backer et Amanda Jacobs[322], plusieurs fois récompensée et rejouée.
  • Pour le bi-centenaire, en 2013, Pride & Prejudice - The Musical, de Richard Croxford et Mark Dougherty, joué au Everyman Palace Theatre de Cork du 14 au et au Lyric Theatre de Belfast du au [323] ; et Pride & Prejudice: A New Musical, de Sam Balzac et Kathleen Recchia, créée pour Book & Blanket Players Youth Theatre, 10 et à New York[324].

En littérature

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Une première suite, par Sybil Brinton (Old friends and New fancies) est publiée en 1913, une deuxième, par Dorothy Bonavia-Hunt (Pemberley Shades) est publiée en 1949 et rééditée en 1977, une autre par Emma Tennant (Pemberley, or, Pride and Prejudice Continued) en 1993.

En 1928-1930, la femme de lettres japonaise Nogami Yaeko (1885-1985) s'inspire fortement d'Orgueil et Préjugés, qu'elle a découvert en 1907 et admire beaucoup (elle a même aidé son mari à le traduire), pour écrire Machiko, un roman feuilleton contemporain paru dans les journaux Kaizō (Reconstruction), pour les épisodes un à sept, puis Chuō Kōron (Central Review), pour le dernier. L'ensemble est sorti en librairie en 1931[325]. Entre et elle publie, dans Fujin Kōron, une revue féminine, 虹 の 花 (Niji no hana) « Fleurs de l'arc-en-ciel », présenté comme une traduction libre de Pride and Prejudice, qui condense l'histoire d'« Erizabesu » et de « Daashi »[326].

Mais c'est le succès de la série télévisée de 1995 qui a vraiment lancé toute une industrie paralittéraire autour de Jane Austen ; de nombreux auteurs de langue anglaise (féminins pour la plupart) imaginent des réécritures de qualités souvent fort inégales[327] : préquelles ou pastiches, suites, voire transpositions proximisantes, parfois traduites en français[328], comme :

Sur le Web, divers sites proposent des textes en ligne, variations sur Orgueil et Préjugés :

Manga/Bande-dessinée

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  • Marvel, l'éditeur de « Comics » américain a lancé une courte série de cinq épisodes, dont premier épisode est sorti en sur un scénario de Nancy Hajeski[336] et le dernier en août de la même année, avant de l'éditer en un seul volume[337].
  • Pride and Prejudice, un manga anglophone des éditions Udon et de la collection Manga Classics, collection adaptant les classiques de la littérature en manga.
  • Orgueil & Préjugés, en album BD aux éditions Soleil, et adapté par Aurore. Le premier tome est sorti en . Deux autres sont à venir.

