Filet céleste
Le filet céleste (en chinois : 天网工程) est un réseau informatique de vidéo-surveillance basé sur l'intelligence artificielle en Chine. Il est toujours en développement. Il est utilisé dans la lutte contre la criminalité[1], la sécurité routière et pour la recherche de personnes disparues[2].
En 2022, certains auteurs estiment que le nombre de caméras équipées de logiciels de reconnaissance faciale et d’intelligence artificielle s'élève à 700 millions[3].
Historique
[modifier | modifier le code]Les premiers essais sur le filet céleste ont commencé dans les années 2010 dans diverses régions de la Chine[4]. Grâce à une enveloppe budgétaire initiale de 528 millions de yuans, les premiers déploiements ont eu lieu dans la ville de Changsha en 2011[1]. L'objectif était à ce moment-là de l'introduire dans toute la Chine durant la décennie 2020[5]. En quelques années, le réseau s'étendra rapidement:
- En 2015, le gouvernement a annoncé une couverture complète de la capitale chinoise, Pékin, exception faite des zones rurales[6].
- En 2018, il est désormais exploité dans 16 provinces, municipalités autonomes et régions autonomes[7].
- En 2019, parmi les 10 premières villes avec le plus grand nombre de caméras de surveillance pour 1 000 habitants, 8 sont chinoises (les deux autres étant Londres au Royaume-Uni et Atlanta aux États-Unis[8],[9],[10].
La Chine possède le plus grand réseau de caméras de surveillance au monde avec plus de 200 millions d'unités en 2019[11]. Ce nombre dépassait déjà largement celui des États-Unis, lequel est en seconde place avec 50 millions d'unités. En contraste avec le modèle manufacturier promu au Royaume-Uni et aux États-Unis, lequel repose sur une multitude de petites compagnies, le filet céleste chinois a permis l'émergence rapide de grandes compagnies telles que Hike Vision[12],[13]. Cette croissance a aussi soutenu les activités d'entreprises chinoises de semi-conducteurs comme Huaweï (HiSilicon) dont les puces ont été intégrées dans plus de la moitié des caméras de surveillance du monde[14],[15].
Le système de reconnaissance connaît tôt après son implantation une efficacité remarquable. En 2017 à Guiyang, un journaliste de la BBC a mis à l'épreuve le réseau et a été identifié puis détenu en 7 minutes[16]. On estime que le réseau peut identifier en une seconde une personne fichée dans la base de données de la république populaire de Chine[7]. La base de données combine les informations du ministère chinois de la sécurité publique, notamment des empreintes digitales, empreintes oculaires, échantillons d'ADN et d'autres données d'authentification biométrique.[17],[18]
Les données sont recueillies par la police par le truchement de caméras fixes, de visiocasques mais également des lunettes intelligentes portées par des agents[19]. Durant 2018, elles sont également mises en relation avec les historiques de consultation internet des individus fichés ainsi que les plaques d'immatriculation. Le nouvel an chinois 2018, un policier portant des lunettes intelligentes teintées aurait également identifié sept suspects en 0,1 seconde à la gare de Zhengzhou[20],[21],[22],[23]. Les visiocasques introduits auraient également été utilisés par la police pour surveiller la température corporelle des individus dans une foule durant l'épidémie de covid-19 en Chine[24].
Critiques
[modifier | modifier le code]L'ampleur de la couverture du filet céleste étant sans précédent, son usage fait l'objet d'une controverse. L'utilisation dans la lutte contre la criminalité a été décriée notamment par des médias occidentaux pour ses atteintes à la vie privée[25] et pour s'étendre à des territoires où la police chinoise n'a pas juridiction[26].
Dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, le filet céleste est mis à profit pour l'analyse algorithmique des informations personnelles collectées à partir de caméras de surveillance et de téléphones portables avec l'intelligence artificielle. Ces méthodes de surveillance sont critiquées comme contribuant à la persécution de la minorité ethnique ouïghoure[27]. Le nombre d'individus envoyés aux camps de « rééducation » du Xinjiang a connu une forte augmentation vers la fin de la décennie 2010. Entre 2017 et 2019, plus de 80000 Ouïghours auraient été emprisonnés pour terrorisme ou autres crimes sans égard aux procédures légales de détention. Un grand nombre d'entre eux auraient ensuite été déportés vers des camps de travail selon l'Institut australien de stratégie politique[28]. Les violations chinoises des droits de l'Homme dans ces camps ont attiré l'attention de la communauté internationale. En octobre 2019, en réaction à ces répressions, le département du commerce des États-Unis a posé des restrictions aux exportations de produits américains (notamment électroniques) à 28 sociétés au moyen de la liste des entités interdites[29].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (ja) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en japonais intitulé « 天網 » (voir la liste des auteurs).
- (zh) « 「天網」網什麼 », sur paper.people.com.cn, 人民周刊 (consulté le )
- « 行方不明者を発見する顔認識AI 中国社会で実装進む », sur Forbes, (consulté le )
- Joris Zylberman, « Livre : "Le Dossier chinois" ou la superpuissance en question », sur Asialyst, (consulté le )
- « 中国の監視カメラネットワーク「天網」--逃亡者を「見逃す」ことも? », sur ZDNet, (consulté le )
- « 監視社会か防犯か、人工知能でつながる1.7憶台の監視カメラ », sur ASCII, (consulté le )
- « 中国:北京の監視カメラ網が完成、市街地100%カバー », sur newsclip, (consulté le )
- « AI監視システム「天網」、16省市で運用=毎秒30億回の照合可能、精度99.8%―中国 », Record China, (consulté le )
- « 監視カメラ、中国に密集 重慶は千人あたり168台 », sur Nihon Keizai Shinbun, (consulté le )
- (en) « Chinese city with world’s heaviest surveillance has 2.5 million cameras », sur South China Morning Post, (consulté le )
- « China the most surveilled nation? The US has the largest number of CCTV cameras per capita », sur South China Morning Post, (consulté le )
- « The US, like China, has about one surveillance camera for every four people, says report », sur The Verge, (consulté le )
- « 監視カメラ最多の英国、民間設置システムに懸念も », sur Wall Street Journal, (consulté le )
- « 華為製品、米国から締め出しでも全米の無数の監視カメラにチップ内蔵 », sur ブルームバーグ, (consulté le )
- « Huawei Hisilicon Quietly Powering Tens of Millions of Western IoT Devices », sur IPVM, (consulté le )
- « In Your Face: China’s all-seeing state », sur BBC, (consulté le )
- « 中国:少数民族からDNAサンプルを数百万人規模で採取 », Human Rights Watch, (consulté le )
- « 中国:音声認証データの収集 プライバシーへの脅威 », Human Rights Watch, (consulté le )
- « Police in China are wearing facial-recognition glasses », ABC News, (consulté le )
- « 中国の警察は顔認識機能を搭載したサングラス型デバイスを導入して監視体制を強化している », GIGAZINE, (consulté le )
- « AIと顔認証で不審者監視=少数民族の人権侵害懸念も-中国 », AFPBB, (consulté le )
- « 中国警察がロボコップ化! 「顔認証グラス」は犯罪者も誤魔化せない », Newsweek, (consulté le )
- « 顔認証メガネで旅行者をスキャン —— 中国、すでに7人を駅で逮捕 », ビジネスインサイダー, (consulté le )
- « Coronavirus: Chinese police wear smart helmets to check body temperature in crowds », South China Morning Post, (consulté le )
- « Chine : paranoïa au pays de Big Brother », sur La Presse+, (consulté le )
- Zone International- ICI.Radio-Canada.ca, « La Chine traque la minorité ouïgoure jusqu’au Québec », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
- Louise Bodet, « En Chine, une application mobile pour surveiller les musulmans ouïghours », sur Franceinfo, (consulté le )
- « De grandes marques liées au travail forcé des Ouïghours en Chine, selon une ONG », sur Le Devoir (consulté le )
- « Telex : Forward Networks lève 35M$, 28 firmes chinoises sur la liste noire US, AWS re/Start forme au cloud en France - Le Monde Informatique », sur LeMondeInformatique (consulté le )