Notes et références

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Citations en anglais

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  1. Le Tome II débute pratiquement par ces mots : « Hope was over, entirely over »[122].
  2. « Those marvellous little speeches which sum up, in a few minutes’ chatter, all that we need in order to know a [caracter] for ever »[128].
  3. « A woman of mean understanding, little information and uncertain temper »[57]
  4. « Mary had neither genius nor taste; and though vanity had given her application, it had given her likewise a pedantic air and conceited manner, which would have injured a highter degree of excellence than she had reached »[72].
  5. « He was an indolent man, who lived only to eat, drink and play at cards »)[133].
  6. « [D]elivering her opinion on every subject in so decisive a manner, as proved that she was not used to have her judgement controverted »[134].
  7. « Lucas Lodge, where he could think with pleasure of his own importance, and, unshackled by business, occupy himself solely in being civil to all the world »[90].
  8. « Mr Collins was not a sensible man, and the deficiency of nature had been but little assisted by education or society »[135].
  9. « his veneration for [Lady Catherine] as his patroness, mingling with a very good opinion of himself, of his authority as a clergyman and his right as a rector, made him altogether a mixture of pride and obsequiousness, self importance and humility »[135].
  10. « I am not one of those young ladies (if such young ladies there are) who are so daring as to risk their happiness on the chance of being asked a second time »[141].
  11. « What will you think of my vanity ? I believed you to be wishing, expecting my addresses »[149].
  12. « So, Lizzy, your sister is crossed in love, I find. I congratulate her. Next to being married, a girl likes to be crossed in love a little now and then. It is something to think of, and gives her a sort of distinction among her companions »[154].
  13. « The wisest and the best of men […] may be rendered ridiculous by a person whose first object in life is a joke »[156].
  14. « I hope I never ridicule what is wise or good. Follies and nonsense, whims and inconsistencies, do divert me »[156].
  15. « She had all sorts of devices for evading scenes of passion »[128].
  16. « Much as I abominate writing, I would not give up Mr Collins's correspondence for any consideration »[167].
  17. « The pure and disinterested desire of an etablissement » dit ironiquement l'auteur[159].
  18. « Kitty Bennet was satisfactorily married to a clergyman near Pemberley, while Mary obtained nothing higher than one of her uncle Philips' clerks, and was content to be considered a star in the society of Meryton »[285]
  19. « I can only imagine that Mr D. prizes any picture of her too much to like it should be exposed tothe public eye. I can imagine he would have that sort of feeling — that mixture of love, pride, and delicacy »[287].
  1. De très nombreuses autres éditions existent, sous de nombreux titres différents : voir le chapitre « Choix du titre ».
  2. Dans Jane Austen in context, Valérie Cossy et Diego Saglia estiment que seul un tiers du roman avait en réalité été traduit, en en gommant de plus toute l'impertinence du personnage d'Elizabeth Bennet, conformément aux convenances de l'époque[7]
  3. Ce titre en évoque un autre beaucoup plus célèbre : Les Quatre Filles du docteur March, de Louisa May Alcott.
  4. Respectant ainsi les règles classiques de typographie, en usage pour les titres constitués de substantifs énumérés ou mis en opposition.
  5. Cependant dans A Jane Austen Encyclopedy paru en 1998, Paul Poplawski, à l'article « First Impressions » n'exclut pas la possibilité que Jane Austen ait déjà retravaillé son manuscrit avant 1811.
  6. Théorie défendue, entre autres, dans « Character and Caricature in Jane Austen » de D.W. Harding in Critical Essays on Jane Austen (Edition B.C. Southam, Londres 1968) et par Brian Southam dans Jane Austen's Literary Manuscripts (2001)
  7. Walton Litz, dans Jane Austen, A Study of her Artistic Development (1965) rapproche l'intrigue de Beaucoup de bruit pour rien, de William Shakespeare et les personnages de Darcy et Elizabeth de Bénédict et Béatrice. Laurie Kaplan, compare le comportement de Darcy et Wickham à celui des Deux Gentilshommes de Vérone du même auteur[25].
  8. Par exemple, la déclaration de Mr Collins. D'ailleurs le chapitre 19 commence par ces mots : « The next day opened a new scene at Longbourn » (le lendemain se leva sur une nouvelle scène à Longbourn)[26].
  9. Cependant, comme l'auteur de Sense and Sensibility était « A Lady », les lecteurs savent qu'il s'agit aussi d'un roman écrit par une femme. Mais il aurait été inconvenant qu'une dame respectable signât de son nom un ouvrage destiné à la vente rappelle Deirdre Le Faye[27].
  10. Elle en parle dans sa lettre du 29 janvier 1813 à Cassandra, où elle raconte aussi comment elle s'est amusée à mystifier Miss Benn « qui a l'air d'admirer Elizabeth » en lui lisant le début du roman, sans dire qu'elle en était l'auteur. C'est là aussi que se trouve le jugement qu'elle porte sur son héroïne : « I must confess that I think her as delightful a creature as ever appeared in print » (« Je dois avouer que je pense qu'elle est la plus délicieuse créature jamais apparue sur papier »)
  11. Dans une lettre à Sir William Elford, le 20 décembre 1814, elle critique le manque de goût d'Elizabeth et admire sans réserve le personnage de Darcy, qui « aurait dû épouser Jane »[30].
  12. Parution en 1832, avec comme titre : ELIZABETH BENNET; OR, PRIDE AND PREJUDICE : A NOVEL IN TWO VOLUMES. BY THE AUTHOR OF "SENSE AND SENSIBILITY" &c. (Robert Morrison 2005, p. 3)
  13. Elle aurait, par exemple, refusé de rencontrer Madame de Staël qui souhaitait la voir quand elle était à Londres (durant 1813 et jusqu'au printemps 1814), anecdote citée par M. Clément dans un article de 1908 : Le Roman réaliste en Angleterre avec Jane Austen
    Voir aussi « Jane Austen and Madame de Staël », sur JASNA, 1991
  14. George Henry Lewes (1817-1878), philosophe et critique littéraire et théâtral réputé à l'époque, écrit en 1852 « Elle fait parler et agir ses personnages comme ils parlent et agissent dans la vie de tous les jours, et elle est la seule artiste à avoir fait cela avec succès et de façon agréable. » (cité par B. C. Southam in Jane Austen, the Critical Heritage) et, en 1859, insiste dans le Blackwood's Magazine sur l'intérêt renouvelé pour ses écrits, contrairement à ceux d'autres auteurs, célèbres en leur temps, mais tombés dans l'oubli depuis.
  15. Winston Churchill choisit Pride and Prejudice comme livre de chevet en 1943 quand il soignait sa pneumonie au cours du Blitz, pendant la Seconde Guerre mondiale.
  16. Dans A Jane Austen Encyclopedy, « article : Criticism » (p. 106) Paul Poplawski relève et étudie les principales publications relatives à Jane Austen et ses œuvres jusqu'en 1996.
  17. En 2003 Pride and Prejudice a été élu au Royaume-Uni comme « le roman écrit par une femme le plus aimé »[50] et arrive en deuxième position, derrière The Lord of The Ring (Le Seigneur des anneaux) au Top 21 de « The Big Read », sur BBC 2 (consulté le ).
  18. Les familles de la gentry campagnarde ne pouvaient guère entretenir de relations régulières qu'avec d'autres familles demeurant à moins d'une journée de trajet en voiture à cheval, et d'un même milieu social.
  19. Selon un usage de l'époque, Darcy porte comme prénom le (noble) nom de famille de sa mère. Sa désignation comme « Mr Darcy » permet donc d'éviter de le confondre avec son cousin le colonel Fitzwilliam qui apparaît à la fin du chapitre 30[63].
  20. En 1989, Stephen Derry se demande, dans (en) « The Two Georgianas » si le nom Pemberley n'est pas une contraction de Beverley (le nom de famille de Cecilia) et de Pemberton, nom qui se trouve dans le roman de Fanny Burney, et qu'elle a aussi pu emprunter à The Sylph (1779), un roman attribué à Georgiana Cavendish, duchesse du Devonshire.
  21. Les prénoms des parents d'Elizabeth ne sont jamais mentionnés. Lorsque Mrs Bennet s'adresse à son mari, elle l'appelle toujours « Mr Bennet », alors qu'il l'appelle en général my dear (« ma chère »). Mais il est probable que Mrs Bennet s'appelle Jane, puisqu'on donne d'habitude le prénom de la mère à la fille aînée.
  22. Seul(e) l'aîné(e) porte son nom de famille sans indication du prénom. Pour les suivant(e)s, le prénom vient s'intercaler (Miss Elizabeth Bennet, par exemple).
  23. Pour Deborah Knuth qui cite Janet Todd dans Women's friendship in Literature, NY Columbia University Press (1980) p. 399-402[71], il n'est pas interdit de voir dans les relations privilégiées de Jane et Elizabeth l'écho du lien qui unissait Jane à sa sœur Cassandra.
  24. Pour Laurie Kaplan, qui note que Jane Austen utilise 80 fois le mot gentleman ou l'un de ses dérivés dans ce roman[25], cela signifie que les « mérites » naturels, ou acquis par l'éducation de Mr Gardiner, valent la « naissance » de Darcy.
  25. Rachel Lerman, reprenant Jane Austen: A Family Record (1989) de William et Richard Arthur Austen-Leigh (p. 204) précise que Mr Collins ressemble au Révérend Samuel Blackall, qui était assez déplaisant[75].
  26. Dans le tome III, lorsque Bingley décide de revenir à Netherfield, ses sœurs quittent Pemberley pour Scarborough, dans le Yorkshire.
  27. Majeur, orphelin de père, il est en possession de sa fortune « depuis moins de deux ans », précise la narratrice. Connaissance relativement récente de Darcy (le colonel Fitzwilliam ne le connait qu'« un peu »), ils n'ont probablement pas pu se rencontrer pendant leurs études, vu leur différence d'âge, mais plus probablement, étant tous deux du nord de l'Angleterre, dans le cadre de réunions, réceptions ou par l'intermédiaire d'une connaissance commune[78].
  28. « Mr Bingley força sa plus jeune sœur à se montrer polie » (Mr Bingley forced his younger sister to be civil) écrit Jane Austen au chapitre 9[79]. Plus âgée que son frère qui a presque 23 ans, elle serait, comme Charlotte Lucas, une « presque vieille fille ».
  29. One of the first private seminaries in town. Faire ses études à Londres permettait en outre de perdre son accent provincial[80].
  30. Son nom, Wickham, est à rapprocher de wicked, malfaisant, méchant.
  31. D'après John Halperin, elle ressemblerait beaucoup à la Douairière Lady Stanhope, une « vieille dame plutôt énergique »[98].
  32. Fitzwilliam est le nom de famille du colonel, dont le prénom n'est pas précisé. En ne donnant pas le titre porté par son père, Jane Austen refuse de lier le personnage à une famille noble existante, mais ne veut pas non plus utiliser un nom fictif[101].
  33. Dans la diégèse, elle est un adjuvant : chargée de construire le nouveau portrait de Darcy, à l'opposé des préjugés initiaux, comme l'indique son nom, celui d'un portraitiste célèbre.
  34. Selon Pierre Goubert, Jane Austen respecte parfaitement les conseils de The Rambler de Samuel Johnson (1750) ou des Lectures on Rhetoric and Belles Lettres de Hugh Blair (1783), qui concèdent qu'un bon roman, en présentant des exemples concrets, peut instruire les jeunes gens dans la connaissance du bien et du mal mieux qu'un traité de morale[116].
  35. Pour Igor Webb[123], ce mariage froid et sans amour, si assorti à la saison, confirme la capacité de Jane Austen à suggérer la relation entre la saison et la narration, sans les descriptions détaillées qu'apprécient tant les écrivains romantiques.
  36. La même expression « turn[ed] back with » est utilisée pour décrire le comportement de Darcy quand il rejoint Elizabeth dans le parc de Rosings, et lorsqu'il va à la rencontre des Gardiner dans le parc de Pemberley : il rebrousse chemin et [les/l'] accompagne.
  37. « Il faut absolument que vous alliez voir Mr Bingley dès son arrivée. » et « Dès que Mr Bingley arrivera, vous irez le voir. » Souligné par Joseph Wiesenfarth, « Austen and Apollo », in Jane Austen Today, ed. Joel Weinsheimer, Athènes, The University of Georgia Press, 1975, p. 52.
  38. Dans The Five Seasons of Pride and Prejudice Sara Wingard s'amuse de « la merveilleuse ironie qu'il y a dans l'offre de Mrs Bennet aux deux jeunes gens de venir chasser sur les terres de son mari, car c'est bien ce qu'ils sont tous les deux en train de faire avec succès »[117].
  39. L'aphorisme est non seulement connu, mais souvent parodié (avec plus ou moins de bonheur comme le montre « ce relevé du 6-09-11 »), par exemple, dans le film Le Journal de Bridget Jones : « It is a truth universally acknowledged that when one part of your life starts going okay, another falls spectacularly to pieces » (« C'est une vérité universellement reconnue que lorsqu'une partie de votre vie commence à aller bien, une autre vole en éclats de façon spectaculaire »).
  40. Le soir du bal de Netherfield, Elizabeth ne peut lui faire comprendre combien il est inconvenant d'aller, sans lui avoir été présenté, saluer Monsieur Darcy, remarque John McAleer dans (en) « The Comedy of Social Distinction », et Norman Page dans The Language of Jane Austen (Oxford: Basil Blackwell, 1972) p. 94 souligne ses impropriétés de langage, comme l'emploi abusif du mot « élégant ».
  41. C'est Elizabeth qui devra lui apprendre à rire aussi, et à être capable de se moquer de lui-même, une fois qu'ils seront mariés : « Il lui fallait encore apprendre à supporter la plaisanterie, et il était un peu tôt pour commencer. » (« he had yet to learn to be laught at and it was rather too early to begin »[137]).
  42. Le Barbier de Séville, Acte I, scène 2. John Halpering[98] remarque, lui, que, comme Byron, Jane Austen rit pour s'empêcher de pleurer, et que la mélancolie de Thackeray est du même ordre : « On rit parce que les gens sont ridicules ; on pleure parce qu'ils ne changeront jamais ; on se remet à rire parce qu'on sait que ça ne sert à rien d'essayer de changer ce qui est à la fois immuable et divertissant ».
  43. Il y a sa remarque à Darcy à Netherfield : « Se laisser facilement persuader par un ami n'est donc pas méritoire à vos yeux ? »[142] ; celle à Charlotte au bal : « Trouver aimable un homme qu'on est résolu à détester, ce serait un malheur épouvantable ! »[143] ; celle à sa tante[144] : « Mr Darcy a peut-être entendu parler d'une rue appelée Gracechurch Street, mais un mois d'ablutions lui semblerait à peine suffisant pour s'en purifier si jamais il y mettait les pieds », ainsi que ses réflexions, à Rosings, quand elle s'amuse à imaginer quelle aurait été l'indignation de Lady Catherine si elle avait accepté la demande de Darcy[145], ou, en arrivant à Pemberley, quand elle pense combien il serait catastrophique (mais « dreadful » peut aussi vouloir dire « douloureux ») de l'y rencontrer[146].
  44. Miss Bingley et sa sœur, qui ont appris les bonnes manières, respectent les règles de « la visite de politesse », (censée durer au moins un quart d'heure, mais pas plus d'une demi-heure) mais tout juste[148].
  45. Comme à Netherfield où « il semblait à Elizabeth que, si sa famille avait cherché à se mettre en valeur durant la soirée, il aurait été impossible de le faire avec plus d'esprit ou davantage de succès ».
  46. Mais elle ironise devant la métaphore : Darcy s'étant risqué à faire une comparaison poétique : « J'ai été habitué à considérer la poésie comme l'aliment de l'amour », Elizabeth file la métaphore pour mieux la dégonfler et se moquer d'un cliché romantique : « Every thing nourishes what is strong already. But if it be only a slight, thin sort of inclination, I am convinced that one good sonnet will starve it entirely away » (« Tout nourrit ce qui est déjà fort. Mais lorsqu'il s'agit d'une petite inclination toute maigrichonne, je suis persuadée qu'un seul bon sonnet la fera complètement dépérir »)[152].
  47. Comme ici : Jane Austen 1853, p. 123. On a une phrase de récit: Mrs. Bennet had many grievances to relate, and much to complain of.[puis un passage au discours indirect libre] They had all been very ill-used since she last saw her sister. Two of her girls had been upon the point of marriage, and after all there was nothing in it.[et enfin le passage au discours direct] « I do not blame Jane » she continued, « for Jane would have got Mr Bingley if she could. But Lizzy! [...] » (Mrs Bennett avait beaucoup de griefs à raconter, et beaucoup de plaintes à exhaler. On s'était bien mal conduit avec eux depuis la dernière visite de sa belle-sœur. Deux de ses filles avaient été à la veille de se marier, et finalement cela n'avait rien donné. « Je ne blâme pas Jane » ajouta-t-elle, « elle aurait pris monsieur Bingley si elle avait pu. Mais Lizzy ! »)
  48. Comme l'explique John Wiltshire, ce qu'il lui reproche montre le malentendu de ses relations avec Elizabeth[160] : il était persuadé qu'elle attendait sa déclaration, comme il le lui dira plus tard, mais une déclaration romantique et enflammée (« si […] j'avais affirmé que j'étais poussé par une inclination pure et sans mélange… »).
  49. Mrs Gardiner avait raillé cette expression « violently in love » précédemment employée par Elizabeth, mais, comme le souligne Pierre Goubert[162], il est bien difficile d'échapper au jargon amoureux.
  50. En 2000, Serena Hansen[163] dit que, finalement, les mots qu'échangent Darcy et Elizabeth pour exprimer leur amour n'ont aucun intérêt pour le lecteur. Ce qui compte, c'est qu'ils puissent ensuite réfléchir ensemble au type de relations conjugales qu'ils vont établir entre eux, d'où l'importance des longues conversations qu'ils ont dans les derniers chapitres.
  51. Tony Tanner, dans le chapitre consacré à Pride and Prejudice de son Jane Austen, souligne la fréquence des verbes de perception visuelle comme voir, regarder, observer, fixer les yeux, lancer un regard, jeter un coup d'œil et rappelle que dans cette société où les contacts physiques sont réduits « ce sont plutôt les regards qui, en franchissant l'espace social, peuvent se rencontrer »[165]. Voir aussi ce qu'en dit Carol Shields[166].
  52. La correspondance entre un homme et une femme obéissait à des règles très strictes de convenances (decorum). Darcy et Elizabeth n'ayant officiellement aucun lien, la lettre doit rester secrète, puisqu'ils ne peuvent, normalement, s'écrire. De même elle ne peut lui répondre.
  53. À l'époque, l'arrière plan ainsi suggéré était largement suffisant pour rappeler aux lecteurs le contexte de guerre dans lequel ils vivaient[169].
  54. Pendant toute la vie adulte de Jane Austen (1793-1815), l'Angleterre fut en guerre avec la France et des forces mobiles (les milices, fortes de 82 000 hommes en 1799) levées dans la crainte d'une invasion, se déplaçaient dans tout le sud de l'Angleterre, logeant en hiver chez l'habitant, alors que l'armée régulière était cantonnée dans des camps ou des casernes fixes. Deirde Le Faye précise que la Milice du Derbyshire stationna dans le Hertfordshire pendant l'hiver 1794-1795, inspirant peut-être à Jane Austen l'idée d'en faire venir Wickham et Darcy[103].
  55. Mais l'obtention d'un revenu clérical dépend d'un protecteur, et une charge militaire s'achète, comme on le voit pour Collins et Wickham. La solution dont a bénéficié Edward Austen, être adopté par un parent riche et sans enfant, n'apparaît pas dans Orgueil et Préjugés, seulement dans Emma.
  56. On peut y voir l'écho dramatisé de ce que Jane Austen, sa mère et sa sœur Cassandra ont elles-mêmes vécu après la mort de leur père en janvier 1805 et jusqu'à leur installation à Chawton à l'été 1809[184].
  57. Jane Austen, elle-même célibataire, subit personnellement cette situation et cherche dans la vente de ses romans un moyen de contribuer à gagner sa vie par son travail, mais juge indispensable de rester anonyme.
  58. « Ah, Jane, I take your place now, and you must go lower, because I am a married woman » (« Ah, Jane, je prends ta place maintenant, et tu ne viens plus qu'au second rang, car je suis une femme mariée »[191].
  59. Depuis mars 1754, date d'entrée en application du Lord Hardwicke's Marriage Act (la « loi sur le mariage de Lord Hardwicke »), voté l'année précédente par le Parlement.
  60. Cette expression, qu'elle emploie quand elle refuse Mr Collins, est empruntée à Mary Wollstonecraft : « les femmes m'excuseront si je les traite de créatures rationnelles au lieu de […] les considérer comme d'éternelles mineures » (Défense des droits de la femme, 1792).
  61. Pour Paula Bennett, le thème central du roman concerne les misères du mariage et le prix que paient les enfants d'un mariage mal assorti[200].
  62. Jane Austen a laissé des commentaires sur l'infidélité du régent, et de la princesse de Galles : « I am resolved at least always to think that she would have been respectable, if the Prince had behaved only tolerably by her at first » (Au fond, je pense qu'elle serait restée respectable, si le Prince s'était comporté convenablement envers elle en premier[203]).
  63. Lydia, par fidélité à son mari, ou parce qu'elle a compris que la faute d'une femme est sévèrement sanctionnée alors que celle d'un homme est excusée (à cause du « double standard ») n'a donc plus commis d'imprudences après son mariage.
  64. Selon la législation de l'époque, la femme mariée n'a plus la libre disposition de ses biens, que son époux peut donc dépenser à sa guise, car elle cesse d'avoir une existence légale : pendant toute la durée de son mariage, elle est supposée être représentée par son mari (statut de feme coverte, selon le terme d'ancien français utilisé par la loi anglaise).
  65. Bien qu'elle-même n'ait pas pu se résoudre à suivre cette voie en acceptant d'épouser Harris Bigg-Wither en 1802, Jane Austen ne condamne pas complètement l'attitude de Charlotte, qui s'est construit un bonheur à sa portée, estime Ruth Perry[207].
  66. En anglais : « her home and her housekeeping, her parish and her poultry ». Les allitérations mettent en valeur les paires de mots, composées d'un premier valorisant, et d'un second trivial. L'antithèse entre les termes souligne implicitement la banalité des préoccupations de Charlotte[209].
  67. « La vie n'est pas un merveilleux roman… mais une histoire vraie, dont maintes pages seront pénibles, obscures et sans intérêt » écrit Hannah More dans Strictures on the Modern System of Female Education (1799).
  68. L'expression est extraite du sonnet 116 de William Shakespeare que récite Marianne Dashwood, interprétée par Kate Winslet, dans Raison et Sentiments de Ang Lee avec Emma Thompson et choisie par Lydia Martin[210] pour qualifier l'union idéale selon Jane Austen.
  69. Elizabeth et sa tante ont plusieurs échanges à propos des mariages intéressés (« mercenary marriage ») et avisés (« prudent marriage ») et Mrs Gardiner reprend l'idée en évoquant la possibilité du mariage de Darcy et d'Elizabeth, à la fin de la lettre dévoilant le rôle de Darcy dans le mariage de Lydia[213] : « He wants nothing but a little more liveliness, and that, if he marry prudently, his wife may teach him » (« Il ne lui manque qu'un peu de gaité, mais sa femme, s'il fait un choix judicieux, pourra lui en donner »).
  70. Julia Prewitt Brown estime que Jane Austen est le premier écrivain à parfaitement montrer l'importance sociale et culturelle du mariage et de la famille, et leur rôle dans le changement social et moral ; la première aussi à noter la transformation d'une société soumise aux traditions en une société plus sensible aux aspirations individuelles[220].
  71. Voir par exemple sa lettre à Cassandra du 24 décembre 1798, où elle décrit « un tout petit bal de 31 personnes, dont 11 femmes seulement […] Il y eut 20 danses, et je les ai toutes dansées, et sans aucune fatigue. »[223].
  72. Le quadrille, apparu en France dès les années 1760, est introduit en Angleterre en 1808.
  73. Elizabeth dit à Darcy pendant qu'ils dansent à Netherfield[143] : « Il faut bien échanger quelques mots, vous savez. Si on restait silencieux pendant une demi-heure, cela paraîtrait bizarre ».
  74. « C'est une préfiguration humoristique de sa réponse à sa première demande en mariage » écrit Deborah Knuth[71].
  75. Le reel est une danse écossaise très vive et très enlevée (un « branle », en français), qui se danse à un ou deux couples, et a de nettes connotations sexuelles : to reel veut dire tournoyer, en anglais.
  76. Elle le qualifie ainsi lorsque son père s'inquiète de la voir prête à épouser un homme qui lui paraissait naguère aussi odieux[231].
  77. Il s'agit d'objets brodés ou peints (comme ceux qu'a faits Elinor dans Sense and Sensibility) avec lesquels les dames protégeaient leur visage de la chaleur du feu, lorsqu'elles étaient assises près d'une cheminée.
  78. Souci constant des moralistes de l'époque, et particulièrement de Mary Wollstonecraft dans Thoughts on the Education of Daughters et A Vindication of the Rights of Woman.
  79. Tous les mois (monthly) (Jane Austen 1853, p. 192), c'est-à-dire aux alentours de la pleine lune, pour pallier l'insuffisance d'éclairage nocturne.
  80. Lydia évoque cependant la punition d'un soldat, condamné au fouet : « a private had been flogged »[245].
  81. Jane Austen connaissait bien le fonctionnement des milices par son frère Henry, qui avait rejoint la milice d'Oxford en 1793, d'abord lieutenant puis capitaine, intendant et enfin adjudant de 1797 à 1801, date à laquelle il démissionna[250].
  82. À consulter sur Pemberley.com, « Guide to the Places in the Novel » pour situer tous les lieux réels cités dans le roman. Pour les autres, « seule Jane Austen sait où ils se trouvent, et elle ne l'a pas dit ».
  83. Mrs Forster est une très jeune femme aussi évaporée que Lydia[253], et Mrs Younge connait Wickham, comme le précise Darcy dans sa lettre à Elizabeth[94].
  84. À l'ouest, dans la partie la plus élégante du quartier résidentiel de Mayfair, non loin de Hyde Park. La résidence londonienne des Darcy n'est pas localisée.
  85. Gracechurch Street se trouve à l'Est du grand quartier d'affaires, la City of London, non loin du London Bridge, près de cette rue très commerçante. Le quartier de la City est le quartier des affaires, mais non loin au nord il y a des usines, des manufactures et des activités artisanales polluantes et particulièrement nauséabondes[254].
  86. Comme la guerre empêchait le traditionnel Tour d'Europe, le Pays de Galles, le Nord de l'Angleterre, et l'Écosse étaient devenus à la mode, avec la visite des châteaux ou des villes d'eaux[258].
  87. A. Walton Litz fait d'ailleurs remarquer que la route suivie par Elizabeth et les Gardiner est exactement celle qu'a suivie Gilpin dans les quatre premiers chapitres de ses Observations[261].
  88. Il faut ajouter le chemin qui mène de Longbourn à Lucas Lodge, où Elizabeth avoue à Darcy que ses sentiments pour lui ont totalement changé.
  89. Kelly M. McDonald compare le voyage d'Elizabeth dans le Derbyshire avec celui bien réel des Austen-Leigh en 1833, et rappelle que les visiteurs de Chatsworth laissaient leur voiture à l'auberge d'Edinsor et continuaient à pied ; tandis qu'Elizabeth, arrivant en voiture à Pemberley, est accueillie plus comme une invitée que comme une touriste[265].
  90. Lydia Martin rapproche cela du tour dit picturesque de Gilpin, adapté à un jardin paysager[267]. C'est le cas du domaine de Stourhead, dont les jardins doivent être visités selon un itinéraire précis.
  91. Pemberley = Chatsworth ? Pour Donald Greene la description du domaine de Pemberley correspond parfaitement au Parc de Chatsworth, que Jane Austen a vu en 1811, lorsqu’elle réécrivait Pride and Prejudice[268], mais elle brouille les pistes : le parc de Pemberley est plus vaste que celui de Chatsworth, le château se dresse avantageusement sur une petite éminence, et elle ne parle ni de statues ni de cascades, insistant sur le naturel et la simplicité.
  92. Pour John Halperin il ne fait aucun doute que Rosings Park est Chevening[270], dont le presbytère était occupé en 1813 par le Révérend John Austen (7e du nom)[271].
  93. Or, il y avait jusqu'en 1851 un impôt sur les fenêtres.
  94. Pour lui noblesse rime avec richesse, et la valeur des objets se mesure à leur prix : 800 livres est une somme énorme : cette cheminée doit au moins être l'œuvre du grand concepteur de cheminées Carter[273]
  95. En général les personnages sur les portraits sont peu souriants au XVIIIe siècle, ce qui accentue la valeur du sourire de Darcy[275].
  96. Le nom même évoque des terres basses, voire les régions inférieures (Nether world signifie les Enfers ou le royaume des ténèbres).
  97. L'importance donnée à cette visite se manifeste par une tournure stylistique particulière ; un paragraphe composé d'une seule phrase isolée, aux sonorités poétiques : un décasyllabe ou plutôt un pentamètre iambique, clôturant le second volume de l'édition originale : To Pemberley, therefore, they were to go.
  98. La sortie de ce film en France en janvier 2006[302] a occasionné l'inscription de Pride and Prejudice (et de son interprétation cinématographique par Joe Wright)[303] à l'agrégation externe d'anglais en 2007.
  99. Jane Austen explique son approche littéraire dans ses lettres (dont une lettre de 1814 à sa nièce Anna Austen) : « three or four families in a Country Village [is] the little bit (two Inches wide) of Ivory on which I work » (« trois ou quatre familles dans un village campagnard, c'est là le petit morceau d'ivoire (cinq centimètres de large) sur lequel je travaille »).

Références

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  309. La mention des acteurs, bien que ceux-ci soient bien reconnaissables sur le cliché issu du site des archives nationales des Pays-Bas, est suivie d'un point d'interrogation sur la notice le légendant. Mien Duymaer van Twist jouait bien Mrs Bennet, mais AB Abspoel n'avait qu'un petit rôle : Lieutenant Denny. Le cliché, malgré son titre, n'est probablement pas directement lié à cette série.
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  311. En cinq épisodes en noir et blanc, visibles sur YouTube « Orgoglio e pregiudizio (épisode 1) »
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Bibliographie

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Bibliographie primaire

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Bibliographie secondaire

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Articles connexes

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Liens externes

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